|
|
La transposition didactique
à partir
de pratiques : des savoirs aux
compétences
Faculté de psychologie et des
sciences de léducation
Université de Genève
1998
I. La transposition : retour aux sourcesII. Il n'y a pas de savoirs sans pratiques
III. Il n'y a pas de pratiques sans savoirs
IV. Partir des pratiques pour identifier des compétences
La notion de transposition didactique est devenue dusage courant en sciences de léducation et notamment dans les diverses didactiques des disciplines. Réduite à sa plus simple expression, elle est expliquée par le sous-titre du livre de Chevallard (1985, 1991) : " Du savoir savant au savoir enseigné ". Entièrement consacré au savoir mathématique et plus particulièrement aux transformations que subissent les théories des mathématiciens lorsquelles deviennent savoirs scolaires, dabord dans les programmes, puis dans les manuels et les salles de classe, cet ouvrage est devenu une référence pour dautres disciplines. Il a fortement contribué à associer la notion de transposition aux savoirs dits " savants ", ceux dont se réclament les disciplines scolaires comme les mathématiques, les sciences naturelles (biologie, chimie, géologie et physique) et les sciences humaines et sociales (histoire, géographie, philosophie notamment).
Pour rendre justice aux disciplines dans lesquelles les savoirs savants ne sont pas aussi centraux, Joshua (1996) a proposé détendre la théorie de la transposition aux savoirs experts. Bien avant, dans la même perspective, Martinand (1986) avait introduit la notion complémentaire de pratiques de référence. Il lavait proposée à propos de la technologie et de linformatique, mais elle convient aussi aux disciplines linguistiques ou artistiques, aux travaux manuels, à léducation physique et aux formations professionnelles.
Si bien quon peut admettre que lon travaille désormais avec deux sources de la transposition didactique : dune part des savoirs, savants ou experts, dautre part des pratiques sociales. On peut schématiser comme suit la chaîne de transposition.
La première flèche figure la transformation des savoirs et des pratiques en programmes scolaires, quon peut aussi appeler curriculum formel ou prescrit (Perrenoud, 1994b, 1995, 1996 a). Cest ce que Chevallard a nommé la transposition didactique externe. La seconde flèche figure la transformation des programmes en contenus effectifs de lenseignement. Cest la transposition interne, qui relève largement de la marge dinterprétation, voire de création des enseignants. Chez Chevallard, la chaîne se limite au parcours des savoirs, de létat de savoirs savants à létat de savoirs à enseigner (transposition externe), puis de létat de savoirs à enseignés en savoirs enseignés (transposition interne). La troisième flèche figure le processus dapprentissage, dappropriation, de construction des savoirs et des compétences dans lesprit des élèves. Quil y ait là une étape nouvelle et décisive dans le parcours du savoir et de la culture, nul nen doute. On peut en revanche débattre de lopportunité dinclure cette dernière étape dans le processus de transposition didactique proprement dit.
Nous sortons donc dune période durant laquelle la notion de transposition a été utilisée avant tout dans les disciplines où les savoirs savants occupent le devant de la scène, masquant les pratiques de référence ou les réduisent à la mise en uvre de connaissances procédurales. Plusieurs chercheurs travaillent désormais à un élargissement de la théorie de la transposition (Arsac, Chevallard, Martinand et Tiberghien, 1994 ; Caillot, 1996 ; Joshua, 1996 ; Martinand, 1994 a, 1995 ; Raisky, 1996 ; Rogalski et Samurçay, 1994).
Du point de vue de la sociologie du curriculum, cet effort me semble fécond. La scolarisation de la culture ne se limite jamais aux savoirs, alors quelle passe toujours par des processus de transposition. Une conceptualisation élargie de la transposition dispensera les disciplines linguistiques ou artistiques, comme léducation physique ou les formations professionnelles, de chercher, par simple souci de respectabilité, à se référer à des savoirs savants aussi imposants quen mathématique ou en physique. Lélargissement de la transposition à dautres composantes de la culture souligne que la transposition de savoirs savants nest quun cas particulier, certes pertinent et intéressant, mais qui népuise pas le réel.
Ce rééquilibrage salutaire se fait, toutefois, au prix dune fausse symétrie, voire dune confusion plus grave encore :
Les limites de la dissociation entre savoirs et pratiques me conduiront à introduire le concept de compétences et à proposer une schématisation plus complexe de la chaîne de transposition.
Mais commençons par un bref retour aux sources du concept, notamment aux travaux sociologiques de Michel Verret.
Lorsque Verret (1975) introduisit le concept de transposition didactique, il cherchait, en sociologue, à désigner un phénomène qui dépasse lécole et les disciplines denseignement. Il sintéressait à la façon dont toute action humaine qui vise la transmission de savoirs est amenée à les apprêter, à les mettre en forme pour les rendre " enseignables " et susceptibles dêtre appris. Chacun conviendra sans doute quil importe de rendre les savoirs accessibles aux apprenants, au prix dune simplification et dune vulgarisation en rapport avec leur âge et leurs acquis préalables. La transposition didactique passe, selon Verret, par des transformations plus radicales. Il en décrit cinq :
À lécole, ces transformations commencent avec la transposition externe et se poursuivent dans la mise en pratique des programmes. Elles tiennent compte des conditions dexercice tant du métier denseignant que du métier délève dans une école de masse. Dans lentreprise, un club sportif, un parti, un syndicat, une famille, les pratiques éducatives sont soumises à dautres contraintes. Il y a parfois peu de distance entre la pratique dune activité et son apprentissage, si bien que les dispositifs didactiques peuvent paraître quasi absents, donc aussi la transposition. Il nen est rien. Une formation " sur le tas ", un entraînement sportif ludique, une initiation artistique informelle comme linculcation familiale des manières de table passent pas des interventions et des transpositions didactiques, même si les acteurs nont pas toujours pleine conscience.
Chez Verret, la notion de transposition didactique ne porte aucune condamnation, aucune dénonciation, aucun soupçon. Elle explique au contraire que les contraintes de la transmission ont inévitablement des incidences sur les savoirs enseignés, jusquà leur organisation méthodique et leur transformation en ce que Chevallard (1991) appellera un " texte du savoir ", avec une fragmentation de la discipline à enseigner en unités compatibles avec la façon dont " le temps des études " est scandé en années, semestres, semaines et périodes de la " grille horaire ". Il y a inévitablement adaptation aux temps et aux espaces disponibles, à la taille des groupes, au niveau et au projet des apprenants, à leur rapport au savoir, à la relation pédagogique, au contrat didactique en vigueur, aux impératifs de lévaluation.
Javais en 1984, ignorant alors la thèse de Verret (dont la diffusion est longtemps restée confidentielle), introduit la notion de transposition pragmatique à propos de la distinction entre curriculum formel et curriculum réel :
" Notre insistance sur les pratiques, sur le travail scolaire, entend notamment souligner que le curriculum réel, tel que nous lentendons ici, nest pas seulement une interprétation plus ou moins orthodoxe du curriculum formel. Il en est une transposition pragmatique. Autrement dit, curriculum formel et curriculum réel ne sont pas de la même nature. Le curriculum formel est une image de la culture digne dêtre transmise, avec le découpage, la codification, la mise en forme correspondant à cette intention didactique ; le curriculum réel est un ensemble dexpériences, de tâches, dactivités qui engendrent ou sont censées engendrer des apprentissages " (Perrenoud, 1984, 1995, p. 237).
Transposition didactique ou transposition pragmatique ? Lidée est la même : ce sont les contraintes de laction - ici laction didactique - qui guident la transposition. Cette idée reste présente dans les travaux des sociologues francophones du curriculum, comme Isambert-Jamati, Sirota ou Tanguy, mais toutes nutilisent pas le concept de transposition, pas davantage que les sociologues anglo-saxons, quand bien même le thème de la culture et de sa scolarisation est omniprésent (cf. Forquin, 1983, 1984, 1989, 1997). Seule Régine Sirota sest associée, comme sociologue, à une étude interdisciplinaire de la transposition didactique en biologie (Grosbois, Ricco et Sirota, 1992).
Peut-être cette désaffection sexplique-t-elle par la reprise du concept par la didactique des disciplines. Dès la publication du livre de Chevallard en 1985, la transposition didactique est devenue, dans le domaine francophone, lun des étendards de la didactique des mathématiques (Conne, 1986, 1992, 1996), un de ces concepts nomades quont empruntés, avec des bonheurs divers, les didactiques des autres disciplines scolaires, qui se sont constituées par la suite, notamment la didactique des sciences (Joshua et Dupin, 1993), des sciences sociales ou des langues.
Chevallard - contrairement à ceux qui le citent - a toujours restitué à Verret la première conceptualisation de la transposition et en a respecté linspiration sociologique initiale, qui est descriptive et explicative. Chevallard écrira notamment que la transposition didactique nest " ni bonne, ni mauvaise ", quelle est, ce qui signifie quil ny a pas denseignement sans transposition, quelle nest pas un effet pervers, une dénaturation, mais une transformation normale, auquel nul néchappe lorsquil veut transmettre un savoir.
Chez Verret, la notion de transposition se limitait déjà aux savoirs. Les didactiques des disciplines ont encore fortement rétréci le champ dapplication de la notion de transposition :
Pour retrouver les phénomènes de transposition dans toute leur complexité, léducation physique, les arts, les langues ou les formations professionnelles offrent des terrains fertiles, au moins pour saffranchir des savoirs savants, des disciplines, voire de la forme scolaire.
Élargir la notion au delà des savoirs est un défi plus ambitieux, qui exige une clarification des rapports entre savoirs et pratiques.
