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n° 3, novembre 1998, pp. 71-76. |
Le mieux est lennemi du bien !
Que conseiller aux parents pour faire face
aux éventuelles difficultés scolaires de leurs
enfants ?
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1998
Face à léchec scolaire, personne nest tranquille. Chacun la compris, les meilleurs diplômes ne garantissent plus des salaires mirobolants, ni même un emploi stable ; pourtant, nul ne peut se dégager de la course à la réussite, car labsence de diplôme rend plus vulnérable encore en période de crise et de chômage.
Quune mère, quun père aient le souci daider leur enfant à réussir à lécole est donc légitime, leurs craintes compréhensibles. Toutefois, leur façon de sen préoccuper peut aggraver les difficultés éventuelles. Dire chaque jour à son enfant " As-tu bien écouté à lécole ? Bien lu ta poésie ? Bien fait tes calculs ? Attention, si tu ne travailles pas, tu ne réussiras pas dans la vie ! " nest pas très efficace. Cela peut même engendrer de langoisse ou de la résistance et produire leffet contraire.
Les enseignantes et les enseignants peuvent-ils, doivent-ils conseiller les parents dont lenfant aborde le parcours scolaire ? Ce nest pas tout à fait clairement leur mandat et leur formation ne les prépare pas dans ce sens. Je crois toutefois quil est utile de sy risquer si lon se sent soi-même assez au clair sur ces questions. Il importe que ce dialogue samorce dès le début de la scolarité, à un moment où les enseignants et les enseignants peuvent encore, sans ambiguïté, faire cause commune avec les parents et partager leurs espoirs.
Que dire alors ? Je me suis risqué à dresser une liste de conseils de bon sens, dont le fil rouge est très simple : nul napprend et naide à apprendre dans langoisse. Sans plaider pour une insouciance irresponsable, je plaide pour une confiance fondatrice, arrimée au principe déducabilité, à lidée que tous les enfants sont capables dapprendre si on les place dans des conditions favorables.
Tous les enfants sont différents, toutes les familles sont différentes. Il ny a donc pas de règle absolue. Les parents bien intentionnés nimaginent pas volontiers quils peuvent accroître les difficultés de ses enfants. Pourtant, lacharnement pédagogique guette tous les éducateurs et fait parfois des ravages On comprend toujours trop tard que le mieux est lennemi du bien et que lécole peut devenir une punition à force de la considéré comme le pivot de lexistence et le " Sésame, ouvre toi " de la réussite.
Tout le monde le fait ? Non. Converser avec ses enfants, ce nest pas leur dire ce quils doivent faire pour bien faire, ni penser à leur place. Limportant est de les écouter et de les entendre. Et aussi leur dire des choses qui les aident à sortir de leur solitude et de leur culpabilité. Un enfant qui a des difficultés à lécole est soulagé dentendre que ses parents en ont eu aussi, quils naimaient pas lécole tous les jours. Le discours des adultes sur lécole est souvent, à proprement parler, incroyable, tant il parle dun monde parfait que lenfant ne reconnaît pas.
Il importe que les parents sautorisent à reconnaître quil y a lécole des moments dennui, des passages à vide, des injustices qui démobilisent, des personnes - enfants ou adultes - dont on a peur. Cela fait du bien aux enfants de ne pas prendre sur eux toute distance au monde scolaire, dapprendre quil est normal dêtre parfois ambivalent, voire résistant. Lorsque les adultes reconnaissent quil y a des paresses idiotes, mais délicieuses, ils ouvrent un espace, ils libèrent la parole, parce quils permettent dexprimer lécart entre ce quon est censé faire et ce quon a envie de faire.
Le jour où les problèmes surgissent, il y a du reproche et de la culpabilité dans lair. Sil na pas été établi avant, lorsquil ny avait pas de gros nuages, le dialogue famille-école se noue dans les pires conditions.
