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Ce que la recherche en éducation
peut apporter à la conception
de la formation des maîtres
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1994
I. Lapport de la recherche à la transposition didactique à partir de pratiques professionnelles complexesII. Lapport de la recherche à la construction des dispositifs de formation
III. Lapport de la recherche au développement de démarches de formation
Parler de la recherche en général nautorise que des propos assez abstraits sur son statut, ses usages, son fonctionnement dans un dispositif de formation des maîtres : les formateurs doivent-ils ou non faire de la recherche ? une recherche-action, une recherche formation est-elle une recherche scientifique ? faut-il initier les futurs enseignants à la recherche ? la recherche est-elle une démarche utile de formation ? Ces questions sont importantes, mais comment y répondre sans entrer dans le vif du sujet ?
Je traiterai ici de lapport des sciences de léducation, prises au sens large, en y incluant la didactique générale et les didactiques des disciplines, et toutes les sciences humaines qui contribuent à la compréhension des phénomènes éducatifs ; psychologie, pédagogie, psychologie sociale, anthropologie, démographie, histoire, économie, politologie, sociologie. Jexclurai en revanche de mon propos la recherche dans les domaines correspondants aux disciplines enseignées - mathématique, biologie, etc. -, exception faite des articulations avec la recherche en didactique.
Nul ne sattarderait aujourdhui à contester les apports de la biologie à la formation des médecins. Les apports des sciences de léducation à la formation des maîtres deviennent tout aussi évidents : la recherche en éducation alimente les contenus de la formation des maîtres chaque fois quelle éclaire des processus denseignement ou dapprentissage, des fonctionnements didactiques ou institutionnels quon juge important de faire connaître aux futurs enseignants. Certes, une formation en sciences de léducation ne suffit pas pour penser, et a fortiori pour maîtriser les processus éducatifs, parce que les connaissances théoriques sont encore partielles et fragiles - plus quen biologie - mais surtout parce quaucune science, aussi achevée soit-elle, ne peut guider complètement laction dans une situation singulière. Il reste nécessaire que les futurs enseignants se familiarisent durant leur formation, par exemple, avec ce que la recherche peut dire de fondé sur lapprentissage de la lecture, le rôle des représentations préalables des apprenants en sciences, les conditions du travail de groupe, le rôle de la culture familiale dans léchec scolaire ou le fonctionnement des établissements. Je traiterai ici dune question différente : quel est lapport de la recherche en éducation à la conception de la formation initiale des enseignants ?
Pourquoi parler de lapport de la recherche plutôt que des sciences de léducation, comme ensemble de connaissances consolidées, abstraction faite de leur mode de production ? Parce quen sciences humaines, il ny a guère de connaissances entièrement établies. Ce sont des disciplines en développement, qui produisent plus dhypothèses que de réponses définitives. Cela dévalorise-t-il leur apport à la conception de la formation des enseignants ? Je ne le crois pas : tout le monde peut comprendre que le développement des sciences de lhomme ne soit pas encore comparable à celui des disciplines scientifiques les plus anciennes ; ce quon pardonne mal aux sciences humaines, en revanche, ce sont des promesses quelles ne sauraient tenir en létat actuels de leurs théories et de leurs méthodes. Il est absurde de singer les sciences dures. Lénoncé dhypothèses plausibles, la vérification de certaines dentre elles, la construction de problématiques précises et le développement de nouveaux paradigmes de pensée sont déjà des apports majeurs en regard du flou et des contradictions qui émaillent les débats idéologiques sur la formation des maîtres. Cest ainsi quune approche psychanalytique de léducation et de la relation éducative ne donne pas toutes les réponses, mais désigne et explore une facette de la réalité quon ne devrait pas ignorer en formation des maîtres : on enseigne aussi avec son inconscient, avec ses pulsions, en réactivant toutes sortes de conflits de lenfance. Si on loublie, si on le nie, on ne comprend rien à un certain nombre de crises, de pannes, de blocages de la relation pédagogique et de lapprentissage, qui ne se jouent pas au plan didactique ou cognitif seulement. La simple existence dun regard est un apport, elle empêche doublier une facette importante de la réalité. À lintérieur dune approche, il y a des théories plus ou moins fondées et il y a des débats, des dilemmes qui sont eux-mêmes intéressants, même lorsquon ne dispose pas encore dune réponse stable : la simple controverse sur la nature des compétences discursives ou de la créativité sont des éléments importants de construction des curricula de formation des maîtres, parce quils protègent de tout dogmatisme.
Dans les domaines technologiques, on bénéfice des apports de la recherche en électronique ou en chimie sans y participer le moins du monde et sans rien y comprendre, simplement parce que les savoirs sont incorporés à des médicaments ou des appareils quon peut utiliser sans rien savoir de leurs fondements scientifiques, encore moins de leur mode délaboration. Plus on va vers les sciences humaines, moins ce schéma fonctionne, moins on peut utiliser des connaissances consolidées sans être impliqué, au moins un peu, dans leur processus délaboration. Pour tirer parti des apports de la recherche en éducation, il nest pas nécessaire que les responsables de la formation des maîtres soient chercheurs au CNRS, ni même associés à une recherche appliquée. Il peut suffire dêtre actif dans des groupes de recherche-action ou de recherche-formation, de participer à des congrès, de lire des livres et des revues scientifiques, de discuter régulièrement avec des chercheurs. Si on veut vraiment sapproprier les résultats de la recherche, il faut entrer un peu dans ce monde, ne serait-ce que pour saisir de lintérieur la part des connaissances solides et la part des modes du moment. Par exemple, sur lapprentissage de la lecture, quiconque ne voudrait sintéresser quaux résultats consolidés de la recherche aurait du mal à identifier " la bonne " parmi les théories en conflit. En revanche, sil entre dans le débat, se fait une idée de lhistoire des travaux et controverses sur la question de savoir comment on apprend à lire, il construira une forme dexpertise intégrant des incertitudes et des zones dombre. Pour utiliser les théories des sciences humaines, mieux vaut être un consommateur actif, voire un petit producteur de savoirs ou dhypothèses ou en tout cas de connexion entre les hypothèses théoriques, les recherches pointues et les applications didactiques. Peut-être, dans cinquante ans, les produits de la recherche en sciences humaines seront-ils livrés comme des produits finis, quil ny aura plus quà transposer. Ce nest pas la situation aujourdhui et cela na pas que des inconvénients : les praticiens ne sont pas dans la dépendance de la recherche, ils dialoguent avec elle et souvent y contribuent, alors que le seul pouvoir de celui qui avale ses comprimés ou allume sa télévision est de changer de marque
Lapport des sciences de léducation à la conception de la formation des maîtres nest donc nullement automatique. Il passe par un travail commun. Je ne propose ici quun repérage des apports possibles dans trois domaines complémentaires :
Il est impossible dêtre complet, il faudrait plusieurs ouvrages et une érudition collective pour arpenter tous les travaux qui, dune manière ou dune autre, pourraient alimenter la conception de la formation des enseignants. Je men tiendrai dans chaque domaine à quelques exemples, sans pouvoir donner des références bibliographiques complètes.
