|
|
Savoir réfléchir sur sa pratique,
objectif
central de la formation des enseignants ?
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1998
1. Pourquoi former les enseignants à réfléchir sur leur pratique ?
Savoir réfléchir sur sa pratique, nest-ce pas la chose du monde la mieux partagée ? Tous les praticiens ne réfléchissent-ils pas sur ce quils font ? Pourrait-on même les en empêcher ? La réflexion dans et sur laction nest-elle pas le propre de lespèce humaine ?
En un mot : pourquoi former à réfléchir, alors que cela paraît aussi naturel que respirer ? Pourquoi faudrait-il apprendre ? Et plus encore, pourquoi faudrait-il faire de cet apprentissage le cur de la formation des enseignants, alors quil en est sans doute le préalable : si lon recrute au niveau du baccalauréat ou au delà, nest-ce pas, justement, pour recevoir des étudiants rompus à la réflexion et qui lappliqueront à leur action professionnelle ?
Il est vrai que les futurs enseignants ont dautant moins besoin dune formation professionnelle pour apprendre à penser que leur itinéraire préalable y a pourvu. Auront-ils demblée, pour autant, les postures et les habitudes mentales propres à un praticien réflexif ? Ny a-t-il pas, entre la façon ordinaire de réfléchir et une pratique réflexive, autant de différences quentre la respiration dun être humain quelconque et celle dun chanteur, dun musicien ou dun athlète ?
Il est question ici dune posture et dune pratique réflexives fondant une analyse méthodique, régulière, instrumentée, sereine et porteuse deffets, disposition et compétence qui ne sacquièrent, en général, quau gré dun entraînement intensif et délibéré.
Les travaux de Schön (1994, 1996), dont plusieurs sont maintenant traduits, touchent à toutes sortes de métiers. Ils laissent ouverte la question de savoir si lenseignant est ou doit devenir un praticien réflexif. Deux questions spécifiques se posent alors : 1. Pourquoi former les enseignants à réfléchir sur leur pratique ? 2. Comment agir efficacement dans ce sens en formation initiale ? Voici quelques éléments de réponse centrés sur le métier denseignant.
On retiendra ici dix raisons de former les enseignants à réfléchir sur leur pratique. Elles sont inégalement liées aux évolutions et aux ambitions récentes des systèmes éducatifs. Dans tous les cas, elles traduisent une vision définie du métier denseignant et de lécole. Le lecteur qui ne la partage pas ne trouvera pas les mêmes raisons de former les enseignants à réfléchir sur leur pratique. Peut-être nen verra-t-il aucune !
Il ny a entre ces raisons aucune chronologie, ni aucune hiérarchie. Dune pratique réflexive, on peut attendre quelle :
Reprenons ces raisons une à une.
1.1 Compenser la légèreté de la formation professionnelle
Dans les pays développés, les enseignants maîtrisent en général assez bien les savoirs à enseigner. On peut toujours estimer quune plus grande culture et une plus grande aisance théorique accroîtraient leur imagination didactique et leurs capacités dimprovisation, dobservation, de planification, de travail à partir des erreurs ou des obstacles rencontrés par les élèves. Il nest jamais inutile den savoir plus, non pour enseigner tout ce quon sait, mais pour " avoir de la marge ", dominer sa matière, relativiser les savoirs et éprouver la sécurité nécessaire pour mener avec ses élèves des démarches de recherche ou engager le débat sur le sens des savoirs.
Sans prétendre que la formation académique des enseignants est optimale, reconnaissons toutefois quelle laisse moins à désirer que leur formation didactique et pédagogique. Le déséquilibre est plus grand dans lenseignement secondaire et il est maximum dans lenseignement supérieur, puisquune partie des professeurs sont propulsés dans ce rôle sans aucune formation didactique.
Comment survivent-ils ? Les esprits les moins charitables répondront quils sen tirent en mettant en échec tous les étudiants incapables de comprendre un mauvais cours. Pour les plus optimistes, " ce qui se conçoit bien sénonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément " : nommés pour leur maîtrise dune discipline, les professeurs sont réputés capables dexposer la théorie de façon limpide à des étudiants correctement sélectionnés, censés avoir le " niveau " requis pour prendre des notes, lire des traités et étudier à tête reposée la parole magistrale. On peut aussi envisager que les professeurs duniversité, comme nimporte qui, apprennent de lexpérience, saméliorent au fil des années et finissent par construire une forme de savoir-faire didactique. Ils y parviennent, en dépit de leur ignorance et parfois de leur mépris des sciences de léducation, parce que leur formation intellectuelle pointue les prépare à observer et analyser avec réalisme ce qui se passe et à ajuster leur action en conséquence.
