2003

Un journaliste à la tête de la Commission de l'enseignement supérieur

Depuis novembre 2003, la Commission de l'enseignement supérieur du Grand Conseil genevois, un organe chargé d'élaborer la législation sur l'Université et les HES, s'est dotée d'un nouveau président en la personne de Guy Mettan. Député élu en 2001 sur la liste du parti démocrate-chrétien, il est une figure connue des lecteurs de la Tribune de Genève, dont il a assumé la rédaction en chef de 1992 à 1998. Politiquement "très marqué à gauche" durant ses études à l'Université de Genève, Guy Mettan déclare s'inscrire désormais au centre droit de l'échiquier politique, comme beaucoup de gens de sa génération marquée par mai 68. Actuellement directeur du Club suisse de la presse (http://www.pressclub.ch/), il plaide pour une université autonome, néanmoins ouverte et attentive aux évolutions de la société.

Vous venez de prendre la tête de la Commission de l'enseignement supérieur. Est-ce le résultat d'un simple tournus ou avez-vous un intérêt manifeste pour les questions universitaires?
Guy Mettan: Il y a un peu des deux. La présidence revenait à un PDC. Mais si j'ai brigué ce poste, c'est surtout que mon intérêt pour l'Université ne date pas d'hier. Durant mes études à Genève, j'ai fondé le journal étudiant Courants. Par la suite, j'ai gardé de très bons contact avec l'Université. J'ai également participé à la création de Campus et je suis intervenu dans la phase finale de l'élaboration de la nouvelle Loi sur l'Université (LU), entrée en vigueur cet automne.

Y a-t-il une vision de droite de l'Université opposée à une vision de gauche?
Non, je ne crois pas. Les clivages politiques appliqués à l'Université ne font guère de sens. Bien entendu, l'Université est traversée par les idéologies, mais je ne pense pas qu'elle doive devenir un terrain de jeux politiques. Personnellement, en tous cas, ce n'est pas là que je ferai valoir mes convictions. Je respecte trop l'autonomie de l'institution pour cela.

L'Université et les autorités devront signer prochainement une Convention d'objectifs. Quels devraient être, selon vous, les priorités de l'institution pour les années à venir?
A mon avis, la Commission n'a pas à s'immiscer dans la rédaction de cette Convention, qui doit être confiée au Rectorat et au Conseil de l'Université. Notre rôle est plutôt de faire en sorte que la LU soit respectée, en restant à disposition dans les cas où la loi poserait des problèmes d'interprétation. Il y aura très probablement des contacts, au moment où la rédaction sera avancée. Mais, là encore, je tiens beaucoup à respecter l'autonomie de l'Université.

Mais avec la nouvelle LU, les autorités ont pourtant manifesté le volonté de s'impliquer davantage dans la politique universitaire…
Attention, le Conseil de l'Université nouvelle formule est composé de représentants de la société civile et non pas de politiques. Ces représentants sont certes élus par les autorités, mais ils ne sont pas là pour défendre des intérêts partisans. Cela dit, ce nouveau Conseil a un rôle actif à jouer dans l'élaboration des grands axes de politique universitaire.

On reproche souvent à l'Université d'être une tour d'ivoire. Or, ces dernières années, des efforts ont été entrepris pour mieux communiquer avec la Cité. Qu'en pensez-vous?
C'est un vieux reproche stéréotypé, que l'on adressait déjà du temps où j'étais étudiant. L'Université est très jalouse de son indépendance et soucieuse de protéger sa liberté académique. C'est tout à fait légitime. Ces dernières années, il y a eu beaucoup d'efforts de rapprochement et d'ouverture, c'est vrai. Je pense par exemple au RUIG qui établit des passerelles avec la Genève internationale. Le fait que le nouveau Conseil de l'Université accueille des membres extérieurs est aussi un signe positif. Je suis optimiste sur ce point. La nouvelle LU constitue un socle solide pour des rapports sains entre l'Université et la collectivité qui la finance.