On admettra sans doute facilement que les savoirs de sens commun, les savoirs daction, les savoirs implicites, les savoirs professionnels soient liés à des pratiques sociales. On en parle dailleurs souvent comme de savoirs pratiques, ceux dont les détenteurs nont pas ou nont plus entièrement conscience, tant ils sont contextualisés, liés à une expérience et à des formes daction, dont on ne les détache que pour les besoins de lanalyse. Lartiste, par exemple, détient des savoirs quil investit dans son uvre, mais il ne les explicite - parfois à contrecur - que sil est interviewé par un critique, sollicité comme expert, appelé à former des débutants. Il en va de même du sportif et de nombre de gens de métiers dont les savoirs sont en quelque sorte indissociables des gestes professionnels quils guident. On atteint dabord les pratiques, les savoirs sy trouvent " en creux ".
Les savoirs savants parviennent plus facilement à faire oublier les pratiques dont ils sont issus. On va voir que la tentation de les détacher des pratiques dans lesquelles ils senracinent nest pas innocente, quelle participe de la mythification de la science.
Le mythe des savoirs savants désincarnés
Même les " purs théoriciens " sont des praticiens :
" Nous avons toujours affaire à des pratiques - des corps habiles, des lieux, des équipes, des documents inscrits, des hiérarchies établies - et nous pourrons différencier ces pratiques par les produits quelles engendrent : pièce dacier, réflexe conditionné, théorie mathématique, meeting, inculpation. Cela nous permet, sans coup férir, de redéfinir le mot théorie. Ce terme ne désigne aucunement un procès mais seulement un produit. Bien que la confusion soit toujours faite - depuis Platon au moins et pour des raisons politiques -, cela ne la rend pas moins calamiteuse. On ne produit pas plus une théorie de façon théorique, quon ne produit une pièce dacier de façon " acière ", un réflexe conditionné de façon pavlovienne, un meeting politique de façon militante ou une inculpation de façon " inculpante ". On peut même prendre comme règle de méthode quil ny aura rien de théorique dans la production dune théorie, puisquil y faut justement une pratique comme pour toutes les activités : des corps habiles, des collègues, des inscriptions, des lieux instrumentés, etc. On a honte de rappeler ces évidences mais il semble quon les oublie toujours en pensant que seuls les scientifiques nauraient pas de pratique " (Latour, 1996, p. 135).
Cela, tous les producteurs de théories le savent dexpérience, même sils sappliquent à découpler leur produit de son mode de production ou plus exactement à ne retenir de ce mode quune méthode, autrement dit une référence à une pratique canonique et codée, qui gomme complètement le détail des événements, les erreurs, les errements, les manipulations inutiles, les opérations hasardeuses, les mesures faites et refaites, les hésitations et les débats au sein de léquipe de recherche, les compromis passés en raison de difficultés financières ou de résistances du terrain de recherche. Les scientifiques nient également la part de " mise en scène " dont résulte le texte théorique le plus honnête.
Ce détachement nest pas absurde. Il fait partie de la culture et jusquà un certain point du mythe de la science, qui prétend pouvoir séparer le produit du producteur et le juger en tant que tel. Cest ainsi que les revues les plus sérieuses soumettent les articles à des experts auxquels on cache le nom de lauteur et, en principe, tout ce qui pourrait permettre de lidentifier ou même de situer son appartenance. Comme si le style, les références théoriques, les procédures empiriques et les stratégies argumentatives ne constituaient pas des " signatures "
Peu importe ici cette façon de faire, en tant que telle. Elle illustre assez bien la volonté de se représenter les savoirs comme indépendants des êtres humains qui les produisent ou tentent de se les approprier. Cest dailleurs ce qui fonde une distinction courante - en français - entre savoirs et connaissances : les premiers seraient universels, impersonnels, sans propriétaires, sans trace de leur genèse, sans référence à leurs usages sociaux. Les connaissances seraient au contraire la face subjective des savoirs, tels quils existent dans lesprit humain, contextualisés, personnalisés, voire englués dans lensemble de ses structures mentales. Cette opposition permet de conceptualiser la genèse de la science comme passage de létat de connaissances (dun ou quelques chercheurs) à létat de savoirs. Elle permet aussi de décrire la formation comme la transmutation inverse de savoirs culturels en connaissances subjectives.
Comme sociologue, je résiste à une distinction aussi nette. Lopposition entre savoirs et connaissance na dailleurs aucun équivalent en anglais, knowledge traduisant aussi bien savoir que connaissance. Certes, certaines connaissances peuvent être très largement partagées, alors que dautres restent privées, confinées dans lesprit de leur unique détenteur. Plus une connaissance est partagée et instituée, plus elle paraît devenir indépendante des individus particuliers qui la portent. Si chacune de nos cellules est porteuse de notre patrimoine génétique, cette information devient indépendante de ce quil advient de chacune de ces cellules, mais elle disparaît si toutes sont détruites.
On se souvient de Fahrenheit 451, ce roman de Ray Bradbury porté à lécran par François Truffaut : dans une société totalitaire où le pouvoir détruit tous les livres, le savoir et la littérature survivent, grâce à quelques dissidents cachés dans une forêt, qui ont appris certains ouvrages par cur et les récitent à qui veut les entendre. Tel livre mourra avec la dernière personne qui le savait par cur, sauf si elle la transmis à son tour. Lorsquon dit quun vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle, on rappelle que ce sont les êtres humains et leur mémoire qui portent la culture.
Lidée que le savoir existe indépendamment des mémoires humaines est apparemment confortée par le fait que toute pensée, même la plus insignifiante, est désormais imprimée, microfilmée, numérisée sur CD-ROM ou dautres supports, accessibles sur un site Internet. Cette impression dextériorité et déternité est fallacieuse : les textes ne seront porteurs de savoirs quaussi longtemps quil y aura des lecteurs pour les déchiffrer et les comprendre. Une bonne partie des savoirs des sociétés sans écriture se sont perdus, de même que ceux des civilisation dont nous ne savons pas lire la langue. Nous avons des textes étrusques, mais les savoirs quils recèlent sont inaccessibles. Plus subtilement, on peut être privé de laccès à des textes quon peut déchiffrer, mais qui font référence à des cosmogonies, des théologies, des croyances, des contextes devenus incompréhensibles.
La mémoire écrite et tous les outils dindexation et de recherche accréditent peu à peu une représentation du savoir comme une vaste " base de données ", indépendante des humains. Une catastrophe écologique qui détruirait toute vie sur la terre laisserait peut-être fonctionner, un certain temps, des ordinateurs apparemment savants. Mais ce ne serait quillusion : le savoir est une représentation du monde qui na dexistence que dans et pour un esprit humain. Les ordinateurs nen sont quun auxiliaire, dont la puissance transforme cependant les modes de pensée et daction.
On peut tenter de " faire abstraction " des porteurs concrets dun savoir, de le décontextualiser, deffacer toute " trace de présence humaine ". Labstraction qui en résulte naura, en fin de compte, de sens que si elle est pensée par quelquun, qui la recontextualisera immédiatement en la reliant à dautres représentations, à son passé, à ses projets, à sa place dans la société. Même le chercheur le plus " désincarné " ne peut découvrir une théorie pointue dans son champ de spécialisation sans se dire immédiatement : " Pourquoi ne lai-je pas trouvée moi-même ? Est-elle aussi solide quelle le paraît ? ", sans se demander en quoi elle va renforcer sa propre pensée ou la mettre en crise.
Linsistance sur le savoir scientifique comme réalité indépendante des esprits qui le pensent participe de la prétention de la science à lobjectivité et donc du statut privilégié que revendique la connaissance scientifique en regard de la connaissance " ordinaire ". Lopposition savoir/connaissance entend traduire cette hiérarchie de légitimité dans le vocabulaire, en faisant limpasse sur tous les états intermédiaires.
Cela ne veut pas dire que les savoirs savants sont des savoirs " comme les autres ". On peut les considérer comme des savoirs sociaux particuliers, produits de méthodes plus soucieuses de leur validation rigoureuse que de leur une utilisation efficace (encore que cela ne soit pas exclusif). Il importe de reconnaître à la fois que linstitution scientifique produit des savoirs selon des procédés et dans des intentions spécifiques et quelle néchappe pas pour autant à la condition commune.
On peut reconnaître la science comme type singulier de savoir sans pour autant la mythifier :
" Les champs scientifiques, ces microcosmes qui, sous un certain rapport, sont des mondes sociaux comme les autres, avec des concentrations de pouvoir et de capital, des monopoles, des rapports de force, des intérêts égoïstes, des conflits, etc., sont aussi, sous un autre rapport, des univers dexception, un peu miraculeux, où la nécessité de la raison se trouve instituée à des degrés divers dans la réalité des structures et des dispositions " (Bourdieu, 1997, p. 131).
On pourrait ajouter que les savoirs savants sorganisent en disciplines. Chacune se développe autour de ce que Develay (1992) nomme une " matrice disciplinaire ", ensemble de questions fondatrices qui constituent son identité de base et sa raison dêtre et structurent les problématiques et les travaux de recherche. Cette organisation protège en partie la communauté scientifique et notamment luniversité, des mouvements et des crises qui traversent la société. Cette structuration durable et le respect de " la méthode " sont au principe de lautonomie relative des savoirs scientifiques.
Légitimité et conflit
Aux savoirs savants, on associe également un degré élevé dinstitutionnalisation et dinscription dans lhéritage culturel dune société globale. Si bien que lincertitude et le conflit paraissent absents des représentations du savoir dans la plupart des travaux sur la transposition didactique de savoirs savants. La didactique des disciplines donne souvent des communautés scientifiques une image angélique. Jonnaert (1988) rappelle au contraire quil y a souvent conflits de savoirs dès quon séloigne des acquis consolidés, notamment dans lenseignement supérieur. Il montre par exemple que la théorie de la relativité, contestée par les physiciens en place, na été enseignée en France que plus de vingt ans après les travaux dEinstein.