On peut faire la même hypothèse pour les étudiants sortant des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) créés en France en 1989. Ces nouveaux professeurs sont formés au niveau bac + 5 (au minimum), mais ils ne suivent quune courte année de formation strictement professionnelle, la dernière ; tout ce qui précède (formation disciplinaire et préparation du concours) porte marginalement sur lenseignement et lapprentissage, principalement sur la maîtrise des contenus à enseigner. Pourtant, ils sen tirent honorablement dans leur classe, indiquent les premières enquêtes. Pourquoi ? Sans doute parce que leur niveau de formation les rend capables dapprendre de lexpérience en analysant ce quils font et en régulant leur action professionnelle en conséquence.
On pourrait en conclure que, pour savoir réfléchir sur sa pratique, il suffit de maîtriser des instruments généraux dobjectivation et danalyse et de bénéficier dun entraînement à la pensée abstraite, au débat, au contrôle de la subjectivité, à lénoncé dhypothèses, à lobservation méthodique. Cest pourquoi une formation à la recherche peut, dans une certaine mesure, préparer à une pratique réflexive, et réciproquement (Perrenoud, 1994 a).
Pour les enseignants secondaires, et plus encore primaires, un tel niveau de formation est cependant loin dêtre la norme et on ne peut compter partout dans le monde sur de longues études pour développer les moyens dune pratique réflexive spontanée. Par ailleurs, il nest pas sûr que lintelligence, la rigueur et le bon sens suffisent à alimenter une réflexion qui accroisse lefficacité de lenseignement. On pourrait avancer lhypothèse un peu cynique que nombre de professeurs font évoluer leur pratique, dun point de vue très égocentrique, jusquà ce quils y trouvent leur bonheur, ou du moins un minimum déquilibre et de fonctionnement économique. De la même façon que quelquun qui a froid réfléchit jusquà ce que son problème soit résolu
Ce qui souligne limportance, dans une formation à la pratique réflexive, dune approche systémique, dune prise en compte des besoins des élèves et de lécart aux objectifs de formation et dun souci de démocratisation de laccès aux savoirs. Une pratique réflexive qui amènerait le professeur à repérer les élèves " les moins doués " pour sen désintéresser et les élèves les moins coopératifs pour les neutraliser rapidement naccroîtrait pas la qualité de lenseignement, mais seulement le confort de lenseignant On saisit ici quune pratique réflexive nest pas seulement une compétence au service des intérêts bien compris de lenseignant, mais une forme de conscience professionnelle. Les professeurs qui ne réfléchissent que par nécessité et cessent de se poser des questions dès quils se sentent mieux ne sont pas des praticiens réflexifs.
Il peut sembler paradoxal de demander à une formation professionnelle jugée insuffisante de préparer en outre chacun à réfléchir sur sa pratique. Ne vaudrait-il pas mieux rééquilibrer le curriculum en faveur des compétences professionnelles, plutôt que dessayer de sauver la mise par une pratique réflexive ? Sans doute, mais au vu de la rigidité des structures, il paraît plus simple dinfléchir la formation dans le sens de la réflexivité plutôt que de lallonger. On applique alors en désespoir de cause ce proverbe chinois : " Mieux vaut enseigner à pêcher que de donner un poisson ".
Même lorsque la composante professionnelle de la formation initiale est nettement plus étoffée, ce raisonnement reste valable, car elle ne saurait faire le tour de toutes les situations quun enseignant peut rencontrer dans son métier, ni le nantir de toutes les connaissances de sciences humaines qui, un jour ou lautre, pourraient se révéler pertinentes. Tous les enseignants sont, à des degrés divers, des autodidactes, condamnés à apprendre une partie de leur métier " sur le tas ". Une posture et une pratique réflexives conduisent à vivre cet apprentissage positivement, à lorganiser activement et à le mener au-delà de la simple survie.
1.2 Favoriser laccumulation de savoirs dexpérience
Toute expérience nengendre pas automatiquement des apprentissages. Une routine efficace a justement pour vertu de dispenser de se poser des questions. Lêtre humain aspire à trouver de telles routines, à fonctionner en pilotage automatique, sans " se prendre la tête ". Son expérience nest pas alors source dautoformation, sinon dans le sens restreint dun renforcement de ce qui marche.