La prévention, chacun y pense trop tard, tous les dentistes, tous les médecins, tous les garagistes le disent. Si la seule raison pour que parents et enseignants se rencontrent était préventive, on peut parier que les uns et les autres attendraient la dernière minute. Il importe que des contacts se développent non pas parce quon prévoit le pire, mais parce quil est normal, quelle que soit lévolution dun enfant, que les adultes qui se partagent la responsabilité de son éducation se connaissent et se parlent régulièrement. Tisser les liens facilite la vie quotidienne des enfants, même sil ny a aucune difficulté. En labsence de dialogue (Montandon et Perrenoud, 1994), les attitudes et les stratégies éducatives des parents et des enseignants peuvent se contrecarrer et susciter de part et dautre des mouvements dirritation et des attitudes négatives.
Tisser des liens néquivaut pas à établir une alliance sans faille entre les parents et les enseignants contre lenfant. Elle se ferait certes " pour son bien ", mais Alice Miller (1984) a montré que toutes les pédagogies, même les plus " noires ", se réclament de cette justification. Entre ses parents et ses maîtres, lenfant a besoin quil y ait, à la fois, une certaine cohérence et des différences, que chacun garde son identité et le perçoive à sa façon.
" Ne travaille pas assez, nécoute pas attentivement, a de la peine, dérange la classe, agresse ses camarades, ne participe pas, manque de persévérance, se montre agité et bavard " : le jugement de lécole, sil est négatif, place les parents devant un dilemme. Faut-il prendre inconditionnellement le parti son enfant, crier immédiatement à la persécution, à lerreur judiciaire, à lincompétence professionnelle ou au sadisme de lenseignant ? Certains parents adoptent cette attitude totalement solidaire, qui empêche lenfant de grandir et dassumer les conséquences de ses actes. Lattitude inverse nest pas plus saine : si les parents prennent au tragique tout ce que lécole dit, sils renforcent son jugement quand il est négatif - " Je te lavais bien dit ! "-, sils ajoutent leur réprobation et parfois leurs propres sanctions à celles de lenseignant, lenfant va se retrouver très seul et se refermer.
Il ny a pas de recette miracle, seulement un principe de conduite : lenfant se construira dautant mieux quon laide à assumer de façon autonome son travail scolaire et les jugements quil suscite. Le rôle des parents nest ni de dévaloriser, ni damplifier les jugements de lécole, mais daider leurs enfants à les entendre, à prendre de la distance, à se déterminer avec réalisme. Cest lenfant qui est jugé, sur sa conduite, sur ses résultats en classe. Les parents ne peuvent pas être sages, appliqués, travailleurs ou intelligents à sa place. Ils peuvent en revanche laider à peser le pour et le contre, à mesurer ce que lui coûte et lui rapporte sa façon dêtre en classe.
Comment les parents aideraient-ils leur enfant à prendre de la distance sils vivent sa scolarité sur le mode dramatique ? La plupart des adultes savent bien quils entretiennent un rapport stratégique aux institutions, à leur travail, à leur patron ou à leur chef, aux horaires, aux procédures prescrites, aux cadences imposées. Ils jouent avec les règles, sachant " jusquoù ne pas aller trop loin ". Bref, ils nintériorisent pas totalement la norme, ils en tiennent compte, comme dune simple réalité, à la manière dont les conducteurs freinent juste avant les radars et reprennent de la vitesse un peu plus loin.
Pourquoi attend-on des enfants quils soient plus exemplaires que leurs parents, quils fassent parfaitement leurs devoirs dès quils en ont, écoutent toutes les leçons, noublient jamais leurs affaires, respectent toutes les règles ? Les enfants apprennent avant daller à lécole ce qui permet aux adultes de survivre : se protéger des exigences du monde du travail pour souffler un peu, avoir du temps pour soi, ne pas être entièrement défini par les autres et les règles Bien entendu, lorsquon se trouve du côté de la règle, comme parent ou enseignant, on ne peut valoriser le cynisme et le faire semblant. On peut en revanche incarner la règle intelligemment, de façon flexible, peu obsessionnelle, en sachant que est lessentiel est linvestissement intellectuel plus que le conformisme de surface.
À lécole, lenfant est un élève. Même lorsque les enseignants sont sensibles à la globalité de la personne, à son développement, ils ont mission dinstruire. Il est donc normal que lévaluation scolaire privilégie cette dimension de lexistence, donc les qualités et les défauts qui lui sont liés.