Une formation professionnelle cohérente devrait se fonder sur une transposition didactique explicite à partir des pratiques et des compétences professionnelles. Comment donner de ces pratiques et de ces compétences une représentation précise et réaliste ? Tous ceux qui sengagent dans une telle entreprise se heurtent à des oppositions majeures : les pilotes de lignes ou les contrôleurs aériens, pas plus que les dentistes ou les nettoyeurs, nont intérêt à ce quon divulgue une image entièrement fidèle de leurs pratiques. Toute mise à plat dun métier - quel quil soit ! - montre la part de lingéniosité, de la solidarité, du dévouement, des heures supplémentaires, des prises de risques, des initiatives, mais dévoile aussi des erreurs et des errements professionnels, met en évidence une part dimprovisation, de gaspillage, dinertie, dautoritarisme, darrivisme, de bureaucratie, de paresse, dincompétence.
La projection vers lavenir permet en partie de surmonter la contradiction : quand on forme des informaticiens, on essaie de ne pas les former à linformatique des années soixante, ni même des années quatre-vingt dix, mais de les préparer à lévolution des technologies et des logiciels de lan 2000 ou 2020. Lorsque les sciences, les techniques, la division du travail, les besoins changent, aucune formation professionnelle ne peut se borner à une transposition didactique à partir de ce qui se fait aujourdhui, elle cherche à anticiper et dans une certaine mesure à orienter lévolution de la profession. Il sagit donc de construire une représentation des pratiques professionnelles les plus intéressantes, les plus novatrices, les plus porteuses davenir. On peut donc gommer certains aspects peu glorieux des pratiques actuelles. Mais que vaudrait une formation professionnelle fondée sur une simple fiction ?
Faut-il pour autant recourir à la recherche ? Lorsquon forme des mécaniciens sur voitures, on ne conduit pas une véritable recherche sur leurs pratiques. Les formateurs pensent connaître le métier de lintérieur et savoir à peu près où il va. Leur expérience personnelle et collective tient lieu de savoir - plus ou moins diffus - sur les pratiques actuelles et futures, un savoir qui nest pas forcément écrit, pas forcément explicite, mais contient une image de la profession jugée suffisante pour guider la construction dun cursus et de dispositifs de formation professionnelle. Peut-être les formateurs de mécaniciens sur voitures auraient-ils intérêt à se donner de meilleurs instruments dappréhension du contenu effectif des pratiques : un formateur qui a été mécanicien il y a quinze ans sait-il vraiment comment fonctionne un garage aujourdhui ? Une chose est sûre : plus on va vers les métiers de lhumain, vers les tâches qualifiées et complexes, plus la construction dune représentation des pratiques devient un travail exigeant et difficile. Peut-être parviendrait-on à décrire en dix phrases, non sans une certaine injustice, en quoi consiste le travail dun caissier ou dune caissière dans un supermarché. Il en faut beaucoup plus pour énoncer les différentes facettes du métier denseignant.
Ces représentations peuvent être alimentées par la recherche en éducation, lorsquelle rend compte des pratiques des enseignants ou du fonctionnement des établissements. Elle peut contribuer à une transposition réaliste à partir des pratiques effectives, aider à rompre avec les fictions angéliques quon trouve trop souvent encore dans la littérature professionnelle. La recherche sur les pratiques ose décrire ce que les praticiens eux mêmes ne disent pas volontiers. Prenons quelques exemples.
La place de la peur et du conflit
Lenseignement est un métier quon exerce souvent dans une certaine angoisse, parce quon est confronté à un autre qui résiste, parce quon doit affronter chaque jour un rapport de force inévitable avec une partie des élèves, un rapport de voisinage peu serein avec certains collègues, des rapports pas toujours faciles avec une hiérarchie proche ou lointaine, des rapports parfois tendus avec la communauté locale ou certains parents délèves. Exercer un métier de lhumain, cest nécessairement vivre des conflits, des non dits, des procès dintention, de la mauvaise foi, de linjustice (Cifali, 1986). Se destiner à un tel métier, cest se préparer à des phases daffrontement ou de déprime, à des périodes où lon ne croit plus à ce quon fait, à des crises, à des moments de burn out (Huberman, 1990). Tout le monde le sait, mais ces thèmes reçoivent encore - en général - une faible attention dans la formation des enseignants. Si on lève peu à peu le voile, cest en partie parce que la recherche sur les pratiques pédagogiques et le fonctionnement didactique commence à théoriser les ambivalences et les peurs, à traquer les tabous de la profession, à parler ouvertement de ce que les gens de métier renvoient ordinairement au for intérieur de chacun.
Le statut de lerreur
Dans certaines classes, face à une question, les élèves qui ne sont pas sûrs de connaître la bonne réponse ne songent nullement à se manifester, pour ne pas entendre une fois encore quils font perdre du temps à tout le monde, pour ne pas se voir renvoyer limage de quelquun qui dit nimporte quoi, qui est " à côté de la plaque ", qui parle avant de réfléchir. Dans dautre classes, au contraire, on a le droit de réfléchir à haute voix, on tient largumentation autour des hypothèses, y compris les raisonnements faux et fragiles, pour une source de la construction des connaissances.
Cest à partir du moment où la recherche en didactique a repéré limportance stratégique du traitement de lerreur de lélève quon peut commencer à décrire systématiquement les pratiques sous cet angle, à observer quelles sinscrivent dans un contrat qui réglemente implicitement ou explicitement le statut de lerreur et donc de la vérité, le droit de tâtonner, dhésiter, de changer davis, de dire ses doutes, de se tromper ou de ne pas savoir. Certes, le rôle de lenseignant est toujours, à terme, de favoriser la construction de réponses justes ou fondées et de décourager les autres. Toute la question est de savoir comme il sy prend. Or tout ce que lon sait aujourdhui des théories de lapprentissage et de linteraction didactique montre que lobsession de prévenir ou de corriger les erreurs empêche de les interpréter et de sen servir pour aider lélève à apprendre. Seule la recherche a permis de prendre au sérieux la diversité des traitements de lerreur chez lélève et chez lenseignant et le rôle de leur contrat, de cerner toute la différence quil y a entre rectifier lerreur ou essayer de la comprendre, entre lui accorder un statut légitime ou mettre toute son énergie à censurer les réponses fausses.
Le bricolage et lemploi du temps
Autre exemple, dans un registre plus anthropologique que psychanalytique : le bricolage constitutif de toute action pédagogique (Perrenoud, 1983). Un enseignant est sans arrêt en train de bricoler à la fois des savoirs, des situations didactiques, de lévaluation, du sens, des modalités de travail et de contrôle social, des rapports au temps et à lespace. Où en parle-t-on ? La plupart des méthodologies fonctionnent dans un monde de rêve où il y a toujours la place, le temps, les moyens nécessaires pour enseigner et faire apprendre. En pratique, ces conditions ne sont pas toujours réunies, pas seulement dans le Tiers Monde. Ce nest pas simplement une question de pauvreté matérielle des écoles, encore que cela puisse jouer un rôle. Cest une question de décalage entre les modèles dont on nantit les maîtres en formation et les conditions effectives de la pratique.