On sous-estime nécessairement les conflits de savoirs lorsquon napproche les savoirs savants quà partir des programmes scolaires. En effet, ces derniers privilégient - du moins durant la scolarité de base - des savoirs consolidés, qui font lunanimité depuis des décennies. Les mathématiques enseignées à lécole primaire, au collège et au lycée étaient pour lessentiel acquises au XVIIIe siècle. La physique, la chimie, la biologie scolaires nenseignent que des savoirs fortement validés et qui ne sont plus au centre des débats entre chercheurs (Joshua et Dupin, 1993). Censurer les savoirs les moins assurés est précisément lune des fonctions de la transposition didactique externe. On sait ce qui arrive lorsque ce mécanisme ne fonctionne. Rappelons les polémiques que provoquent, dans certains États américains, lenseignement de la génétique et des théories de lévolution, ou encore, dans divers systèmes éducatifs, certains chapitres dhistoire ou de géographie suspects daffaiblir les bases des religions ou des idéologies qui tiennent le haut du pavé.
Cest en partie parce quelle déplace néanmoins certains conflits scientifiques sur la scène scolaire que la transposition didactique fait lobjet de stratégies et de luttes qui ne sont pas mises constamment au service de lapprentissage optimal de tous. La sociologie du curriculum insiste sur les rapports de force et de sens qui président à la sélection et à la hiérarchisation des savoirs scolaires (cf. Forquin, 1989, 1997, pour une excellente synthèse des travaux anglo-saxons). Sans utiliser les mêmes outils, la didactique, montre que le mouvement des objets de savoir dans le champ scolaire obéit à des logiques dacteurs inspirées par le souci de maintenir la distance entre culture scolaire et culture des familles, de maîtriser le contrat didactique, de conserver des positions acquises dans linstitution, de réguler la sélection.
Alors que les didactiques des disciplines scientifiques adoptent, à légard de la transposition, une posture assez critique, voire cynique, elles restent au contraire souvent dans une forme de révérence aux savoirs savants, comme sils nétaient pas, eux aussi, des uvres humaines. Pourquoi ignorer que, dans la " communauté " scientifique comme dans tout autre champ social, les luttes de pouvoirs, de territoires, de paradigmes sont permanentes ?
Une approche sociologique de la transposition didactique (Perrenoud, 1986) devrait permettre de penser la réalité des savoirs savants de façon moins mythique que la représentation quaiment à en donner les chercheurs et nombre de didacticiens issus des disciplines de référence plutôt que des sciences sociales. Et de considérer la transposition didactique comme une forme de contrôle social, dépuration de tout ce qui, dans les savoirs savants, ne fait pas lobjet dun large consensus et pourrait diviser la communauté des " consommateurs décole ". Cette décontextualisation, qui affranchit le savoir scolaire des traces de son enracinement originel dans des pratiques et des rapports sociaux, est incompréhensible si lon garde des savoirs savants une image mythique.
Des savoirs savants aux savoirs experts
Certains didacticiens ont proposé détendre la notion de transposition aux savoirs experts (Joshua, 1996) ou aux savoirs professionnels (Rogalski et Samurçay, 1994), comme corps de connaissances partagées par des praticiens, plutôt que par des chercheurs. Dans le champ des savoirs experts, on passe, plus encore que dans la cité savante et sans solution de continuité, des savoirs les plus privés et incertains aux savoirs partagés par une corporation et que personne ne met en doute.
Une conceptualisation forte des savoirs experts apparaît très importante pour les didactiques des formations professionnelles et des disciplines dont la référence principale est une pratique artistique, artisanale, langagière, corporelle ou sportive. Elle peut aider ces disciplines à se libérer de la tentation de se mettre en quête des savoirs savants dont la seule fonction serait de redorer leur blason dans le monde scolaire. Une telle préoccupation peut conduire à surcharger inutilement le curriculum de théories censées sous-tendre la pratique visée, sans quon prenne la peine de vérifier ce postulat. Faut-il connaître la linguistique pour parler une langue ? Lhistoire de lart pour peindre ou sculpter ? La biologie et la physiologie pour pratiquer un sport ? Certains savoirs savants sont assurément des bases nécessaires de telles pratiques. Au-delà, on en rajoute, par souci de respectabilité ou pour faciliter la sélection
Doù limportance de reconnaître lexistence et la diversité des savoirs liés à une forme dexpertise professionnelle ou plus globalement de maîtrise pratique. De tels savoirs experts existent et sont à luvre dans la plupart des pratiques sociales, quils aient ou non des fondements dans les savoirs savants, que ces fondements soient ou non connus des praticiens.
Détacher de tels savoirs des pratiques dont ils sont solidaires serait les priver de leur sens. Ils senracinent dans un monde de praticiens et il est évident que leur mise en forme suppose entre eux, ou leurs représentants, un débat et des compromis. Rogalski et Samurçay (1994) montrent que les savoirs experts ne sont pas jugés à laune dune validité théorique, mais de leur efficacité pratique. Leur pertinence pour laction importe davantage que leurs fondements scientifiques. Or, cette pertinence est constamment en question par lévolution des paradigmes, de léthique, des technologies et de lorganisation du travail.
Raisky (1996) analyse en détail limpressionnante machinerie sociale qui, en vue dune formation professionnelle, ici celle de viticulteur-nologue, produit comme compromis négocié linventaire des savoirs pertinents. Dans ce cas saffrontent notamment deux cultures, celle des savoirs " traditionnels " fondés sur lexpérience et celle des savoirs " modernes " issus de la recherche agronomique. Derrière les savoirs se cachent toujours des identités, des pouvoirs, des appartenances, des valeurs, qui créent des concurrences, des conflits et des dominations entre les tenants des uns ou des autres. Dans la sphère de la gestion de crises et de catastrophes naturelles, étudiée par Rogalski et Samurçay (1994), lidentification et lexplicitation des savoirs de référence fait aussi lobjet dune démarche collective complexe, fondée sur des emprunts aux tactiques militaires aussi bien que sur lobservation fine de lexpérience et le débat entre experts.
Lélargissement de la transposition aux savoirs experts, quils soient professionnels, artistiques sportifs, artisanaux, politiques, informatiques, médiatiques, familiaux, sexuels, syndicaux ou autres, est donc le bienvenu. Il met en évidence la difficulté de dissocier les savoirs des pratiques qui leur donnent sens et sen servent.
Linstance de Martinand (1986, 1995) sur les pratiques sociales de référence nimplique aucun déni de la place des savoirs. Il est évident que les pratiques technologiques ou scientifiques ne fonctionnent pas " sans savoirs ". Le risque serait plutôt de les réduire à lapplication de savoirs savants, déclaratifs et procéduraux, en ajoutant un peu de know how pour faire la part des tours de main et du bricolage quexige tout métier technique.
Dans les métiers techniques les moins qualifiés, les bases scientifiques sont en quelque sorte concentrées dans des machines et des outils dont le maniement nexige pas la maîtrise de principes théoriques. Dans les métiers plus qualifiés, le bon usage des technologies suppose une compréhension minimale des théories physiques, chimiques, biologiques qui les sous-tendent ou en permettent lemploi à bon escient et en toute sécurité.
La question se pose en dautres termes pour les pratiques sociales - professionnelles ou non - qui ne se sont pas développées ou consolidées à la manière dune mise en uvre de savoirs savants. Sans doute y a-t-il de moins en moins de pratiques sociales complexes qui ne soient fondées, au moins en partie, sur certains savoirs savants : lenquête policière, lescroquerie financière ou fiscale, lidentification de faux tableaux, la recherche de gisements, le placement de capitaux, lexploration sous-marine, le ski, la plongée sous-marine, la prise dotages, la torture ou la cuisine ont désormais des bases " scientifiques ".
Dans les métiers de lhumain, la psychologie devient incontournable. Elle est présente dans la vente, la publicité, les affaires, laccueil au guichet, les soins esthétiques, la police, la justice. Elle joue un rôle encore plus déterminant dans les professions sociales, éducatives ou thérapeutiques. Dautres sciences humaines - léconomie, la sociologie, les sciences politiques - donnent des bases nouvelles à certains métiers de la gestion, de la relation ou du pouvoir. Le droit, savoir savant, est une dimension de toute pratique régie par un marché ou abritée par des organisations complexes. Léthique, comme savoir savant constitué, devient une référence de plus en plus commune.
Cet envahissement des pratiques sociales et professionnelles par les savoirs savants pourrait masquer le fait :
Les savoirs dont il est question ne forment pas nécessairement un corpus de propositions formulées et organisées. Mais ce ne sont pas de simples savoir-faire. Tels que je les entends, les savoirs sont des représentations du réel, qui nous viennent à lesprit lorsque nous sommes confrontés à des situations qui défient nos routines, lorsque nous les anticipons et préparons notre action ou encore dans laprès-coup.
Pour aller plus loin dans cette voie, il faut, dune manière ou dune autre, lever certaines ambiguïtés de vocabulaire. Articulons-les autour de la distinction entre savoir et savoir-faire.
De " vrais " savoirs plutôt que des savoir-faire
Pour mesurer la fragilité de nos théories de laction, demandez à plusieurs spécialistes de définir la notion de savoir-faire. Chacun apportera une vision différente. Minimalement, un savoir-faire renvoie à une capacité de faire efficacement quelque chose de relativement difficile. On parle, autrement dit, dune maîtrise pratique attestée et stable. Les ennuis commencent lorsquon cherche à conceptualiser le fonctionnement mental du sujet qui déploie un savoir-faire, du moins chaque fois que son action nest pas la simple application dune procédure, dun " savoir que faire ", mais sapparente plutôt à ce quon nomme parfois familièrement un " savoir-y-faire ".
