2004

Interview de Roger Mayou

Après une année de rodage, le nouveau Conseil de l'Université est prêt à aborder les questions de fond

 

Le 29 octobre 2003, le Conseil de l'Université de Genève entamait une nouvelle page de son histoire, suite à la modification de la Loi sur l'Université. En même temps qu'il élargissait ses compétences et modifiait sa composition, il se dotait d'un nouveau président, en la personne de Roger Mayou, par ailleurs directeur du Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Une année après, quel regard porte cet historien de l'art sur les débats qui animent l'institution?

Quelle vision avez-vous du rôle du Conseil de l'Université? Est-ce plutôt un lieu de contre-pouvoir ou de concertation?
Roger Mayou: Tout au long de cette première année, le Conseil s'est attelé à définir son mode de fonctionnement interne. Nous avons mis en place les différentes Commissions et, plus généralement, rempli les tâches que nous assigne la Loi sur l'Université. Nous avons été essentiellement réactifs. Notre souhait, désormais, est de pouvoir aborder des questions plus stratégiques, apporter de la réflexion et des propositions. A cet égard, je ne considère pas le Conseil comme un lieu de contre-pouvoir. Nous sommes plutôt là pour accompagner le travail du Rectorat, avec la possibilité d'orienter le gouvernail. Cela ne signifie pas que nous craignions le débat. Je peux vous assurer que nous avons eu des discussions parfois vives ces douze derniers mois. Mais je ne mesurerais pas la santé du Conseil au nombre de bagarres que nous réussirions à déclencher.

Parmi les compétences que vous donne la Loi, vous êtes habilités à vous prononcer sur la création et la suppression de filières. Tout un débat a lieu pour savoir ce qu'on entend par "filière". Etes-vous tombé d'accord sur ce point?
Nous avons effectivement beaucoup avancé sur la question. Nous devrions approuver, le 17 novembre, une définition commune au Rectorat et au Conseil. Dans notre réflexion, nous avons notamment souhaité avoir un concept pour le long terme, en tenant compte de la réforme de Bologne, afin d'éviter de relancer à chaque fois le débat sur ce que sont les filières.

L'existence des filières avec peu d'étudiants est remise en cause. Quel est votre point de vue à ce sujet?
Nous n'en avons pas discuté dans le cadre du Conseil. A titre personnel, j'estime que le nombre d'étudiants ne doit pas être un critère déterminant. Cela dit, nous ne pourrons pas faire l'impasse d'un débat sur cette question. Le fait d'avoir clarifié la notion de filière, nous permettra au moins de partir sur des bases solides.

Le Conseil nouvelle formule inclut des membres extérieurs à l'Université. Comment jugez-vous leur apport?
Je constate qu'il n'y a pas de clivage entre les prises de position des membres externes et celles des internes. Ces personnalités de la Cité siègent également au sein des commissions. Elles apportent un éclairage intéressant et fournissent un travail important. Elles se sont vite adaptées… ce qui est une gageure lorsque l'on connaît la complexité de l'institution. Celle-ci m'apparaît un peu comme une confédération d'Etats.

On sait en effet que les facultés sont très jalouses de leur autonomie…
Je tiens surtout à souligner la qualité de l'accueil que j'ai reçu dans les facultés. Nous avons eu des discussions franches, bien au-delà des formalités d'usage. Je n'ai senti aucun antagonisme et je crois que tout le monde est d'accord pour admettre que le bon fonctionnement de la maison nécessite un lieu de discussion supra-facultaire.

Vous avez également eu des discussions sur le fait de rendre publique ou non les séances du Conseil. Etes-vous arrivés à une conclusion?
Il m'a d'emblée paru qu'il s'agissait d'appliquer la juridiction. Nous avons depuis janvier dernier une Loi sur l'information du public et l'accès aux documents (LIPAD) et nous sommes par conséquent tenus de respecter la transparence. Les séances sont donc publiques, sauf dans certains cas, par exemple lorsque nous examinons le dossier d'une personne.

Le caractère public de l'Université a fait l'objet de discussions récemment lorsque des groupes de nature religieuse ou philosophique ont affirmé leur présence dans les bâtiments, suscitant des réactions indignées de la part de certains collaborateurs. D'après vous, l'Université doit-elle s'en tenir à une conception stricte de sa laïcité?
Le retour du religieux dans la vie quotidienne est un phénomène de société que l'on ne peut pas nier. Et il est légitime que l'Université s'interroge sur la nature et les implications de ce phénomène. Cependant, je ne crois pas que ce soit le rôle du Conseil de prendre position sur une question de ce genre. Il appartient plutôt au Rectorat de trancher. Ce qu'il a d'ailleurs fait, dans le cas auquel vous faites allusion. Bien entendu, le Conseil peut débattre de tout. Mais mon réflexe est toujours de demander: qu'allons nous faire des discussions? Il faut une certaine économie du débat, sans quoi l'on tombe dans la discussion de café du commerce. J'aime bien parler de tout et de rien, là n'est pas la question, mais ce n'est pas notre vocation en tant que Conseil.

On sait que l'Université va être confrontée ces prochaines années à des difficultés budgétaires importantes. Comment voyez-vous l'institution gérer cette crise?
Il y a là matière à grande réflexion, car c'est tout notre environnement fiscal qui est en train d'être bouleversé. L'Etat parviendra certainement à rétablir l'équilibre des comptes à un moment donné, mais il ne faut plus s'attendre à vivre sous un régime excédentaire avant longtemps. Pendant une période, nous pourrons opérer des réaménagements, des réalocations internes. Mais nous devons dès maintenant entamer une réflexion sur le long terme. Nous avons déjà quelques pistes.

Vous pensez à des changements structurels?
Absolument. Mais c'est une démarche que nous devons entreprendre au niveau du pays entier. Nous avons, avec Charles Kleiber, une personnalité forte comme secrétaire d'Etat à la science et à la recherche. C'est lui qui donne le ton. En face, l'attitude est plus réactive. Un peu trop, à mon goût. Je pense que les hautes écoles devraient davantage prendre l'initiative sur la meilleure manière de réformer le système universitaire.

Pour en savoir plus:
> Site du Conseil de l'Univrsité

Propos recueillis par Jacques Erard
Université de Genève
Presse Information Publications
Novembre 2004

10 novembre 2004
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