Prenons les horaires : les textes prévoient une répartition précise du temps scolaire entre les disciplines. Quand on regarde les budgets-temps réels des classes, on se rend compte quentre 10 % et 25 % du total des heures hebdomadaires est dévolu à des tâches qui nappartiennent à aucune discipline : faire de lordre, gérer des transitions, des interruptions, des événements particuliers, saccommoder des veilles et les lendemains de fêtes scolaires, civiles ou religieuses. Une fiction bureaucratique énonce par exemple quon dispose de quatre heures par semaine pour enseigner la mathématique, alors quen réalité, compte tenu de lensemble des événements, on en a trois ou trois et demie, pour le même programme ! De plus, durant ces heures, il faut faire la différence entre le temps passé en classe de mathématique et le temps passé à travailler sur une tâche mathématique. Certes, lécart, parfois considérable, dépend des pédagogies quon pratique. Dans une pédagogie frontale, pendant une heure de cours de mathématique, une partie des élèves ne sont actifs que cinq minutes, parce quon ne leur a pas posé de questions, parce quils ont fait semblant découter, parce quils sont " passé entre les gouttes ". Même le maître le plus créatif ne peut mettre tous ses élèves au travail tout le temps
La recherche sur les pratiques induit un certain réalisme quant au temps effectivement disponible, amène à voir que les programmes sont démesurés parce quils font comme si lon disposait, dans le travail quotidien, du temps prévu par les textes, et comme si ce temps était constamment utilisable, alors que chacun sait quil y a des temps dont on ne peut rien faire. Tous les enseignants conviennent quà partir de trois heures de laprès-midi, il nest plus temps de faire démarrer une recherche, alors que tout le monde est déjà en train de regarder lheure, le professeur compris, en se demandant si la journée nest pas bientôt finie. Le temps ne vaut pas de façon homogène, il y a des temps morts, des temps inutiles, des temps de conflit, des temps de découragement qui font parfois régresser plus que progresser.
Négociation et violence dans léducation
On fait toujours comme si linstitution et le professeur avaient le pouvoir de définir le programme ; or cest loin dêtre si simple. Les travaux sur le curriculum et le travail scolaire montrent que les contenus effectifs de lenseignement sont souvent très éloignés des plans détudes et des programmes. Parmi toutes les raisons, je nen retiens quune : les contenus sont négociés avec les élèves, qui ont une forte prise sur le rythme, le niveau, voire la substance des cours, ne serait-ce quen disant ou en laissant entendre " Jaime " ou " Je naime pas ", en montrant quils sont on non intéressés. Si le professeur a le choix entre deux chapitres, que lun " marche bien " alors que lautre fait tomber un masque sur le visage de tous ses élèves, il choisit, plus ou moins consciemment, ce qui plaît le mieux. La négociation peut passer par des résistances passives, des questions dilatoires, des manuvres de retardement : tous les lycéens du monde ont réussi à gagner du temps on posant à un professeur des questions dont la réponse leur importait peu mais lobligeaient, par vanité, conscience professionnelle, passion didactique ou pour toute autre raison à y répondre et donc à différer labord du chapitre suivant du programme.
Dans dautres filières, moins élitistes, la volonté de ne pas apprendre et de ne pas travailler est plus explicite encore. Dans les classes de lycée professionnel et dans nombre dautres filières dans lenseignement secondaire, le professeur est obligé de chercher un compromis, sous peine dêtre éjecté ou simplement ignoré. La négociation prend de plus en plus de force dans les institutions denseignement, à tous les niveaux, pas seulement en formation dadultes mais en formation dadolescents, voire denfants. Il faut y préparer les futurs enseignants. Il y a des techniques de négociation, de médiation, de règlement des conflits, des façons didentifier les divergences et les intérêts, de construire des compromis, des contrats, des règles du jeu. Il y a des gens qui pratiquent la négociation dans le monde syndical, dans le monde professionnel. On ne manque pas de modèles. Pourtant, les enseignants ne sont absolument pas préparés à négocier avec leurs élèves, leurs collègues ou la hiérarchie. Lécole est un monde où le moindre conflit bloque la communication, se traduit soit par des régressions vers lisolement ou la décharge dagressivité, soit vers dinterminables palabres où tout se déverse sur la table, la sélection, les programmes, les horaires, lévaluation, les parents, les conditions de travail, lattitude des élèves, les rapports hiérarchiques aussi bien que les petites rognes individuelles : Moi, je nai pas eu le local que je voulais, moi jai dû prendre une classe chargée. Dans les deux cas, cest la paralysie du débat. On ne sait pas négocier dans le monde de lenseignement. La recherche en éducation peut aider les institutions de formation des maîtres à sortir de la naïveté, par exemple lorsquelle analyse la réalité du rapport pédagogique ou des accords et désaccords dans les collèges (Derouet, 1988, 1993).
Le travail hors de classe
Pour préparer correctement des enseignants à leur métier, il faudrait les former non seulement de ce quils feront avec leurs élèves, mais à leurs tâches en dehors de la classe. Or la profession jette un assez intense black-out sur ce que font les enseignants lorsquils ne sont pas avec leurs élèves (Ranjard, 1984). Dans certains pays, la recherche elle-même narrive pas à lever le voile : les enquêtes sont empêchées par les syndicats. On ne veut pas quon sache comment et où travaillent les enseignants lorsquils ne donnent pas cours, parce que cette opacité rend malaisés le contrôle du temps de travail aussi bien que la comparaison avec dautres métiers. Elle interdit souvent à ladministration dintégrer à lhoraire formel des enseignants des temps de travail en commun, de peur de paraître attenter à leur vie privée. Les enjeux sont majeurs, tout réalisme se heurte à des intérêts investis dans le statu quo.
Que deviennent la transposition didactique et la construction du curriculum de formation lorsquon ne peut décrire publiquement les pratiques effectives ? Comment les responsables des programmes de formation peuvent-ils mettre en place des modules de formation sans pouvoir dire totalement où ils puisent leurs images de la profession ? Le rapport Bancel ou dautres textes officiels donnent en général du métier denseignant une image positive, complètement éthérée, aseptisée. Les formateurs et les responsables de la formation devraient être moins prudents et affronter ces zones dombre, sous peine de ne préparer les étudiants quà la face visible du métier. Un professeur qui enseigne dix-huit ou vingt-deux périodes de 45 minutes par semaine, que fait-il le reste du temps ? Comment sorganise-t-il ? Avec qui travaille-t-il ? Où ? Ces questions sont légitimes, non dans un but de surveillance policière, mais pour comprendre des aspects essentiels du métier : planification du cours, bricolage de situations didactiques, organisation dune documentation personnelle, recherche, adaptation ou création de moyens denseignement ou dévaluation, collaboration avec des collègues, réemploi du travail des autres années, mobilisation de ressources technologiques, correction ou exploitation de la production des élèves, préparation technique ou psychologique, renouveau, formation personnelle, lectures. Certes, en formation des maîtres, on visite le centre de documentation, on est confronté à des préparations idéales, on confectionne un matériel exemplaire, parfois sophistiqué. Mais comment fonctionnent, dans la pratique, la plupart des enseignants ? On dit aux étudiants comment il faudrait confectionner une épreuve. Il serait intéressant quils sachent comment, de fait, leurs collègues expérimentés préparent une épreuve écrite, en général beaucoup plus vite, de façon beaucoup plus superficielle quon ne le dit dans les manuels, avec des préoccupations qui ne sont pas tant dacquérir de linformation sur les apprenants que dêtre formellement équitables, donc irréprochables du côté des élèves, des parents, de ladministration. Toutes ces choses méritent dêtre dites, la recherche peut contribuer à les décrire sans juger.
