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n° 2, février 1998, pp. 24-31 (repris dans Perrenoud, Ph., Dix nouvelles compétences pour enseigner. Invitation au voyage, Paris, ESF, 1999, ch. 7). |
Informer et impliquer les parents
Voyage autour des compétences 7
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1998
Animer des réunions dinformation et de débatImpliquer les parents dans la valorisation de la construction des savoirs
Les historiens retiendront peut-être, dans lhistoire de lécole au XXème siècle, un seul événement marquant : lirruption des parents comme partenaires de léducation scolaire. Des parents ordinaires, ajoutera le sociologue : il est sûr que les notables contrôlent lécole depuis sa fondation et ne se sont jamais privés, à travers les parlements, les municipalités, les commissions scolaires et dautres formes moins avouables dinfluence, de faire advenir, puis de conserver, une école conforme à leurs souhaits. Aussi longtemps quont coexisté, dès la prime enfance, deux voies de scolarisation cloisonnées, lécole primaire pour les enfants des classes populaires et les " petites classes des lycées " pour les enfants de bourgeois, les choses étaient plus claires. Les bourgeois contrôlaient directement leur école, quelle soit privée ou publique et indirectement lécole populaire, à travers les communes, lÉtat ou lÉglise.
Depuis que le système a été unifié, souvent à la fin du XIXème ou au début du XXème siècle, parfois pas avant la moitié de ce siècle, tous les enfants passent pas lécole primaire, en principe " la même pour tous " sil sagit de lécole publique. La scolarité obligatoire et le système éducatif contrôlé par lÉtat - quil soit public ou privé - ont constitué une formidable machine à déposséder les parents de leur pouvoir éducatif, pour " couler dans le moule " de bons croyants et/ou de bon citoyens - selon les rapports entre lÉglise et lÉtat et le degré de laïcité de lécole -, plus tard de bon travailleurs et de bons consommateurs. Lenfant a cessé dappartenir à sa famille. La loi oblige les parents non seulement à pourvoir à léducation de leurs enfants, mais à en céder une partie à lécole. Les lois les plus " libérales " nimposent pas la scolarisation, mais linstruction ; on sait que cette liberté est une fiction pour tous les parents qui nont pas les moyens de donner eux-mêmes ou de payer à leurs enfants un enseignement particulier calqué sur les programmes scolaires. Au fil des remaniements des lois scolaires, les choses sont dites moins crûment, les textes donnent aux parents davantage de droits : droit dentrer dans lécole, dêtre informés, associés, consultés, voire droit de participer à la gestion des établissements. Les textes les plus hypocrites affirment que " lécole seconde la famille dans léducation de ses enfants ", se gardant bien de souligner que cette " assistance " nest pas négociable, quelle nest en rien une réponse à un besoin daide. De ce point de vue, lécole nest pas un simple service, qui ferait face à une demande sociale, comme les crèches. Les parents ont intérêt à attendre de lécole exactement ce quelle offre, parce quà défaut, elle le leur imposera de toute façon Ils sadaptent, donc, non sans développer les diverses stratégies des acteurs qui nont pas le choix !
Pourquoi avoir rendu lécole obligatoire ? Personne ne songerait à rendre la respiration obligatoire : chacun a spontanément besoin de respirer. Lécole est devenue obligatoire parce que les enfants navaient pas spontanément envie dy aller, ni les parents besoin de lui confier leurs enfants. Ils préféraient les garder avec eux, notamment pour les faire travailler dès leur plus jeune âge. La scolarisation obligatoire a arraché les enfants à leur famille, dès 6 ans, pour des raisons inégalement avouables. Il sagissait, pour une part, dassurer leur instruction, de les protéger de lexploitation, de la maltraitance, de la dépendance. Pour une autre part, le but était de moraliser leur éducation, par léducation civique, lhygiène, la discipline, mais aussi de la normaliser, à commencer par lapprentissage dune langue scolaire qui nétait pas la langue parlée dans la famille au quotidien. Dans " Parler croquant ", Claude Duneton (1978) montre la violence linguistique de lécole obligatoire en France, qui combat les patois au profit de ce que Balibar appellera le " français national ", langue de lÎle de France et des élites.
