Publié
par :
Rénovation de lenseignement primaire / Groupe de
recherche et dinnovation
Document à l'intention du Groupe de Pilotage de la
Rénovation
Les écoles
en innovation :
passer de lactivisme à la méthode
Rénovation :
bilan de lan 1
Monica Gather Thurler
1996
I. Lindividualisation des parcours : de lactivisme à la pratique réfléchie
II. Travailler ensemble : une série de nouveaux équilibres à trouver
III. Mettre lenfant au centre : lorsque la réalité résiste
IV. Evaluation des élèves : vers une évaluation au service de la progression des apprentissages
VI. Perspectives de développement pour lannée scolaire 1996-97
Les quinze écoles en innovation ont commencé, dès la rentrée scolaire 1995, lexploration des trois axes de la rénovation selon le projet quelles avaient déposé durant le printemps précédent et qui avait été examiné et approuvé par le Groupe de pilotage. Neuf mois plus tard - la durée dune gestation - il paraissait légitime quelles marquent un temps darrêt dagir pour faire le bilan de leur première année de fonctionnement. Une année, cest à la fois peu et beaucoup. Cest peu en regard de la complexité du chantier, dont tous ont pris conscience au fur et à mesure quils avançaient dans la réflexion. Cest peu si lon pense que les équipes pédagogiques nont " pas que ça à faire ", que les enseignants (Note 1) continuent à enseigner, à faire face aux soucis des parents, à vivre. Cest par contre beaucoup si lon considère que la phase dexploration de la Rénovation a été limitée à quatre ans et quun quart de ce temps est donc déjà écoulé. Cest beaucoup si lon pense que la mise en oeuvre des notions telles que " cycle dapprentissage " et " coopération professionnelle " viennent de commencer et quil faudra pouvoir accélérer le pas, travailler mieux et plus efficacement si lon veut faire un premier tour des problèmes durant les trois années qui restent.
Cest probablement la conscience du temps limité et de devoir rendre des comptes qui a amené les écoles en innovation à répondre positivement à la demande du Groupe de pilotage de rédiger leur premier bilan pour le mois de mai 1996 (Note 2) . Cest peut-être aussi lémergence dune nouvelle culture qui amène ces écoles à utiliser lécrit pour produire la base de départ dune réflexion commune. La lecture des quinze bilans laisse en tout cas limpression quils nont pas été considérés comme un " pensum ", mais plutôt comme une occasion de faire le point, de situer les priorités, de mettre en évidence les acquis, les facilitateurs, mais également les obstacles que rencontrent les tentatives dintroduire le changement.
A partir des textes déposés, le GRI a entrepris lanalyse et la synthèse des données. Dans une première phase, les textes complets ont été lus et annotés par plusieurs membres du GRI. Sur cette base, un document condensé de 65 pages a été rédigé. Dans une deuxième phase, les données ont été retravaillées dans la perspective de faire émerger des données comparables relatives aux paramètres suivants : lavancement des travaux au sein des trois axes de la Rénovation ; létat du dossier de lévaluation ; la collaboration école-parents et avec les divers partenaires ; les thématiques et priorités de formation collective définies au sein des écoles.
Une première version du rapport a été ensuite rédigée et transmise vers la fin du mois de septembre aux membres du Groupe de pilotage ainsi quaux membres du Groupe inter-projets afin de solliciter des remarques et des suggestions damélioration. Les nombreuses réactions ont été intégrées selon la méthode suivante : un certain nombre de passages que les lecteurs ont jugés peu clairs ou ambigus ont été directement corrigés dans le texte ; les suggestions pour ajouter des passages, voire les remarques qui exprimaient un désaccord ou un avis différent ont été rédigées sous forme de notes de bas de page et spécifiquement mises en évidence. Enfin, nous avons ôté toute indication permettant didentifier les écoles, lobjectif de ce document ne consistant pas à établir un " palmarès " des écoles en innovation, ni à singulariser déventuels problèmes liés à des personnes ou à des écoles particulières.
Il nous paraît important dinsister sur notre intention de produire un document mettant en évidence les acquis et mettant le doigt sur les problèmes qui restent à résoudre, sans enjolivure, sans dramatisation inutile, sans provoquer des blessures, mais décrivant " létat de lart " dans les écoles en innovation. Il na sans doute pas été possible de tenir compte de tous les détails, de faire justice à tous les problèmes, ni à limmense travail consenti dans chacune des écoles, ni aux progrès conceptuels et pédagogiques réalisés par chacune et chacun : ce sera lobjet de bilans futurs. Le but principal consiste à contribuer au débat en cours et à définir des pistes pour lorganisation du travail de la deuxième année de la Rénovation.
Rappelons, enfin, que nous naurions pas pu effectuer ce travail sans la collaboration des enseignants des écoles en innovation et des membres du Groupe de recherche et dinnovation, ni sans les relectures des membres du Groupe de pilotage et du Groupe inter-projets. Merci à toutes et à tous.
Genève, novembre 1996
Monica Gather Thurler
I.
Lindividualisation des parcours :
de lactivisme à la pratique
réfléchie
On observe des attitudes très diverses en ce qui concerne les priorités accordées à cet axe. Une majorité des écoles a opté pour la mise en place de structures plus ou moins complexes afin de faire face à lhétérogénéité des classes et daller vers lindividualisation des parcours des élèves :
La diversité des dispositifs sexplique sans doute par plusieurs facteurs : (Note 3)
Plusieurs constats positifs simposent :
Lobservation des démarches adoptées dans des écoles qui ont une longue expérience de collaboration et de réflexion sur la gestion des parcours individualisés amène à faire lhypothèse que lactivisme fait partie des turbulences initiales. Il cédera progressivement le pas à une attitude pragmatique dans lexploration des diverses modalités de regroupement des élèves et à davantage de sérénité et de patience des uns envers les autres. Autrement dit : la recherche dune réponse structurelle unique doit céder le pas à la pratique réfléchie, à la stabilisation progressive dune série de concepts et à une vérification constante de ladéquation entre moyens investis et effets obtenus.
II.