Penser la pratique pour penser la formation
Pour décrire de telles facettes des fonctionnements didactiques et du métier denseignant, il faut aller au delà des images dÉpinal, entrer dans une analyse fine et parfois instrumentée des pratiques, des contrats pédagogiques. Le bon sens et la familiarité ne suffisent plus. Il faut que les formateurs denseignants ou les responsables du dispositif aillent regarder les choses de près, ne se contentent pas de se remémorer la façon dont ils pratiquaient lorsquils étaient eux-mêmes professeurs.
On ne peut aujourdhui concevoir des objectifs et des curricula de formation quavec une image précise des pratiques. Pour construire une représentation du métier, la recherche nest pas la seule voie, mais elle devient une ressource importante si lon veut décrire les pratiques effectives, comprendre " comment ça marche ", cerner la réalité des processus dapprentissage, des interactions didactiques, du fonctionnement des établissements et des systèmes éducatifs. Qui pourrait affirmer quon dispose dores et déjà dune représentation du métier assez réaliste et précise pour construire sans coup férir des curricula de formation des maîtres ajustés aux conditions de la pratique ? Nous avons devant nous quelques décennies encore de travail intensif sur les facettes du métier denseignant, en particulier sur les plus cachées.
À travers ces exemples, une première thèse : la recherche en éducation est une façon irremplaçable de penser les pratiques pour penser la formation (Perrenoud, 1994). Elle ne saurait prétendre au monopole : les représentations du métier viennent aussi de lexpérience des formateurs, et notamment de la pratique actuelle des formateurs de terrain. Les étudiants, sils sont impliqués dans une véritable alternance théorie-pratique, peuvent également contribuer à renouveler les images du métier et de ses véritables conditions dexercice. Les associations professionnelles, les chefs détablissements, les usagers détiennent aussi une part de vérité sur les pratiques enseignantes et leur évolution probable ou souhaitable. Loin de nier ces représentations, de vouloir y substituer sa vérité, la recherche peut sen inspirer, valider ou infirmer des hypothèses qui ont cours, affiner, expliciter des intuitions. Elle peut aussi, en prenant les représentations du métier comme objets, montrer leurs biais et leurs limites.
Au-delà de la détermination des objectifs et des contenus, de la transposition didactique, la recherche en éducation peut contribuer à la construction des dispositifs de formation. On se situe là à un autre niveau, celui de la mise en uvre des finalités, de la transformation dun curriculum formel en curriculum réel, de la résistance des acteurs au projet, tant au niveau des processus de pensée et dapprentissage que des conduites et des stratégies. La recherche en éducation étudie la construction et la mise en uvre des curricula, les stratégies des enseignants et des étudiants, les mécanismes de sélection/orientation, les systèmes concrets dévaluation, la division du travail pédagogique, le fonctionnement des classes et des établissements, autant de savoirs quon pourrait réinvestir dans la conception des dispositifs de formation des maîtres.
La dynamique des établissements
Un institut de formation des maîtres nest ni une école primaire, ni un collège, ni un lycée, mais on peut le considérer comme un établissement, une organisation scolaire dont la recherche en éducation peut contribuer à éclairer le fonctionnement. Sans doute un IUFM est-il un très grand établissement, qui compte beaucoup plus de formateurs et détudiants que les établissements secondaires les plus importants. Cest un établissement qui regroupe des sites multiples et souvent éloignés, ce qui complique son fonctionnement. Cest un établissement composé à partir détablissements autonomes qui conservent une part de leur identité ancienne. Malgré ces différences, les phénomènes de pouvoir, la formation dune culture commune, les dynamiques de changement ne sont pas radicalement différents.
On sait de mieux en mieux quel type de leadership et de culture professionnelle favorise lintégration, lefficacité, lautorégulation et le renouveau des établissements. Les idées de culture de coopération, de professionnalisation interactive, de projet détablissement, dautoévaluation négociée, de communauté éducative, dautorité négociée qui inspirent les collèges et lycées valent aussi pour les institutions de formation des enseignants (Demailly, 1990 ; Gather Thurler, 1993 a et b, 1994 a et b).
La socialisation professionnelle et lentrée dans le métier
Lorsque les nouveaux enseignants arrivent dans les établissements, ils sadaptent aux normes locales. Sopère alors une sorte de déni et de dévalorisation de la formation : Cest bien joli tout ça, cest ce quon ta dit en formation, mais ici, vois-tu, cest comme cela que ça marche ! La régression est souvent très longue. Non seulement on napplique pas durant la première année ce quon vient dapprendre en formation initiale, mais on y renonce définitivement et on se coule dans le moule par gain de paix.
Le risque de régression est dautant plus fort que lon nest préparé ni à faire face aux attentes des collègues plus anciens, ni à mettre en pratique les aspects les plus novateurs de sa formation.
On peut, dans le dispositif de formation, préparer les futurs enseignants à choisir en connaissance de cause une voie médiane entre ce que jappelle réalisme conservateur et idéalisme béat. Ils doivent mesurer les risques, savoir que sils viennent raconter naïvement ce quon leur a conseillé durant leur formation initiale en didactique ou en psychopédagogie, ils vont se casser la figure. Aider les futurs enseignants à gérer cette distance peut devenir un objectif de formation et un aspect du parcours ; il sagit de préparer à la tension entre les générations, au conflit entre les gens installés et les nouveaux, entre les anciens et les modernes, entre les conservateurs et les innovateurs. Quiconque nest pas prêt à vivre ce conflit est incapable de comprendre ce qui lui arrive. Comme il a envie quon laime et quon laccepte, il se conforme aux attentes de ses collègues, parce quil na pas les moyens de maintenir ouvertement - et même intérieurement ! - sa différence et donc son identité. On ne peut résister à la pression dun groupe quen étant prévenu, préparé conceptuellement, mais aussi pourvu dune identité personnelle, dune certaine solidité affective et relationnelle. Sans cet effort, les compétences acquises en formation initiale vont se rétrécir comme peau de chagrin, si bien quau bout de quelques années ou quelques mois, on ne verra pas forcément la différence entre un jeune enseignant et un praticien formé il y a vingt ans.
Indépendamment des résistances de lentourage, chaque enseignant fraîchement formé est confronté à la solitude et à la difficulté de sen tirer seul. Meirieu insiste souvent sur limportance du désétayage dans la formation. Construire des compétences passe par une prise en charge, un étayage, une pratique assistée, protégée. Si lon ne prend pas le temps de faire le chemin inverse vers la pleine autonomie, les compétences acquises apparaissent inutilisables en pratique et le jeune enseignant en revient aux vieilles ficelles du métier. Une formation très avancée ne sert pas à grand chose si on ne réfléchit pas immédiatement sur les conditions de sa mise en pratique autonome.