De nos jours, si lon suspendait lobligation légale de fréquenter lécole, il est probable que limmense majorité des parents y enverraient tout de même leurs enfant. Presque tous les parents daujourdhui ont fréquenté lécole au moins quelques années et y ont appris au moins une chose : sans instruction, ni diplôme, point de salut ! 77 % des parents délèves de lécole primaire genevoise pensent que " Lécole est dune importance capitale pour lavenir des enfants " (Montandon, 1991, p. 107). Pourtant, aucune société développée na, à ce jour, pris le risque, ni même envisagé sérieusement, de rendre aux familles lentière responsabilité de léducation de leurs enfants
Linstitution scolaire na plus besoin, en général, dexercer une contrainte nue, elle à même intérêt à leuphémiser, à sarranger pour quelle napparaisse quexceptionnellement à ciel ouvert, à entretenir lillusion que la scolarité ne fait que répondre à la demande des familles. Si bien que le fonctionnement actuel de lécole, si on ny regarde pas de trop près, pourrait évoquer une " libre consommation ". Si la contrainte subsiste, elle paraît sexercer à lendroit des enfants, comme si lensemble des adultes concernés étaient daccord sur la nécessité absolue daller à lécole, donc darriver à lheure, dêtre poli et attentif, de bien travailler, de faire ses devoirs, davoir ses affaires, etc. Un observateur pressé verrait, dans les relations entre les parents et les enseignants, une figure de la relation entre les parents et tous ceux qui soccupent de leurs enfants : coiffeurs, médecins, dentistes, diététiciens, entraîneurs sportifs, maîtres de musique ou de danse, etc. Il imaginerait que les parents, nayant pas les compétences ou le temps requis pour soigner ou éduquer eux-mêmes leurs enfants, délèguent volontiers cette tâche à des professionnels plus disponibles et qualifiés. Le dialogue avec ces professionnels, une fois la tâche définie, porterait sur laménagement des horaires, les disciplines à faire respecter, la bonne volonté à maintenir chez lenfant. Pour une part, les rapports entre parents et enseignants fonctionnent sur ce modèle : une mère et un professeur de piano peuvent débattre de la meilleure façon de faire apprendre le solfège à un enfant qui nen a pas envie, de la même façon que cette mère peut discuter avec une enseignante de la meilleure façon denseigner à lire au même enfant. On retrouve là la cohésion du team des adultes (Besozzi, 1976), soucieux de faire le bien des enfants, fût-ce malgré eux (Miller, 1984). Mais cela ne se passe ainsi que sil y a accord global entre le programme de lécole et les intentions et valeurs éducatives des parents. Lorsque les parents nattachent pas la même importance que lécole aux apprentissages, ou ne souscrivent pas à ses rythmes, à ses procédures disciplinaires - punitions, retenues, etc. -, à ses méthodes ou au rapport pédagogique instauré, alors on saisit que le dialogue nest pas égalitaire. Entre des parents et un professeur de natation ou de violon, il peut y avoir des divergences sur les contenus de la formation, les méthodes de travail ou la relation. Un maître dart ou de sport demande en général une certaine autonomie, refuse que les parents observent ou contrôlent ses moindres gestes. Sils insistent, il finit par leur dire : " Cherchez quelquun dautre, je ne travaille pas dans ces conditions ". Les parents écartés peuvent dire : " Votre façon de faire ne nous convient pas ". Ce qui peut aboutir soit à une régulation, soit à une séparation.
Entre enseignants et parents, rien daussi simple. Les parents ne sont pas de simples usagers, ils nont pas le pouvoir de renoncer à la scolarité. Les plus fortunés ou les plus habiles peuvent demander et obtenir un changement de classe ou décole. Dans certains pays, comme la Belgique ou les Pays-Bas, la coexistence de plusieurs réseaux publics crée des alternatives. Lexistence dun secteur privé, confessionnel ou commercial, permet de choisir son école, mais cette liberté est souvent limitée par les écolages et limplantation géographique des écoles privées. Dans lenseignement public, on naccepte quexceptionnellement un changement de classe ou détablissement, de peur que les " consommateurs décole " (Ballion, 1982) ne transforment le champ scolaire en marché ouvert.
On ne peut rien comprendre aux rapports entre les parents et lécole si lon fait abstraction de limpossibilité déchapper à ce que Berthelot (1983) a appelé le " piège scolaire ". Que le devoir dinformer et dimpliquer les parents fasse désormais partie du cahier des charges des enseignants et appelle les compétences correspondantes. ne devrait pas faire oublier que le droit à linformation et à la consultation nefface pas lobligation légale, que cest en quelque sorte une façon - moderne - de la rendre vivable, acceptable, par des parents désormais instruits et qui refusent quon éduque leur enfant sans y mettre les formes.
Ne sous-estimons pas davantage le décalage entre les textes qui prônent le dialogue, proposés par des magistrat, des pédagogues ou des hauts fonctionnaires, adoptés par des parlementaires, et la relative fermeture dune partie des enseignants aux désirs et opinions des parents. Avant de la condamner, il serait prudent de se rendre compte quil est plus facile daffirmer des principes que de les vivre au jour le jour : les ministres défendent volontiers le droit à la différence et en appellent à la tolérance, mais ils ne vivent pas entassés dans des HLM, au contact dautres cultures, dautres modes de vie. De même, le dialogue avec les parents est plus facile à assumer dans labstrait quau jour le jour, lorsque la confiance nest pas au rendez-vous, lorsquon se heurte à des préjugés, à des critiques continuelles ou à des manoeuvres déloyales.
