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Le rôle de la formation des
enseignants
dans la construction dune discipline scolaire :
transposition et alternance
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et de
sciences de léducation
Université de Genève
1996
1. Quest-ce quune discipline denseignement ?3. Des finalités plurielles, mouvantes, sans cesse à reconstruire
4. Des pratiques denseignement repensées dans une logique de résolution de problèmes
Certaines disciplines semblent faire partie de lécole " de toute éternité ". Dautres se cherchent encore ou surgissent au gré des transformations des sociétés et des cultures. Dès le moment où elle naît, une discipline scolaire saffirme en formant des enseignants aussi bien à la maîtrise des contenus (sous leur forme scolaire) quà la didactique et à la pédagogie correspondantes. Bien loin dêtre un simple reflet des disciplines quelle prépare à enseigner, la formation des enseignants contribue donc à définir leur identité et leur image. La définition des savoirs et des pratiques de référence et la transposition didactique ne sachèvent pas, en effet, avec la rédaction des programmes. Elles se jouent tout autant dans linterprétation des textes que font les enseignants et dans la façon dont ils conçoivent et créent des situations denseignement-apprentissage. La formation est garante, aux yeux de linstitution, dinterprétation relativement orthodoxes des programmes et de ladhésion à des méthodes acceptables de les enseigner. La formation est donc un message fort sur les contours, les raisons dêtre et les armatures essentielles de la discipline autant que sur la façon de la concrétiser au jour le jour. Cest ce que je tenterai de montrer ici.
Ce rôle de clarification et de spécification des disciplines scolaires nest pas indépendant de la conception de la formation des enseignants. Une formation centrée sur la maîtrise des savoirs et la normalisation des pratiques privilégie une identification de la discipline à ses contenus intellectuels généraux et sous-estime la part de lenseignant et de son rapport au savoir dans la transposition didactique. À linverse, une formation en alternance, inductive, fondée sur une démarche clinique, éclaire différemment la nature profonde dune discipline. Elle nest plus alors présentée seulement comme un champ de savoirs savants ou de pratiques sociales de référence, mais comme un champ daction fortement marqué par les contraintes de temps et despace, les clauses explicites et implicites des contrats pédagogique et didactique, le niveau, les attentes et les stratégies des élèves, les exigences des collègues et de la hiérarchie, le système dévaluation et de sélection. Les conceptions nouvelles de la formation initiale ou continue affectent donc lidentité des disciplines. Avant dexaminer comment, arrêtons-nous à la question de la définition dune discipline denseignement.
La question peut sembler triviale. Nimporte quel élève de lenseignement secondaire nest-il pas capable de répéter la liste des disciplines quon lui enseigne ? Cest vrai, mais cela ne clarifie pas pour autant le concept. Je vais tenter de montrer que le vocable recouvre des réalités très hétérogènes, ce que cache la référence prédominante aux savoirs savants.
1.1 La discipline scolaire, fille dune discipline universitaire ?
Une discipline scolaire se définit parfois comme une version allégée et simplifiée dune discipline enseignée à luniversité. Dans la mesure où le système éducatif sest construit par le haut, une bonne partie des disciplines de lenseignement secondaire long sont en effet conçues comme préparation à des enseignements universitaires. Du coup, connaissant les disciplines universitaires, on identifierait facilement les disciplines scolaires qui en dérivent, au prix du simple examen des simplifications et des allégements opérés pour mettre les savoirs à la portée délèves de huit, douze ou seize ans. Cette approche permet effectivement de retrouver de nombreuses filiations, mais elle ne clarifie pas ipso facto le concept de discipline denseignement, on va le voir.
Le plus simple est évidemment dassimiler une discipline universitaire à lune des sciences formelles (mathématique, logique par exemple), naturelles (physique, chimie, biologie par exemple) ou encore sociales et humaines (économie, psychologie, histoire, linguistique, sociologie, etc.). Mais cette assimilation exclut :
Le seul but de telles classifications, qui sont évidemment discutables, est ici de montrer que les disciplines universitaires nont de commun quune caractéristique majeure : ce sont des disciplines denseignement. Chacune constitue un champ de savoir et détudes développé dans luniversité sous langle de la recherche, au sens large, mais elle tient son unité institutionnelle du fait quelle fait lobjet dun enseignement cohérent, aboutissant à un ou plusieurs titres académiques. Luniversité, de même que lécole, fait exister, comme construction sociale, des disciplines denseignement dorigine et de statuts épistémologique et praxéologique très divers, qui prennent force de loi sans quon sache très bien ce qui fonde leur reconnaissance, sinon lhistoire des savoirs et des pratiques sociales. Seules les sciences peuvent prétendre à une délimitation rigoureuse des disciplines indépendamment de leur enseignement. Il y a une indépassable hétérogénéité des disciplines universitaires quant ce qui les constitue comme telles et on ne saurait donc dériver de leur définition rigoureuse une définition simple des disciplines scolaires.