Les stratégies des étudiants
Les études des carrières scolaires, lanalyse des comportements des consommateurs décole (Ballion, 1982, 1986 ; Berthelot, 1982) montrent que les étudiants détournent constamment les dispositifs de formation à leur profit. Dès que, par exemple, on veut différencier les parcours pour tenir compte des acquis antérieurs et de besoins distincts, on peut difficilement éviter que certains utilisent ces degrés de liberté pour travailler le moins possible : dans la mesure où on lui en demande en général beaucoup trop par rapport à ses forces, létudiant adopte une ligne utilitariste et minimaliste. Une bonne partie des bonnes idées, notamment sur laménagement des cursus, sur lindividualisation des parcours peuvent être perverties parce quon na pas pris en compte les stratégies des étudiants et leurs effets pervers. Dans une expérience de pédagogie de maîtrise, sil suffit de maîtriser 60 % du programme pour progresser dans le cursus, pourquoi létudiant se casserait-il la tête pour en maîtriser 85 % ? Même si cest possible, son objectif est de passer au degré suivant, et non daccumuler le maximum de compétences. Pour tenter de prévenir ces effets pervers, il faut probablement moduler les parcours, les options, lencadrement des étudiants, le type dévaluation, prévoir des garde-fous, des régulations. Les étudiants fonctionnent différemment selon le contrat didactique, selon quils ont un interlocuteur de confiance ou sen remettent au sens commun. Faute de savoir à qui parler, ils font ce quont toujours fait les étudiants. Les instituts de formation des maîtres pourraient sappuyer sur la recherche pour concevoir des dispositifs plus interactifs, négocier des contrats plutôt que de sen remettre aux stratégies anonymes et minimalistes.
On napprend pas tout seul
Cest le titre dun livre du CRESAS (1987), mais cest aussi la leçon de tous les travaux de psychologie cognitive et sociale, qui montrent que les savoirs se construisent mieux dans linteraction. A-t-on tiré de cet acquis tous les bénéfices possibles en formation des enseignants, à la fois au niveau du dispositif et de la formation des formateurs ? Nest-on pas, souvent encore, dans des situations de transmission magistrale et de travail solitaire ? Ces travaux de recherche pourraient conduire, beaucoup plus systématiquement, à mettre des groupes de futurs enseignants en situation de résolution de problèmes, en mettant à leur disposition un certain nombre de personnes ressources et de documents. Cest lidée de lenseignement par modules, par projets, par réseaux, par groupes de besoins. Le prix à payer en terme de gestion des parcours, des horaires, des salles est si lourd quon préfère souvent, dans lenseignement secondaire, dire que cest utopique : il est en effet plus simple de dispenser des cours, de remplir des salles sur la base dun horaire stable et dune division du travail établie pour lannée ; cest prévisible, cest gérable, ça coûte moins cher. Cest aussi moins efficace. Les institutions de formation des enseignants ont lavantage de travailler avec de jeunes adultes, elles courent moins de risques, elles pourraient donc ouvrir la voie en matière denseignement coopératif et modulaire.
Le temps de lapprentissage
On sait que le temps des apprentissages nest pas le temps de lenseignement. Chevallard (1985) montre que temps de la construction des savoirs mathématiques nest pas celui de lenseignement mathématique. Il y a dans les processus dapprentissage des temps morts, des temps faibles, des temps forts, des temps de restructuration accélérée, des temps de latence, des temps de cheminement souterrains dont on ne voit pas immédiatement le résultat, des régressions, des retours en arrière bénéfiques ou maléfiques. Lenseignement traditionnel ignore ces " désordres ", il progresse de chapitre en chapitre, de notion en notion, tout au long de lannée, avec de petits temps darrêt, de révision ou de synthèse, sans reconnaître quaucun étudiant napprend de façon aussi linéaire.
Dérouler le texte du savoir, tout enseignant est capable de le faire avec une bonne connaissance du contenu et quelques bases didactiques. Sadapter aux rythmes des étudiants, à la manière dont ils gèrent le temps de construction des savoirs et des compétences, cest beaucoup plus complexe, cela appelle une pédagogie différenciée, oblige à sécarter du texte du savoir pour improviser des réponses, expose à répondre à une question qui nest pas dans le cours, mais bel et bien dans la tête de lapprenant, qui renvoie au mieux au programme des degrés antérieurs ou suivants, qui parfois ne peut sappuyer sur aucune transposition didactique préétablie
On voit bien pourquoi lécole résiste aux savoirs sur les temps fantasques et inégaux, sur les désordres des apprentissages. Si elle prenait les acquis de la recherche en éducation plus au sérieux, lécole devrait offrir des parcours de formation moins linéaires, des séquences didactiques moins planifiées, faire une place plus grande au désordre, aux retours en arrière, aux parenthèses improvisées dans le texte du savoir, à la négociation en fonction des besoins des étudiants. Les institutions de formation des maîtres pourraient, là encore, être en pointe.
Faites comme je dis
La recherche sur le curriculum réel pourrait également alimenter la conception des dispositifs de formation. Jécrivais il y a quelques années :
Lorsquon forme des maîtres, on leur fait vivre comme élèves un certain type de didactique et de relation pédagogique. Ce quils apprennent tient très largement à ce curriculum implicite, voire caché. Doù limportance dune cohérence entre les modèles mis en pratique dans la formation des maîtres et ceux quon voudrait leur faire adopter dans leurs classes. On ne peut espérer, en particulier :
En un mot, le " Faites comme je dis, pas comme je fais " est une manière très inefficace de former des enseignants ! (Perrenoud, 1986)
Les institutions de formation des maîtres gagneraient à prendre au sérieux linfluence quexerce leur propre fonctionnement sur les modèles épistémologiques, didactiques et relationnels quintériorisent les futurs professeurs, et donc à sinspirer de la recherche en didactique et en sociologie du curriculum.
Une partie de la recherche en éducation porte sur les démarches de formation des maîtres et peut donc contribuer à leur évolution. Il en va de même, au prix dune certaine transposition, des recherches sur dautres formations dadultes, dautres formations professionnelles, dautres formations centrée sur une pratique. Plus globalement, il y dans nombre de recherche sur les processus denseignement ou dapprentissage des éléments dont pourraient sinspirer les démarches de formation des maîtres : pédagogie individualisée, évaluation formative, modes de régulation, clarification des objectifs, pédagogies de maîtrise, négociation dun contrat didactique explicite, apprentissage par projets, travail en équipe, méthodes actives, travail à partir des représentations, dimension métacognitives, technologies éducatives : tout cela ne vaut pas seulement pour lécole obligatoire, les fonctionnements des adultes ne sont pas très différents.
Je men tiendrai ici aux apports possibles de la recherche comme pratique de formation, comme moyen de favoriser chez de futurs enseignants la construction de certaines compétences. Évidemment, il y a une connexion avec les niveaux précédents. On peut difficilement imaginer quil ny ait aucun apport de la recherche à la transposition didactique qui sous-tend le parcours et à la conception des dispositif de formation, mais que les formateurs soient néanmoins familiers des sciences de léducation et fassent de la recherche avec leurs étudiants. Il y a en toile de fond une certaine familiarité, une certaine proximité avec le monde de la recherche qui va se retrouver à tous les niveaux de la formation, des objectifs aux pratiques quotidiennes.