Ce sont les enseignants qui, au quotidien, incarnent le pouvoir de lécole, le caractère contraignant de ses horaires, de ses disciplines, des tâches quelle assigne, des normes dexcellence, de lévaluation et de la sélection qui en découle. Les enseignants semblent être les premiers artisans, voire les responsables, de " ce que lécole fait au familles " (Perrenoud, 1994 b). En première ligne, ce sont eux qui sont confrontés à lagressivité, à la critique des programmes, aux propos sévères ou ironiques sur linanité des réformes, aux protestations devant les exigences, aux comparaisons injustes entre établissements ou entre professeurs, aux manoeuvres de petits groupes pour obtenir gain de cause contre toute justice.
On peut donc comprendre que le dialogue avec les parents ne soit pas vécu avec bonheur par tous les enseignant. Certains le craignent ou ny croient plus, blessés par des paroles malheureuses ou des procédés sournois. Nul nest responsable des parents, de tous les parents, même les associations les plus représentatives. Nul ne peut empêcher quelques-uns, ceux qui ne jouent pas le jeu, de pervertir lensemble des relations, en alimentant la méfiance réciproque. Les dynamiques intergroupes pèsent sur les individus. Les enseignants apparaissent porteurs, quils le veuillent, quil le sachent ou non, dun pouvoir institutionnel qui les dépasse, et hypothèque leurs initiatives personnelles. En miroir, les parents portent, individuellement, le poids de leur nombre et des abus dune minorité. Que le dialogue soit dès lors impossible - ici ou là -, et souvent inégal et fragile (Montandon et Perrenoud, 1994), qui pourrait sen étonner ?
Ces quelques rappels montrent quil serait absurde de faire des relations famille-école une simple affaire de compétences. Toutefois, de part et dautre, un surcroît de compétences pourrait aider à nouer ou maintenir le dialogue. Là où les choses se passent bien, on observe en général une assez grande capacité de chaque partenaire à tenir compte du point de vue et des attentes de lautre.
Certaines associations, certains parents font preuve dune grande intelligence, saisissant par exemple que certaines réactions de défense des enseignants expriment leur manque de confiance en ce quils font, leur peur dêtre mis en difficulté, bien plus quune volonté de tenir les parents à lécart de tout ce qui se passe en classe. Lorsque les partenaires comprennent que le dialogue ne dure que si chacun entend le point de vue de lautre et ne pousse pas ses attentes au-delà du raisonnable, chacun découvre que la collaboration est non seulement possible, mais féconde, ce qui développe la confiance mutuelle. Hélas, à côté de tels cercles vertueux, on connaît trop de cercles vicieux où la méfiance des uns renforce les mécanismes de défense des autres et inversement. Les compétences des parents et de leurs associations sont très importantes, mais on ne saurait les exiger, même si lon peut attendre des associations quelles transmettent des savoir-faire à leur nouveaux membres, pour éviter un éternel recommencement des mêmes " erreurs ". Pourquoi serait-il fatal que les " nouveaux parents " manifestent un maximum de naïveté, dintransigeance ou de maladresse ? Les parents plus expérimentés et la culture des associations de parents peuvent éviter les dérives les plus classiques.
Il reste que, dans laffaire, les enseignants sont les professionnels. À ce titre, il leur appartient de faire le gros du travail de développement et de maintien du dialogue. Certains vivent cette asymétrie comme injuste et attendent des parents quils fassent autant defforts queux. On peut comprendre ce désir de réciprocité, mais il nest pas réaliste : les parents daujourdhui ont peu denfants, auxquels ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Être parents délèves nest pas pour eux un métier, mais une condition nouvelle, quils découvrent sans trop avoir eu loccasion de réfléchir ou de se former. Chaque année, leur enfant grandit, change de classe. Ils doivent sadapter à un nouveau programme, dautres exigences, de nouvelles façons denseigner, un style de communication différent. Si leur niveau dinstruction, leur éthique, leur pratique de la négociation, leur expérience du monde du travail ou leur personnalité les prédisposent à entrer facilement en dialogue, qui sen plaindrait ? Mais lécole, en particulier lorsquelle est obligatoire, doit faire avec les enfants et leurs parents dans leur diversité, y compris sous langle de leurs capacités de dialogue.
Les quelques éléments de réflexion qui viennent dêtre rappelés, trop rapidement, suffisent peut-être à indiquer que dialoguer avec les parents, avant dêtre un problème de compétences, est une question didentité, de rapport au métier, de conception du dialogue et du partage des tâches avec la famille. À quoi servirait-il davoir des compétences pour un dialogue dont on ne voit ni le sens, ni la légitimité ? À linverse, la maîtrise des situations permet de les envisager plus sereinement, sans être aussitôt sur la défensive. La capacité de communiquer tranquillement avec les parents ne suffira pas à entraîner ladhésion de tous les enseignants au principe dun tel dialogue. Elle les protégera au moins de la tentation de rejeter ou de mépriser ce dialogue pour la seule raison quil leur fait peur
Informer et impliquer les parents est donc à la fois un mot dordre et une compétence. Le référentiel de la formation continue à Genève retient trois composantes de cette compétence globale :
Quon noublie pas que derrière ces formulations très " raisonnables " se cachent des attitudes et des valeurs, sur fond de rapports de pouvoir et de craintes mutuelles. Jinsisterai donc sur des compétences danalyse de la relation et des situations au moins autant que sur des savoir-faire en apparence " plus pratiques ". Être à la fois parent et enseignant peut être une source de décentration salutaire (Maulini, 1997 a). Comme ce nest pas un passage obligé, la formation devrait garantir ce que lexpérience de vie ne donne pas à tous.