Le problème du logement des étudiants n'est-il pas un domaine où la collaboration entre l'Université et les autorités est indispensable?
C'est un problème pour tout le monde, pour les étudiants, mais aussi pour les nouveaux collaborateurs des organisations internationales qui arrivent chaque année à Genève. Cela dit, si l'on veut avoir une université dynamique qui attire des étudiants étrangers, il faut absolument s'en occuper et je suis favorable à l'augmentation de l'offre en logements. La difficulté est de définir des priorités. Il faut en effet prévoir des logements plutôt haut de gamme pour les internationaux, tandis que les étudiants doivent pouvoir bénéficier de loyers modérés. Les Bilatérales en cours de négociation devraient permettre d'utiliser la zone frontalière, ce qui apportera un bol d'air, y compris pour le logement des étudiants.

Le nombre d'étudiants est en constante augmentation, de même que le nombre de tâches confiées à l'institution. Parallèlement, les moyens financiers accordés à l'Université ont plutôt stagné. L'Etat ne devrait-il pas s'engager davantage?
L'effort de l'Etat est déjà considérable et je ne dirais pas qu'il stagne. Nous nous trouvons dans un contexte budgétaire difficile, avec 500 millions de déficits, et il me semble que l'Université tire bien son épingle du jeu. Evidemment, tout le monde voudrait plus d'argent: l'Hospice général, les HUG… Avec la mise en place du processus de Bologne, il y aura certes des ajustements à faire. Si on opte pour un système "3+2", cela entraînera une augmentation des coûts qu'il faudra bien couvrir. Il est également important d'amplifier le soutien à la recherche, car il s'agit d'un investissement pour le futur. Toutefois, l'Université doit aussi apprendre à faire des choix, car il existe de grands déséquilibres entre certaines facultés qui accueillent beaucoup d'étudiants et d'autres beaucoup moins. Dans un cas, on a un professeur pour 100 étudiants, dans un autre, un pour 10 étudiants. L'Université doit répartir les subventions qui lui sont allouées de manière responsable.

Etes-vous favorable à plus de financement privé pour l'Université?
Je sais que beaucoup de gens s'y opposent au sein de l'institution. Ce n'est pas politiquement correct, selon un état d'esprit hérité de mai 68, qui est aujourd'hui dépassé. Etudiant, j'étais très marqué à gauche et donc méfiant vis-à-vis du privé, mais avec l'expérience, je vois qu'il s'agit d'un a priori idéologique dommageable. Le financement privé de la recherche fonctionne très bien ailleurs, aux Etats-Unis notamment. De plus, les risques de collusion sont très faibles, étant donné que tout le monde est très attentif à ce qu'il n'y ait pas de dérapages…

Il y en a eu…
Personne n'est à l'abri. Ce qui est important, c'est qu'ils aient pu être rapidement identifiés. Par ailleurs, l'Etat n'est pas non plus un partenaire entièrement neutre. Il pose aussi ses conditions aux subventions qu'il accorde, ce qui est normal. A mon sens, l'institution doit être ouverte aux réalités de la société. On pourrait décider, par exemple, d'ouvrir une chaire dédiée au syndicalisme. Je n'aurais rien contre. J'entends aussi dire que l'Université ne doit pas se transformer en école pré-professionnelle. C'est vrai, mais cela n'a rien à voir avec la question du financement privé. Ce qui doit finalement dicter les choix de l'institution, ce sont les besoins des étudiants, et non pas l'idéologie.

Le nouveau recteur, André Hurst, a suggéré la création d'une filière d'étude consacrée au tourisme, vu le potentiel de Genève dans ce domaine. Qu'en pensez-vous?
Je ne suis pas au courant de ce projet, et je préfère donc ne pas me prononcer. Il me semble toutefois que l'Université de Genève possède déjà plusieurs pôles d'excellence, en médecine, en physique, en génomique, en finance et en relations internationales. C'est déjà une jolie palette et, à mon sens, il faudrait donner la priorité au renforcement de ces domaines. D'autant plus qu'il existe, entre eux, de nouvelles pistes à explorer. Je pense, par exemple, à des enseignements sur la globalisation, à cheval entre l'économie et les relations internationales.

Pour en savoir plus:
Le site de la Commission de l'enseignement supérieur (http://www.geneve.ch/grandconseil/commissions/enseignsup.asp)
Le site de Guy Mettan (http://www.mettan.ch/)

9 décembre 2003
  2003