Je vais essayer, à travers divers exemples, de rappeler en quoi participer à une recherche peut être fécond en formation initiale. Jai distingué trois raisons complémentaires de justifier linitiation à la recherche (Perrenoud, 1991). La première considère la recherche comme une méthode active de formation. La seconde - la plus classique - vise une initiation à la recherche comme consommateur averti, voire comme enseignant-chercheur. Le troisième sinspire de la pratique de recherche comme paradigme possible dune pratique réfléchie.
Apprendre à voir, un rapport actif au réel
Quest-ce quon apprend de spécifique en faisant de la recherche plutôt que découter des cours ? Quel genre de connaissances ou de compétences produit-on en impliquant les futurs enseignants dans une pratique de recherche ? Prenons lexemple dune recherche collective sur un thème précis : Dans sa pratique en classe quelle est la part de sa culture, de son expérience, de ses pratiques extrascolaires que lenseignant réinvestit ? Autrement dit : où est-ce quil va chercher tout ce quil enseigne, au delà des programmes et de sa formation professionnelle ? Chaque enseignant puise dans son expérience, sa culture, ses valeurs, ses intérêts, sa vie. Pour en savoir plus, dans un champ encore peu couvert par la recherche, le plus formateur est dy aller voir soi-même. Le professeur peut envoyer ses étudiants interviewer des enseignants en exercice pour saisir ce quils transposent dans leur pratique en classe, par exemple en situation dincertitude, de conflit, durgence, dinjustice, dinsécurité. Ils voient que la maîtrise de soi, des relations avec les autres, des événements, des savoirs, des émotions mobilise des schèmes construits en dehors de lécole et même en dehors de la socialisation professionnelle. Les étudiants découvrent un certain nombre de mécanismes de transposition qui ne sont pas décrits dans les livres et qui, même sils le sont, seront compris tout à fait autrement à travers une démarche personnelle de recherche. On retrouve ici linspiration majeure des pédagogies actives : il appartient au sujet de construire ses connaissances à travers une action et une expérience personnelles.
Prenons lexemple dun étudiant qui interviewe deux enseignants primaires, lun peintre à ses heures, lautre alpiniste. Quelle part de leur hobby réinvestissent-ils dans leur pratique professionnelle ? La démarche permet de découvrir des choses qui touchent personnellement létudiant et lui permettent, bien mieux quun cours ex cathedra, de comprendre comment il investit lui-même ses valeurs et pratiques extraprofessionnelles dans son métier. Sans être peintre ou alpiniste, il est concerné parce que sa recherche dévoile des mécanismes de transfert plus généraux. Ainsi, avant de devenir peintre - à trente ans - lun des enseignants interrogés pensait que la marche normale de la pensée est de finir une chose avant de passer à la suivante. Depuis quil peint, il a découvert quavoir une vingtaine ou une trentaine de toiles en chantier était beaucoup créatif, quil pouvait les reprendre ou les abandonner au gré de linspiration plutôt que de sacharner à en achever une avant de sautoriser à en commencer une nouvelle. Cet enseignant a transposé cette découverte dans sa salle de classe et sest rendu compte quune partie des élèves fonctionnent " comme des peintres " : ils résolvent certains problèmes dautant mieux quon ne fait pas pression sur eux pour quils aillent au bout dune tâche avant de sintéresser à autre chose.
On ne saurait évidemment généraliser. Il y a des esprits qui papillonnent sans succès et dautres qui papillonnent avec efficacité, qui à la limite, trouvent dans la rupture, une source dinspiration. Piaget écrivait régulièrement, tous les jours, et il avait pour règle de toujours laisser un paragraphe inachevé, voire une phrase interrompue. Il avait compris une chose essentielle, cest que la machine se remet en marche beaucoup mieux si on larrête nimporte où que si on larrête à la fin dun chapitre. De telles découvertes sont essentielles en formation des maîtres. Une petite recherche permet de les faire in vivo, chez quelquun de concret auquel on peut se comparer. Ainsi, durant une autre année, mes étudiants ont travaillé sur le curriculum caché, cest-à-dire tout ce qui est appris à lécole sans quon ait voulu lenseigner, peut-être ce quon y apprend de plus solide et de plus durable : vivre sous le regard et le jugement des autres, cacher ses erreurs, être en compétition avec autrui, ne pas demander de laide parce que ce sera utilisé contre vous, sennuyer, attendre, ruser Et chacun a découvert quil avait appris à lécole des choses quon ne met pas ordinairement en devanture, mais qui jouent un rôle important dans la vie.
Une recherche sur le curriculum caché, comme sur nimporte quel sujet didactique, psychopédagogique, psychosociologique, favorise certaines prises de conscience. Elle enseigne à mieux voir, à être sensible à dautres aspects de la réalité ou de son propre fonctionnement intellectuel, relationnel, affectif. Quand on doit rédiger un protocole dobservation en didactique des mathématiques, on va sintéresser de près aux consignes écrites, à ce que dit le maître, à ce que comprennent les élèves, à la façon dont ils se mettent au travail, aux règles implicites qui régissent le métier délève et le statut du savoir et de lerreur. On voit alors des choses quun enseignant chevronné de mathématique na peut-être jamais vues, parce que son regard nest armé ni des mêmes questions, ni des mêmes concepts que celui du chercheur.
La recherche oblige à regarder et à écouter avec moins de biais : cest évident puisquelle doit avoir une certaine neutralité par rapport aux préjugés. On sinstrumente pour corriger les premières impressions, contrôler la subjectivité. Chacun croit savoir pleins de choses, par exemple sur les difficultés dintégration dun enfant immigré. Si on va voir comment cela se passe concrètement, on se rend compte que cest loin dêtre si simple, par exemple quil y a des enfants dimmigrés qui ont des capacités dintégration plus grandes des enfants indigènes, tout simplement parce quils ont un parcours et un habitus dadaptation beaucoup plus fort, que découvrir une nouvelle classe peut devenir une routine quand on a " roulé sa bosse ".
La recherche incline à mieux voir le caché, le refoulé, le non dit, parce quelle sintéresse à ce que le discours professionnel standard ne dévoile pas. Si lon analyse les conversations de salle des maîtres, on découvre que, la plupart du temps, les praticiens ne parlent pas du métier ou en parlent sur le mode de lanecdote ou du défoulement. Le temps de conversation entre enseignants est un temps de recharge des énergies, de sécurisation, de retraite du front plus quun temps déchange constructif sur les pratiques professionnelles. On peut avoir limpression que si on se voit tous les jours au moins vingt minutes, dans une école primaire, pendant des années, on a loccasion de se dire plein de choses de ce quon fait en classe. Eh bien, pas du tout ! Celui de la classe dà côté reste souvent un inconnu, on sait si ses élèves font du bruit, sils rangent bien leurs chaussures ou leurs manteaux, beaucoup plus que comment le professeur explique en grammaire ou corrige les devoirs de mathématique. Ferait-on un pari sur les pratiques de ses collègues les plus proches quon se tromperait une fois sur deux ! La recherche fait prendre conscience de cet isolement et peut, en formation, conduire à sen préserver.