Animer des réunions dinformation et de débat
Les pères et mères qui assistent à une " réunion de parents " savent - ou découvrent - que ce nest pas le moment idéal pour régler des cas particuliers. Toutefois, lorsque la situation de leur enfant les préoccupe vraiment, ils peuvent être tentés den parler à travers un problème général : trop ou pas assez de devoirs à domicile, discipline trop stricte ou trop lâche, carnets scolaires trop prolixes ou trop elliptiques, évaluation trop sèche ou trop généreuse, vie en classe trop animée ou trop contrôlée, activités trop sérieuses ou trop amusantes Cest lune des difficultés du professeur : décoder, sous des propos dapparence générale, des soucis particuliers et les traiter comme tels sils ne justifient pas un débat global.
Cest pourquoi la première compétence dun enseignant est de ne pas organiser de réunions générales lorsque les parents ont avant tout des soucis particuliers. Ce qui conduit à prévoir des réunions :
Il ny a évidemment pas de règle infaillible, plutôt un principe : ne pas organiser de réunion lorsquon pressent quelle sera le seul lieu où explosent des angoisses ou des mécontentements particuliers, et traiter ces derniers dans un cadre plus approprié.
Même lorsque les parents ont pu, sils le souhaitaient, rencontrer individuellement lenseignant, une réunion de parents reste un champ de mines. Il est très rare que, sur une vingtaine de pères et de mères réunis dans la classe de leurs enfants, tous aient un rapport entièrement serein à lécole. Au sein des familles, la scolarité des enfants est souvent vécue sur un mode très émotionnel, entre inquiétudes et espoirs fous. Même lorsque léchec scolaire ne menace nullement leur enfant, les parents peuvent craindre pour son épanouissement, sa socialisation, ses fréquentations, les effets de ce quil vit dans un monde qui échappe largement à leur contrôle, la classe, mais aussi les couloirs, le préau, le chemin de lécole. Il ne faut donc pas grand chose pour mettre le feu aux poudres.
Lune des compétences majeures de lenseignant est donc de distinguer clairement ce qui relève de son autonomie professionnelle, en lassumant pleinement, et ce qui relève des instances chargées dadopter une politique de léducation, les programmes, les règles dévaluation ou les structures scolaires qui commandent le moment et la sévérité de la sélection. Se désolidariser entièrement de linstitution qui vous emploie est aussi maladroit que de " prendre sur soi " tous les articles de lois, toutes les phrases du plan détudes, toutes les réformes, toutes les décisions de ladministration. Il est très important que lenseignant sache se situer, dabord à ses propres yeux, ensuite à ceux des parents. Lagressivité monte lorsque lenseignant entretient la confusion ou oscille entre des attitudes contradictoires. Il importe donc quil sache faire comprendre quil assume globalement les grandes orientations du système éducatif, mais nest pas comptable de tout. Il peut même, sur certains points, annoncer quil les combat ouvertement, à ses risques et périls, par exemple dans un cadre syndical. Les parents ne peuvent facilement faire confiance à un enseignant qui dénigre tout ce quil est censé faire, pas plus quils ne peuvent estimer quelquun qui ne manifeste aucune pensée personnelle. La première compétence est donc dêtre " bien dans sa peau ", de trouver la juste distance, le ton qui convient, de ne pas louvoyer. Sur ces questions, il importe de mettre les choses au point, de dire explicitement, lorsque cest justifié : " Je ne suis pas le bon interlocuteur ".
Ensuite, il importe bien sûr que la préparation et lanimation des réunions ne cumulent pas les maladresses. De crainte dêtre débordés, certains enseignants " saoulent " les parents dinformations et dexplications, ne laissant aucun espace pour le débat. Cette fermeture engendre de la frustration et de lagressivité. À linverse, il nest pas plus probant douvrir une réunion en disant " Vous savez comment nous travaillons dans cette classe, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions, je vous écoute ". Une réunion nest pas une leçon, mais elle ne fonctionne pas sans un minimum de structure, ni sans règles du jeu. Il paraît raisonnable de rappeler le but de la réunion, dannoncer quelques thèmes prévus en laissant la porte ouverte à dautres, dalterner des temps dinformation et des temps de questions et de débat.
