LA FORMATION AUX CONSEILS D’ELEVES

Pratiquer le conseil des élèves, surtout dans le cadre d’une équipe, est une démarche exigeante, qui ne peut se limiter à la mise en place de procédures, même si la connaissance de certaines de celles choisies par d’autres peut aider à piloter l’action. Pour atteindre à une dimension réellement éducative, cette pratique demande une réflexion approfondie de la part des enseignants et la construction d’une culture commune sur des concepts comme le rapport à la loi, aux savoirs, la médiation, le rituel, le symbolique, le transfert et la citoyenneté. Elle demande aussi de se mettre au clair sur la nature du lien et sur les convictions qui sous-tendent tout acte éducatif. Le choix de l’échange avec l’élève et de sa participation aux décisions concernant son quotidien est avant tout un acte de conviction philosophique, démocratique et humaniste.

Le premier mouvement qui mène généralement les enseignants à s’intéresser aux conseils d’élèves est d’ordre instrumental : le lien éducatif semble de moins en moins joué d’avance, la violence et les comportements jugés inciviles ou inquiétants (impolitesse, déprédations, racket, anomie) sont ressentis avec plus d’acuité qu’hier. En rester à ces motivations premières reviendraient cependant à simplifier artificiellement un phénomène complexe, et à faire comme si l’enseignant ne faisait pas aussi partie lui-même de la réalité scolaire.

Aborder la démarche des conseils d’élèves signifie accepter d’institutionnaliser une partie des outils destinés à réguler les rapports entre les acteurs de l’école au quotidien, renonçant de ce fait à ne s’en rapporter qu’au seul pouvoir discrétionnaire de l’enseignant. Il s’agit d’accepter d’ouvrir un espace de réflexion, de confrontation et de rencontre, de partager sous contrôle une partie du pouvoir, dans un but éducatif. Cela implique la construction en commun de compétences sociales et professionnelles nouvelles, partant l’acceptation de se remettre en question.

Prendre connaissance de quelques expériences passées et du fonctionnement de pratiques actuelles, emprunter les éclairages théoriques nécessaires à des disciplines comme la psychosociologie, l’analyse institutionnelle et la psychanalyse entre autres fournissent un certain nombres de repères utiles tant à l’action qu’à la réflexion. Un échange régulier sur les expériences respectives des participants et l’étude de situations concrètes leur permettent de s’enrichir mutuellement, de mieux inscrire leurs pratiques dans une réflexion et de leur donner, le cas échéant, la possibilité de les réguler.

L’écriture de récits est l’un des moyens de formation utilisés. Ecrire ce qui interpelle dans sa pratique, permet de prendre une distance avec les événements, d’ouvrir un espace de réflexion qui permet de réaliser une "lecture" différée et souvent différente de ce qui a eu lieu. Mireille Cifali et Rita Hofstetter avancent l’hypothèse que "le récit constituerait l’espace théorique des pratiques". Cette écriture, non seulement événementielle, mais impliquant son auteur avec sa réflexion, ses émotions, ses difficultés et ses réussites peut largement dépasser la fonction de journal personnel pour atteindre à celle de moyen privilégié de construction de la pensée et de transmission de connaissance entre les professionnels.

Mon optique de formation n’est pas de proposer un modèle idéal, mais je tente pluôt de favoriser la construction d’une pratique qui soit le reflet de la culture de l’équipe et de son évolution. Un nombre de séances suffisant doit être envisagé. Elles sont en outre réparties dans l’année afin de suivre le développement des expériences de chacun dans un mouvement de réelle articulation théorie-pratique.