Travailler ensemble :
une série de nouveaux équilibres à
trouver
Comme tous les autres enseignants du canton, les enseignants des écoles en innovation nont pas attendu la Rénovation pour réfléchir et agir sur les liens avec leurs collègues, les parents, les autorités scolaires et dautres partenaires. Cependant, le statut décole en innovation oblige à avancer plus vite et, du coup, confronte à une série de difficultés et de résistances que lon ne peut plus se permettre dignorer, de refouler ou, encore, dannuler en remettant la faute du dysfonctionnement sur les autres : la mauvaise volonté des collègues, labsence de structures, le manque de soutien de la part des autorités, etc. Il ne reste plus quà faire le bilan des compétences, voire des incompétences et à introduire les régulations nécessaires. Lanalyse du cheminement des quinze écoles en innovation vers un changement de culture met en évidence les difficultés dordre conceptuel et instrumental dune telle démarche.
2.1.1 Le climat au sein des écoles
En prenant comme analyseur " le climat au sein de lécole ", on perçoit que celui-ci a été sujet à des variations plus ou moins fortes, selon le point de départ des écoles et selon les problématiques traitées.
A lexception dune école où le climat était tendu à la fin de lannée scolaire, toutes les autres sont parvenues à traiter les conflits comme des incidences critiques, liées à la nécessité dune clarification des rôles et des fonctions des uns et des autres, des finalités pédagogiques et éducatives, voire à lappropriation des outils de communication, didactiques et pédagogiques.
2.1.2 Fonctionnement, gestion du temps de travail commun (TTC), etc.
Lapproche adoptée par les quinze écoles pour améliorer la coopération entre professionnels varie en fonction de la grandeur de lécole et de la culture de départ. De manière générale, on observe que les expériences faites dans les diverses écoles ont favorisé une certaine " réglementation " interne des rôles et des fonctions et lintroduction dun minimum de ritualisation en matière danimation de séances. Très certainement, une meilleure gestion des processus de négociation et de décision permettrait de dégager du temps pour la réflexion sur les pratiques trop souvent reléguée au second plan.
Dans ce sens, on peut se demander si les procédures habituelles de prise de décision (discussion et votation) ne mériteraient pas dêtre remplacées par des méthodes plus pointues (orientation sur la tâche, définition de priorités, " analyse SOFT ", " analyse des champs de force " (Note 6) , etc. - instruments qui facilitent lanimation des séances, les processus de prise de décision et la gestion des conflits), mieux à même daccélérer le processus et de sortir de limpasse où peut mener le respect trop pointu des procédures démocratiques. On peut également se demander jusquoù il faut pousser le désir dun consensus total et permanent, dans quelle mesure léquipe pédagogique ne court pas un double danger :
Lintroduction de la nouvelle fonction de coordinateur et de coordinatrice nest pas passée inaperçue au sein des écoles en innovation. On voit émerger des fonctionnements très divers, selon la personnalité, la définition collective du rôle, lassociation ou la dissociation avec le rôle de maître principal, etc.
Les journées de formation organisées pour permettre aux coordinateurs et coordinatrices de réfléchir à leur rôle et dassimiler un minimum doutils pour être plus efficaces ont été généralement appréciées. Mais elles ne peuvent avoir un impact efficace que dans les écoles qui acceptent une part de délégation de pouvoir " éphémère " à ces personnes. Cette délégation est dautant plus difficile que léquipe a) maintient très catégoriquement la fiction dun fonctionnement sans leader (Note 7) ; b) ressent une certaine difficulté à accepter les suggestions venues dailleurs (par exemple du Groupe inter-projets) ; c) le coordinateur ou la coordinatrice éprouve des difficultés, voire des inquiétudes à se situer dans son nouveau rôle et à assumer la fonction de leadership ou se sent pris entre deux " solidarités ".
2.1.4 La coopération entre adultes :
se donner les moyens de travailler sur lessentiel
Le cheminement vers une culture de coopération professionnelle dépend de la capacité dune équipe à développer des représentations et décisions communes autour dune série de concepts communs. Elle dépend aussi de lutilisation cohérente des outils pédagogiques et didactiques correspondants. Il est évident que lévolution vers ce type de culture dépend de la capacité de parvenir à établir clairement les priorités, à résoudre rapidement des problèmes de gestion afin de se concentrer sur les tâches essentielles.
Les quinze écoles en innovation partagent cette préoccupation. Pour de multiples raisons, elles ne parviennent que partiellement à sorganiser dans ce sens :
Le fait dêtre une école en innovation a des conséquences variables. Au delà du bénéfice que les quinze écoles ont retiré de leur appartenance au dispositif mis en place, elles ont été stimulées à construire de nouveaux liens, à réviser certains préjugés, à accepter un regard extérieur, à négocier des règles, à documenter leurs choix, à rendre des comptes. De leur côté, les divers partenaires ont dû trouver leurs marques, un rythme de croisière et construire ou peaufiner une méthode de travail. Le chapitre suivant montre que ce nétait pas toujours une tâche facile.
2.2 Les liens avec le dispositif dinnovation
Pour introduire ce chapitre, il convient de rappeler quelques extraits du texte dorientation de 1994, que voici :
" Dans le cadre de la politique générale du DIP, la conduite de la rénovation est laffaire de la Direction de lenseignement primaire. Désirant associer dautres partenaires, elle a choisi dexercer cette compétence dans le cadre dun groupe de pilotage. Ce groupe mettra en place un Groupe de recherche et dinnovation plus spécifiquement chargé de suivre les projets dinnovation "" Le GRI est un groupe qui aura pour tâche de soutenir les écoles engagées dans un projet dinnovation, de créer des relations entre elles et avec le reste du système, de les mettre en contact avec des centres de formation et de ressources, de les aider à définir, évaluer, faire évoluer leur projet, de coordonner les efforts, de faciliter la formulation des acquis et leur diffusion à lensemble de lenseignement primaire. Ce sera donc un groupe efficace, à même de prendre rapidement des décisions et de se montrer cohérent face à ses interlocuteurs. Cela suppose une certaine homogénéité de perspectives, la capacité de travailler véritablement en équipe et un leadership affirmé . "
Où en sont les liens entre les écoles en innovation et les divers organes du dispositif mis en place ?