Évitant ce terrain miné, Vergnaud (1990, 1994, 1995, 1996) propose de parler de " théorèmes-en-acte " ou de " connaissances-en-acte " pour désigner les dispositions qui sous-tendent nos actions efficaces. Dire quils sont " en acte " atteste du fait quil ne sagit pas de véritables théorèmes, de véritables connaissances, même si, pour un observateur extérieur, " tout ce passe comme si " les praticiens observés mettaient en pratique certains théorèmes, certaines connaissances déclaratives ou procédurales. Lorsquun athlète saute à la perche, il respecte de facto diverses lois physiques et physiologiques, sans quoi il ne parviendrait pas à de telles performances. Mais il ne les connaît pas toutes et ne soupçonne même pas lexistence de certaines dentre elles. Cest vrai aussi de quiconque roule à vélo, descend un escalier ou esquisse un pas de danse. Nous apprenons dès la naissance à faire des choses qui tiennent adéquatement compte de la réalité et paraissent donc manifester depuis des âges une maîtrise pratique de théories que la physique, la chimie, la biologie, la psychologie ou léconomie nont élaboré que lentement ou quelles sont encore en train de construire. Les connaissances-en-acte peuvent sétendre à des actions dont les sciences sont encore incapables de formuler les fondements théoriques Lergonomie, science du travail humain, ou les sciences des activités physiques et sportives, ne cessent de décrire des gestes précis, subtils, efficaces, qui sont trop complexes pour être modélisés par les théories disponibles. Vergnaud ne suggère donc nullement que les connaissances-en-acte seraient des répliques de connaissances savantes existantes. Lexpression est cependant malheureuse, parce quelle renvoie au schéma de " mise en acte " qui est au cur de toute application dun savoir à laction. Or, il ne sagit nullement de cela.
Vaut-il mieux, avec Leplat (1997) parler de savoirs incorporés ? Alors que Vergnaud situe les savoirs dans les actes, Leplat les loge dans le corps. Autre image fallacieuse, car elle sépare le corps de lesprit et paraît désigner uniquement les composante sensori-motrices des métiers, des arts ou des sports. Or, même les activités les plus physiques sont accompagnées dopérations intellectuelles, sans que ces dernières portent nécessairement sur des savoirs théoriques ou en mobilisent. Dans une vision intégrée du corps et de lesprit, tous les savoirs sont incorporés, dès lorsquun sujet en est le porteur.
On voit bien, pourtant, la nécessité de conceptualiser ce qui sous-tend les activités humaines qui paraissent témoigner dune " science infuse " du réel, alors que lanalyse révèle que le praticien ne sait pas vraiment pourquoi il fait ce quil fait et ne dispose pas de la théorie de sa pratique. Il me semble plus opportun de parler alors dhabiletés (skills) ou de schèmes daction complexes, voire de compétences, que de savoirs incorporés ou de connaissances-en-acte. Ces deux métaphores suggèrent en effet, à tort, une genèse de la compétence pratique qui irait de lesprit au corps ou de la théorie à sa mise en acte. Il nest jamais sain de conceptualiser un phénomène en référence à ce que, fondamentalement, il nest pas.
Dautres chercheurs, notamment certains didacticiens, ne sembarrassent pas de telles subtilités. Ils parlent de savoirs pour désigner indifféremment tout ce quun être humain a appris, quelle que soit la façon dont ses acquis sont conservés. Je résiste également à cet amalgame et je propose de réserver la notion de savoir (ou de connaissance) à des représentations du réel et aux concepts et théories (savantes, expertes ou de sens commun) qui les structurent.
Il ny a pas consensus sur ces problèmes de vocabulaire, qui cachent des divergences conceptuelles. Il est conforme à la logique de la langue de penser quon sait ce quon a appris et donc que tout produit dun apprentissage est un savoir, quelles que soient les modalités denregistrement et de mise en uvre des acquis. Contre lintuition linguistique, jestime plus fécond daffirmer quun savoir-faire nest pas un savoir. Du coup, on ne saurait confondre savoir faire et savoir procédural. Le premier se manifeste dans laction efficace, sans préjuger du mode opératoire. Un savoir procédural est une représentation de la procédure à suivre. Il ne garantit pas, en tant que tel, la réussite de laction, comme lapprennent à leurs dépens tous ceux qui tentent de faire la cuisine avec des livres de recettes pour seule inspiration. À linverse, la réalité attestée dun savoir-faire ne préjuge pas de la présence corrélative dun savoir procédural, encore moins de savoirs théoriques qui fondraient laction efficace.
Lavantage de cette séparation claire est, notamment, de pouvoir interroger la part du " vrai " savoir, théorique ou méthodologique, dans une pratique. En effet, si le savoir désigne tout ce que nous apprenons et retenons, quelle que soit la forme de cette conservation, la question est résolue par la définition même du savoir : il ny a alors pas de pratique sans savoir dans lespèce humaine, puisque la quasi totalité des pratiques y sont acquises, au gré de lexpérience personnelle ou de la transmission culturelle.
Si, au contraire, comme je le conçois, on limite le savoir stricto sensu à un ensemble de concepts et de représentations, on peut laisser ouverte la question de sa place dans laction.
Il y a savoirs et savoirs
Pour aller plus loin, plusieurs précautions simposent encore :
La première est de ne pas identifier toute représentation à un savoir. Nous agissons rarement sans représentations du réel, mais elle naccèdent au statut de savoir (ou de connaissance) que si elles dépassent la singularité de la situation, pour lenglober, en quelque sorte, dans une " théorie ", une forme de modélisation inspirée par des analogies ou des principes généraux, une sorte dabstraction réfléchissante dégageant les structures invariantes dactions parentes. Un savoir théorique (savant ou non) nest pas la représentation dune situation singulière, mais de processus à luvre dans une classe de situations comparables. Savoir que la distance de freinage et la tenue de route sont affectées par un sol verglacé, que la netteté dun paysage annonce de la pluie, quun excès deau détruit certaines plantes, quune baignade peu après un repas peut provoquer une hydrocution : autant de savoirs communs dont les fondements scientifiques, sils existent, sont ignorés de la plupart de ceux qui sen servent. En revanche, ils ont en commun avec les savoirs scientifiques de couvrir un certain nombre de cas. Cela ne signifie pas que le savoir est fait de lois dont la portée est universelle. Au contraire, beaucoup de savoirs sont locaux, liés à un organisme, une machine, un terrain, une ville, une entreprise. Savoir à quelle heure les embouteillages se dissipent vaut pour tel pont, dans telle ville. Même alors, il y a dans ce savoir particulier quelque chose de la règle, non pas dans le sens dune norme, mais dune régularité, qui rend le réel partiellement prévisible et parfois modifiable. Certaines de ces régularités touchent à des phénomènes naturels, dautres sancrent dans des technologies, dautres encore attestent de mécanismes économiques, psychologiques ou sociologiques récurrents, quils aient été délibérément mis en place (comme les feux rouges) ou quils fonctionnent comme des effets agrégés involontaires (par exemple les embouteillages).
La seconde précaution est de ne pas exiger dun savoir commun le degré dexplicitation, de verbalisation, de cohérence, de validation, de constance, dorganisation, de publicité quon attend dun savoir savant. Dans notre tête, il y des connaissances floues, incertaines, parcellaires, privées, instables, contradictoires, qui forment une mosaïque plutôt quun système, des archipels désordonnés plutôt que des continents structurés. La science - cest ce qui fait sa force aussi bien que ses limites - induit un ordre, adopte un langage commun et vise le partage et le contrôle intersubjectif. Si tous les savoirs que nous utilisons au jour le jour devaient avoir les mêmes caractéristiques, nous serions bien démunis pour agir dans lurgence et lincertitude (Perrenoud, 1996 b).
La troisième précaution concerne le degré de conscience exigé dun savoir. À proprement parler, il ny a pas de savoirs inconscients, du moins pas dans la perspective adoptée ici, parce quune représentation fonctionne comme un état de conscience. Il reste à distinguer des états de conscience plus ou moins vifs, à considérer dans notre action la part des savoirs faiblement réfléchis, au double sens du terme :
Cest une autre différence entre les savoirs communs et les savoirs savants : ces derniers sont accompagnés par la conscience de leur statut de savoirs, solidaire dun rapport construit et explicite au savoir et aux méthodes de production et de validation du savoir. Les savoirs ordinaires fonctionnent, sans que les intéressés se regardent constamment agir, en pleine conscience du fait quils détiennent et mobilisent des savoirs.
Des pratiques sans savoir ?
À partir de cette définition et de cette triple précaution, on peut revenir à la véritable question : y a-t-il des pratiques sans savoirs ?
Je prétends que non. Ce qui ne veut pas dire que chaque instant dune pratique mobilise des savoirs. Par nature, une pratique, même très experte et daccès difficile, est faite de temps faibles et de temps forts, de moments de routine et de moments de réflexion. Lorsque tout se présente comme dhabitude, le praticien peut agir parfois sans penser, parfois en pensant à ce quil fait, mais sans mobiliser des savoirs, en se bornant à ajuster son activité aux menues variations de lenvironnement et de son propre corps, ce que les cognitivistes appellent souvent le monitoring de laction, surveillance active qui régule la conduite sans mettre en question ses finalités, ni le plan suivi. Dans une discipline artistique ou sportive, comme dans un artisanat ou un métier, on sait la part de cette intelligence de léquilibre, des formes, des énergies et des matériaux en jeu.
Considérée dans son ensemble, aucune pratique nest faite que de routines. Dans la plus " machinale ", il y a des moments dhésitation, de décision, de planification de laction, de construction de scénarios ou de stratégies, de négociation de moyens matériels ou dappuis. Lorsquil abandonne le pilotage automatique, pour prendre de réelles décisions, le praticien est amené à peser le pour et le contre, à réfléchir avant dopter pour une tactique, un modus operandi, un style, un scénario ou un script. Il a donc besoin de comprendre les processus à luvre et danticiper les effets des divers cours possibles de son action aussi bien que des événements dont elle dépend. Pour comprendre, comparer et anticiper, il mobilise des savoirs qui lui permettent de modéliser le réel et de le rendre partiellement intelligible, prévisible, voire maîtrisable. Cette mobilisation sopère en fonction dun problème, parfois au fil même de laction, parfois entre des phases plus intenses. Le savoir ne se présente pas alors comme un système organisé pour lui même, mais comme un ensemble de ressources dans lesquelles le praticien va puiser, au gré des besoins de laction, dune façon sélective, qui nest pas toujours optimale, faute détablir les connexions pertinentes et dopérer en temps utile les transferts de savoir nécessaires (Meirieu et al., 1996 ; Rey, 1996).