Ce qui est grave, cest que les parents deviennent à ce point dépendants du point de vue de lécole quils traitent leur propre enfant comme un élève, en le réduisant à ses difficultés en orthographe ou en calcul, comme si cétait le centre de la vie. Sans nier les difficultés scolaires, les parents peuvent les relativiser, parce quils ont le privilège dobserver leur enfant dans un spectre différent et plus large de situations. Je me souviens dune orthodontiste pour laquelle rien ne paraissait plus important que porter des appareils dentaires pour avoir une mâchoire parfaite. Les parents en sortaient effrayés et consternés par toutes les catastrophes promises sils nadhéraient pas à des mesures immédiates et énergiques. Puis la vie reprenait son cours. Ils se rendaient compte que leur enfant allait très bien et que sil avait les dents un peu écartées, sa vie nen dépendait pas. Lécole crée parfois le même sentiment, à cette différence près que lenfant y a rendez-vous deux fois par jour et que le carnet scolaire annonce parfois létat dalerte rouge
Il ne sagit pas de minimiser les enjeux, mais de ne pas oublier que toute la vie ne se joue pas sur laccord du participe ou la table de multiplication. Un enfant est presque toujours beaucoup plus riche, fort et plein de ressources que ne le suggère lévaluation scolaire. Ses parents peuvent laider à élargir ou à rétablir une image de soi plus positive, à mettre les difficultés scolaires à leur juste place, plutôt que dajouter à son humiliation !
Le souci de bien faire conduit souvent à lacharnement pédagogique, à loverdose. Les journées et les semaines décoles sont longues et les enseignants exigent une mobilisation et une attention presque constantes : il faut avancer dans le programme, il ny a pas de temps à perdre.
Le rôle des familles nest pas dajouter au stress, de tout vérifier, réexpliquer, consolider. On parle souvent de la double journée de la mère de famille, mais celle de lenfant na rien à lui envier.
Bien entendu, le rôle des parents est daider lenfant à sorganiser, à faire ses devoirs, à se préparer aux évaluations. Il ne sagit pas de démissionner, mais de là à faire répéter à perte de vue " les mots de la semaine ", à faire des dictées quand lécole nen fait plus, à anticiper sur le programme, il y a un pas à ne pas franchir ! Au besoin, il importe doser dire aux enseignants qui surmandatent les parents que ce nest pas raisonnable, que les enfants vont en classe vingt à trente heures par semaine, ou davantage, et que cela devrait suffire à " faire le programme ", sans envahir la vie de famille de devoirs sans fin à rendre et dépreuves incessantes à préparer.
Les évaluations faites par lécole, quelles soit qualitatives ou chiffrées, ne sont que des indications, assez imprécises, de ce qui va bien ou moins bien dans les apprentissages. La comparaison avec les autres élèves, la compétition pour être le meilleur napportent rien. Cest à soi-même que chaque élève est invité à se mesurer. Les évaluations scolaires, notées ou non, ne sont pas des indicateurs fiables, et encore moins stables, de la valeur intellectuelle dun élève, elles expriment, dans un mélange difficile à analyser, ses véritables moyens, sa bonne volonté, son travail, ses stratégies, ses " atomes crochus " avec lenseignante ou lenseignant du moment.
Récompenser ou punir ses enfants en fonction de leurs résultats scolaires les détourne de lessentiel : apprendre pour comprendre, pour mieux maîtriser les situations de lexistence, pour répondre à des curiosités fondamentales sur la vie, lunivers, lêtre humain, la société. Il nest pas bon dassortir la réussite à lécole de gratifications systématiques, quil sagisse de démonstration daffection, doctroi de liberté, dargent de poche, de sucreries ou de jouets. Il est encore moins recommandé de punir son enfant, sil nest pas sage à lécole ou a de mauvais résultats. Certains parents battent leurs enfants, au nom dune tradition qui valorise le rôle éducative de la violence. Ils abusent de leur force au mépris des droits de lenfant et, de plus, de façon inefficace : la crainte des coups enseigne surtout à tricher, à mentir, à faire semblant, à ne plus faire confiance à personne.