La recherche oblige également à mieux prendre en compte les différences et les diversités. Cest la question de léchantillonnage. La plupart du temps, chacun raisonne sur quelques cas particuliers : quelquun qui a une voiture de telle marque peut dire sans sourciller que " ces voitures " ont des problèmes dallumage, mais quelles tiennent par contre très bien la route. Quiconque examine mille voitures de la même marque va forcément atténuer ce jugement et voir quen réalité, elles ne sont pas si différentes des autres, en tout cas quon ne peut généraliser à partir dune si courte expérience.
La recherche met en question les évidences du sens commun. On pense connaître beaucoup de choses à partir de ce quon a dans la tête plutôt quà partir dune observation attentive de la réalité. La démarche scientifique, dans toutes les disciplines, consiste à y aller voir avant de dire. Cela ninterdit pas les hypothèses, mais incline à les vérifier. Hypothèse, vérification, retour à lhypothèse, voilà qui est loin dêtre la norme en pédagogie. On vient dune tradition pédagogique extrêmement humaniste, discursive, abstraite, qui, pendant des siècles a dit comment lenfant se développait et apprenait, comment la culture se transmettait. On est sorti de cette phase quon peut dire " préscientifique ", mais nous restons tous bourrés de préjugés ou pétris de méconnaissances que nous remplaçons pas des conjectures. Dans le dernier quart dheure dun cours de 45 minutes, le professeur fonctionne-t-il autrement que dans le premier ? Certains diront que cest évident, dautre que cest faux, en fonction de pratiques et de croyances personnelles, et de quelques lieux communs. Chacun dira pourquoi et développera une théorie apparemment convaincante à lappui de sa thèse. Lun dira que, dans le premier quart dheure, le professeur a tout le temps devant lui, quil est moins fatigué, alors que, dans le dernier quart dheure, il voit le temps passer, précipite les choses, devient plus fermé aux initiatives des élèves, les interpelle autrement, se fait plus bref, plus schématique, plus efficace, etc. Un autre dira quun enseignant digne de ce nom planifie son temps, ne se laisse pas prendre et agit en fonction du contenu et de la tâche plutôt que du temps qui reste. Et on se séparera, chacun restant convaincu quil a raison. La recherche montrera non seulement que tous les professeurs ne fonctionnent pas de la même façon, mais que le même professeur fonctionne différemment selon létablissement, la discipline, les enjeux, le moment de lannée et dune toile de fond constituée par le contrat pédagogique et le climat global de la classe. Le sens commun permet toujours de faire un bout de chemin. Pour aller plus loin dans la prise en compte des différences, faire participer les étudiants à la recherche est un utile détour.
Se familiariser avec les méthodes et les produits de la recherche
Dans le domaine des sciences " dures ", la distinction a tout son sens. De multiples procédés technologiques sont fondés sur les connaissances scientifiques à la construction desquelles les ingénieurs et techniciens nont pas participé. En sciences humaines, dans létat présent de leur développement, il est peu de résultats quon puisse détacher de leur genèse. Pour en faire un usage pratique, il ne faut pas nécessairement faire de la recherche, mais il importe de saisir lhistoire des problématiques et des paradigmes, de situer les connaissances dans une dynamique marquée par des doutes, des conflits, de zones dombre. Ainsi, pour utiliser les acquis de la recherche sur la production de textes, mieux vaut être quelque peu familier de ceux qui formulent les questions de recherche, élaborent des concepts, des hypothèses ou des méthodes. Les praticiens de la formation ne peuvent sapproprier le contenu des recherches quen jouant un rôle actif dans le débat et la diffusion des idées, sinon dans la recherche de terrain elle-même.
Si on veut utiliser des ouvrages de sciences de léducation, lire Piaget, Bourdieu, Chevallard, il faut non seulement avoir, été confronté à ces textes en formation, avoir participé à des discussions sur ces lectures, mais peut-être avoir eu loccasion dobserver personnellement des fragments de réalité illustrant ces théories. Ainsi, si lon veut comprendre quelque chose à la notion de contrat didactique, il est fécond daller observer le fonctionnement de vrais contrats didactiques en participant à de petites recherches. Ces observations personnelles et leur élaboration fourniront de précieuses clés pour lire les travaux des didacticiens. Une définition du contrat didactique donnée dans le cadre dun cours est une notion abstraite, sans commune mesure avec la formation du concept sur le terrain, pour rendre compte dans les interactions en classe de certaines régularités inintelligibles sans lexistence dune règle du jeu. Pour se préparer à utiliser les sciences de léducation tout au long de son existence, lenseignant comme le formateur denseignants ont besoin de " mettre la main à la pâte ".
Un paradigme pour une pratique réfléchie
La pratique réfléchie - reflective practice - est un terme inventé par Schön (1983, 1987), qui na pas travaillé au départ sur lenseignement, mais avec des artistes, des architectes, dautres professions et qui a tenté de décrire la façon dont les praticiens réfléchissent dans laction et sur laction. Un professionnel est quelquun qui essaie toujours, en temps réel ou avec un petit décalage, de comprendre ce quil fait fonctionner, de se demander : Quest-ce que je fais, quest-ce qui se passe, est-ce que je my prends bien, est-ce que je pourrais faire mieux dans limmédiat ou la prochaine fois ? Cest quelquun qui, à sa façon, " théorise sa pratique ", pas pour le plaisir den parler ou décrire des livres, mais parce quil réinjecte ses analyses dans la prochaine étape de son travail. Cette régulation peut sopérer selon des cycles très courts : si je donne une consigne pour un travail de groupe, que je maperçois quelle na pas passé, je peux dans la demi-heure qui suit, rectifier pour la tâche suivante. Il y aussi des régulations à plus longue portée. Mais dans tous les cas, le mécanisme est le même, il consiste à réfléchir sur lexpérience, à comprendre ce qui sest passé et à en tirer quelques leçons pour lavenir.
Évidemment, entre une recherche scientifique et une pratique réfléchie, il y a pas mal de différences. Dire que le praticien est un chercheur dans sa classe, sur sa propre pratique, est acceptable si lon entend recherche dans un sens très vague. Mais par rapport au chercheur professionnel, au chercheur du CNRS, il y a beaucoup de différences. Lenseignant doit respecter un contrat didactique, il obéit à des règles déontologiques, il y a donc des questions quil na pas le droit de poser aux élèves parce quelles touchent à la sphère privée ou déséquilibreraient le rapport pédagogique, alors quun chercheur prendra le risque en protégeant lanonymat des personnes. En situation dincertitude le chercheur attend et prolonge sa réflexion, lenseignant lui doit agir, même sil nest pas sûr davoir raison, car il ne peut sarrêter le temps voulu pour penser ou observer. La connaissance construite par le praticien est réinvestie en circuit fermé, et ne se soumet pas aux critères de validation de la communauté scientifique : la connaissance locale suffit, pourvu que " ça marche " ici et maintenant, peu importe quà cent kilomètres ou dans la classe voisine, ce ne soit pas valable. La recherche doit au contraire se confronter constamment au problème de la généralisation. Pour lenseignant, les implications pratiques des savoirs doivent être pesées, négociées. Une maîtresse enfantine, sensible à labsence de sphère privée de ses élèves de cinq ans, crée dans sa classe un espace clos auquel elle na pas accès, où elle ne voit pas ce qui se passe. Concrètement, cest une tente plantée dans un coin de la classe. Elle se rend compte que dans cette tente, il se passe des choses pas faciles à défendre devant des parents ou des collègues si elles venaient à se savoir ; les élèves profitent de cette vie privée pour se battre ou se livrer à des attouchements qui ne sont pas censés être autorisés, encore moins encouragés à lécole maternelle. Cette enseignante a une connaissance précise et fondée des enfants et sait quune partie du développement, à cet âge, se fait mieux hors de la vue de ladulte, quil importe que les enfants disposent dun espace qui leur appartienne. À quoi bon le leur ouvrir si cest pour en interdire immédiatement lusage ? Mais comment en convaincre une mère qui vient se plaindre Mon fils ma raconté que Il ne suffit pas de savoir que cest bien, il faut se sentir le droit, la force daffronter le jugement des autres adultes. Le chercheur peut affirmer des idées générales sans sexposer au même degré.