Par ailleurs, certaines disciplines ont été scolaires avant dêtre universitaires : la grammaire, la technologie, la géographie, léducation physique, les arts, la musique ont été des disciplines scolaires avant de devenir des disciplines universitaires. Certes, cet ancrage, une fois institué, légitime et nourrit à son tour la discipline scolaire, mais on voit bien quil nen constitue pas le fondement historique. On ne peut donc penser systématiquement les disciplines scolaires comme des " modèles réduits " de disciplines académiques.
Enfin, il existe des disciplines scolaires sans équivalent dans le monde universitaire. La couture (ou les " activités créatrices sur textile "), les travaux manuels (ou les " activités créatrices sur bois ou métal "), les arts culinaires ou ménagers nont pas - pas encore ? - déquivalents universitaires. Dans lenseignement professionnel, cest encore plus vrai. Ces disciplines senracinent dabord dans des pratiques sociales et des savoirs dexpérience. Que les disciplines scolaires non enseignées à luniversité soient assez mal considérées ne les empêche pas dexister. À lintérieur des disciplines globalement représentées dans le monde universitaire, certains domaines ont le même statut : le calcul mental est une partie des mathématiques enseignées à lécole primaire ou secondaire, mais na pas déquivalent universitaire. De même, la lecture, lorthographe, la conjugaison ne sont pas enseignées à luniversité, sauf dans les langues étrangères auxquelles la scolarité na pas initié les étudiants. Ces divers domaines peuvent certes être lobjet de recherches universitaires en didactique, psychologie, histoire des disciplines scolaires ou sociologie du curriculum, mais elles ne sont pas enseignées comme telles. Si lancrage universitaire dune discipline scolaire influence son statut (prestige, dotation horaire, poids dans la sélection), il nest une condition nécessaire ni de son émergence, ni de sa reproduction.
En conclusion : discipline scolaire et discipline universitaire ne sont pas aussi distinctes quon voudrait le croire. Elles diffèrent par la forme de lenseignement et la participation des professeurs à la construction des savoirs nouveaux. Pour combien de temps ? La scolarisation des études universitaires est en marche et rien ne distinguera bientôt les premières années de lenseignement supérieur des dernières années de lenseignement secondaire long : même structuration en leçons, mêmes travaux pratiques, mêmes examens, même participation docile et indifférente des formés au processus de formation.
Même sil subsiste des différences &emdash; par exemple en termes de cohérence, de rapidité de la mise à jour, de débat critique &emdash;, la question de la définition est posée dans les mêmes termes. Inutile donc de baser une définition de la discipline scolaire sur une hypothétique clarté de la notion de discipline universitaire. Mieux vaut se risquer à définir une discipline denseignement, en spécifiant ensuite le rapport au savoir et à sa production en fonction du niveau détudes et en faisant la part des disparités internes à la forme scolaire aussi bien quà la forme universitaire denseignement.
1.2 Essai de définition dune discipline denseignement
Une discipline denseignement se présente comme un ensemble de savoirs, de compétences, de postures physiques ou intellectuelles, dattitudes, de valeurs, de codes, de pratiques, de schèmes :
Revenons sur ces trois critères.
a. La " clôture systémique " nest jamais totale. Les disciplines sont des ensembles flous et mouvants, avec des recouvrements et des zones de " no mans land ". Les découpages du réel qui fondent les frontières dune discipline sont des construits sociaux, épistémiques et pragmatiques. Ils sont changeants, partiellement arbitraires, enjeux de conflits, expression de rapports de forces. Develay (1992) propose une conception de la discipline comme matrice intégrant un ensemble déléments disparates (objets, savoirs, pratiques, tâches) et fondant leur unité. Je ne suis pas en désaccord avec cette conception, mais elle me paraît convenir davantage aux disciplines scientifiques quaux autres, à un découpage épistémologique plus que pragmatique du réel. Par ailleurs, la matrice disciplinaire fait rarement lobjet dun consensus et diverses tentatives dintégration sont en compétition ou en conflit, comme le montre la situation de léducation physique. Or, chacune des matrices définit à sa façon lidentité et les frontières de la discipline. Peut-être faut-il admettre que plusieurs " disciplines virtuelles " se disputent le pouvoir sur les faits et gestes des professeurs, leur formation, lorganisation des curricula, la conception et production des moyens denseignement.
b. La dignité à laquelle on " élève " au statut dune discipline denseignement un ensemble de contenus culturels résulte, elle aussi, dune construction historique inséparable de lémergence puis de lexpansion de la forme scolaire et la scolarisation de léducation. À un moment donné de lhistoire, dans un système défini, les diverses disciplines enseignées apparaissent de très inégale dignité : les unes semblent constitutives de lidentité de lécole ou de luniversité, dautres sont nouvelles ou marginales, voire à peine tolérées, parfois reléguées dans des filières dévalorisées. Une discipline inscrite au programme de la scolarité obligatoire, qui simpose à toutes les générations durant plusieurs années consécutives, témoigne dune dignité sans commune mesure avec celle dune discipline offerte en option dans une filière postobligatoire marginale. À place équivalente dans le cursus, linégale dignité des disciplines denseignement se traduit encore par divers signes que les gens décole et les élèves décodent fort bien : dotation horaire, qualification des professeurs, modes dévaluation, poids dans la sélection.