Même lorsque lexpérience nest pas encore un long fleuve tranquille ou lorsque surgissent des rapides inattendus, la réflexion qui sensuit ne débouche pas nécessairement sur des savoirs susceptibles dêtre réinvestis dans dautres situations. Une partie de la réflexion sur laction produit un ajustement pragmatique. Le professeur apprend, par exemple à donner des consignes plus précises pour éviter les malentendus, à contrôler les conversations particulières pour prévenir lagitation, à formuler les épreuves autrement de sorte à alléger les corrections, à ne pas introduire une activité lorsque le temps manque pour la mener assez loin avant la fin de la période, etc. Ces apprentissages se traduisent dans de nouvelles conduites, accompagnées sans doute, au moins à lorigine, dun raisonnement plus ou moins explicite. Ensuite, le problème étant résolu, le professeur peut rebrancher le pilote automatique.
Y a-t-il accumulation de savoirs, au sens de connaissances minimalement mises en forme et généralisables à des situations parentes ? Lajustement produit-il une " théorie ", un principe explicatif, une heuristique susceptibles dêtre réinvestis ? Ou se limite-t-il à une simple adaptation de la pratique, qui donne des résultats plus satisfaisants sans quon sache vraiment pourquoi ? Lorsque les étudiants stagiaires interrogent les formateurs de terrain, il reçoivent souvent des réponses embarrassées et floues à la question de savoir pourquoi le praticien expérimenté fait ce quil fait. Sans doute tout geste professionnel a-t-il reçu, à lorigine, une justification, mais elle se perd parfois dans la nuit des temps et la mémoire des praticiens.
Développer une pratique réflexive, cest apprendre à tirer de la réflexion plusieurs profits :
Quels sont les ingrédients nécessaires pour aller au-delà du profit immédiat ? Sans doute une forme de curiosité, de volonté den savoir plus, comme celles qui séparent ceux qui referment un livre une fois quils ont trouvé le renseignement recherché et ceux qui se piquent au jeu et continuent à lire
La paresse intellectuelle inhibe certainement la pratique réflexive. Cette dernière représente un travail de lesprit, sur le vif et dans laprès-coup. Même si ce travail est librement choisi et vécu sur un mode constructif, il exige de lénergie et de lobstination. Les enseignants qui veulent laisser leurs soucis professionnels à lécole et naiment pas " couper les cheveux en quatre " ne deviennent pas des praticiens réflexifs, pas plus que ceux qui sont assaillis par des ennuis de santé ou dargent, des tâches familiales ou dautres responsabilités.
Toutefois, travail et disponibilité ne suffisent pas. Deux autres ingrédients semblent nécessaires :
La méthode peut passer par des rituels, des formes décriture, des conversations régulières avec des collègues, des proches ou son chat Il est évidemment favorable dentrer en interaction avec dautres professionnels de lenseignement ou avec des " amateurs éclairés ".
Réfléchir ou débattre sans sappuyer sur certains savoirs ne mène pas très loin. Lexpérience singulière ne produit dapprentissage que si elle est conceptualisée, reliée à des savoirs qui la rendent intelligible et linscrivent dans une forme ou une autre de régularité. On sait que la connaissance se développe en réseau, que nous construisons des champs conceptuels (Vergnaud, 1990, 1994) plutôt que des concepts isolés, que lapprentissage est une valeur ajoutée qui dépend du capital déjà engrangé. Cest pourquoi les stagiaires débutants sennuient facilement lorsquils passent une semaine dans une classe : faute de structures conceptuelles différenciées, ils ont limpression de voir " toujours la même chose " : un maître, des élèves, des tâches.