Le praticien fait partie de la situation, il y a des choses auxquelles il est aveugle, nécessairement, parce quil ne peut ou ne veut pas le savoir. Il ne sait pas toujours pourquoi il crie, " perd les pédales ", met toute la classe en émoi pour un seul élève, de sorte quil faut vingt minutes pour que chacun reprenne son calme. Tout simplement parce que cest son inconscient qui gouverne sa conduite, exprimant toutes sortes dattitudes archaïques, de rapports à lautorité et à lautre qui ne sont pas très faciles à accepter, ni même à percevoir.
Entre pratique réfléchie et recherche, il y donc dimportantes différences. Mais il y a aussi, cest ce qui nous intéresse, plusieurs points communs. En quoi une pratique de recherche pour les étudiants peut-elle modéliser une pratique réfléchie pour les enseignants en exercice ? Elle habitue à contrôler les biais, à se méfier de ses intuitions et des idées toutes faites ; elle habitue à la complexité : rien nest jamais aussi simple quon ne limaginait. Elle oblige à se dégager des impressions subjectives pour confronter sa perception à celle dautres observateurs. Un praticien réfléchi nest pas un praticien solitaire, il parle avec des collègues dans une équipe pédagogique, dans létablissement, au sein de réseaux de formation.
Autre modèle quon peut emprunter à la recherche : avoir le souci de valider ce quon pense, émettre des hypothèses plus que des jugements catégoriques, engranger un certain nombre dobservations pertinentes, revenir à sa théorie pour la corriger ou la nuancer, amorcer un nouveau cycle dobservation ou dexpérimentation. De tels fonctionnements, familiers aux chercheurs, pourraient définir la pratique réfléchie si lon en retient lesprit général plutôt que le détail des procédures.
Pour aller plus loin, il faudrait ne pas considérer la recherche en éducation comme un bloc, mais plutôt poser le problème de ses apports à la conception de la formation des maîtres domaine par domaine. Si lon inventorie les thèmes de recherches en éducation, on arrive facilement à des centaines ou des milliers. Mieux vaudrait prendre un parti synthétique, par exemple en découpant la recherche en éducation en cinq grands domaines :
Ce ne sont pas des découpages disciplinaires. Il sagit plutôt de niveaux de fonctionnement des systèmes éducatifs. À lélucidation de ce qui se passe sur chacun concourent des approches psychologiques, sociologiques, didactiques, historiques, anthropologique, linguistiques, etc.
Je nai ici que jeté quelques coups de projecteur dans cet ensemble. Un exercice plus systématique, qui demanderait évidemment des moyens plus lourds, consisterait à inventorier pour chaque niveau les apports possible de la recherche 1. à la transposition didactique et à la construction des curricula, 2. à la conception et à la gestion des dispositifs de formation et 3. aux démarches de travail avec les étudiants. Ce qui amènerait à parcourir les cellules du tableau suivant :
Apports Domaines
Construction des objectifs et du
Dispositifs et établisse-ments de
formation
Démarches de
travail avec les étudiants
On le voit, le travail nest quesquissé. Cest un programme pour vingt ans. Il ne saurait être réalisé par les chercheurs seulement. Pour que les apports de la recherche en éducation ne restent pas des virtualités, il faut évidemment que les responsables des institutions et les formateurs aient un pied dans le monde de la recherche en éducation. Ils ne pourront sapproprier un certain nombre de ces connaissances sans être en relation de travail avec les chercheurs. Etre dans des réseaux, cela peut vouloir dire aller à lINRP, travailler avec des gens du CNRS ou des universités, sortir de lInstitut de formation des maîtres pour collaborer à des travaux de recherches, à des publications, à des congrès, etc. Cela peut aussi consister à faire venir des chercheurs dans lInstitut de formation des maîtres pour des conférences, des interventions, des suivis, etc.
On peut aussi sinterroger sur la part de recherche autonome dans les Instituts de formation des maîtres. À ce propos se posent certaines questions sur le statut scientifique de cette recherche par rapport à la recherche académique pure et dure, donc sur sa valeur. Est-ce quon peut, dans le même congrès, présenter une recherche faite en IUFM à côté dune recherche faite en Faculté ou au CNRS ? Certains vous diront quon ne doit pas " mélanger les torchons et les serviettes ". Le débat sur la valeur des recherches est un débat sur lépistémologie, la valeur de la science. Mais ce nest pas à mon sens le plus important.
Ce qui importe, cest quon ne se trompe pas dendroit. Il ne sert à rien, dans un IUFM, de faire de la recherche comme si on était au CNRS. Je ne pense pas dabord à la classique opposition entre recherche appliquée et recherche fondamentale. Dans un IUFM, on se trouve dans un lieu fondamentalement interdisciplinaire, au sens des sciences de léducation, des sciences humaines. Même si on est dans le cadre dune discipline scolaire, on navigue dans linterdisciplinaire du point de vue psychologie, sociologie, anthropologie, histoire, etc. Le seul intérêt de la recherche en didactique et plus largement en sciences de léducation dans les lieux de formation des maîtres, cest dêtre une recherche sur des objets complexes, des systèmes, des pratiques dont lintelligibilité mobilise toutes sortes de disciplines, de paradigmes, de méthodes.
Laissons aux sociologues de léducation, aux psychologues de lapprentissage, aux psychanalystes le droit de faire des recherches sectorielles pointues sur des microprocessus ou des aspects bien isolés de la réalité. En formation des maîtres, ce qui nous intéresse, cest une recherche sur la complexité, sur la totalité du métier parce que cest notre spécificité. Il y a des psychologues, des sociologues, des anthropologues, des historiens dans dautres facultés, certains font des recherches sur léducation. Ce qui réunit les formateurs en sciences de léducation, cest la référence au métier et au système éducatif dans leur globalité, objets de recherches interdisciplinaires sur léducation. Ces recherches ont comme dénominateurs communs les pratiques et les fonctionnements du système éducatif. Pas des objets abstraits et théoriques, mais plutôt des objets concrets quon ne peut éclairer quà partir de plusieurs disciplines, de plusieurs paradigmes, de plusieurs méthodologies qualitatives et quantitatives.
Si je devais dire quelle politique peut donner une spécificité et une épine dorsale à la recherche dans les instituts de formation des maîtres, je dirais donc que cest une recherche interdisciplinaire sur la complexité, qui tente dallier savoirs savants et savoirs dexpérience, pratiques et théories.
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