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Observation formative
et pédagogie différenciée
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1991
La Suisse romande modernise le carnet scolaire, canton par canton. Fort bien. Moins de notes, plus dappréciations qualitatives, dialogue avec les familles, appel à lautoévaluation. Cest un esprit nouveau, et en ce sens un pas vers lévaluation formative. Et pourtant, il faudra tôt ou tard une rupture : lévaluation formative ne concerne que le maître et ses élèves : nul besoin den rendre compte dans son détail aux parents, aux collègues, à lautorité. Elle se fait en fonction des besoins : pas pour tout le monde, pas à date fixe, pas selon des formes standardisées. Lévaluation formative na quun but : aider lélève à mieux apprendre et le maître à mieux enseigner. Pas besoin de grilles compliquées là où lintuition suffit. Pas besoin dinvestir dans lobservation là où tout se passe bien. Lévaluation formative, cest un regard sur les difficultés, les façons dapprendre, les méthodes de travail, les attitudes, les acquis dun élève. Il sagit de prendre de linformation et de linterpréter, pour résoudre un problème, pas pour remplir un registre !
Peut-être faudrait-il, pour opérer cette révolution culturelle, cesser de parler dévaluation, prenant acte du fait que ce mot évoque dabord, quoi quon fasse, notes, carnets, classements, réussites ou échecs. Parlons plutôt dobservation formative. Et situons-nous résolument du côté de lenseignement, de la didactique. Et surtout du côté de la différenciation de lenseignement, de lindividualisation de laction pédagogique. À quoi sert-il de cerner les difficultés dun élève si on ne peut rien faire pour lui ? Pas dobservation formative sans possibilités dintervention, donc sans degrés de liberté dans lorganisation de la classe, des espaces, des activités, des horaires, du groupement des élèves.
Il ny aura pas de pédagogie différenciée et dobservation formative livrées clés en main. Chaque enseignant doit (ré) inventer des pratiques correspondant à sa personnalité, à sa façon denseigner, à ses élèves du moment, à létablissement et au quartier dans lesquels il travaille. Différencier dans une classe rurale isolée à 4 ou 5 degrés, ce nest pas différencier dans une classe urbaine comptant trois quarts denfants immigrés.
Bien sûr, on ne peut tout attendre de la bonne volonté des maîtres. Mais lobservation formative et la pédagogie différenciée ne sont pas des structures quon introduit par des textes. Le rôle des inspecteurs et directeurs décole sera donc décisif : encourager les maîtres à essayer, à prendre des risques, à tirer les leçons de lexpérience ; et les convier à en parler avec des collègues, à travailler en équipe, à lire et se former. Les stratégies de changement passent par un discours clair et incitatif de lautorité, puis par des dynamiques déquipes ou détablissements. Pas dordre de marche, de " Ny a quà ", mais des encouragements constants, qui tiennent compte des difficultés immenses de la tâche. À lheure où la Suisse romande paraît vouloir se saisir de ce dossier, une belle carte à jouer pour les cadres. À commencer par leur propre formation
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© Philippe Perrenoud, Université de Genève.
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