2.2.1 Les liens avec le Groupe de recherche et dinnovation (GRI)
Les liens avec le GRI sont généralement jugés positifs, la nécessité et la pertinence du dispositif sont parfois bien acceptées, parfois perçues comme une contrainte forte. En fin de compte, laction du GRI, durant cette première phase de mise en place et de suivi des projets, résulte elle-même dune série de paramètres parmi lesquels :
La vision du GRI, qui a cours dans les écoles et qui nest pas sans effet sur lattitude de ses membres, dépend de ces paramètres. Les bilans recensent ainsi des appréciations très diverses, parmi lesquelles :
Certains bilans parlent de " rôle secondaire ", voire dune " contribution à la confusion des rôles, surtout en ce qui concerne celui du coordinateur ".
Il appartient au GRI de définir une méthode de travail qui tiendra compte de ces représentations, dans le but daugmenter lefficacité de son intervention, en la centrant encore davantage sur lanalyse des pratiques. Ce travail va être entrepris dès la rentrée.
2.2.2 Les liens avec le Groupe inter-projets (GIP)
Dès la rentrée daoût 1995, le GRI a constitué et animé le Groupe inter-projets (GIP). Ce groupe réunit les coordinateurs et les coordinatrices des écoles en innovation, les inspecteurs et inspectrices concernés, les représentants des services du DIP et de lenseignement primaire amenés à contribuer au suivi des projets ou à la formation des enseignants.
En juin 1996, le GRI a mené une première série dentretiens (auxquels ont participé trois coordinateurs) pour mieux comprendre le rapport qui sest construit au sein du GIP entre les écoles en innovation et les autres partenaires et pour introduire ensuite les régulations nécessaires, toujours dans le souci dune meilleure efficacité des actions accompagnant le processus du changement. Les résultats de ces entretiens ont été consignés dans un rapport séparé (Note 9) . Le GRI insiste toutefois sur la nécessité de traiter les données avec beaucoup de prudence : le nombre restreint des personnes interviewées soppose à toute généralisation hâtive. Contentons-nous donc dévoquer quelques éléments qui permettent de situer rapidement les représentations que les écoles en innovation avaient du GIP au moment des bilans.
Si lutilité et le rôle du GIP nont pas été bien perçus au début, on peut dire, au terme de la première année, que la pertinence et la nécessité du dispositif mis en place commencent à être reconnues. Très progressivement, une écoute et une confiance suffisantes ont pu être construites au sein de ce groupe pour permettre aux coordinateurs et aux coordinatrices de sy sentir à laise. Ce sentiment a été, dans la plupart des cas, communiqué aux équipes dans les écoles en innovation. Plusieurs écoles soulignent quune partie appréciable de leur réflexion est alimentée par les documents et les contenus traités au sein du GIP. Dans dautres écoles, cest le " silence radio " entre le GIP et lécole : soit, on est tellement centré sur soi-même (surcharge, turbulences, etc.) quil ne reste pas de réserves pour maintenir une ouverture face aux suggestions provenant du GIP, soit on rejette demblée toute volonté dingérence des organes externes.
Durant les derniers mois, il est cependant apparu que la fonction de médiation des coordinateurs na pas été suffisante pour construire une véritable mise en réseau des écoles en innovation : " fossé perçu, intégration insuffisante de léquipe dans le dispositif, préoccupations du GIP éloignées des problèmes réels rencontrés ", voici les critiques principales formulées dans les bilans. (Note 10)
Signalons par ailleurs deux points quil faudra résoudre dès la rentrée prochaine :
1. Pour des raisons diverses, les inspecteurs de la division spécialisée nont pas pu participer aux discussions et aux réflexions du GIP, dont le but consiste à rapprocher les diverses parties concernées, à tenir compte et à intégrer des points de vue divers. Au-delà de sa participation aux organes de consultation, il faut se demander comment les compétences développées au sein de cette division pourront être mieux mises au service des écoles en innovation.2. De même, il a été difficile de clarifier les possibilités de collaboration avec les disciplines spéciales au sein du GIP.
2.2.3 Les liens avec le Groupe de pilotage de la rénovation (GPR)
Au sein du dispositif, le Groupe de pilotage constitue lorgane de décision et dinformation de lensemble des partenaires de la Rénovation. Dans ce but, il est important quil puisse avoir très facilement accès aux travaux en cours dans les écoles en innovation. Durant la première année, cet objectif a été essentiellement poursuivi selon deux démarches : a) létude et la discussion, par le GPR, des divers documents et bilans produits tant par les écoles en innovation que par le GRI (les projets dinnovation ; les projets dévaluation ; les bilans rédigés en mai dernier) ; b) les séances de régulation entre le GPR et le GRI qui ont eu lieu lors de la négociation des ressources et des franchises, et lors de lévaluation des projets ; deux rencontres organisées à loccasion de la remise des contrats et aux deux forums de lenseignement primaire ont également permis des contacts.
Il est difficile de juger si cette réalité satisfait les écoles. Elles sont, semble-t-il, davantage intéressées par les contacts avec les collègues dautres écoles que par les activités dun groupe vécu comme " plus extérieur ". Sajoutent également des sentiments ambigus et contradictoires, liés aux rapports de pouvoir. Nest-ce pas le GPR qui décide en fin de compte de la qualité du travail ? Nest-ce pas lui qui prend part aux délibérations concernant les ressources et les franchises ? Quelques remarques glanées ci et là montrent que la complexité du pilotage échappe en bonne partie aux écoles qui rapidement attribuent certains refus, certains retards à un manque dattention, à une volonté délibérée dun processus de changement de ne pas prendre en compte les problèmes de la base, etc.
Cette première année était évidemment trop courte pour faire le tour du problème et creuser les représentations des uns et des autres. Il serait cependant important de mieux saisir les occasions de clarifier les rapports de force, les méthodes de travail (notamment les interactions entre le GRI et le GPR), de redéfinir les rapports en termes de collaboration plutôt quen rapports de force et de mieux exploiter, enfin, les ressources disponibles au sein du GPR (notamment en resserrant les liens avec le GIP).