Trop de parents croient bien faire en augmentant largent de poche, en offrant des cadeaux ou en accordant dautres faveurs si le carnet est bon, en réagissant dans le cas contraire par des paroles ou des gestes violents ou par la privation dargent, de petits plaisirs, de libertés : " Si cest comme ça, tu ne sortiras pas ". Ces mobiles externes et matériels ne seront jamais suffisants. Faut-il alors jouer sur lamour ou le retrait damour ? Encore moins : on détourne tout autant dun rapport personnel au savoir, on enseigne à lenfant quil faut apprendre pour plaire et être aimé, on accroît sa dépendance, alors que lenjeu est de le rendre autonome
Les parents ont parfois le nez " collé " sur les difficultés scolaires de leur enfant. Lavenir leur paraît sombre, ils agitent le spectre du chômage, de la pauvreté et parfois, pour faire bonne mesure, de la marginalité, de la délinquance ou de la drogue. Lécole ne les aide pas toujours à dédramatiser.
Ici encore, linsouciance totale serait absurde et le rôle des parents est danticiper. Or, anticiper, ce nest pas prévoir le pire et peindre le diable sur la muraille. La plupart des individus - et à plus forte raison des enfants - ont des ressources insoupçonnées, ils peuvent évoluer, se mobiliser. Limportant est de leur faire crédit, de ne pas les enfermer dans une quelconque fatalité. La pensée positive peut devenir magique et dangereuse lorsquelle nie les obstacles, elle est constructive lorsquelle ne cesse daffirmer que les surmonter est possible et den appeler à la confiance quon doit faire aux ressources de chacun.
Une partie des attitudes maladroites naissent de langoisse des parents, qui les submerge et quils reportent inconsciemment sur leurs enfants. Il est angoissant dêtre parent, de se sentir responsable dun enfant. Cette angoisse peut devenir pesante, enfermante, stérilisante pour lenfant. Lorsque cela arrive, cest quelle est en général nourrie par dautres causes, qui tiennent à la personnalité et à lhistoire de vie des parents plus quà ce qui arrive à leur enfant.
Fixer son angoisse sur les résultats scolaires de ses enfants est parfois une bonne thérapie pour les parents. On peut douter que ce soit un atout pour ceux les enfants doivent porter les espoirs et les peurs de leurs parents
Les angoisses les plus fortes senracinent dans lenfance des parents, leur propre itinéraire scolaire, leur rapport à la vie et au savoir. Nul ne peut prétendre les en guérir par quelques paroles lénifiantes. On peut en revanche les aider à les exprimer, à les mettre un peu à distance, et surtout à reconnaître quelles ne viennent pas de ce qui arrive à leur enfant, quil nest quun point de fixation, presque un prétexte à raviver des angoisses qui lui préexistaient.
Lenfant vit dans un système. Sil a des difficultés, il en est rarement la seule cause. Accepter de faire partie du problème ne consiste pas à se culpabiliser, à prendre sur soi, sans rien analyser, à se dire que son enfant a des problèmes parce quon est soi-même " au-dessous de tout ". Aucun enfant nest soulagé parce que ses parents se méprisent eux-mêmes. Cela ne laide pas, au contraire.
Accepter de faire partie du problème, cest se demander si les conduites et les difficultés de son enfant nexpriment pas, au moins en partie, la culture familiale, les contradictions, les rêves, les obsessions et les angoisses des parents. Aux parents qui ne parviennent pas à prendre ce recul, une bonne âme devrait offrir le petit livre de Paul Watzlawick dont le titre est tout un programme : Faites vous-même votre malheur !
Lorsquun adulte se demande quand il est devenu autonome - le devient-on jamais complètement ? -, il se rend compte que cest au moment où on lui a fait confiance, où on lui a donné des responsabilités. Quen en tire quelque leçon
Nombre denfants toujours en retard arrivent à lheure à lécole le jour où cela devient leur affaire. Ils vont se coucher parce quils ont sommeil (et non parce quon les envoie au lit) et mettent leur réveil pour se lever à lheure. Dautres sorganisent à partir du moment où on ne leur demande plus, toutes les cinq minutes, sils ont rangé leur chambre ou pris toutes leurs affaires. Certains se mettent à leurs devoirs lorsquils se rendent compte que laffrontement rituel avec leurs parents naura pas lieu et que ce nest pas à eux quils ont affaire, mais à lenseignant, le lendemain
Comme tous les défenseurs des méthodes actives le montrent, les adultes empêchent les jeunes de grandir parce quils font à leur place, contrôlent tout, surveillent, encadrent, mettent en garde, sans se rendre compte quils dépossèdent lenfant de ses responsabilités. Philippe Meirieu nous met en garde conte la toute-puissance de Frankenstein pédagogue. Nul nest à labri dun excès de pouvoir.
