BRÈVES DE CONSEIL

Rubrique destinée aux enseignants et aux enfants…

 

LE CRI

 

Durant l’année 1997-1998, le foot à la récréation, coupe du monde oblige, devint l’un des sujets régulièrement débattus au conseil. Occupation du terrain par les autres classes, règles et arbitrage : quand un problème était en voie d’être résolu, un autre survenait. Les filles de la classe en avaient assez et l’exprimaient par des : "On en a marre du foot !", ou "On parle toujours des histoires de garçons et jamais de problèmes qui concernent les filles !", ou encore "Il faut arrêter le foot !". Les garçons refusaient évidemment d’en arriver là.

Le conseil du mardi 3 avril commença dans l’excitation. Martin maugréait et prenait sans cesse la parole sans permission, vexé parce qu’un camarade avait dit un gros mot et ne s’était pas fait punir. "Je ne suis pas d’accord que A. et T. se battent au foot !". Oui, mais…

Dans le même temps, Martin continuait de parler et le président le renvoya à son pupitre. Puis Laura proposa d’arrêter le foot. Les garçons n’étaient absolument pas d’accord. Charlotte proposa à ce moment de voter pour que l’on n’en parle plus durant le conseil. Les enfants votèrent et, par 12 voix contre 7, ils furent d’accord pour que ce sujet ne soit plus abordé au conseil.

A ce moment, Martin, du fond de la classe, poussa un cri de détresse : "En tout cas, si on ne peut plus parler de foot au conseil, on va se tuer à la récré ! Moi, lundi, je ne reviens pas dans cette école !"

Un silence total suivit ses paroles. Nous nous regardions, frappés pas tant de virulence. J’intervins à ce moment en me disant inquiète si une telle situation devait se produire. Les enfants choisirent de revenir sur leur décision tout en souhaitant que l’on passe moins de temps sur le sujet.

Par ce cri, Martin nous montre combien il est vital pour lui de pouvoir parler des problèmes qui lui tiennent à cœur et que même si la parole ne résout pas toujours tout, elle permet d’éviter le passage systématique à la violence physique. En choisissant d’annuler leur vote, les enfants l’ont eux aussi fort bien senti.

Christine Barras

Enseignante de 2P à l’école de Carl-Vogt