2.2.4 Les liens avec les formateurs et les formatrices des services de lenseignement primaire
Des liens entre les écoles en innovation et les formateurs et formatrices des services de lenseignement primaire existaient avant la Rénovation. Ils ont probablement influencé a) lorientation du projet dinnovation ; b) la décision de centrer la formation commune sur tel ou tel contenu. Il est difficile davoir une bonne vision de la qualité - tant professionnelle que scientifique - des liens établis entre les écoles et les formateurs : il serait certes intéressant de mener une enquête pour mieux définir les profils de compétences qui permettent une action efficace sur le terrain.
Le Groupe inter-projets a constitué un terrain dobservation intéressant pour comprendre les représentations des coordinateurs et coordinatrices au sujet des apports de ces services et des formateurs. Nous avons été frappés par la diversité et lambivalence qui caractérisent les rapports entre les acteurs au sein de ce groupe. Les données manquent pour étayer une série dhypothèses, qui sont les suivantes :
1. La complexité de la démarche de projet rend difficile la centration sur une seule thématique ; en complément, le travail sur une thématique donnée (par exemple les situations-problèmes en mathématique) ne porte pas nécessairement ses fruits immédiatement. Les enseignants vivent difficilement limpossibilité de surmonter de façon immédiate les obstacles rencontrés.2. Face à létendue des problèmes rencontrés, il nest pas facile dopérer un choix : faut-il entrer par le biais dune didactique de discipline ou une approche plus transversale, par exemple en travaillant sur la gestion de la classe, les compétences transdisciplinaires des élèves ou lévaluation ?
4. Les enseignants peine parfois à bien situer, voire à accepter, les diverses facettes du rôle du formateur. Les rapports de confiance sinstaurent pendant une démarche de formation et véhiculent facilement des visions de réciprocité et de collégialité. Or, ces rapports se modifient lorsque les mêmes personnes se trouvent confrontées dans dautres contextes (le GIP, le Forum, etc.) où les rapports de force et par conséquent les enjeux se modifient, où le dialogue sinstaure plus difficilement que dans lespace protégé dune école ou dun lieu de formation. Critiquer le " multiâge " dans une activité de formation ou dans le GIP na pas le même impact : les enseignants se sentent trahis, insuffisamment pris au sérieux et la méfiance sinstaure.
5. Lirrégularité de leur présence au GIP et certains mouvements dhumeur font penser que, de leur côté, certains formateurs ou certaines formatrices ne sont tout à fait au clair ni sur leur rôle, ni sur les divers enjeux de pouvoir et institutionnels.
Voici une série de problèmes à reprendre dès les premières séances du GIP.
2.3 Les liens avec les autorités scolaires
2.3.1 Le rôle de linspecteur et de linspectrice
Depuis " le choc daoût 1994 " et la réaction générale face à la Rénovation, quelle a été lévolution des attitudes des inspecteurs et inspectrices ? Comment cette évolution a-t-elle été perçue par les enseignants des écoles en innovation ?
A première vue, les écoles ont fait leurs propres choix, qui les ont amenées à déposer un projet dinnovation, un projet de réflexion, à opter pour une position dattente, voire à choisir le camp de lopposition. A quelques exceptions près, il nest pas possible de lier le choix des écoles à lattitude des inspecteurs et des inspectrices : entre la farouche indépendance de certaines et lambiguïté de leur rôle ou leurs propres ambivalences, il est presque normal quun certain nombre dinspecteurs et inspectrices aient adopté une attitude paradoxale, qui na pas échappé aux enseignants, renforçant les engouements ou les résistances.
Le
rôle des inspecteurs et des inspectrices
dans les écoles en innovation
A première vue, lanalyse des bilans donne limpression que la totalité des inspecteurs des écoles en innovation manifestent une attitude positive et bienveillante à légard des écoles en innovation. En poussant lanalyse plus loin, des différences surgissent. Il convient de les analyser dans une perspective systémique. En effet, elles paraissent être la résultante dune série de paramètres qui concernent les principaux intéressés autant que les partenaires concernés (équipes pédagogiques, membres du GRI, formateurs, autorités scolaires, les inspecteurs eux-mêmes). Parmi ces paramètres on peut évoquer :
Les quinze écoles soulignent globalement la bonne relation avec linspecteur ou linspectrice. Dans douze écoles, cette relation est explicitement mutuelle, caractérisée par la confiance et la reconnaissance des compétences. Une analyse plus fine met en évidence des variations importantes : présence et soutien explicite dans les diverses démarches liées à linnovation évoqués dans six cas ; attitude amicalement critique et pertinente centrée sur des contacts individuels ou en sous-groupes et interventions (écrites) évoquées dans deux cas ; forte présence, peu normative, qualité de personne ressource évoquées dans deux cas ; présence ponctuelle mais opérationnelle en cas de nécessité évoquée dans un cas ; rôle et fonction à discuter dans un cas.
Dans trois écoles, soit lattitude est plutôt mitigée, soit léquipe sest abstenue de faire des commentaires, soit elle exprime le besoin dapprofondir le rôle de linspecteur. Notons, dans ces trois écoles, une certaine ambivalence face à lautorité, un mélange entre " farouche indépendance " et " demande de reconnaissance " qui ne facilite peut-être pas la tâche des inspecteurs concernés. Notons également que les trois équipes ne sont pas fermées au dialogue qui sera à poursuivre dès la rentrée, comme dans les douze autres écoles dailleurs.
La
collaboration entre écoles en innovation,
inspecteurs et inspectrices au sein du GIP
Lattitude des inspecteurs et inspectrices par rapport au GIP varie. Elle était, dune part, caractérisée par une volonté de collaboration pour contribuer à la mise en place de ce dispositif et par lexpression dun réel intérêt par rapport aux thématiques traitées : le travail conceptuel, léchange des pratiques et lanalyse des processus en cours. Par ailleurs, plusieurs dentre eux ont exprimé une certaine impatience face à la complexité du dispositif qui alourdissait leur gestion du temps, déjà difficile.