Lune des compétences majeures que construit un enseignant expérimenté est de ne pas se sentir " seul contre tous ", de percevoir quil y a, entre les parents, autant de différences et de divergences quentre certains dentre eux et lenseignant. On peut se servir de cette intuition de façon machiavélique, jouer les parents les uns contre les autres, pour démontrer in fine quil ny a rien à changer, puisque, sur chaque point, les avis contraires se neutralisent. Si certains demandent davantage de devoirs, alors que dautres les trouvent trop lourds, il est tentant de conclure à la légitimité du statu quo ! On peut aussi faire confiance à la diversité pour que des régulations se produisent spontanément. On peut aider chacun à prendre la mesure des contradictions dans lesquelles lécole se débat, sans en tirer argument pour refuser de chercher des compromis acceptables, cette année-là, avec ces parents-là. Il importe que lenseignant soit particulièrement lucide et explicite sur ce quil estime négociable. Ouvrir le débat avec la ferme intention de ne rien entendre et de ne rien changer est une forme de manipulation qui passe rarement inaperçue.
Réunir les parents dans le seul but de leur expliquer que tout ce quon fait est irréprochable, à quoi bon ? Si la communication est à sens unique, si les parents comprennent que lenseignant ne veut rien entendre, ni rien changer, ils viendront peut-être prendre de linformation, sachant quils ne sont nullement associés, ni même consultés. Certains sen contentent, dautres non. Aujourdhui encore, nombre de parents protestent intérieurement, estiment quon ne les écoute pas, mais ils ne se mobilisent pas pour obtenir un meilleur traitement, parfois par crainte que leurs enfants en pâtissent, parfois parce que le jeu nen vaut pas la chandelle. Le développement des associations de parents rend cette résignation de moins en moins probable et il sera de plus en plus difficile de ne jamais réunir les parents ou de les réunir uniquement pour leur expliquer que tout va bien.
Au-delà des habiletés dans la conduite de réunion - qui pourraient sappuyer sur divers outils danimation et divers dispositifs, dont les réunions avec les élèves -, la compétence de base de lenseignant relève de limagination sociologique : les parents occupent une autre position, ils ont dautres soucis, un autre point de vue sur lécole, une autre formation, une autre expérience de la vie. Ils ne peuvent donc, a priori, comprendre et partager toutes les valeurs et représentations de lenseignant. Il serait naïf despérer de la plupart des parents leffort de décentration et la responsabilité quon peut attendre dun professionnel formé et expérimenté. De plus, ils sont fort différents les uns des autres. Chacun est le produit dune histoire de vie, dune culture, dune condition sociale, qui détermine son rapport à lécole et au savoir. La compétence de lenseignant consiste à prendre les parents là où ils sont, comme ils sont, dans leur diversité !
Conduire des entretiens
Ici encore, on peut valoriser les aspects techniques. Un entretien se prépare, son climat et son issue se jouent en partie dans la façon de le provoquer, de définir son but, de lamorcer, de mettre les interlocuteurs à laise. Convoquer les parents par ordre de marche et les traiter comme des accusés au tribunal ne saurait instaurer un dialogue dégal à égal. Certains enseignants cultivent une telle asymétrie dans la relation quil ne faut pas sétonner que les parents se sentent traités en élèves. Ici, cependant, comme dans le cadre des réunions, une partie des maladresses, de part et dautres, manifestent des peurs davantage que de mauvaises intentions ou du mépris. La compétence de base est, à nouveau, de se situer clairement.
Si les entretiens avec les parents demandent des compétences, cest quil sont rarement sans enjeu. Idéalement, parents et enseignants devraient se rencontrer régulièrement, de préférence avec lenfant, juste pour faire le point, du simple fait quils partagent une responsabilité éducative. Dans certaines classes, les relations avec les parents fonctionnent sur ce modèle, lentretien est alors une routine, qui complète les réunions, la correspondance, les classes ouvertes. Ce mode de faire demande une grande disponibilité et une forte conviction. Faute de temps, dans la majorité des classes, on rencontre les parents parce quun problème se pose.
Une partie des entretiens sont suscités par lenseignant qui a " besoin " de rencontrer les parents pour leur faire part de son inquiétude, les mobiliser, les réprimander ou les préparer au pire. Les parents sont alors en position de faiblesse : ils imaginent - à tort ou à raison - quon va les rendre responsables des difficultés ou de la mauvaise conduite de leur enfant, en laissant entendre quils lui ont donné une éducation trop laxiste, quils manquent dautorité ou, ce qui est encore plus blessant, que lenfant est à leur image, indiscipliné, paresseux, agressif, impoli, sexiste ou pas très vif Même lorsque les inquiétudes sont émises courtoisement, dans le souci de ne pas blesser, dans lespoir dune coopération, comment ne pas imaginer que les parents vont se sentir " dans leurs petits souliers ". Certains adopteront la position basse, sexcuseront, dautres réagiront plus agressivement ou prendront la fuite. La compétence est alors, du côté de lenseignant, de tout faire pour ne pas mettre les parents en position de faiblesse, appliquant cette vieille maxime " Traitons-les en égaux afin quils le deviennent ".
Sans doute est-il difficile de croire que les parents ne sont nullement responsables, directement ou indirectement, des difficultés de leurs enfants et plus encore de leurs manières dêtre. Il faut une grande sagesse pour se rendre compte que cette fiction est créatrice, quelle libère les parents davoir à se justifier ou à se disculper, et donc les constitue en véritables partenaires, dans un jeu coopératif. En somme, dans ce cas de figure, la compétence consiste largement à ne pas abuser dune position dominante, donc à maîtriser la tentation de culpabiliser et de juger les parents. Le travail sur soi et son rapport à autrui est alors plus utile que lhabileté à conduire un entretien.