Pour saisir lémergence de savoirs au plus vif de laction, on est en général condamné à une forme de reconstitution ex post. Lentretien dexplicitation (Vermersch, 1994) ou dautres procédés de métacognition donnent partiellement accès, dans laprès-coup, aux opérations mentales du praticien et aux savoirs mobilisés. Toutefois, ce nest pas pour des raisons méthodologiques que les savoirs apparaissent alors avec moins dévidence et de prégnance que dans les pratiques qui se réclament constamment dune théorie, voire prétendent se limiter à son application orthodoxe. Cest tout simplement parce quils sont ordonnés à la logique de laction et ne se veulent pas, dabord, présentables à un tiers, justifiables et cohérents. Ils se bornent à être opératoires.
À supposer quon reconnaisse lexistence et limportance de ces savoirs praticiens, experts, professionnels, ou dits encore dexpérience ou, plus récemment, daction (Barbier, 1996), à supposer encore quon sache les identifier et les mettre en forme, il reste à se demander sils peuvent et doivent être lobjet dun enseignement ou plus globalement dune formation, donc dune transposition didactique.
Alors que les savoirs savants se prêtent à une transposition par le simple fait quils sont déjà organisés et publics, les savoirs experts sont souvent, au départ, immergés non dans laction, mais dans le flux des opérations mentales qui la guident ou laccompagnent. Dès lors, ce quil y a à transposer ne se donne pas à voir à lil nu et la transposition ne peut prendre sa source dans un corpus déjà constitué, à limage des savoirs savants.
Ce travail de description participe dune ergonomie cognitive (par exemple Durand, 1996), dune anthropologie des savoirs ou dune " généalogie " des savoirs (par exemple Durif-Bruckert, 1994 ; Lani-Bayle, 1996), dune psychologie du travail (par exemple Clot, 1995 ; Guillevic, 1991 ; Le Boterf, 1994, 1996 ; Leplat, 1996 ; Rogalski et Samurçay, 1994) dune sociologie du travail (par exemple Terssac, 1992, 1996 ; Jobert, 1998), des métiers (Descolonges, 1998 ; Perrenoud, 1996 b) ou de la connaissance (par exemple Borzeix, Bouvier et Pharo, 1998). Même lorsquelle met à contribution les sciences de laction, de la connaissance et du travail, la transposition didactique na pas de légitimité et dincidences concrètes sans une participation active des experts eux-mêmes, non comme simples comparses dune enquête, mais comme acteurs sociaux identifiant et définissant les savoirs dignes dêtre acquis par les nouveaux praticiens du domaine considéré.
Il reste alors à déterminer si les savoirs ainsi identifiés sont transmissibles, ou du moins susceptibles dêtre construits dans le cadre dun dispositif de formation initiale. Les praticiens dun art, dun métier, dun sport, dun artisanat commencent souvent par dénier la présence de savoirs dans leurs gestes, impressionnés quils sont par la norme académique. Ou alors, ils désignent des savoirs qui font partie de la culture générale ou des rites identitaires dune communautés de praticiens, non ceux qui sont mobilisés dans leur action quotidienne. Lorsquils reconnaissent quil y du savoir et des savoirs dans leurs pratiques, non seulement " en actes ", mais " en esprit ", ils prétendent volontiers que ce savoir est intransmissible. Fruit de lexpérience, en partie (ré) inventé par chacun, il napparaît pas transférable. Chacun doit le construire pour soi, trouver son propre chemin. Il peut apprendre des gestes et quelques principes, mais le savoir fin vient de lintérieur, de lexpérience, dune pratique réflexive personnelle.
Romantisme, protectionnisme, orgueil, humilité et véritable difficulté didentifier et dexpliciter les savoirs en jeu se mêlent sans doute pour expliquer les résistances à une transposition didactique organisée. Dans les formations professionnelles, lémergence de " référentiels-métiers " et de " référentiels de formation ", alliée à lessor de lergonomie théorique et empirique, aident peu à peu à sortir du non pensé et du non dit des pratiques et des savoirs daction. Dans les disciplines scolaires concernées, le tableau semble plus contrasté, avec un effort dexplicitation en éducation physique et en langue maternelle et seconde et de plus fortes réticences en musique, arts plastiques, arts dramatiques, danse et autres formes dexpression ou dartisanat. On peut avancer lhypothèse dune valorisation de lopacité des pratiques, signe du talent et de loriginalité des créateurs ou des interprètes. Lanalyse ergonomique de la création artistique pourrait être vécue comme un désenchantement, un déni du mystère, un mépris de lesthétique et de la part dineffable dans lart.
Sans négliger ces réserves symboliques, on peut aussi avancer lhypothèse dun refus de réduire les pratiques concernées aux savoirs quelles mobilisent. Leffort didentifier et dexpliciter ces savoirs peut en effet paraître dérisoire et trompeur si lessentiel est ailleurs.
Si lon conçoit lessentiel comme un don ou un talent qui ne doit rien à un enseignement ou une formation, la quête dune transposition didactique adéquate sarrête là. Sil sagit de compétences acquises, éventuellement formées, notre cheminement se poursuit.
À ce stade, on peut complexifier le schéma de la transposition didactique (voir le schéma suivant) en commentant les divers maillons de la chaîne de transposition.
1. Des pratiques à leur repérage
Les pratiques ne sont pas des objets immédiatement " lisibles ". Leur repérage exige un travail de repérage et dexplicitation, qui se heurte à deux ordres au moins de difficultés. Les unes sont conceptuelles : les pratiques sont souvent désignées par des étiquettes et des emblèmes qui ne disent pas exactement de quoi elles sont faites. Il y donc un immense travail de description fine des gestes professionnels et donc aussi des situations de travail, ou de leur équivalent dans le champ sportif, artistique ou de la vie quotidienne. Le second type de difficulté se rapporte aux compromis, embellissements, censures, non dits et incohérences quil faut accepter pour établir un consensus. Quun violoniste, même de génie, sache exactement ce que signifie jouer du violon naura guère dinfluence sur les écoles de musique et les cours de violon si personne ne partage sa représentation de cette pratique. Cest ce qui conduit certains virtuoses à ouvrir leur propre école, de qui leur permet de maîtriser en personne toute la chaîne de transposition.
2. De limage des pratiques à lidentification des compétences
Expliciter une pratique ne permet de se lapproprier directement que si elle assez simple pour que sa seule description rende possible une reproduction fidèle. Or, très peu de formations et de disciplines se résument à de tels apprentissages. Peut-être suffit-il de décomposer laction et den mémoriser les phases successives pour refaire un nud marin ou une figure, mais on napprend pas la voile ou le patinage uniquement en imitant des modèles bien décortiqués. Mémoriser un modèle et le reproduire est une compétence, aussi élémentaire soit-elle, mais la plupart des pratiques exigent des compétences plus complexes, qui mobilisent des ressources plus riches et passent pas des opérations mentales de plus haut niveau.
3. Des compétences aux ressources cognitives mobilisées
Une compétence renvoie à une action réussie. De quoi est-elle faite ? Comment fonctionne-t-elle ? Pour le savoir, une étape supplémentaire simpose, sous la forme de deux listes, irréductibles lune à lautre (Le Boterf, 1994, 1996 ; Perrenoud, 1997) :
Transposition didactique à partir de pratiques
4. De lanalyse des compétences à la compréhension de leur genèse
Une fois les compétences identifiées, il reste à saisir comment se construisent à la fois les ressources cognitives nécessaires et leurs schèmes de mobilisation. Cette opération peut mettre fin à la transposition, si lon conclut à limpossibilité dorganiser une formation, par exemple parce que les apprentissages dépendent dexpériences quil est impossible ou trop coûteux de concentrer sur une brève période. On parlera alors dun " apprentissage sur le tas " sagissant de pratiques assez simples ou dune " longue initiation " lorsque la formation des compétences se confond avec le parcours de vie. Souvent, on transigera, en se limitant à des bases, pour renvoyer la suite des apprentissages à la formation continue ou à lexpérience.
5. Dune conception de la genèse à linvention dun curriculum
Lorsquune formation de base paraît possible, elle commande des dispositifs plus ou moins complexes, tels que cours, exercices, situations-problèmes, enquêtes, projets, travaux pratiques, expériences de laboratoire, atelier, clinique, mémoire, stages, jeux de rôles, travail sur les histoires de vie, entraînement en simulateur, pratique accompagnée, compagnonnage, microenseignement, analyse de pratiques. On ne peut enseigner directement des compétences, mais seulement créer les conditions de leur développement, au gré de dispositifs dentraînement. Dautres apprentissage se font à travers la formalisation de lexpérience (Werthe, 1997), au gré dune pratique réflexive ou métacognitive. En revanche, certaines connaissances théoriques ou méthodologique peuvent être travaillées pour elles-mêmes, ce qui est plus commode, mais laisse souvent entière la question de leur transfert et de leur intégration dans laction. Compte tenu de ces diverses composantes, qui appellent des stratégies de formation à la fois diverses et intégrées, on définit au bout du compte un curriculum formel ou plan de formation.