Cette tension est renforcée par un autre problème. Pour alléger lorganisation interne du GIP, il avait été décidé dalterner les séances : une séance par mois (GIP restreint) réunissait uniquement les coordinateurs des écoles, alors que lautre séance mensuelle, élargie, réunissait le dispositif complet, dont les inspecteurs et inspectrices. Alors que cette formule devait contribuer à alléger le rythme des séances, elle a donné limpression à certains inspecteurs que les vrais problèmes étaient traités dans le GIP restreint, alors que la lourdeur du GIP large ne permettait pas détablir un véritable dialogue. Doù la demande de mettre en place un groupe restreint parallèle, réservé à la rencontre des inspecteurs et inspectrices des écoles en innovation et du GRI : cette formule, évaluée comme satisfaisante, a cependant dû être abandonnée en fin dannée scolaire, vu la surcharge des uns et des autres.
2.3.2 Les rapports avec les autorités scolaires
De même que pour le groupe de pilotage, les écoles en innovation ne font que très peu allusion à lévolution de leurs relations avec les autorités scolaires. Soulignons que ce type danalyse navait pas été explicitement demandé dans le canevas proposé.
De manière générale, limpression dun gain de confiance se dégage en ce qui concerne la Direction générale et la Présidente du Département. Le dialogue qui sest instauré lors de visites dans les écoles ou de soirées dinformation aux parents ainsi que la politique dinformation qui a été mise en place, ont commencé à porter leurs fruits. Malgré le climat politique tendu et les difficultés de conjoncture, les efforts investis par le département pour trouver des solutions équitables sont reconnus. Une proportion grandissante des enseignants des écoles en innovation - parfois à leur corps défendant et tout en maintenant une certaine ambiguïté en ce qui concerne les droits de regard et le pouvoir de décision des autorités scolaires - se sentent soutenus et reconnus.
Les champs de friction se sont concentrés essentiellement autour de la négociation des ressources et des franchises, à savoir lors du dépôt des projets dévaluation en automne 1995 et à loccasion des nouvelles négociations de mai-juin 1996. Le refus dune " discrimination positive " en matière doctroi de ressources supplémentaires, ainsi que le refus de donner accès à certaines franchises, ont été assez bien acceptées : la solidarité collective joue bien son rôle, la pression de la SPG (Note 12) (voir ci-dessous) fait le reste. On observe toutefois une certaine fluctuation sur plusieurs plans :
2.4 Les liens école-famille
Les écoles en innovation, comme dautres, nont pas attendu la Rénovation pour construire des liens plus serrés et professionnels avec les familles. Dès le moment où leur projet avait été officiellement accepté, elles avaient cependant été invitées à présenter et, souvent, à justifier leur démarche auprès des parents plutôt réticents. Le choix fait par les autorités scolaires de ne pas consulter les parents, mais de les associer, avait suscité de la part de certains parents des réactions plutôt négatives, voire agressives. Expliquer en termes concrets la démarche exploratoire à des partenaires qui réclamaient dêtre rassurés nétait pas chose facile pour des enseignants qui, eux-mêmes, étaient confrontés à des incertitudes tant théoriques que concrètes. Néanmoins, le souci dinformer et de dialoguer est resté constant. La Rénovation a encore amplifié les modes de collaboration avec les familles et souvent de nouvelles démarches ont été entreprises (journaux, informations-débat, sous-groupes de travail internes, etc.).
Priorités du travail durant lannée scolaire 1995-96
Lanalyse des 15 bilans permet de distinguer plusieurs types de liens entre écoles et parents :
Notons que les contacts avec les familles ont pris plusieurs formes dans toutes les écoles, avec toutefois des variations qualitatives et quantitatives, qui dépendaient tant de la spécificité de la population, des divers types de relation décrits ci-dessus, que de lexpérience des équipes pédagogiques en matière de gestion des relations avec les parents. Cette expérience a pu être développée au gré des mois. Dans plusieurs écoles, on observe que les modalités danimation plus dynamiques, fondées sur une plus grande efficacité des échanges et de la communication portent leurs fruits : les parents ont répondu positivement à la volonté manifeste des équipes de sinitier à ces nouvelles démarches.
2.5 Lévaluation
Les écoles qui ont obtenu, au titre de franchise, le droit de mettre en place de nouvelles pratiques dévaluation des élèves, ont travaillé sur plusieurs fronts à la fois. A travers la mise en place des dossiers dévaluation, des entretiens dévaluation et des nouvelles formes de bulletin, elles devaient informer et convaincre les parents de la pertinence des nouvelles pratiques. Les bilans montrent que dans les 5 écoles concernées dès novembre 1995, cette opération a pu être menée avec succès. Les trois écoles qui introduiront ces mesures dès la rentrée 1996-97, nont pas rencontré de résistances majeures (voir aussi le chap. IV).
2.6 Les liens avec les écoles en réflexion
En dehors des forums de lenseignement primaire, des conseils de circonscription et de quelques contacts personnels et sporadiques, il ny a pas eu doccasions qui auraient permis aux enseignants des écoles en innovation dorganiser des échanges dexpériences avec les écoles en réflexion. Le dispositif ne prévoit dailleurs pas ce type de contact (Note 13) . Il appartient donc aux inspecteurs et aux inspectrices dassumer le rôle dintermédiaire, ou de prendre des mesures plus actives pour rapprocher ces écoles. Cela a été le cas dans une des écoles dont les deux divisions se sont engagées, lune comme école en innovation, lautre comme école en réflexion.
2.7 Les liens avec la Société Pédagogique Genevois (SPG)
Les liens avec la SPG varient selon deux paramètres : a) lengagement des membres des équipes dans des causes soutenues par la SPG ; b) le besoin de léquipe de faire référence à la SPG et de sen faire une alliée pour défendre des exigences par rapport aux autorités scolaires.
Le climat virulent au sein de la CRIC(Note 14) avait initialement effrayé un certain nombre denseignants dans les écoles en innovation. Depuis, une certaine sérénité a gagné du terrain. Alors que toutes les écoles avaient répondu favorablement à lenquête de la SPG sur la publication des thématiques travaillées et des ressources et franchises obtenues, lattitude a été plus réticente en ce qui concerne sa demande de lui faire parvenir une copie des bilans.
2.8 Les liens avec le Cycle dorientation (CO)
Les liens avec le CO se sont resserrés dans les écoles comportant des classes de division moyenne et ayant obtenu une franchise sur lévaluation des 6P (Cointrin, St.-Jean et Trembley). Ces écoles avaient dû sengager à organiser des séances dinformation mais il convient de rappeler que la majorité des contacts étaient établis avant la Rénovation.