Un praticien réflexif ne cesse au contraire de sétonner, de tisser des liens, parce que ce quil observe entre en résonance avec ses cadres conceptuels. Ils peuvent provenir dune longue pratique réflexive personnelle et des savoirs privés quelle a permis de construire au fil des années. La réflexion est en général plus féconde si elle se nourrit aussi de lectures, de formations, de savoirs savants ou de savoirs professionnels construits par dautres, chercheurs ou praticiens. On peut évidemment souhaiter que les savoirs dexpérience soient fécondés par une véritable culture en sciences de léducation. Certains éclairages sur la gestion mentale, les enseignants efficaces, lanalyse transactionnelle ou la programmation neurolinguistique (PNL) peuvent fonctionner comme cadres conceptuels et points dancrage de lexpérience, en dépit du jugement sévère jugement que portent nombre de chercheurs sur la validité des théories de référence
Le capital de savoirs accumulés a toujours une double fonction : il guide et affûte le regard durant linteraction ; il aide ensuite à mettre de lordre dans les observations, à les relier à dautres éléments de savoir, à " théoriser lexpérience ". Il remplira cette double fonction dautant mieux que la formation aura entraîné à la mise en relation des savoirs théoriques généraux avec des situations singulières. Sinon, il se peut que lenseignant maîtrise des savoirs didactiques et pédagogiques qui lui ont été utiles pour passer des examens, mais quil ne mobilise, et donc nenrichit pas, au gré de lexpérience. Cette forme douce de schizophrénie nest pas imaginaire : certains enseignants ont construit des savoirs durant leurs études et dautres à travers leur pratique, mais ces deux sphères ne communiquent pas, parce que larticulation des savoirs savants et de la vie quotidienne na pas été exercée.
On entrevoit déjà, à ce stade, la nécessité de ne pas faire de lapprentissage dune pratique réflexive une formation méthodologique entièrement séparée des formations didactiques ou transversales. Cest à propos de facettes importantes de la pratique quon apprend à réfléchir, non dans le vide ou sur des exemples insignifiants.
1.3 Accréditer une évolution vers la professionnalisation
Affirmer la professionnalisation du métier denseignant sonne comme un slogan creux si les praticiens refusent lautonomie et les responsabilités qui lui sont attachées.
Pourquoi les refuseraient-ils ? Parfois, cest un choix : certains enseignants naspirent pas à exercer une profession, parce que fonctionner en respectant le programme, la grille horaire et les procédures prescrites leur convient. Parfois, ils nont pas lidentité et le rapport à lexistence qui leur permettraient de se prendre pour des acteurs responsables et autonomes, dans le travail aussi bien que dans la cité ou la vie privée.
On peut avancer lhypothèse que, pour le plus grand nombre, ce refus nexprime ni dun choix idéologique, ni un malaise existentiel. Il procède dun calcul rationnel : chacun pressent que, pour assumer une forte autonomie professionnelle sans prendre de risques inconsidérés, il faut avoir une assez grande confiance en soi, fondée sur des compétences pointues, des savoirs étendus, des capacités de jugement, danticipation, danalyse, dinnovation. Or, tous nont pas cette assurance.
La formation à une pratique réflexive nest pas le seul atout, mais cest une condition nécessaire. Pour assumer son autonomie et a fortiori la revendiquer, il faut pouvoir se dire : " Le jour venu, je devrai prendre des décisions difficiles et je ne pourrai pas mabriter derrière des autorités ou des experts. Mais je sais que jy arriverai, même si je nai aujourdhui aucune idée de ce que je ferai, parce que je pense avoir les moyens danalyser la situation et de prendre le bon chemin ". Aucun professionnel nest à labri du doute, le fantasme de lerreur fatale lhabite, il sait nêtre pas infaillible, mais sa confiance en son jugement est suffisante pour affronter le risque avec davantage de satisfaction que de peur.
Aucun médecin, aucun chercheur, aucun ingénieur, aucun journaliste, aucun avocat ne parvient à cette relative tranquillité par la seule grâce dune pensée positive ou dune forte estime de soi. Il a été formé et entraîné à une pratique réflexive, dans des conditions dincertitude et de stress, parfois dans la solitude, parfois dans la confrontation avec des pairs et le conflit sociocognitif.
La professionnalisation se joue dans la tête des praticiens et dans le message quils envoient aux autres acteurs. Un enseignant qui sécarte fortement de lorthodoxie peut conserver lentière confiance de ses élèves, de leurs parents, de ses collègues et de ses supérieurs, si tous estiment quil " sait ce quil fait " et quil a les moyens de son autonomie.
Que des praticiens réflexifs soient le fruit dheureuses trajectoires personnelles, qui sen plaindrait ? Si lon veut donner au plus grand nombre les mêmes moyens, on ne peut faire confiance au hasard et il importe de former à une pratique réflexive et de renforcer lidentité correspondante.