6. Du curriculum formel au parcours réel de formation
Une fois les dispositifs conçus et programmés, les acteurs (formateurs et formés) entrent en jeu. Le plan de formation propose, ils disposent. Si bien quil y souvent des écarts, quexpliquent la sociologie du curriculum et des organisations, aussi bien que les didactiques des disciplines, entre ce qui est prévu et ce qui se fait vraiment, quon peut appeler le curriculum réel, ce qui est effectivement enseigné ou proposé. Ce qui ne veut pas dire, comme le souligne Chervel (1977, 1988) que tous les contenus enseignés dérivent dune transposition : toute formation crée sui generis une partie de ses contenus pour répondre à des contraintes proprement didactiques. Ces inventions ne sont pas des fantaisies. Durey et Martinand (1994) le montrent très bien à propos de la mécanique appliquée au travail ou aux activités physiques et sportives et posent la question pour la physique toute entière : il nest pas sûr que la simple transposition de la physique des physiciens soit le plus sûr moyen de faire acquérir quelques notions de physique à des adolescents qui ne se destinent pas tous à des formations scientifiques pointues. Tiberghien, Arsac et Méheut (1994) font le même constat à propos de lenseignement par projets.
7. Du curriculum réel aux expériences des apprenants
Les formés transforment alors ou non les tâches proposées en activités mentales susceptibles de provoquer leur propre évolution, en termes de savoirs et de compétences. Les formateurs ne contrôlent que très indirectement et imparfaitement les processus dapprentissage induits dans la tête ou le corps des apprenants, quon le regrette au nom de lefficacité didactique ou quon sen félicite au nom de lautonomie du sujet.
8. Des expériences en formation aux acquis durables
Enfin, et cest la principale inconnue, il reste à saisir les effets de la formation à moyen ou long terme. Une absence dactivité mentale et physique engendre rarement des apprentissages, mais lactivité durant la formation nest quune condition nécessaire dacquis durables. Même intense, avec une forte implication, elle na pas toujours deffets stabilisés. Ou alors, les savoirs restent " enkystés " dans leur contexte dacquisition, sans transfert. Certaines compétences demeurent limitées au terrain dentraînement Cela ne peut, à terme, que provoquer lappauvrissement des acquis : comme la liberté, les savoirs et les compétences susent dautant plus que lon ne sen sert pas !
Cette complexification de la chaîne de transposition mériterait damples développements. Je men tiendrai ici à une seule question : sagit-il encore, au sens strict, dune transposition ? Revenons au dictionnaire. En musique, transposer, cest faire passer une forme, une structure musicale dans un autre ton, sans laltérer. Par métaphore, avec inflation du sens (précise Le Robert), transposer consiste à " faire changer de forme ou de contenu en faisant passer dans un autre domaine ".
La transposition de savoirs savants en savoirs scolaires correspond bien à ce sens métaphorique : les savoirs changent partiellement de forme, voire de contenu, lorsquils passent de leur domaine dorigine (la cité savante) à leur domaine de transmission (lécole). Les didactiques des disciplines où le savoir a une origine savante peuvent donc assez naturellement reconstituer des filiations et des métamorphoses, en partant des savoirs scolaires pour remonter aux origines savantes ou au contraire en cherchant à retracer le " parcours du savoir " de ses sources scientifiques aux programmes et aux manuels scolaires.
Lextension de cette démarche à des savoirs experts ne pose pas de problèmes de fond : la transposition reste une transformation de savoirs non scolaires en savoirs scolaires, à la différence que les savoirs experts sont plus difficiles à identifier et expliciter. Les didactiques des mathématiques et des sciences peuvent se centrer très vite sur des " objets " de savoir stabilisés, pour étudier, en raison même de leur invariance, les transformations et les apprêts didactiques quils subissent au gré de la transposition : appauvrissement, enrichissement, déformation, simplification, trahison, décontextualisation, recontextualisation. Dans le champ des savoirs experts, professionnels ou de sens commun, les objets de savoir ne sont pas aussi facilement identifiables et ils sont plus instables ou controversés. Les problèmes de recherche et les obstacles pratiques à la transposition seront donc différents. On reste cependant assez proche dun " parcours des savoirs ", même si, à lorigine, il faut les " extraire " des pratiques, contrairement aux savoirs savants, dont la formalisation relève des pratiques scientifiques elles-mêmes.
En va-t-il de même lorsquil sagit dautres ressources cognitives (habiletés, savoir-y-faire) ou de schèmes de mobilisation de ces ressources dans le cadre dune compétence plus complexe ? Puisque les compétences mobilisent toujours certains savoirs, on retrouve certes chaque fois un " parcours des savoirs ", mais il népuise pas les transformations qui sopèrent au long de la chaîne.
Peut-on considérer la pratique scolaire de la langue, des arts plastiques, de la musique, des activités physiques et sportives, des travaux manuels comme une transposition de pratiques langagières, artistiques, musicales, corporelles, sportives, artisanales qui ont cours dans la société ? Peut-on envisager les compétences à développer en formation comme une " transposition " des compétences des praticiens ? Il y sans doute des filiations, des ressemblances et des différences, des invariances et des transformations. Peut-on pour autant raisonner simplement en termes de " changement de forme et de contenu ", au gré du passage dun domaine à un autre ?
Alors quon saisit assez facilement à quoi se réfère la forme et le contenu dun savoir, il est plus difficile de définir clairement la forme et le contenu dune pratique ou dune compétence. Dans le texte du savoir, la transposition ressemble à une série dopérations de " couper-coller ", à des censures, des ajouts, des réécritures du texte du savoir. Pour des compétences et des pratiques, ces opérations nont pas dexact équivalent.
De fait, dès quon cesse de se limiter aux savoirs, savants ou experts, la chaîne de transposition nest plus homogène : entre les pratiques non scolaires dont on part et les pratiques scolaires dont on vise la maîtrise, sinterposent des " réalités " dune autre nature : les compétences et leurs diverses ressources. Il y a donc non seulement transposition, mais traduction, changement de langage et de référentiel. Peut-on encore, dans ces conditions, parler de transposition ?
En formation des adultes, ce vocable nest guère employé, on nen a guère besoin pour penser les sources et les contenus de la formation (voir par exemple Bourgeois, 1996 ; Martin et Savary, 1996). On parle plutôt dingénierie de formation, pour désigner la suite des opérations grâce auxquelles on passe de besoins à des objectifs, puis à des contenus, démarches et dispositifs de formation. Peut-être cette entrée explique-t-elle une attention prioritairement portée aux processus, alors que le traitement des contenus relève de lexpertise dans le domaine considéré ou du sens commun, plus que dune véritable didactique. Les choses sont en train de changer, puisque émergent, dans le champ de léducation des adultes, des didactiques qui, sans être liées à des " disciplines ", au sens scolaire, se centrent sur des champs de savoirs, chacun étant défini par ses objets conceptuels, ses théories, ses paradigmes, son organisation (Vergnaud, 1992).
En formation professionnelle, les référentiels-métiers et les référentiels de compétences ne sont encore quexceptionnellement pensés en termes de transposition. Lorsquon rationalise les formations, lon se tourne plutôt, là aussi, vers une forme dingénierie. Obin (1995), peu suspect de ne pas connaître le champ scolaire, la formation des enseignants et les didactiques disciplinaires, nutilise pas la notion de transposition lorsquil sintéresse à la formation professionnelle. Peut-être parce quelle naide pas - du moins en première analyse - à penser des dispositifs dalternance ou des enjeux identitaires qui nont pas déquivalent dans la scolarité de base. Quelques didacticiens investissent ce champ (Arsac, Chevallard, Martinand et Tiberghien, 1994), mais la plupart des groupes qui pensent les formations professionnelles travaillent sans réfléchir explicitement en termes de transposition didactique.
On peut donc, à bon droit, se demander sil faut élargir la notion de transposition didactique ou au contraire la réserver au parcours des savoirs. Dans lhypothèse la plus restrictive, on gagne en cohérence conceptuelle, mais on entretient un clivage entre ceux qui étudient la transposition des savoirs dans une logique denseignement et ceux qui étudient des dispositifs dinitiation et dentraînement à des pratiques dans une logique de formation de compétences. De ce clivage souffrirait avant tout la recherche sur les disciplines technologiques, artisanales et artistiques, léducation physique et sportive, peut-être aussi lenseignement des langues, domaines dans lesquels les pratiques et lentraînement pratique jouent un rôle au moins aussi important que les savoirs. Lorientation des systèmes éducatifs vers une approche par compétences exige aussi que lon pense les didactiques au-delà des savoirs savants, même dans les disciplines scientifiques (Perrenoud, 1997).
Les formations professionnelles ont également à perdre si elles sont poussées du côté des formations dadultes, vers des modèles dingénierie, alors que les savoirs savants et professionnels y jouent un rôle important. Dans mes travaux sur la formation des enseignants, y compris pour penser les compétences de référence et larticulation théorie-pratique, le concept de transposition me semble un outil indispensable (Perrenoud 1994 ; 1996 b, c et d, 1998).
Enfin, comme sociologue du curriculum (Perrenoud, 1994 b, 1995, 1996 a), il me semble que la transformation de la culture en curriculum formel et de ce dernier en curriculum réel devraient être pensées - parmi dautres perspectives - sous langle dune théorie élargie de la transposition didactique, quil sagisse de savoirs, de compétences, de pratiques et même de normes, de valeurs ou dattitudes.
Sans sen rendre compte, la didactique des disciplines a déjà amorcé cet élargissement de la métaphore et du concept de transposition, non seulement à travers les notions de savoirs experts et de pratiques de référence (ou décrits sociaux en didactique du français), mais dès lors quon sintéresse aux opérations de transposition interne que les enseignants prennent en charge pour traduire le programme en contenus de cours et dexercices.
