Campus n°151

James Webb illumine l’Univers

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À peine mis en service, Le télescope spatial sensible à la lumière infrarouge confirme la présence de CO2 dans l’atmosphère d’une exoplanète et inonde le monde de ses clichés de l’Univers.

«Le télescope spatial James Webb (JWST) tient ses promesses. La signature du CO2 est superbe.» À l’image de ce tweet qu’elle a expédié en août dernier, Monika Lendl, professeure assistante au Département d’astronomie (Faculté des sciences), ne tarit pas d’éloges sur le tout nouvel observatoire de luxe mis à la disposition des astronomes du monde entier et qui produit des images inédites de l’Univers depuis sa mise en fonction au mois de juin dernier. En quelques mois à peine, la chercheuse a vu sa profession vivre une véritable révolution. « Cet appareil ouvre une nouvelle ère dans la recherche astronomique, précise-t-elle. La qualité des données a fait un saut énorme. Avec le JWST, on voit l’Univers beaucoup plus clairement qu’avant. Grâce à des mesures réalisées en juillet sur trois exoplanètes, il nous a permis, entre autres, de détecter pour la première fois sans ambiguïté la présence de CO2 et de mesurer la quantité de vapeur d’eau avec une précision inégalée dans l’atmosphère de l’une d’elles, en l’occurrence WASP 39b. C’est fantastique!»
Ces avancées ont été rapportées dans deux articles parus dans la revue Nature, le premier daté du 2 septembre et le second à paraître bientôt, signés par une équipe internationale dont font partie Monika Lendl et des collègues genevois et bernois, également membres du Pôle de recherche national PlanetS.
La planète WASP 39b évolue à 700 années-lumière de la Terre. Il s’agit d’une géante gazeuse de la classe des «Jupiters chauds». Vue du système solaire, elle transite devant son étoile dont elle fait le tour en quatre jours. Sa masse correspond à celle de Saturne mais sa taille est 50 % plus grande en raison de la pression importante qu’exerce le rayonnement de son étoile hôte très proche. Des mesures précédentes notamment avec les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer ont démontré il y a quelques années que l’atmosphère de WASP 39b contient du sodium, du potassium et de la vapeur d’eau mais seuls quelques points épars sur un graphique suggèrent alors une éventuelle présence de gaz carbonique.

Au-delà des attentes

En une unique séance d’observation de huit heures centrée sur un seul transit, l’instrument Near Infrared Spectrograph (NIRSpec) monté sur le JWST a permis de lever tous les doutes. Le signal du CO2, conforme aux simulations, est apparu, clair et net. Les astronomes s’étaient préparés à l’aide de simulations visant à prévoir la qualité des données en intégrant des effets perturbateurs dus aux inévitables imperfections des instruments. Mais la précision des observations réelles a dépassé toutes les attentes et les simulations des modèles informatiques, à la grande surprise – et joie – de la communauté scientifique.
«Les molécules de dioxyde de carbone sont des traceurs sensibles de l’histoire de la formation des planètes, détaille Monika Lendl. Leur détection nous fournit des contraintes sur l’inventaire des molécules de carbone et d’oxygène dans l’atmosphère. Cela permet de se faire une idée des processus chimiques qui s’y déroulent ainsi que des éventuels éléments rocheux et gazeux que la planète a pu amasser au cours de son évolution. On peut en déduire, entre autres, à quelle distance de l’étoile et avec quels matériaux de base elle s’est formée. Et si on effectue ce travail sur plusieurs planètes, on pourra en tirer des règles plus générales.»
Ces contraintes chimiques peuvent être affinées avec une connaissance plus détaillée de la teneur d’autres composés chimiques dans l’atmosphère, dont la vapeur d’eau qui est rapportée dans le deuxième article. Grâce à un signal plus fort, des études plus approfondies pourront être menées sur les caractéristiques de ce composé.

Du monoxyde de carbone

L’étude fait également état de la présence de monoxyde de carbone et de dioxyde de soufre, une molécule produite par une réaction chimique déclenchée par la lumière de l’étoile. Sur Terre, la couche d’ozone protectrice de la haute atmosphère est créée de manière similaire.
Ces premières réussites du JWST ont été réalisées dans le cadre du programme Early Release Science, dont le but consiste à mettre le plus rapidement possible à la disposition de la communauté scientifique les données du télescope spatial. La précision des mesures permet désormais d’envisager avec plus de sérénité la détection de gaz carbonique et de vapeur d’eau sur des planètes plus petites, jusqu’à la taille de la Terre. Une nouvelle étape vers la recherche de la vie dans l’Univers.
Le JWST a eu le chic de se faire désirer. Les premières études autour d’un télescope spatial sensible à la lumière infrarouge remontent en effet à 1989. Les astronomes avaient besoin d’un appareil capable de voir plus loin (et donc dans un passé plus lointain), de manière plus perçante (à travers des nuages de gaz et de poussière notamment) et des phénomènes différents que les télescopes optiques. Après de longues années de développement et de nombreux retards lors de la phase de construction, le JWST a finalement été lancé le 25 décembre 2021.

Anton Vos