1.4 Aider à assumer une responsabilité politique et éthique
Aujourdhui, les finalités de lécole sont brouillées et les conditions dexercice du métier sont tellement hétérogènes quon ne peut plus se réclamer des textes pour avoir la conscience tranquille. Faut-il, sous prétexte que cest au programme, sobstiner à enseigner de la grammaire à des enfants qui ne savent pas lire ? Faut-il passer des heures à présenter des auteurs et des uvres littéraires à des adolescents en quête dun dialogue vrai avec des adultes ? Faut-il enseigner des rudiments de génétique à des jeunes qui ne comprennent pas comment se transmet le SIDA ? Parler en détail de la révolution de 1910 à des élèves qui ne savent pas où est la Chine et nont quune idée très vague des grandes étapes de lhistoire humaine ?
Les professeurs sont confrontés à des dilemmes de plus en plus nombreux, qui tiennent au décalage entre les programmes et le niveau, les intérêts, les projets des élèves ; qui tiennent aussi à la surcharge des programmes et à la fiction quon dispose des heures inscrites dans les textes pour enseigner, alors quune partie du temps se passe à prévenir le désordre et à (re) créer les conditions du travail pédagogique. Lhétérogénéité des classes oblige, de son côté, à choisir plus ou moins lucidement pour quels élèves on travaille, à sacrifier les uns au profit des autres.
Face à ces dilemmes, les enseignants sont assez seuls, parce que les textes sont flous, contradictoires ou muets, parce que les cadres conseillent de " faire au mieux ", parce que les collègues vivent dautres situations. Ce qui devrait être tranché par le système éducatif est, de fait, dévolu aux établissements et aux enseignants, non par volonté positive daccroître leur autonomie, mais par impuissance de la classe politique et des pouvoirs organisateurs à dégager une politique et une éthique cohérentes et durables.
Le praticien peut sen remettre à ses propres valeurs, si elles le guident sans hésitation à investir dans la lutte contre léchec ou pour lélitisme, dans léducation à la citoyenneté ou dans linstruction pure et dure, dans la négociation ou dans la sanction. Certains ont le malheur et la chance de douter. Ils ne sont pas sûrs de savoir quelle ligne de conduite ils doivent adopter. Ils ont alors besoin de disposer des moyens intellectuels de reconstruire des certitudes provisoires. Ils y parviendront mieux sils travaillent en équipe. Même alors, cela ne les dispensera pas de réfléchir, de peser le pour et le contre, de penser les contradictions et de chercher une ligne de crête inconfortable, un compromis fragile entre les valeurs et finalités qui entrent en concurrence.
Contrairement à ce quon imagine parfois, une pratique réflexive ne se limite pas à laction, elle porte aussi sur ses finalités et les valeurs qui la sous-tendent. On réfléchit au comment, mais aussi au pourquoi. Dailleurs, même la réflexion sur le comment soulève des questions déthique : est-il juste de motiver les élèves en leur offrant des friandises ? dinformer les parents que leur enfant fume du hasch ? de séparer deux amis sous prétexte quils bavardent ? de menacer dune punition collective un groupe solidaire dun fauteur de troubles ? Le souci déduquer et dinstruire ne justifie pas toutes les méthodes, mais où sont précisément les limites, ici et maintenant ? Laction pédagogique est une violence, elle change lautre, entame son intimité, tente de le séduire ou de faire pression sur lui. Jusquà quel point peut-on se prévaloir de la formule magique " Cest pour ton bien " ?
On ne fait pas face à ces dilemmes avec un catéchisme, ni même avec un code déthique. Sil suffisait dappliquer un principe, il ny aurait pas de dilemme. La formation ne peut, pas plus que les textes, donner une réponse, ni même un conseil. Elle peut aider chacun à construire son jugement au gré dun entraînement à expliciter à la fois la situation, les alternatives et les enjeux. La posture et la compétence réflexives ne garantissent rien, mais elles aident à analyser les dilemmes, à construire des choix et à les assumer.
1.5 Permettre de faire face à la complexité croissante des tâches
Lenseignement nest plus ce quil était. Les programmes se renouvellent plus rapidement, les réformes se succèdent sans interruption, les technologies deviennent incontournables, les élèves sont de moins en moins dociles et préparés, les parents deviennent des consommateurs décole ou se désintéressent de ce qui sy passe, les structures se complexifient (cycles, modules, parcours diversifiés), lévaluation est censée devenir plus formative, la pédagogie plus différenciée, le travail déquipe est désormais une valeur portée par linstitution, qui, en outre, souhaite, voire exige, que les établissements annoncent et réalisent des projets. Où sont la quiétude et la solitude dantan ?