c. Jinsiste ici sur les limites de la transposition didactique : tout ce quon enseigne dans une école ou une université ne renvoie pas nécessairement à des savoirs ou à des pratiques homologues hors des institutions denseignement. Lécole a une capacité de création de savoirs et de pratiques, voire de " production de la société " (Petitat, 1982). Ce décalage ne dure que quelques années ou décennies lorsquil sagit dune discipline entière, car le succès de lentreprise assure sa diffusion hors du système scolaire et sa reprise par luniversité. Il est plus courant quon trouve, à lintérieur dune discipline denseignement, des contenus qui ne sont pas la transposition de savoirs ou de pratiques ayant cours dans la société, mais des créations internes.
1.3 Les " contenus " dune discipline
Il y a, dans la délimitation dune discipline, juxtaposition, déléments hétérogènes : savoirs, compétences, postures, attitudes, valeurs, codes, pratiques, schèmes ; ces divers vocables ne renvoient pas au même type dacquis. Le poids de ces ingrédients varie dune discipline à lautre, et, au sein de chacune, dun niveau denseignement ou dune filière à lautre. Une comparaison entre systèmes éducatifs ou entre époques montre de plus grandes différences encore. Lessentiel nest pas ici de dresser des inventaires, mais de rompre avec le primat des savoirs dans la conception des disciplines denseignement et des didactiques correspondantes. Les premiers travaux sur la transposition didactique (Verret, 1965, Chevallard, 1985) ont insisté sur le passage des savoirs savants aux savoirs enseignés. Martinand (1986) a introduit la notion de pratique sociale de référence. Les didacticiens du français parlent décrits sociaux. Il reste à prendre en compte les valeurs, les rapports au savoir et à la pratique, les attitudes, lethos, lhabitus, soit lensemble des dispositions intériorisées qui, avec les savoirs et les compétences, sous-tendent les pratiques.
Cette hétérogénéité complique lentreprise théorique et peut embarrasser les didacticiens qui ont construit un modèle à partir des savoirs savants avant tout. Pour sauvegarder lunité de tels modèles, ils peuvent être tentés délargir la notion de savoir de sorte à y inclure " tout ce quun être humain peut apprendre ". Il me paraît plus sage de lui conserver une acception restreinte, de considérer les savoirs comme des ensembles organisés de représentations explicites et qui se prétendent fondées dune partie de la réalité. Mieux vaudrait utiliser dautres vocables pour désigner dautres acquis, dautres facettes du capital culturel dune personne ou dun groupe. Sans doute est-il nécessaire de souligner que tous ces éléments ont en commun dêtre appris, construits au gré dune histoire de vie. Au-delà de ce point commun, ils diffèrent fortement selon leur mode de construction, de conservation, de transformation, de prise de conscience et dexplicitation dans lesprit du sujet concerné, de mise en uvre dans linterprétation de la réalité et dans laction. Tout cela induit de fortes différences dans les modes dapprentissage et denseignement et dans la nature même de la transposition didactique : connaître le principe dArchimède, savoir composer un résumé, aimer la musique, pratiquer un sport ou être capable de se décentrer sont des acquis bien différents, qui ne justifient pas le même traitement épistémologique et didactique.
Sajoute le problème des objectifs de développement : certains de ces éléments constituent des aspects du développement physique, intellectuel, socioaffectif ou les présupposent et les stimulent. Vygotski a souligné, autrement que Piaget, les interdépendances entre apprentissage et développement.
Une discipline denseignement nest à lorigine quun projet, un avatar de lintention dinstruire. On pourrait, par souci de simplicité, être porté à croire que les contenus de lenseignement, quelle quen soit la nature, sont définis par les programmes et quil suffit de consulter les textes pour appréhender les contours, la substance et la structure dune discipline scolaire ou universitaire.
2.1 Lire entre les lignes
Dans lenseignement supérieur, cet espoir tourne court dès que lon découvre que les textes se limitent à de brefs intitulés, parfois à delliptiques descriptifs insérés dans le cahier des charges des professeurs ou destinés à linformation des étudiants. Mais à lécole, les programmes sont là, massifs, sétalant sur des pages et des pages. Nest-ce pas là quon saisit lessence dune discipline ? On saisit là un effort spectaculaire de cadrage de contenus enseignés, qui sest dailleurs développé, il y a un peu plus dun siècle, en réaction au sentiment que les enseignants choisissaient trop librement les contenus de leurs cours. Ce cadrage est bien réel, mais ne devrait pas conduire à croire que labondance de textes officiels suffit à contrôler les contenus effectifs de lenseignement. Ce serait faire abstraction dun fait sociologique majeur : un texte na deffets sociaux que sil est lu, compris et accepté par des lecteurs ! Les textes ne sont que des aide-mémoire, ils stabilisent, fixent des représentations sociales.