Pour les enfants, les résultats scolaires ne sont quun aspect de lécole, qui constitue dabord un milieu de vie, un réseau de relations, une source didentité. Ils préfèrent être évalués favorablement, mais toute leur vie ne sorganise pas autour du carnet scolaire, sauf pour quelques élèves inquiets et perfectionnistes, renforcés dans cette attitude par les attentes et les angoisses de leurs parents.
Les adultes ont la mémoire courte. Ils ont oublié ce qui a de limportance pour les enfants dans la vie quotidienne : les conversations avec les camarades, les conflits, les amitiés, les amours, les déceptions, les rires, les événements inattendus, les jeux, les choses quon découvre ou quon maîtrise pour la première fois.
" Maman, ce matin, il y eu les pompiers dans lécole ! ", dit lenfant. Ou " Vincent ma pris ma pomme ". À ces témoignages, il nest pas utile de répondre " Montre-moi le ton texte à lire pour demain " " Tu as obtenu combien à lépreuve de math ? ". Si je devais organiser une " école de parents ", jinviterais les parents à plonger dans leur passé, à se revoir enfants ou adolescents sur des bancs décole, à retrouver ce qui leur importait alors. À comprendre que la vie denfant ne se réduit pas à la vie délève et que dans cette dernière, les relations sociales et les événements quotidiens comptent davantage que les savoirs
Dans nombre de familles, on prend lécole au tragique. Les parents qui ont fait des études longues sont un peu plus détendus, du moins lorsque leurs enfants fréquentent lécole élémentaire, parce quils savent que la scolarité est une longue marche et que lavenir ne se joue pas sur une épreuve. Dautres familles ont moins de recul et vivent la scolarité de leur enfant dans une tension extrême, usante pour tout le monde et paralysante pour lenfant, qui sent peser sur ses épaules un immense poids.
" Relax ! ", arrivent à dire les adolescents à leurs parents inquiets. Les enfants nont pas encore les moyens de prendre une telle distance, de se défendre contre les catastrophes quon leur promet si Les enfants prennent leurs parents au sérieux. Cest donc lhumour de ces derniers et leur sens des proportions qui rendront la scolarité vivable ou accablante pour tous Hélas, il faudrait avoir de lhumour pour se rendre compte quon en manque.
La télévision devrait rappeler une fois par jour, entre le journal et la météo, que, pour apprendre, il faut donner du sens à ce qu'on fait et se sentir reconnu, respecté comme personne. Cest essentiel lorsquon lutte contre léchec scolaire (Perrenoud, 1995), mais pourquoi ne serait-ce pas également valable pour les enfants qui nont pas de difficultés dapprentissage ?
Les " conseils " qui précèdent ne sappuient pas tous sur des vérités psychologiques et sociologiques. Toute pédagogie se fonde sur des partis pris, des valeurs, une philosophie, une éthique, un rapport à la vie, une expérience personnelle. Il serait étonnant et presque inquiétant que le lecteur, quil soit parent ou enseignant, soit daccord avec moi sur chaque point.
Là nest pas lessentiel. On ne peut donner que les conseils quon assume. On ne peut recevoir que les conseils quon est prêt à entendre. Du moins invitent-ils à savoir qui on est, ce que lon pense et encouragent-ils, parfois, à prendre un peu de distance et à redéfinir lessentiel.
De ce point de vue, quiconque risque quelque conseils aux parents ne devrait pas sattendre à transformer du coup leurs attitudes. Relancer une réflexion, ouvrir quelques pistes, nourrir quelques doutes, renforcer quelques intuitions, donner plus daudace, ce nest pas rien.
Ouvrir le dialogue avec les parents nest pas un acte de toute puissance, juste une invitation à réfléchir ensemble. Pour cela, il faut évidemment que les enseignantes et les enseignants soient eux-mêmes au clair sur leurs valeurs et leur propre conception de léducation
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