Dans un enseignement universitaire ou secondaire ex cathedra, lorsque le professeur " lit " le texte du savoir, on peut imaginer que ses paroles " se déposent " dans lesprit des étudiants. On peut alors tenter de conserver lillusion quon observe une étape supplémentaire, sans solution de continuité, dans le parcours des savoirs. Une observation réaliste de ce qui se passe dans les classes de lécole primaire et du collège, aussi bien quune vision constructiviste des apprentissages, quel quen soit le contexte institutionnel, suggèrent quaucun enseignant ne transmet véritablement des savoirs, même en mathématique ou en sciences. De fait, il suscite des activités, des tâches, des situations à travers lesquelles - dans le meilleur des cas - les élèves construisent des savoirs. Ces derniers reflètent plus ou moins fidèlement ceux que lenseignant avait en tête. Plus le reflet est fidèle et plus les situations sont stéréotypées (cours et exercices), plus il est tentant de penser cette reconstruction comme une simple transmission entre des " vases communicants ". Plus lapprentissage est incertain, plus il dépend dactivités, plus il devient évident que la transposition didactique nest pas un pur parcours du savoir, mais passe par des situations et des pratiques qui ne contiennent pas les savoirs, mais en permettent la reconstruction par chaque apprenant. Il y a donc, même dans les disciplines où les savoirs sont centraux, une médiation par des pratiques denseignement-apprentissage qui ne sont pas réductibles à la communication de savoirs. Si lon pense la transposition didactique jusquau bout, on saperçoit que, même dans les disciplines où le concept sest enraciné dabord dans les savoirs savants, il ny a pas simple changement de forme ou de contenu, mais renaissance du savoir chez un autre sujet, par la médiation de tâches et dinteractions. On retrouve ici la notion de transposition pragmatique (Perrenoud, 1995).
Ce qui suggère que la métaphore de la transposition - si elle est conservée pour penser ce qui se joue dans la classe et sa préparation - doit de toute façon être élargie. Elle devient alors pertinente pour penser toutes les disciplines et toutes les formations. Non pas comme cadre unique, ni même intégrateur, mais comme une dimension majeure de toute scolarisation, de toute formation organisée, rejoignant lintuition initiale de Verret : on ne peut transmettre la culture accumulée sans un apprêt spécifique et une série de transformations, quil serait défendable de conceptualiser, globalement, comme une chaîne de transposition, sans que cela évoque immédiatement le " parcours dun savoir ", mais plutôt un ensemble de décisions et dopérations qui rendent en fin de compte la culture assimilable par ceux qui veulent ou doivent se lapproprier.
Dans un tel cadre, la réflexion sur les spécificités des arts plastiques, de la musique, de la danse, du théâtre, de léducation physique et des langues, pourrait enrichir lanthropologie didactique dont rêve Chevallard (1994). Plutôt que dimiter leurs grandes surs, les didactiques de ces disciplines pourraient les enrichir, les aider à mieux saisir que, même lorsque les savoirs savants ou experts paraissent constituer lidentité dune discipline, ils nen épuisent ni la substance, ni la transposition.
Cet élargissement de la notion de transposition na pas nécessairement des retombées immédiates sur le fonctionnement quotidien des professeurs à lintérieur des disciplines scolaires, mais il pourrait fédérer les didactiques des disciplines - au delà des alliances tactiques - et les relier plus ouvertement à la sociologie du curriculum et à la formation des adultes.
On peut aussi se servir immédiatement dune transposition élargie pour interroger et repenser les programmes et la formation des enseignants, à partir dune analyse renouvelée et plus fine des pratiques de référence et des savoirs experts des enseignants - pour leur formation professionnelle - aussi bien que des sportifs, des artistes, des danseurs, des acteurs et dautres praticiens, pour la formation des élèves dans lenseignement de base.
Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) (1994) La transposition didactique à lépreuve, Grenoble, La Pensée Sauvage Éditions.
Arsac, G., Germain, G. et Mante, M. (1988) Problème ouvert et situation-problème, Lyon, IREM de lAcadémie de Lyon.
Arsac, G., Gréa, J., Grenier, D. et Tiberghien, A. (dir.) (1995) Différents types de savoirs et leur articulation, Grenoble, La Pensée Sauvage Éditions.
Artigue, M. et al. (dir.) (1994) Vingt ans de didactique des mathématiques en France, Grenoble, La Pensée Sauvage.
Astolfi, J.-P. (1992) Lécole pour apprendre, Paris, ESF.
Astolfi, J.-P. (1996) Lerreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF.
Astolfi, J.-P. et Develay, M. (1996) La didactique des sciences, Paris, PUF, Coll. " Que sais-je ? ".
Astolfi, J.-P., Darot, É, Ginsburger-Vogel, Y. et Toussaint, J. (1997) Mots-clés de la didactique des sciences. Repères, définitions, bibliographies, Bruxelles, De Boeck.
Bachelard, G. (1996) La formation de lesprit scientifique, Paris, Vrin (1re éd. 1938).
Barbier, J.-M. (1996) (dir.) Savoirs théoriques et savoirs daction, Paris, PUF.
Barbier, J.-M. et al. (dir.) (1996) Situations de travail et formation, Paris, LHarmattan.
Bastien, C. (1997) Les connaissances de lenfant à ladulte, Paris, Armand Colin.
Bassis, O. (1998) Se construire dans le savoir, à lécole, en formation dadultes, Paris, ESF.
Bastien, C. (1997) Les connaissances de lenfant à ladulte, Paris, Armand Colin.
Bentolila. A. (1996) De lillettrisme en général et de lécole en particulier, Paris, Plon.
Bernardin, J. (1997) Comment les enfants entrent dans la culture écrite, Paris, Retz.
Borzeix, A., Bouvier A. et Pharo, P. (1998). Sociologie et connaissance. Nouvelles approches cognitives, Paris, CNRS.
Bourdieu, Pierre (1997) Méditations pascaliennes, Paris, Seuil.
Bourgeois, E. (dir.) (1996) Ladulte en formation. Regards pluriels, Paris, PUF.
Bronckart, J.-P. et Schneuwly, B. (1991). La didactique du français langue maternelle : lémergence dune utopie indispensable, Education et Recherche, n° 1, pp. 8-26.
Brousseau, G. (1996) Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques, in Brun, J. (éd) Didactique des mathématiques, Lausanne, Delachaux et Niestlé, pp. 45-143.
Caillot, M. (1996) La théorie de la transposition didactique est-elle transposable ?, in Raisky, C. et Caillot, M. (dir.) Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, Bruxelles, De Boeck, pp. 19-35.
Charlot, B. (1997) Du rapport au savoir. Éléments pour une théorie, Paris, Anthropos.
Charlot, B., Bautier É. et Rochex, J.-Y. (1992) École et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand Colin.
Chervel, A. (1977) et il fallut apprendre à écrire à tous les petits français. Histoire de la grammaire scolaire, Paris, Payot.
Chervel, A. (1988) Lhistoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine de recherche, Histoire de léducation, mai, n° 38, pp. 59-119.
Chevallard, Y. (1986) Vers une analyse didactique des faits dévaluation, dans De Ketele J.-M. : Lévaluation : approche descriptive ou prescriptive ?, Bruxelles, De Boeck, p. 31-59.
Chevallard, Y. (1986). Les programmes et la transposition didactique. Illusions, contraintes et possibles, in Bulletin de lA.M.P.E.P., n° 352, février, pp. 32-50.
Chevallard, Y. (1991) La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné, Grenoble, La Pensée Sauvage (2e édition revue et augmentée, en coll. avec Marie-Alberte Joshua, 1re édition 1985).
Chevallard, Y. (1994) Nouveaux objets, nouveaux problèmes en didactique des mathématiques, in Artigue, M. et al. (dir.) Vingt ans de didactique des mathématiques en France, Grenoble, La Pensée Sauvage, pp. 313-320.
Claparède, E. (1973) Léducation fonctionnelle, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.
Clot, Y (1995) Le travail sans lhomme. Pour une psychologie des milieux de travail et de vie, Paris, La Découverte.
Conne, F. (1986) La transposition didactique à travers lenseignement des mathématiques en première et deuxième années de lécole primaire, Lausanne, Conne/Couturier-Noverraz.
Conne, F. (1992) Un grain de sel à propos de la transposition didactique, Education et Recherche, n° 1, pp. 57-71.
Conne, F. (1996) Savoir et connaissance dans la perspective de la transposition didactique, in Brun, J. (dir.) Didactique des mathématiques, Lausanne, Delachaux et Niestlé, pp. 275-338.
Cordoba, A. (1996) Regard sur la construction du curriculum réel en éducation physique à lécole primaire, Education et Recherche, n° 1.
Descolonges, Michèle (1998) Quest-ce quun métier ?, Paris, PUF.
Develay, M. (1992) De lapprentissage à lenseignement, Paris, ESF.
Develay, M. (dir.) (1995) Savoirs scolaires et didactiques des disciplines, Paris, ESF.
Durand, M. (1996) Lenseignement en milieu scolaire, Paris, PUF.
Durey, A. et Martinand, J.-L. (1994) Un analyseur pour la transposition didactique entre pratiques de référence et activités scolaires, in Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) La transposition didactique à lépreuve, Grenoble, La Pensée sauvage Éditions, pp. 73-104.
Durif-Bruckert, Ch., F. (1994) La fabuleuse machine. Anthropologie des savoirs ordinaires sur les fonctions physiologiques, Paris, Métailié.
Forquin, J.-C. (1983) La " nouvelle sociologie de léducation " en Grande-Bretagne : orientations, apports théoriques, évolution (1970-1980), Revue française de pédagogie, n° 63, pp. 61-79.
Forquin, J.-C. (1984) La sociologie du curriculum en Grande-Bretagne : une nouvelle approche des enjeux sociaux de la scolarisation, Revue française de sociologie, XXV, n° 2, pp. 211-232.
Forquin, J.-C. (1989) Ecole et culture, Bruxelles, De Boeck.
Forquin, J.-C. (dir.) (1997) Les sociologues de léducation américains et britanniques, Bruxelles, De Boeck.
Giordan, A. & De Vecchi, G. (1987) Les origines du savoir. Des conceptions des apprenants aux concepts scientifiques, Neuchâtel Paris, Delachaux et Niestlé.