Admettons, direz-vous. Mais, puisque les enseignants savent lire, cela revient au même : les textes - objectifs, programmes, directives, méthodes - constituent une approximation suffisante de ce quils auront en tête, puis réaliseront dans leurs classes. Illusion : pour décoder un programme de façon " orthodoxe ", il ne suffit pas de savoir lire. Nimporte quel être alphabétisé peut " lire " un texte sacré ou un texte juridique, cest-à-dire le déchiffrer. Avec un vocabulaire étendu et un bon dictionnaire, il peut même le comprendre superficiellement. Ce nest pas suffisant. Pour le comprendre " vraiment ", il faut " appartenir à la tribu ", partager la culture, les codes, les implicites, les pratiques qui donnent au texte son plein sens, parce quils permettent de " lire entre les lignes " et de situer chaque phrase dans un réseau sémantique et conceptuel. Seul un croyant ou un théologien peuvent " vraiment " comprendre un texte sacré, seul un juriste comprend " vraiment " un texte de droit.
Il nen va pas autrement pour les programmes scolaires et les autres textes censés décrire le curriculum formel (Perrenoud, 1984, 1994 a). Ce sont des textes pour initiés, seuls des enseignants formés peuvent véritablement les lire en y projetant tout ce quils savent " par ailleurs " des finalités et des contenus de lenseignement. Yves Chevallard dit " Un programme est un cadre vide, mais lenseignant voit le tableau déjà peint. " Pourquoi ? Parce quil ne parvient plus à isoler le cadre du contenu virtuel qui lui est associé dans la culture professionnelle dont il participe et dans son expérience personnelle sil a déjà enseigné ce programme. Culture et expérience surdéterminent le sens du texte, permettent dy investir des contenus substantiels là où le profane ne voit que des mots assez abstraits. Pour une part, cette culture est scientifique ou, plus globalement, de lordre de lérudition : les programmes désignent succinctement des objets de savoir ou des pratiques dont lenseignant est censé être familier en vertu de sa formation académique ou didactique. Les applications affines, le théâtre élisabéthain, le génitif, la morphologie du conte, la méiose : autant de notions et de champs substantiels pour les spécialistes, autant de mots qui sonnent creux aux oreilles des profanes, mêmes sils ont fait de longues études.
La formation des enseignants assure au moins :
2.2 La transposition est une pragmatique
Si la culture commune des enseignants sarrêtait à la lecture du programme, les contenus effectifs de leur enseignement et leurs niveaux dexigence seraient fort disparates, encore plus quils ne le sont actuellement. La formation disciplinaire ne suffit pas à homogénéiser la compréhension des programmes. Les mathématiciens " purs " ne lisent pas un programme de mathématique comme le lit un professeur. Ce dernier ne perçoit pas seulement des notions et savoirs mathématiques. Il les voit demblée sous leur forme scolaire, transposables, voire déjà transposés, associés à un certain niveau détudes et de développement intellectuel des élèves, à un contrat didactique, à une orientation et à une filière spécifiques, à des formes particulières de travail scolaire et de contrôle des connaissances. La culture commune des professionnels de lenseignement des mathématiques superpose à leur formation scientifique une " couche " didactique qui situe immédiatement les contenus dans une perspective pragmatique.
Certains programmes sont déjà écrits dans ce sens. La conception de léducation physique et sportive, en France, insiste sur les activités (APS). Ce sont à la fois des pratiques sociales de référence et des activités denseignement et dapprentissage. Lorsque le programme dune discipline se réfère à des pratiques, il est assez évident que leur apprentissage se fera en partie " par la pratique " et donc que les objectifs mêmes dictent assez largement un ensemble dactivités à mener en classe. Lorsquune discipline se réfère plutôt à la maîtrise de savoirs théoriques, la nature des activités qui en permettent lappropriation est moins évidente, mais la nécessité dune tel détour pragmatique va désormais de soi. Même si lon sen tient aux leçons et exercices propres aux pédagogies traditionnelles, il sagit de pratiques, censées permettre que se construisent les connaissances et les compétences. En fait, ce détour est nécessaire même lorsquon veut développer une conduite : la didactique de léducation physique montre par exemple que pour favoriser la maîtrise de la course en courbe, il ne faut pas lenseigner directement.
Dans tous les cas, tenir une classe, cest mettre les élèves au travail, les engager dans des tâches. Comme ancien élève, chaque adulte instruit a intériorisé des coutumes didactiques, il a donc une petite idée de la nature des tâches et du travail scolaire. Mais cest à sa formation et à sa socialisation professionnelles quun enseignant doit des modèles et des exemples de tâches susceptibles dalimenter sa pratique en classe.