Il arrive aussi que lentretien soit demandé par les parents parce quils ont des griefs à formuler. Lenseignant est alors laccusé. Sil apparaît comme un professionnel compétent, en pleine possession de ses moyens, il ny a pas lieu de lui réserver lindulgence quon aurait pour un débutant ou un enseignant traversant une mauvaise passe. Seuls les parent les plus instruits et sûrs de leur bon droit, appartenant à la classe moyenne ou supérieure, osent en général sen prendre directement à lenseignant et lui dire ce qui provoque leur désaccord ou leur colère. Ils ny vont alors pas toujours de main morte et il nest pas rare dentendre des enseignants se plaindre de lagressivité ou de larrogance de certains parents qui " se croient tout permis ". Lexpérience enseigne alors à faire le gros dos.
Laisser passer lorage est une forme de compétence. On peut douter quelle contribue à un dialogue constructif. Elle relève plutôt des stratégies défensives :
un nombre non négligeable denseignants, sinon une majorité dentre eux, sefforcent de délimiter avec soin leur propre territoire et de le protéger dempiétements éventuels de la part des parents, plutôt que de considérer les conflits de territoires et dobjectifs comme inévitables, voire souhaitables, pour un meilleur ajustement de laction de chacun. Tout se passe comme si le territoire des uns et des autres ne faisait et ne pouvait faire lobjet daucun litige, comme sil avait été défini une fois pour toutes le jour ou a été instituée lécole obligatoire (Favre et Montandon, 1989, p. 139).
Les compétences requises dun vrai professionnel consistent plutôt à ne pas mettre toute son énergie à se défendre, à éconduire lautre, mais au contraire à accepter de négocier, dentendre et de comprendre ce que les parents ont à dire, sans pour autant renoncer à défendre ses propres convictions. Ici encore, les compétences ne sont rien, si elles ne peuvent sadosser à une identité, une éthique et une forme de courage
Impliquer les parents
dans la valorisation
de la construction des savoirs
On ouvre ici un chapitre un peu différent. Son titre évoquera peut-être dabord le rôle que lécole demande aux parents de jouer dans le contrôle du travail scolaire et lentretien dune " motivation " à prendre lécole au sérieux et à apprendre chez leurs enfants. Il est sûr que cette injonction sera plus efficace si elle est relayée par le maître de classe.
Lidée dimpliquer les parents aux diverses démarches qui associent les parents au travail en classe, en les mobilisant dans des ateliers décloisonnés, des excursions, des spectacles, en faisant classe ouverte, en les invitant à présenter leur métier ou une passion, ou en leur demandant une coopération active et intelligente aux devoirs à domicile. Toute cela favorise certainement le dialogue (Montandon et Perrenoud, 1994). Je mattacherai ici à un problème de fond : comment faire pour que les parents ne fassent pas obstacle aux apprentissages scolaires ?
La question peut paraître saugrenue : la plupart des parents nont-ils pas une immense envie que leur enfant réussisse à lécole ? Pourquoi feraient-ils obstacle à ses apprentissages ? À cette objection, on peut répondre en évoquant lexistence dune minorité de parents qui nadhèrent pas à lobligation scolaire et ne relayent pas les attentes de lécole. Il y a des parents qui cherchent à convaincre leur enfant de rester à la maison, pour se reposer ou se soigner, avec autant de conviction que dautres mettent à le persuader quil ne faut manquer lécole sous aucun prétexte. Certains parents minimisent ou combattent les jugements de lécole, alors que dautres les dramatisent et les amplifient. Certains ne voient pas lintérêt détudier, alors que dautres sont malades à la simple idée que leur enfant pourrait ne pas accéder à lenseignement supérieur. Tous les parents ne coopèrent pas également au projet dinstruire leur enfant, ne pensent pas avec la même conviction que cest " pour son bien " et que cela justifie quil passe tant dannées de sa vie en classe. Dans le registre des attitudes et des stratégies éducatives (Kellerhals et Montandon, 1991), les enseignants vivent donc, à juste titre, certains parents comme des alliés inconditionnels, dautres comme des sceptiques, voire des adversaires plus ou moins déclarés.
Il est plus difficile de comprendre comment des parents, désireux que leur enfant réussisse, pourraient faire directement obstacle à leurs apprentissages. Cest pourtant ce qui arrive, en général involontairement, et préoccupe une partie des enseignants. Cest ainsi quune grande fraction des parents pensent encore que, pour acquérir des connaissances, il faut souffrir, travailler dur, apprendre par coeur, répéter ses mots et son livret, bref, allier leffort et la mémoire, lattention et la discipline, la soumission et la précision. Les enseignants - sil en reste - qui partagent cette façon de voir nont guère de problèmes avec ces parents. Ils peuvent allonger les devoirs, multiplier les contrôles, retenir les enfants après les heures, punir et même frapper les enfants qui ne travaillent pas, faire régner la terreur, dramatiser les mauvaises notes : ils auront le soutien inconditionnel des parents qui pensent quon napprend que sous la contrainte et dans la douleur.