Notons également la demande dun groupe dautoformation du CO de pouvoir effectuer des stages dans les écoles en innovation. Ces stages ont pu avoir lieu durant les mois de mai et juin et ont été loccasion de nouer des échanges fructueux entre les personnes concernées.
2.9 La culture de coopération sur le plan institutionnel :un pour tous, tous pour un
La lecture des chapitres précédents met en évidence une activité très intensive au sein de laxe deux de la Rénovation " Travailler ensemble " : ce thème a permis de rêver à ceux qui espéraient sortir de la solitude professionnelle, profiter de lexpérience des autres et mettre en synergie les forces existantes. Il continue à préoccuper ceux qui se rendent compte que travailler ensemble, construire une culture de coopération professionnelle au service dune meilleure efficacité et dun meilleur apprentissage est encore plus difficile quils lavaient pressenti.
Lexpérience de cette première année montre quil est indispensable de conjuguer compétences et patience pour voir naître les fruits des investissements consentis par les uns et les autres. Elle montre quil ne sert à rien dentretenir le nombrilisme, ni le psychodrame permanent : mieux vaut trouver un fonctionnement qui permette dengager la plus grande partie de lénergie dans lenseignement et la régulation des apprentissages des enfants.
Elle témoigne également de la nécessité dune culture de coopération professionnelle qui ne se limite pas uniquement aux enseignants au sein dune équipe pédagogique. Laxe 2 de la Rénovation comprend également - et cest une prise de conscience nouvelle - une sensibilisation au fonctionnement du système scolaire dans son ensemble et à la solidarité collective. Il conviendra daccorder du temps à lacquisition ou au renforcement de cette compétence.
Comme en témoignent les bilans, les écoles ont entamé des démarches très différentes pour explorer le troisième axe de la Rénovation. Plusieurs facteurs, parmi lesquels le fonctionnement au sein de léquipe pédagogique, les expériences faites au cours de formations précédentes, les problèmes dapprentissage des enfants, des courants de sympathie par rapport à tels ou tels formateurs ou formatrices ou tel ou tel contenu de formation, se superposent et renforcent les écoles dans leurs choix, ou les amènent à les modifier. Notons que certains choix ont attiré davantage de monde que dautres, à savoir : les nouvelles approches de la didactique du français ou des mathématiques ; le problème du transfert des connaissances à travers des situations larges et porteuses de sens ; les dispositifs et la réflexion concernant la construction du sens des savoirs, la mise en place du contrat didactique, pédagogique et social ; le conseil des élèves et la pédagogie institutionnelle.
3.1 Nouvelles approches didactiques
Dans six écoles, les enseignants ont mené une réflexion autour des nouvelles approches didactiques dans le domaine des mathématiques. Une école a travaillé sur lapprentissage de la lecture, une autre sur le français I dans tous les degrés. Une école a suivi une formation intensive pour travailler sur lapproche du français à travers le texte. Cela a motivé une autre école à faire appel au même service, non sans insister sur la spécificité de sa demande (Note 15) . Une école a travaillé sur quelques situations larges concernant lenvironnement. Dans une école, quelques enseignants sapprêtent à travailler sur une approche interdisciplinaire entre allemand et rythmique. Onze écoles évoquent lapprofondissement de problématiques telles que : les objectifs transversaux, les situations larges, les situations porteuses de sens, les méthodes actives.
La plupart des écoles sont accompagnées par des formateurs et formatrices oeuvrant dans les divers services de formation.
3.2 De nouvelles modalités dinteraction entre les élèves
Toutes les écoles ont investi passablement defforts pour travailler sur les règles de vie et pour instaurer davantage de coopération, dautonomie et de solidarité parmi les enfants. Dans ce but, des conseils décole et/ou de classe ont été instaurés dans douze des quinze écoles.
Les nouveaux dispositifs didactiques (situations-problèmes, situations larges, décloisonnements " multiâge ") sont organisés de manière à inciter les enfants à coopérer, à sentraider, à résoudre ensemble les problèmes auxquels ils se trouvent confrontés. Dans plusieurs écoles, les élèves sont initiés au " tutorat " (offrir et demander de laide).
3.3 Construction du sens des savoirs scolaires
Les bilans font état de différentes tentatives entreprises par les écoles en innovation pour développer des pratiques mieux à même de favoriser la construction du sens des savoirs. Parmi celles-ci : plan de travail individualisé, recherche de dispositifs didactiques permettant de tenir compte de la " zone proximale de développement " (Note 16) des enfants, implication des élèves dans lélaboration du dossier dévaluation, droit accordé aux enfants de choisir librement leurs activités lors des décloisonnements, travail sur les règles de vie et le sens du travail scolaire au sein du conseil ou lors des entretiens dévaluation, travail sur le métier délève, projets finalisés (rédaction dun journal, productions musicales et théâtrales, radio-école, etc.).
3.4 Elèves non francophones et élèves en difficultés
8 des écoles en innovation évoquent leurs difficultés à trouver lapproche adéquate pour résoudre les problèmes scolaires que rencontrent certains élèves. Dans ce contexte, elles tentent dimpliquer les STACC (Note 17) , les GNT et les enseignants de la DS (Note 18) dans une réflexion commune, dans le but de développer des stratégies de différenciation et de mieux orienter les parcours individualisés. La nécessité de coopérer savère pressante dans ces écoles où lincompréhension fréquente face aux difficultés dapprentissage et des blocages des enfants renforce les inégalités et par conséquent les risques déchec scolaire.