2.3 Vers un changement de paradigme ?
La formation et la socialisation professionnelles construisent une culture qui homogénéise à la fois :
Toute formation initiale denseignants joue un rôle important à ces deux niveaux, même si elle nassure pas, à elle seule, la fonction de garde-fous. Demain comme aujourdhui, aujourdhui comme hier, il reviendra aux formateurs de dire et de faire entendre ce qui est en deçà ou au-delà des textes.
Les finalités et les méthodes changent, chaque génération denseignants est confrontée à des discours partiellement ou radicalement nouveaux, avec des innovations aussi bien que des retours cycliques à des thèmes anciens. En éducation physique, selon les lieux ou les périodes, on insiste sur la psychomotricité, sur le développement de la personne, sur la préparation aux sports. On ne change pas pour autant de paradigme : on fait toujours comme sil y avait une bonne réponse à la question de savoir ce quil faut enseigner et comment.
Assiste-t-on aujourdhui à une rupture ? Chaque époque se plaît à imaginer quelle apporte une façon radicalement nouvelle de poser les problèmes ou dy répondre, alors que les historiens montreront souvent quil sagissait dune simple variation sur des thèmes imposés, voire dun retour à des figures déjà tracées vingt ou cinquante ans auparavant. Sans pouvoir être sûr de rien, tentons tout de même desquisser un paradigme alternatif, tant au niveau des finalités que des méthodes.
Robert Mérand estime quon renonce peu à peu, en éducation physique, à proposer une doctrine intégrée et cohérente qui deviendrait lorthodoxie de tous les enseignants de la discipline durant quelques années, voire quelques décennies. Renonce-t-on pour autant à toute cohérence ? Peut-être renonce-t-on simplement à une cohérence mythique, totale, dautant plus illusoire que seul lauteur de la doctrine la maîtrise intégralement. En effet, lorsquon tente, à propos de léducation physique, de penser à la fois et en cohérence la santé, lhygiène, la formation du caractère, le rapport au corps et entre le corps et lesprit, la socialisation, linitiation à des cultures et des pratiques sportives, limage de soi, la construction de certaines valeurs (persévérance, prise de risque, courage, fair play), et quon prétend intégrer tous ces éléments dans une image explicite et cohérente des buts de la discipline, comment ne pas construire un système philosophique complexe, fortement lié aux valeurs et aux expériences de celui qui lédifie, et donc peu communicable, sinon à quelques " disciples " prêts à épouser la pensée du maître. Cette totalisation est fragile. Les représentations sociales sont nécessairement plus pauvres et plus floues quune pensée singulière, cest leur limite et leur force.
Reconnaître à une discipline denseignement des finalités plurielles, cest accepter :
Quelles conséquences peut-on en tirer pour la formation initiale ? Jen vois trois. La formation pourrait mettre laccent sur :
Voyons de plus près ce quon peut mettre derrière ces expressions un peu compactes et abstraites.
3.1 Un effort de décentration historique et comparative
La formation devrait, dans cette perspective, familiariser avec lhistoire de la discipline, des conflits, des moments instituants, des crises, des ruptures, des enjeux du passé et du présent.
Et aussi aider à prendre conscience de la diversité synchronique des conceptions, entre filières, entre établissements, et bien sur entre systèmes éducatifs. Cest ainsi que léducation physique na pas le même nom, les mêmes buts, la même histoire dans chacun des pays francophones.
3.2 Rapport au savoir et histoire de vie
Il sagit ici de comprendre sa propre trajectoire personnelle, ses déterminants sociaux et familiaux, leurs incidences sur lorientation vers telle ou telle discipline et le rapport personnel aux savoirs ou aux pratiques à enseigner.
Ce travail donnerait à chaque enseignant en formation loccasion de clarifier son projet personnel, de préciser ses valeurs, de reconnaître ses partis pris épistémologiques ou idéologiques.
3.3 Réflexion politico-éthique sur lautonomie et la responsabilité
Chaque enseignant reconstruit constamment, à son niveau, une partie de la politique de léducation, en raison aussi bien du flou ou de lambiguïté des textes que de sa propre quête didentité et doriginalité. Quel est le bon usage de ce pouvoir et de cette liberté ? Plutôt que de la nier, on ferait mieux de préparer les enseignants à sen servir de façon responsable, cest-à-dire en rendant des comptes, plutôt que comme dun privilège personnel.
Quelles que soient les finalités dun enseignement, elles ne sont que de lointaines étoiles, qui guident laction pédagogique sans pour autant lorganiser au jour le jour. Il ne suffit donc pas, pour enseigner " efficacement " de maîtriser les contenus et les finalités de la discipline.