On peut ironiser sur le mythe de lâge dor. Nuancer certains constats faits à la hache. Noter quil subsiste des zones préservées, alors que dautres étaient déjà réputées " à hauts risques " il y a trente ans. Il reste, globalement, que les conditions dexercice du métier denseignant se complexifient et parfois se dégradent, alors que les ambitions des systèmes éducatifs saccroissent. La France, par exemple, scolarisait au début du siècle 4 % dune classe dâge dans les lycées. Un siècle plus tard, elle amènera pas loin de 80 % de jeunes au niveau du bac !
Lexplosion démographique, les mouvements migratoires, la démocratisation des études, lurbanisation, la tertiarisation et les restructurations de léconomie, confrontent les enseignants à de nouveaux publics. Dans le même temps, il est de moins en moins commode de régler les problèmes en se débarrassant des élèves qui les posent, puisque les conditions de lemploi tendent plutôt à allonger la scolarité de base et à dissuader les jeunes de se risquer sur le marché du travail, en même temps que les filières de relégation sont de moins en moins défendables.
Ici encore, il ne suffit pas dy réfléchir pour faire disparaître les vraies difficultés du métier. La réflexion permet en revanche de transformer des malaises, des révoltes, des découragements en problèmes, quon peut poser et parfois résoudre avec méthode. Diaboliser la violence comme une fatalité, dans la peur et limpuissance, nest pas la vivre comme un phénomène explicable et sur lequel une action collective peut avoir prise. Une pratique réflexive autorise un rapport actif plutôt que plaintif à la complexité. Les établissements où elle devient un mode dexistence professionnel se mobilisent et prennent des mesures qui, même lorsquelles ne changent pas la face des choses, donnent un sentiment de cohérence et de prise sur les événements. On rejoint ce que les Anglo-Saxons appellent empowerment, terme difficile à traduire, qui désigne un rapport actif et autonome au monde, et soppose donc à la dépendance et à la résignation (Hargreaves and Hopkins, 1991).
La pratique réflexive ne suffit pas, mais cest une condition nécessaire pour faire face à la complexité. Si elle fait défaut, lexpérience, décevante, dun activisme inefficace fera retomber dans linertie. On mesure bien, à ce propos, quune pratique réflexive limitée au bon sens et à lexpérience personnelle de chacun ne mène pas très loin, que le praticien a besoin de savoirs, quil ne peut réinventer seul et que sa réflexion lui donnera dautant plus de pouvoir quelle sancre dans une large culture en sciences humaines.
1.6 Aider à vivre un métier impossible
Avec la politique et la thérapie, lenseignement était, pour Freud, lun des trois métiers impossibles. On pourrait sans doute ajouter le travail social, léducation spécialisée et quelques autres métiers de lhumain qui ont en commun de viser, tels Don Quichotte, des objectifs hors de portée de laction commune (Cifali, 1986 ; Boumard, 1992).
Dans de tels métiers, léchec est inscrit, comme une issue éventuelle, parfois la plus probable. Toutefois, il nest jamais sûr. Le sens du travail est précisément de tout faire pour le conjurer. On ne peut donc faire davance son deuil de la réussite, pour se protéger définitivement des déceptions. On va nécessairement despoirs en désillusions. Comment se garder des effets dévastateurs de cette perverse alternance ? Sans doute y a-t-il plusieurs voies, dont le cynisme, ou la foi sans limites dans lêtre humain. Entre ces extrêmes, les praticiens ordinaires doivent à la fois espérer suffisamment pour agir avec détermination et sattendre au pire, pour ne pas seffondrer si leurs espoirs sont déçus. Lentraînement à une pratique réflexive présente alors une double utilité :
- dune part, il permet de poser un regard lucide sur son propre fonctionnement et de prendre quelque distance par rapport à ses fantasmes de toute-puissance ou déchec ; Frankenstein, sil est pédagogue (Meirieu, 1996), sera moins dangereux sil devient un praticien réflexif ;
- dautre part, il aide à faire la part des choses, de cas en cas, à trouver un chemin entre la jouissance masochiste de lautoflagellation et la tentation du fatalisme.