Grosbois, M., Ricco, G. et Sirota, R. (1992) Du laboratoire à la classe, le parcours du savoir. Étude de la transposition didactique du concept de respiration, Paris, ADAPT.
Guillevic, Ch (1991) Psychologie du travail, Paris, Nathan.
Hameline, D. (1971) Du savoir et des hommes. Contribution à lanalyse de lintention dinstruire, Paris, Gauthier-Villars.
Hameline, D. (1979) Les objectifs pédagogiques en formation initiale et continue, Paris, Ed. ESF.
Jobert, G. (1998) La compétence à vivre. Contribution à une anthropologie de la reconnaissance au travail, Tours, Université François Rabelais, Mémoire pour lhabilitation à diriger des recherches.
Jonnaert, Ph. (1988) Conflits de savoirs et didactique, Bruxelles, De Boeck.
Jonnaert, Ph. et Lenoir, Y. (dir) (1996) Sens des didactiques et didactiques du sens, Sherbrooke (Québec), Editions du CRP.
Joshua, S. et Dupin, J.-J. (1993) Introduction à la didactique des sciences et des mathématiques Paris, PUF.
Joshua, S. (1996) Le concept de transposition didactique nest-il propre quau mathématiques ?, in Raisky, C. et Caillot, M. (dir) Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, Bruxelles, De Boeck, pp. 61-73.
Latour, B. (1996) Sur la pratique des théoriciens, in Barbier, J.-M (dir.) Savoirs théoriques, savoirs daction, PUF, pp. 131-146.
Lani-Bayle, M. (1996) Généalogies des savoirs enseignants, Paris, LHarmattan.
Le Boterf, G. (1994) De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Paris, Les Editions dorganisation.
Le Boterf, G. (1997) De la compétence à la navigation professionnelle, Paris, Les Editions dorganisation.
Leplat, J. (1997) Regards sur lactivité en situation de travail. Contribution à la psychologie ergonomique, Paris, PUF.
Martin, J.-P. et Savary, E. (1996) Formateur dadultes, Lyon, Chronique Sociale.
Martinand, J.-L. (1983) La référence et le possible dans les activités scientifiques scolaires, in Tiberghien, A., éd. Recherches en didactique de la physique, Paris, Éditions du CNRS, pp. 227-249.
Martinand, J.-L. (1986) Connaître et transformer la matière. Berne, Peter Lang.
Martinand, J.-L. (1994) La didactique des sciences et de la technologie et la formation des enseignants, Aster (INRP), n° 19, pp. 61-75.
Martinand, J.-L. (1994) La technologie dans lenseignement général : les enjeux de la conception et de la mise en uvre, Paris, UNESCO - IIPE.
Martinand, J.-L. (1995) La référence et lobstacle, Perspectives documentaires en éducation (INRP), n° 34, pp. 7-22.
Meirieu, Ph., Develay, M., Durand, C, et Mariani, Y. (dir.) (1996) Le concept de transfert de connaissance en formation initiale et continue, Lyon, CRDP.
Obin, J.-P. (1995) La face cachée de la formation professionnelle, Paris, Hachette.
Perrenoud, Ph. (1984) La fabrication de lexcellence scolaire : du curriculum aux pratiques dévaluation., Genève, Droz (2e édition augmentée en 1995).
Perrenoud, Ph. (1986) Vers une lecture sociologique de la transposition didactique, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Perrenoud, Ph. (1990) La géographie scolaire entre deux modèles de transposition didactique, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Perrenoud, Ph. (1992) La souris et la tortue. Deux usages sociaux de linformatique et leur transposition didactique à lécole primaire, in A. Vieke (dir.) Intégration de linformatique en classe, Genève, Service informatique de lenseignement primaire, pp. 51-65.
Perrenoud, Ph. (1994 a) La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, LHarmattan.
Perrenoud, Ph. (1994 b) Curriculum : le réel, le formel, le caché, in Houssaye, J. (dir.) La pédagogie : une encyclopédie pour aujourdhui, Paris, ESF, 2e édition, pp. 61-76.
Perrenoud, Ph. (1996 a) Métier délève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 3e éd.
Perrenoud, Ph. (1996 b) Enseigner : agir dans lurgence, décider dans lincertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF.
Perrenoud, Ph. (1996 c) Rôle de la formation des enseignants dans la construction dune discipline scolaire : transposition et alternance, in Billi, E. et. al (dir.) Education physique et sportive. La formation au métier denseignant, Paris, Editions de la Revue Education physique et sport, Dossiers EPS n° 27, pp. 49-60.
Perrenoud, Ph. (1996 d) Savoirs de référence, savoirs pratiques en formation des enseignants : une opposition discutable, Éducation et Recherche, n° 2, pp. 234-250.
Perrenoud, Ph. (1997) Construire des compétences dès lécole, Paris, ESF.
Perrenoud, Ph. (1998) De lalternance à larticulation entre théories et pratiques dans la formation des enseignants, in Tardif, M., Lessard, C. et Gauthier, C. (dir.). Formation des maîtres et contextes sociaux. Perspectives internationales, Paris, PUF, pp. 153-199.
Raisky, C. (1996) Doit-on en finir avec la transposition didactique ?, in Raisky, C. et Caillot, M. (dir.) Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, Bruxelles, De Boeck, pp. 37-59.
Raisky, C. et Caillot, M. (dir.) (1996) Au-delà des didactiques, le didactique. Débats autour de concepts fédérateurs, Bruxelles, De Boeck.
Rey, B. (1996) Les compétences transversales en question, Paris, ESF.
Rochex, J.-Y. (1995) Le sens de lexpérience scolaire, Paris, PUF.
Rogalski, J. et Samurçay, R. (1994) Modélisation dun " savoir de référence " et transposition didactique dans la formation de professionnels de haut niveau, in Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) La transposition didactique à lépreuve, Grenoble, La Pensée sauvage Éditions, pp. 35-71.
Ropé, F. (1996) Savoirs universitaires, savoirs scolaires, Paris, LHarmattan.
Ropé, F. et Tanguy, L. (1994) Savoirs et compétences. De lusage de ces notions dans lécole et lentreprise, Paris, LHarmattan.
Tardif, J. (1995), Savoirs et savoir-faire : une dynamique pédagogiquement ignorée, in Bentolila, A. (dir.) Savoirs et savoir-faire, Paris, Nathan, p. 89-104.
Tardif, J. (1996) Le transfert de compétences analysé à travers la formation de professionnels, in Meirieu, Ph., Develay, M,. Durand, C, et Mariani, Y. (dir) Le concept de transfert de connaissance en formation initiale et continue, Lyon, CRDP, pp. 31-46.
Tardif, M. (1993) Eléments pour une théorie de la pratique éducative : Actions et savoirs en éducation, in Gauthier, C., Mellouki, M. & Tardif, M. (dir.) Le savoir des enseignants. Que savent-ils ?, Montréal, Editions Logiques, pp. 23-47.
Tardif, M. (1993) Savoirs et expérience chez les enseignants de métier, in H. Hensler (dir.) La recherche en formation des maîtres. Détour ou passage obligé sur la voie de la professionnalisation ?, Sherbrooke (Canada), Editions du CRP, pp. 53-86.
Tardif. M. et Gauthier. C. (1996) Lenseignant comme acteur " rationnel " : quelle rationalité, quel savoir, quel jugement ?, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud Ph. (dir.), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, p. 209-237.
Terssac, G. de (1992) Autonomie dans le travail, Paris, PUF.
Terssac, G. de (1996) Savoirs, compétences et travail., in Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques et savoirs daction, Paris, PUF, pp. 223-247.
Tiberghien, A., Arsac, G. et Méheut, M. (1994) Analyse de projets denseignement issus de recherches en didactique, in Arsac, G., Chevallard, Y., Martinand, J.-L., Tiberghien, A. (dir.) La transposition didactique à lépreuve, Grenoble, La Pensée sauvage Éditions, pp. 105-133.
Vellas, E. (1996) Donner du sens aux savoirs à lécole : pas si simple !, in Groupe français déducation nouvelle, Construire ses savoirs, Construire sa citoyenneté. De lécole à la cité, Lyon, Chronique sociale, pp. 12-26.
Vergnaud, G. (1990) La théorie des champs conceptuels, Recherches en Didactique des Mathématiques, vol. 10. n° 23, pp. 133-170.
Vergnaud, G. (1994) Le rôle de lenseignant à la lumière des concepts de schème et de champ conceptuel, in Artigue, M. et al. (dir.) Vingt ans de didactique des mathématiques en France, Grenoble, La Pensée Sauvage, pp. 177-191.
Vergnaud G. (1995) Quelle théorie pour comprendre les relations entre savoir-faire et savoir ?, in Bentolila A. (dir.) Savoirs et savoir-faire Paris, Nathan, p. 5-20.
Vergnaud, G. (1996) Au fond de laction, la conceptualisation, in Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques et savoirs daction, Paris, PUF, pp. 275-292.
Vergnaud, G. (dir.) (1992) Approches didactiques en formation dadultes, Education permanente, n° 111.
Vermersch, P. (1994) Lentretien dexplicitation, Paris, ESF.
Verret, M. (1975) Le temps des études, Paris, Honoré Champion, 2 vol.
Werthe, Ch. (1997) Élaboration et formalisation de lexpérience professionnelle : linstruction au sosie, Dialogue, n° 86, pp. 41-42.
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_26.html
Téléchargement d'une version Word au format RTF :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_26.rtf
© Philippe Perrenoud, Université de Genève.
Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou dans une publication imprimée ne peut se faire sans l'accord écrit de l'auteur et d'un éventuel éditeur. Toute reprise doit mentionner la source originale et conserver l'intégralité du texte, notamment les références bibliographiques.
Autres textes : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/textes.html Page d'accueil de Philippe Perrenoud : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/ Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation - LIFE : |