Pendant longtemps, les institutions de formation ont proposé ou imposé des méthodes dites " éprouvées " pour faire advenir les apprentissages souhaités. Elles y parvenaient, sinon à coup sûr, du moins avec suffisamment de régularité pour dispenser les enseignants de questionner la méthode, sauf peut-être dans des situations atypiques. Cette façon de voir nest nullement absurde : pourquoi chacun réinventerait-il la roue ? La culture est une mémoire collective, elle permet de puiser dans un réservoir de " bonnes idées " pour faire face à des problèmes standards, et donc dinvestir son énergie et sa créativité dans des entreprises inédites. Depuis cinquante ans - pour fixer un large intervalle - plusieurs choses ont cependant changé :
Lanalyse de chacune de ces tendances mériterait plus de nuances. Mon propos est simplement de souligner que ces changements, progressifs mais majeurs, affaiblissent les vertus des méthodes denseignement traditionnelles. Elles ne sont plus à la hauteur des problèmes que rencontrent les systèmes éducatifs et une partie importante des enseignants.
Il y a, sur ce point comme sur dautres, une grande diversité des situations et des aspirations. Il existe peut-être des classes, voire des établissements où léducation physique est enseignée comme dans les années trente par des professeurs heureux. À linverse, seule une minorité de la profession est prête à assumer totalement les risques de la professionnalisation, et notamment de lautonomie dans laménagement des finalités et le choix des méthodes.
Si paradigme nouveau il y a, il ira dans ce sens : ne plus former les maîtres à appliquer une méthode orthodoxe, mais à construire leur enseignement en sappuyant certes sur une connaissance des méthodes et dispositifs de formation reconnus, mais surtout sur une analyse des besoins, des envies, des attitudes, du niveau de leurs élèves aussi bien que des conditions de travail, des contraintes et des ressources quoffre un établissement particulier dans un environnement particulier. La formation des maîtres met alors laccent sur le savoir-analyser (Altet, 1994), sur les dispositions et les compétences requises par une démarche de résolution de problèmes. On pourrait parler aussi, plus classiquement, de formation du jugement, y compris du " jugement moral ", car plus on demande à lenseignant de construire des dispositifs adéquats, moins il peut se retrancher derrière linstitution ou la coutume pour justifier le rapport pédagogique quil instaure avec ses élèves. On peut encore parler de pratique réflexive (Schön, 1983, 1987, 1991) ou de connaissance dans laction (St-Arnaud, 1992).
On saisit bien que ce paradigme exige non seulement une meilleure et une autre formation des enseignants, mais met sur leurs épaules une plus grande responsabilité, associée à la volonté et à la capacité de " rendre des comptes ", de travailler en équipe, dagir dans le cadre dun projet détablissement, daller vers une culture de coopération (Gather Thurler, 1994). On peut imaginer lambivalence dune partie des enseignants : aller dans ce sens, cest quitter le relatif confort dune " liberté de contrebande " pour affronter les risques dune véritable autonomie. Rien ne garantit une évolution rapide dans cette direction, dautant que lambivalence de ladministration, de linspection, des chefs détablissement, des formateurs et des chercheurs fait écho à celle des enseignants : il ny a pas dautonomie accrue des derniers sans limitation du pouvoir des premiers
La formation initiale et continue nest pas le Sésame ouvre-toi de la professionnalisation ainsi conçue. Elle peut y contribuer, à condition que les dispositifs de formation soient conçus et négociés dans le même esprit ! La professionnalisation nest pas inéluctable et la façon de la concevoir varie selon les contextes nationaux et les auteurs (cf. Altet, 1994 ; Bourdoncle, 1991, 1993 ; Carbonneau, 1993 ; Labaree, 1992 ; Lessard, Perron & Bélanger, 1993 ; Lemosse, 1989 ; Paquay, 1994 ; Perrenoud, 1994 b, d, f et g, 1996 b et c). Cette problématique est néanmoins la toile de fond du débat actuel sur la formation professionnelle des enseignants.
Quelles sont les grandes questions qui se posent aujourdhui à la formation des enseignants ? Jen ai dégagé sept (Perrenoud, 1995 e) :
Chacun mériterait dêtre reprise et spécifiée dans le cadre dune discipline particulière, ici léducation physique. Je men tiendrai aux deux premières et à la quatrième.