Exercer sereinement un métier de lhumain, cest savoir au plus près, du moins dans laprès-coup, ce qui dépend de laction professionnelle et ce qui lui échappe. Cest ne pas porter tout le poids du monde, en " prenant sur soi ", en se sentant constamment coupable ; cest, en même temps, ne pas se boucher les yeux, percevoir ce que lon aurait pu faire si lon avait mieux compris ce qui se passait, si lon sétait montré plus rapide, plus perspicace, plus opiniâtre, plus convaincant. Lon apprend de lexpérience, en cernant de mieux en mieux cette marge étroite dans laquelle la compétence professionnelle fait la différence. Pour y voir plus clair, il faut accepter de reconnaître, parfois, que lon aurait pu mieux faire, tout en comprenant pourquoi lon ny est pas parvenu. Lanalyse ne suspend pas le jugement moral, elle ne vaccine pas contre toute culpabilité, mais elle incite le praticien à accepter de ne pas être une machine infaillible, à faire la part de ses préférences, hésitations, passages à vide, trous de mémoire, partis pris, dégoûts et attirances, faiblesses qui sont rarement sans conséquences, mais font partie de la condition humaine.
1.7 Donner les moyens de travailler sur soi
Dans un métier de lhumain, il est exceptionnel que lintervenant ne fasse absolument pas partie du problème. Cela ne signifie pas quil en est la source principale, encore que cela puisse arriver. Au minimum, il participe du système daction dont le dysfonctionnement engendre le problème. Il est rare quun enseignant chahuté ny soit pour rien. Non pas, en général, parce que cest son désir secret, mais parce quil alimente les tendances des élèves, par exemple par une alternance incompréhensible entre séduction amicale et répression féroce. Il est rare quun problème fasse irruption et devienne aigu dans linstant. Il y a en général des signes avant-coureurs, un processus évolutif qui, lorsquil atteint un certain seuil, est perçu comme insupportable. Il y a donc une genèse, dont létat présent du problème est la résultante. Même sil y a un " patient désigné ", un acteur qui incarne le problème, même sil a constitué le point de départ de lhistoire, lapproche systémique nous enseigne quil est rarement seule en cause, que ses façons initiales dêtre et dagir ont suscité des réactions, qui ont à leur tour modifié et parfois aggravé sa conduite.
Lenseignant nadopte pas volontiers ce point de vue, qui fait de lui à la fois lune des sources du problème et lagent privilégié de la solution. Pour accepter de faire partie du problème, il faut être capable de reconnaître en soi des attitudes et des pratiques dont on a pas spontanément conscience, voire quon sefforce dignorer. Il nest pas agréable dadmettre quon ne maîtrise pas lensemble de ses actes et attitudes, plus désagréable encore de sapercevoir que ce qui échappe nest pas toujours présentable
Il arrive quune réflexion sur la pratique puisse se cantonner au domaine purement technique et amène lenseignant à " rectifier une erreur ", à la manière dun ingénieur qui a compris quil omettait un paramètre ou nutilisait pas la bonne méthode de calcul. Même alors, il y a un enjeu relationnel et narcissique : le monde du travail est rempli de gens qui ne veulent pas, par amour-propre et peur de perdre la face, admettre quils sy prennent mal. Lenseignant agit devant un public qui nest pas toujours tendre, ses élèves et à travers les représentations quils colportent, leurs parents et les autres enseignants de lécole. Même une erreur technique risque toujours dêtre interprétée comme une faute, un manque dhumanité, une légèreté
La plupart du temps, la réflexion ne met pas en lumière une erreur strictement technique, mais une posture inadéquate, un préjugé sans fondement, une indifférence ou une imprudence coupables, une impatience excessive, un pessimisme ou un optimisme exagérés, un abus de pouvoir, une indiscrétion injustifiée, un manque de tolérance ou déquité, un défaut danticipation ou de perspicacité, un excès ou un manque de confiance, un accès de paresse ou de désinvolture, bref, des pratiques qui incriminent le rapport aux élèves, au savoir, au travail, au système, autant que la compétence proprement didactique ou gestionnaire de lenseignant.
Dans dautres métiers de lhumain, la pratique réflexive sur ces questions sinscrit dans un dialogue avec un superviseur, qui aide le professionnel à rester lucide sans se jeter la pierre. Peu denseignants ont cette possibilité. Ils sont condamnés à travailler sur eux-mêmes dans la solitude ou, sils ont de la chance, dans une relation de confiance avec quelques collègues. Il importe donc que la formation prépare, dune certaine manière, à devenir " son propre superviseur ", interlocuteur à la fois bienveillant et exigeant.