À linverse, les enseignants qui pratiquent les méthodes actives et les démarches de projet suscitent ladhésion des parents acquis à ces approches et la méfiance des autres. On ne saurait renvoyer ces approches dos à dos. On ne peut, si lon veut la démocratisation de lenseignement, que plaider pour une pédagogie active et différenciée. Il ny a donc pas, dans mon esprit, de confusion entre enseignants pédagogiquement novateurs qui font face à des parents conservateurs et enseignants traditionnels confrontés à des parents attendant des pédagogies plus ouvertes et participatives. Pourtant, sous langle de la relation avec les parents, on perçoit bien la symétrie des enjeux : quelle que soit sa pédagogie, un enseignant a besoin que les parents de ses élèves la comprennent et y adhèrent, au moins globalement, au niveau des intentions et des conceptions de lenseignement et de lapprentissage. Ce besoin est sans doute plus fort du côté des pédagogies nouvelles, parce quelles incitent davantage, pour des raisons idéologiques, mais aussi didactiques, à mobiliser et impliquer les parents. Et aussi parce quelles sont plus anxiogènes, dans lexacte mesure où elles parient sur lautonomie et les ressources de lapprenant.
Toutefois, même lenseignant le plus conventionnel ne peut faire son travail si sa démarche est mal comprise et dénigrée par de nombreux parents. Faut-il des compétences pour affronter ce problème ? Peut-être les enseignants semploient-ils dabord à léviter en choisissant, sils le peuvent, denseigner dans les quartiers où les parents sont globalement en accord avec leurs méthodes. Cela ne se joue pas nécessairement entre quartiers bourgeois et quartiers populaires. Les nouvelles classes moyennes - travailleurs des métiers de lhumain - sont plus favorables aux pédagogies nouvelles que les classes moyennes traditionnelles, artisans et petits commerçants (Perrenoud, 1996 ; Maulini, 1997 b). Dans les classes favorisées, les intellectuels nont pas à lécole et à ses méthodes le même rapport que les cadres.
Chaque enseignant na pas le pouvoir de trouver et de garder un public fait " sur mesure ", invariablement en phase avec ses choix didactiques et pédagogiques. En début de carrière, on se voit attribuer les classes dont les autres ne veulent pas. Par la suite, tous ne peuvent pas choisir leur établissement et, en outre, obtenir des classes homogènes du point de vue des attentes des parents. Si bien que le pain quotidien de beaucoup denseignants est de mécontenter les uns lorsquils comblent les autres
La compétence dun enseignant consiste alors à gagner au plus vite ladhésion des parents a priori réfractaire à sa pédagogie. Sans doute, dans un premier temps, pour ne pas être en butte à des critiques permanentes. Mais aussi et surtout, du moins peut-on lespérer, pour ne pas rendre la tâche de lenfant plus difficile. Il nest pas favorable quun enfant vive chaque jour un conflit de loyauté. Si les parents ne comprennent pas ou nacceptent pas ce qui se fait en classe, ils vont, dans le registre verbal ou non verbal, saper la confiance de leur enfant en lenseignant. Ils vont, ce qui est encore plus perturbant, tenter de corriger, de compenser ce qui ne les convainc pas, en " faisant lécole à la maison ". Une partie des élèves de lécole primaire sont confrontés, chaque jour, à deux pédagogies. À quel saint doivent-ils se vouer ? Si lenseignant valorise des activités de recherche et des jeux stratégiques que les parents assimilent à du temps perdu, dans quelle situation les adultes placent-ils alors lenfant ? Une partie des enfants construisent, assez jeunes, un rapport autonome au savoir et survivent à toutes les pédagogies, scolaires et familiales, parce quils parviennent à garder une certaine distance. Dautres ont moins de moyens pour penser par eux-mêmes et se trouvent ballottés entre des représentations contradictoires.
Lenseignant se voit, légitimement, comme un professionnel qualifié, informé et formé, censé savoir ce quil fait. Il attend donc des parents une confiance de base quil nobtient pas toujours. Même lorsquelle lui est accordée, elle est fragile, le moindre revers dans les apprentissages peut redonner vie au scepticisme de départ. Il ne suffit donc pas de réclamer la confiance comme un droit, lenseignant doit la gagner en expliquant ce quil fait et pourquoi. Au minimum, il cherchera à obtenir leur neutralité bienveillante. Sil veut impliquer les parents sans sa démarche, leur donner un rôle actif, il faut quils adhèrent plus profondément. Si lenseignant souhaite, par exemple, que les parents soutiennent une démarche constructiviste, qui valorise le tâtonnement expérimental, la réflexion sur les erreurs, lexploration, la réflexion à haute voix, le débat, le doute, il ne lui suffira pas " quils ne sen mêlent pas du tout ". Il souhaitera quils interviennent dans le même sens que lui, sans " faire à la place " de leur enfant, sans lui souffler les réponses, sans corriger ses erreurs avant même quil les ait commises.