3.5 Premiers acquis
Dans la plupart des cas, les écoles se disent encore en recherche en ce qui concerne laxe 3 de la Rénovation. Il est vrai que les contenus et thématiques travaillés selon cet axe ne permettent pas de produire des effets rapides et pourraient susciter la crainte que les écoles les négligent en faveur dactions plus immédiatement gratifiantes. Bien que cela ait été le cas en ce qui concerne laxe 1 de la Rénovation (voir chap. I), on se rend néanmoins compte que les efforts investis pour mettre lenfant au centre de laction pédagogique sont importants. Plusieurs écoles évoquent les premiers effets bénéfiques parmi lesquels :
Bien entendu, il ne sagit pas de surévaluer ces effets, qui émanent dune première auto-évaluation des enseignants concernés et qui seront à préciser sur la base des données que produiront les diverses évaluations externes en cours. (Note 20)
3.6 Difficultés rencontrées
Les difficultés se situent à plusieurs niveaux et il ne convient pas pour linstant dintroduire une hiérarchie. De toute manière, il faudra y revenir de manière approfondie durant lannée à venir. Voici donc un premier aperçu, élaboré à partir des bilans :
Sur la base dun projet explicite qui décrit et justifie la démarche envisagée, cinq écoles en innovation ont été autorisées à se lancer, dès lautomne 1995, dans lexploration de nouvelles modalités dévaluation des élèves - y compris, pour celles qui le souhaitent, une évaluation sans notes - mieux à même daccompagner et de soutenir lorganisation des progressions flexibles et individualisées des apprentissages. Dès lannée scolaire 1996-97, trois autres écoles viendront se joindre à ce groupe.
En attendant que les instances responsables aient clarifié les champs de compétences et les attitudes visées au terme de chaque cycle dapprentissage (objectifs-noyaux), les écoles ont été conduites à une relecture du GRAP. (Note 21) Sans doute, cette lecture était-elle fortement guidée par les théories dapprentissage plus ou moins implicites auxquelles adhère telle ou telle équipe. On observe ainsi des variations importantes entre des projets fortement inscrits dans un concept de progression linéaire des apprentissages, alors que dautres sont plutôt conçus dans une vision plus proche de la complexité des processus de construction et de transfert des compétences.
Il a été néanmoins décidé daccorder le feu vert à tous les projets, comptant sur le fait que les expériences faites dans les autres domaines de la Rénovation, ainsi que les échanges entre les écoles en innovation, permettraient de trouver un consensus cohérent avec les finalités. Cette décision permet à ces écoles damorcer le passage dune évaluation normative vers une évaluation par objectifs, en développant de nouveaux outils dobservation et de dialogue avec les familles. Lobjectif principal est de parvenir à une évaluation mieux adaptée aux rythmes de développement des enfants qui, au lieu de les enfermer dans un calendrier scolaire, leur accorderait le temps nécessaire - en accord avec la mise en place des cycles - pour réaliser leur parcours. La franchise était accompagnée de lobligation de réintroduire les notes globales en fin de 6P, obligation qui concerne 4 écoles accueillant des divisions moyennes.
Le tableau ci-après (voir page suivante) met en évidence une série déléments qui appellent quelques commentaires :
|
|
|
|
Dossiers délèves ou bulletins dobjectifs pour documenter la progression des élèves en fonction des objectifs visés |
Dossiers
délèves : |
Les dossiers permettent un meilleur suivi des élèves, grâce à une meilleure vision des apprentissages. Problème de temps investi par les enseignants. |
Satisfaction : bon outil dinformation, pour autant que le dossier soit complété par un entretien. |
Bulletin dinformation accompagnant le dossier |
3 écoles. |
Instrument conçu dans le but de faciliter la lecture des dossiers par les parents et leur donner un meilleur aperçu de la progression de leurs enfants. |
Généralement positive. Alors que ce bulletin permet une lecture rapide surtout pour les parents francophones, les effets restent encore à vérifier pour la population non francophone. |
Entretien avec les parents (avec présence ou non de lenfant concerné) |
Toutes les écoles. |
Entretiens jugés indispensables pour compléter la démarche du dossier. Ces entretiens permettent de mieux expliquer la progression de lenfant et de négocier des mesures nécessaires. |
Positives de la part des parents ayant participé aux entretiens. Permet de répondre aux questions suscitées par lintroduction des dossiers. Bon outil pour calmer les angoisses quant à la pertinence dune évaluation sans notes. |
lacement des notes par les outils cités ci-dessus |
Toutes les écoles. Introduction de la note globale à la fin de la 6 P dans les écoles accueillant des divisions moyennes. |
Bonne expérience. La réintroduction des notes pour la 6P a créé quelques difficultés mais a permis dintéressants échanges entre les écoles concernées. |
Ambivalence entre satisfaction et inquiétude : est-ce vraiment sérieux ? ! On attend pour voir. |
Implication des élèves via auto-évaluation et leur participation durant lentretien avec les parents |
Toutes les écoles. |
En travail dans toutes les écoles : étroits liens avec la construction du sens des savoirs scolaires et limage de soi. Encore à parfaire. |
Positive. Les avantages en terme de gain dautonomie et investissement du travail scolaire sont perçus. |
Soirées dinformation pour les parents |
Toutes les écoles. |
Démarche indispensable pour permettre aux parents de comprendre la démarche, à travers léchange avec des pairs. Demande beaucoup de savoir-faire et de volonté daccepter la confrontation de la part des enseignants. |
Positive. Bon effet démulation. |
Contacts avec le CO |
Les 4 écoles accueillant des divisions moyennes. |
Bons contacts qui ont permis de confirmer la tendance des CO concernés à reconnaître les avantages dune évaluation qualitative et formative. |
Positive. Les notes sont largement perçues comme superflues des deux côtés. |
Notons encore que, sans avoir déposé une demande de franchise concernant loption forte du remplacement des notes par des modalités alternatives, la plupart des autres écoles en innovation ont introduit une série de mesures allant dans le sens dune évaluation plus formative, à savoir : préparation dun dossier dévaluation, entretiens dévaluation avec les élèves et les parents sur la base des dossiers dévaluation, travail sur des situations dapprentissage porteuses de sens et intégrant lévaluation formative, projets de formation collective en collaboration avec le Service de lévaluation (SEDEV).
Au-delà des similitudes des démarches entreprises dans les écoles, les différences essentielles se manifestent dans lélaboration des dossiers dévaluation, dans la manière dont ils sont utilisés pour gérer les apprentissages des enfants en relation avec les dispositifs didactiques adaptés. Ce sera un des thèmes prioritaires de lannée à venir.