5.1 Une transposition didactique à partir des pratiques réelles
Léducation physique est, comme toute discipline qui se sent un peu marginale, menacée didéalisme, voire didéologie. Pour exister, elle investit dans un discours normatif ou programmatique. Plutôt que de décrire les pratiques effectives, on dépeint une éducation physique idéale. Comme cet idéal, on la vu, nest pas le même pour tout le monde, il est facile de sabsorber dans des querelles doctrinales sans prendre le temps de se demander ce que font vraiment les professeurs déducation physique, au jour le jour, dans les établissements. Or, cest pourtant la source essentielle de la transposition didactique en formation professionnelle (Arsac et al., 1994). Cela ne signifie pas quil faut se borner à former les nouveaux enseignants à reproduire purement et simplement les pratiques en vigueur. La formation peut contribuer à leur transformation, mais à condition de les connaître et de trouver le juste écart, ce que Jacqueline Marsenach appelait un décalage optimal entre ce que les gens font et ce quils pourraient faire (ou ce quils pourraient tolérer chez un jeune collègue). On pourrait parler, pour une organisation, de léquivalent de la zone proximale de développement. Former de nouveaux enseignants, cest donc trouver un moyen terme entre les préparer à se " couler dans le moule " et les préparer à entrer en dissidence
Comment trouver ce moyen terme sans construire au préalable une représentation précise et réaliste des pratiques actuelles et de leur évolution ? On ne prend pas le temps, on ne consent pas leffort dobjectivation nécessaire, car formateurs et responsables de formation croient savoir ce quest la pratique, du simple fait quils ont été praticiens. Or, même à supposer que leur expérience ne date pas de vingt ans, elle na jamais représenté quun cas de figure, une variante parmi dautres dans la conception et la mise en uvre du métier. Connaître les pratiques nest pas une affaire dintrospection, de mémoire, de savoir dexpérience seulement, cela demande de la méthode, le respect de la diversité, labsence de jugement et le désir de comprendre, de retrouver des cohérences subjectives, aussi éloignées soient-elles de ce que lobservateur considère comme valable ou intelligible
Tous les travaux de didactiques des disciplines devraient, bien compris, conduire à cette conclusion (Develay, 1995). Il ny a pas de fonctionnement didactique heureux, affirmait Chevallard (1985). Il y a simplement un fonctionnement didactique effectif, qui résulte de choix personnels, certes, mais fortement contraints par le système didactique, le système denseignement, la situation. Analyser les pratiques ne sert à rien si on ne comprend pas pourquoi elles sont ce quelles sont. Pour comprendre, il faut sabstenir de juger et cesser dimputer à un défaut de formation ou de sérieux ce qui nest, souvent, quune réponse adaptée, intelligente, réaliste, aux contraintes et aux contradictions du système éducatif. Lécart constant entre certains grands principes et les pratiques ne sexplique pas par la perversité ou lincompétence des professeurs, mais par le fait que, sur le terrain, différencier, développer lautonomie ou favoriser la construction active des savoirs se heurte à des limites matérielles, institutionnelles, relationnelles, culturelles fortes et peu négociables.
Lanalyse des pratiques rejoint donc nécessairement lanalyse des organisations et donc des messages paradoxaux quelle émet à lintention des enseignants aussi bien que des élèves. Cest lune des facettes de la complexité des métiers de lhumain : on ne travaille pas " à son compte ", on agit sur délégation dune institution qui souvent reprend dune main ce quelle donne de lautre, demande tout et son contraire ou laisse les professionnels se débrouiller avec les contradictions que le système na su ou voulu surmonter au plan politique ou administratif.
5.2 Construire des compétences professionnelles
Ce flou, cette complexité, ces paradoxes, ces non dits (Cifali, 1994 ; Perrenoud, 1994 a, b, i, j ; 1995 c, 1996 a) sont inscrits dans la nature même du métier denseignant, des organisations scolaires et des systèmes démocratiques. Inutile donc dattendre que " tous soit clair " pour orienter la formation des enseignants. Il est plus sage de les préparer à vivre dans un monde où rien nest acquis ou stable, où chacun doit agir sans certitudes absolues. Dans de telles conditions, le professionnel parvient tout de même à analyser la situation, à estimer les marges de manuvre, à identifier les chances et les risques de diverses stratégies, à se donner un projet, à négocier les moyens ou des franchises nécessaires pour le réaliser.
À cela, on ne peut former que par la pratique et la réflexion sur la pratique, dans une démarche clinique qui permet de vivre lexpérience et de la théoriser, de mettre des mots sur des sentiments vagues ou des processus confus, de construire des grilles de lecture, danticiper la complexité et de la maîtriser, au moins en partie, parce quelle ne fait pas scandale, mais quon sy attend et quon prend même un véritable plaisir professionnel à laffronter, en acceptant les risques déchec, sans tout " prendre sur soi " et sans tout rejeter sur le système, lélève ou la nature des choses
Les dispositifs de formation, aussi variés soient-ils au niveau des structures universitaires qui les abritent, des corps de formateurs, des cursus, doivent assurer la construction de compétences, fondées certes sur des connaissances disciplinaires, des connaissances en sciences humaines, des connaissances pédagogiques et didactiques, mais des connaissances mobilisables dans laction, intégrées à des savoir-faire de haut niveau, pour une part incorporés à lhabitus, inconscient pratique qui gère les urgences et les situations de routine, placés pour une autre part sous le contrôle de la conscience et du travail réflexif (Perrenoud, 1994 b et d, 1996).