Plus les enseignants sont acquis à des didactiques pointues et aux pédagogies nouvelles, plus leurs conceptions de lenseignement-apprentissage paraissent, aux yeux de beaucoup de parents, aux antipodes du sens commun. Certains parents ne peuvent pas comprendre facilement quil ny a pas de raison, au contraire, deffacer toute trace derrements ou toute forme dhésitation dans un travail écrit. Leur rapport au savoir les incite à valoriser la réponse juste, détachée du raisonnement, évidente comme la réponse à une question de calcul mental.
On sent bien quon se trouve ici aux limites de linfluence dun enseignant seul. Il est très difficile de convaincre des parents dont on accueille les enfants une seule année, ou même deux. Une partie du dialogue nest possible quentre une équipe pédagogique et lensemble des parents concernés. Ce qui suppose cohérence et continuité des pédagogies dun degré au suivant. Comme tout le monde, les parents peuvent, à la rigueur sadapter à des pédagogies qui changent chaque année. Ils ne peuvent réellement y adhérer et simpliquer aussi longtemps que chaque enseignant défend sa propre conception, sans référence à un projet détablissement ou à une cohésion déquipe, sans même savoir si ses collègues pensent et font comme lui.
Dans la farine
Les trois entrées retenues (animer des réunions dinformation et de débat ; conduire des entretiens et impliquer les parents dans la valorisation de la construction des savoirs) népuisent certainement pas les formes de relations entre la famille et lécole. On pourrait insister sur tout ce qui se joue à travers lenfant, considéré comme go-betwen, intermédiaire, messager et message entre la famille et lécole, deux univers entre lesquels il va et vient. Jai tenté, à ce propos, de montrer que lessentiel de la relation famille-école ne se joue pas dans les rencontres en face à face, mais dans les informations, les jugements, les injonctions et les griefs qui circulent chaque jour entre les enseignants et les parents à travers lenfant, ce quil apporte et rapporte de part et dautre (Perrenoud, 1994 a).
Peut-être aura-t-on saisi que la compétence ne consiste pas à maîtriser toute la gamme des formes de contacts - même si ce nest pas inutile -, mais à construire plus globalement une relation équilibrée avec les parents, fondée sur lestime réciproque, celle que Goumaz (1992) place à la base de la relation enseignants-enseignés.
Javais il y a dix ans, par dérision, pour mettre en évidence une des tentations des enseignants, proposé " Quelques recettes simples et pas chères pour rouler les parents dans la farine " :
- Nier les faits ou les minimiser.
- Si cest impossible, en proposer une autre interprétation, plus défendable.
- Suggérer que linterlocuteur ignorait le contexte et juge sans savoir.
- Insister sur le caractère exceptionnel des faits.
- Admettre quil y des brebis galeuses et quelles doivent être sanctionnées.
- Suggérer à son interlocuteur quil na pas les mains blanches.
- Le renvoyer à ses propres incohérences ou à labsence de consensus de son groupe.
- Se distancer des collègues absents.
- Jouer les offensés (" Votre manque de confiance me blesse ").
- Suggérer que linterlocuteur nest pas représentatif.
- Insinuer quil nest pas bien dans sa peau ou quil règle des comptes personnels.
- Clouer le bec de lautre en invoquant le bien des enfants.
- En appeler à des valeurs fondamentales (liberté, droit à la différence, respect de la personnalité).
- Invoquer les contradictions ou les défaillances de lautorité.
- Se cacher derrière le règlement ou larbitraire de linstitution.
- Dire que la vie est dure pour tout le monde et demander un peu de compréhension.
- Recourir à largument dautorité (" Nous savons ce que nous avons à faire ").
- Rappeler le respect des territoires (" Que chacun balaie devant sa porte ! ") et en appeler au sacro-saint professionnalisme.
- Rappeler la difficulté des conditions de travail et de fonctionnement collectif.
- Donner des gages de bonne volonté et promettre de faire des efforts.
Savoir informer et impliquer les parents, en résumé, cest être capable de nutiliser quexceptionnellement de telles recettes, non parce quon les ignore, mais parce quon les rejette délibérément, dautant plus aisément quon nen a pas besoin !
De façon plus constructive, on peut rejoindre Maulini (1997 c) pour dire quune clarification définitive des rôles des uns et des autres est impossible, que le partenariat est une construction permanente, qui sopérera dautant mieux que les enseignants acceptent den prendre linitiative, sans monopoliser la parole, en faisant preuve de sérénité collective, en lincarnant dans quelques espaces permanents, en admettant une dose dincertitude et de conflit et en acceptant la nécessité dinstances de régulation. On voit mieux que jamais quil nexiste pas de compétences qui ne sappuient sur des connaissances, qui permettent à la fois de maîtriser le désordre du monde et de comprendre que laltérité et les contradictions sont indépassables dans les métiers de lhumain et, pour tout dire, dans la vie.
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