Lanalyse des quinze bilans des écoles en innovation permet à la fois de prendre la mesure de la complexité du travail et de sa nécessité : celui de la première année de mise en oeuvre, celui des problèmes qui restent à résoudre à court et à moyen terme et celui qui se prépare à long terme lorsquon se projette au-delà de la phase dexploration. Mais limitons-nous aux deux bilans qui simposent pour pouvoir organiser le travail à court et à moyen terme : bilan des acquis et bilan des problèmes à résoudre. Rappelons cependant le statut qualitatif et subjectif des données contenues dans ce document. Elles sont à considérer comme des hypothèses de travail à vérifier dans les mois à venir.
5.1 Les acquis
Les principaux acquis se situent sur le plan a) de la progression des concepts et des outillages à lintérieur des 3 axes de la Rénovation ; b) des premières expériences et régulations qui ont pu être introduites au sein des divers dispositifs daccompagnement. En particulier, les éléments suivants méritent dêtre mis en évidence :
Il conviendra de vérifier les observations faites sur la base des bilans à laide dinstruments appropriés, afin de pouvoir juger sil sagit deffets fiables et durables et pour déterminer sils sont réellement liés aux nouvelles pratiques ou produits par dautres facteurs. En attendant, il est important que ces effets existent et puissent être constatés pour continuer à affronter les difficultés que cette première année a mises en évidence. Elles sont brièvement résumées dans le passage suivant.
5.2 Les problèmes à résoudre
Il est normal que la première année de travail amène à mettre en évidence des questions dont une partie existaient déjà - sans être résolues - bien avant la Rénovation. Dautres sont, inévitablement, venues sajouter ou se greffer à celles-ci. En voici une première sélection :
Les acquis et les problèmes décrits dans la partie précédente permettent de développer une série de perspectives pour les mois et années à venir que nous livrons en vrac dans la partie finale de ce rapport. Il conviendra évidemment de les discuter plus en détail au sein des divers organes qui seront finalement chargés de leur suivi et leur mise en oeuvre : le Groupe de pilotage de la rénovation, le Groupe de recherche et dinnovation, le Groupe inter-projets.
Pour commencer, il nous paraît important que les écoles en innovation, le Groupe de recherche et dinnovation et le Groupe inter-projets se donnent les moyens daffiner leurs observations et la saisie des données. Comme nous lavons évoqué à plusieurs reprises, il nest pas toujours aisé de comprendre à quel niveau se situent les constats dont font part les équipes, ni de les comparer entre eux. Sur quelle base les priorités de travail se définissent-elles, grâce à quels instruments dobservation observe-t-on les changements en cours, quel garde-fou se donne-t-on pour ne pas tomber dans le piège de la méthode " Coué ", comment fait-on pour rendre comparables les avancées, tant sur le plan conceptuel que pratique ?
A la recherche dune méthode de travail acceptable pour tous, nous avons comparé le catalogue des compétences élaboré suite au rapport " Phnix " pour le dispositif de la formation continue de lenseignement primaire avec les problématiques mises en évidence dans les analyses de bilans déposés par les écoles en innovation. Nous avons repéré cinq compétences sur lesquelles il conviendrait de centrer les efforts dexploration et de formation durant les mois et années à venir :
Compétence Nº 1 : |
Gérer la progression des apprentissages La notion de " progression libre " à lintérieur et entre les cycles : comment faire, quelles nouvelles responsabilités et quels nouveaux rôles pour les divers partenaires ? Quels instruments ? Quel rôle les objectifs-noyaux y jouent-ils ? |
Compétence Nº 2 : |
Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation La promotion dune évaluation au service de la progression des élèves : comment améliorer les dispositifs au gré des premières expériences ? Comment les utiliser pour une meilleure prise en charge des difficultés dapprentissage ? |
Compétence Nº 3 : |
Organiser et animer des situations dapprentissage Les dispositifs didactiques " porteurs de sens " : quelle unité du concept ? Quel lien établir avec les théories dapprentissage ? Quelle utilisation ? Quel lien entre didactique et évaluation ? Quelle formation de base indispensable ? |
Compétence Nº 4 : |
Situer lécole au sein de linstitution scolaire Les rapports entre acteurs dans le système : entre enseignants - inspecteurs - Direction générale - parents. Quel niveau de culture commune autour des concepts suivants : rendre compte ; praticabilité ; lisibilité ; légitimation ; autonomie ; le projet comme moyen de sinscrire dans une dynamique collective du changement ? |
Compétence Nº 5 : |
Informer et impliquer les parents Les rapports entre lécole et la famille : quelles modalités efficaces de collaboration ? Quels droits et quelles obligations de part et autre ? Quelle formation pour les enseignants ? |
Les trois premières compétences sont liées : il sagit plutôt de trois angles dattaque différents pour aborder le même problème. Il consiste à mettre les enfants au centre du travail pédagogique (laxe 3 de la Rénovation), à clarifier les dispositifs didactiques les plus efficaces, à travailler sur les représentations des enseignants en ce qui concerne leur manière denseigner et la façon dont les enfants apprennent. Il sagit également de trois différentes entrées en matière pour faire une analyse des pratiques et repérer les compétences indispensables, présentes ou manquantes pour gérer plus efficacement la progression des élèves, développer des dispositifs de différenciation et organiser des situations véritablement au service de lapprentissage des élèves.
La quatrième et la cinquième compétence se réfèrent à nouveau au 2e axe : travailler ensemble. Le quatrième domaine invite à analyser les liens entre le travail au sein de léquipe et les besoins de linstitution, alors que le cinquième domaine recentre lattention sur les méthodes et moyens pour mener une action efficace auprès des parents.
La proposition est de former des groupes de tâches au sein du GIP et dinviter les écoles en innovation à sengager dans un travail dexploration intensive. Il sagira de produire, en respectant les délais fixés, des dossiers qui seront mis en discussion dans le GPR avant dêtre diffusés de manière plus large auprès des écoles intéressées. La collaboration à ces dossiers libérera les écoles en innovation de lobligation de rédiger des bilans complets. La responsabilité de la coordination des travaux au sein du GIP ainsi que la production et diffusion des dossiers revient au GRI qui réorganisera son fonctionnement en conséquence.
Notes