Cela nest possible que si la formation met presque constamment létudiant devant des situations-problèmes, des situations complexes, en lincitant à prendre des décisions aussi raisonnables que possibles, mais dans les limites, pragmatiques, de la raison pédagogique (Gauthier, 1993 ; Tardif, 1993 a et b). Ce qui va contre la plus forte pente des institutions et des plans de formation, qui préfèrent presque toujours les connaissances aux compétences, les découpages disciplinaires aux approches intégrées, lévaluation formelle à lobservation en situation daction, lavancement planifié dans le texte du savoir à la réponse aux problèmes professionnels qui surgissent dune pratique.
Sans être lunique lieu de la formation, le terrain a évidemment un rôle fondamental dans la construction des compétences professionnelles. Il reste à le définir, en sécartant de la vision traditionnelle du stage.
5.3 Alternance et rôle du terrain dans la formation initiale
En formation des enseignants, il a toujours paru nécessaire dorganiser des stages, au moins en fin de parcours. Mais on a vécu fort longtemps avec une image dissociée de la formation : dune part une formation disciplinaire et didactique plutôt théorique, dautre part un " bain de pratique ", ces deux composantes étant supposées, comme par miracle, former un amalgame cohérent. Il nest pas impropre de nommer alternance une simple succession de cours théoriques et de stages pratiques. Au sens strict, létudiant alterne entre deux lieux de formation, deux types de formateurs, deux logiques daction.
Quelle est larticulation de ces divers moments ? La réponse quon donne à cette question renvoie à des conceptions distinctes, voire opposées, de la construction des compétences. Il semble aujourdhui quun consensus sétablisse sur limpossibilité de fonder purement et simplement la pratique sur une théorie. Cela écarte définitivement, en principe, de la conception du stage comme terrain dexercice et de consolidation de ce quon a appris dans une salle de cours. Quelle est alors lalternative ? La plus cohérente me paraît être de considérer la classe comme un terrain dexpérience à théoriser, en admettant que cette théorisation :
1. Sopère en partie dans lécole elle-même, en vertu à la fois de la capacité de réflexion et dauto-observation de létudiant et dintervention du maître de stage, quon appelle alors à juste titre " formateur de terrain " (Perrenoud, 1994 c),
2. Se prépare et se poursuit dans des modules de formation interactifs qui ne suivent pas un programme mais construisent des savoirs à partir des observations et questions des participants.
3. Prend la forme dune interprétation, dune analyse, dune anticipation autour de problèmes singuliers, avec une généralisation prudente.
4. Suppose une forte implication de létudiant dans la prise de conscience, la verbalisation, lexplicitation, lécriture, lanalyse des situations.
Tout cela désigne à grands traits une démarche clinique de formation. Elle séloigne passablement des modèles dominants. Lapproche normative, prescriptive, a certes, en didactique, fait place à des approches plus descriptives et explicatives, mais il appartient encore souvent au formateur de construire seul le sens des " faits ", sans nécessairement tirer un grand parti de lexpérience, des observations et des analyses des étudiants (Clerc et Dupuis, 1994).
Léducation physique paraît à cette égard mieux placée que dautres disciplines pour faire évoluer la formation des enseignants dans cette direction, parce quelle va assez spontanément dans le sens dune perception du terrain comme lieu où émergent des problèmes à résoudre ; parce que le type dintervention des professeurs déducation physique les amène à " voir " ce qui peut rester caché dans une classe ordinaire, par exemple la diversité des apprenants, limportance de lidentité des personnes et de la dynamique des groupes dans les apprentissages, la pertinence dune évaluation formative, le risque de confusion constante entre les connaissances et les valeurs, entre les objectifs et les activités. Les travaux dEuzet (1995) et de Méard et Euzet (1995) illustrent fort bien la prédisposition presque " naturelle " de léducation physique à concevoir la formation des enseignants dans une logique forte dalternance et darticulation théorie-pratique.
Une bonne partie des idées qui viennent dêtre rappelées ne sont pas propres à une discipline et on pourrait craindre quelles affaiblissent son identité plutôt que de la renforcer. Le risque nest pas imaginaire : les nouveaux paradigmes ne sont pas développés par des chercheurs ou des formateurs liés à une discipline particulière, et les chantiers quils ont ouverts sont assez complexes pour quon puisse sy investir des années sans revenir à des contenus disciplinaires particuliers. Je pense quon peut et quon doit maîtriser la tentation de tout comprendre de la professionnalisation, du praticien réfléchi ou de la démarche clinique avant de revenir à des disciplines spécifiques. Il est au contraire vital que ces concepts généraux soient maintenant mis à lépreuve dans des champs définis. Léducation physique est à lévidence lun deux, parce que les travaux sur lexplicitation et lanalyse de pratiques y sont plus avancés, parce que la présence du corps impose une autre épistémologie, parce que léducation physique est un creuset didées, alors que des disciplines plus installées peuvent se permettre un doux ronronnement. Il ne me semble donc pas absurde de réfléchir sur la formation pour mieux construire la discipline, même si ce nest quune des voies possibles.
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