1.8 Encourager à affronter lirréductible altérité de lapprenant
Son métier confronte chaque jour lenseignant à laltérité de ses élèves et de leurs parents. Certains lui ressemblent, viennent du même milieu social, partagent certains de ses goûts et de ses valeurs, et lui sont donc un peu moins étrangers, alors que dautres parlent une langue quil ne comprend pas, viennent dun pays où il na jamais mis les pieds ou sont porteurs dune culture dont il ne partage pas les valeurs et ne maîtrise pas les codes, par exemple autour de lhygiène, de lordre, du travail, de la tricherie, du partage, de la ponctualité, du bruit. À ces distances culturelles (Perrenoud, 1996, 1997) sajoute laltérité qui existe même entre personnes appartenant à la même génération, au même sexe, à la même famille, du fait de la diversité des personnalités et des histoires de vie.
Comme le montrent les psychanalystes (Cifali, 1994 ; Imbert, 1996), la relation de prise en charge est toujours investie, surdéterminée, parasitée par lhistoire de nos rapports avec les autres, dès la prime enfance. Des peurs, des amours et des haines, des volontés de domination et toutes sortes de sentiments enfouis, parfois violents et troubles, sont toujours susceptibles dêtre réactivés dans une relation actuelle, aussi professionnelle soit-elle. La rage que peut susciter une bénigne incartade ou un léger gaspillage ne sexplique parfois quen faisant le rapprochement avec des événements anciens et sans rapport avec lécole.
Réfléchir sur sa pratique, cest aussi réfléchir sur sa propre histoire, son habitus, sa famille, sa culture, ses goûts et dégoûts, son rapport aux autres, ses angoisses et ses obsessions. Pour y être préparé, il ne suffit pas de lire Freud ou Bourdieu en livre de poche, même si ce nest pas inutile. La formation doit armer le regard sur soi dun peu de sociologie, dun peu de psychanalyse, et surtout lui donner un statut professionnel, clair et positif. Ni narcissisme, ni autodévalorisation, mais essai de comprendre doù viennent nos rapports à autrui.
1.9 Ouvrir à la coopération avec des collègues
La coopération professionnelle est à lordre du jour. Ses motifs sont très raisonnables, y compris le refus de la solitude du praticien. Mais les mécanismes mis en jeu sont moins limpides : dans la coopération, il y a de la transparence et du secret, du partage et de la compétition, du désintéressement et du calcul, du pouvoir et de la dépendance, de la confiance et de la peur, de leuphorie et de la rogne. Même entre deux techniciens réglant un chauffage, entre deux programmeurs concevant ensemble un logiciel, entre deux mécaniciens démontant un moteur, il y a négociation et place pour des divergences qui ne sont pas toutes rationnelles. Lorsquon partage des élèves et des interventions dans des groupes, comment sétonner que la coopération ne soit pas constamment sereine et dépourvue détats dâme, quelle ne soit jamais la simple conjugaison efficace de compétences et de forces ? De plus, on négocie aussi avec ses élèves, dautres collègues, les parents, ladministration, les autorités locales, autrement dit des acteurs dont on ne partage pas tous les objectifs. Chacun défend un point de vue et des intérêts différents, voire opposés. La coopération est alors plus ouvertement conflictuelle.
Cela arrive aussi, par moment, dans une équipe soudée. Travailler en équipe, surtout dans un métier de lhumain, cest " partager sa part de folie " (Perrenoud, 1994, 1996). Cest se confronter à lautre sur de grandes questions philosophiques - a-t-on le droit de punir ? - et sur de petits détails - faut-il aligner les chaussures ? -, le désaccord sur les questions philosophiques portant en général moins à conséquence que les petites divergences
Aucun fonctionnement collectif nest simple, tout groupe, même uni, est menacé par des clivages, des conflits, des abus de pouvoir, des déséquilibres entre les rétributions et les contributions des uns et des autres, Ces dysfonctionnements sont accompagnés de sentiments dinjustice, dexclusion, de révolte, dhumiliation, de " ras-le-bol ". Les équipes expérimentées ne sont pas à labri de ces tribulations, elles savent simplement les anticiper et les contenir, évitant quelles ne dégénèrent en crises. Pour assurer cette régulation, il faut évidemment se parler, dans un registre qui naggrave pas les tensions, les non dits ou les blessures, mais permet au contraire de sexpliquer. Seuls peuvent sengager dans cette forme de métacommunication les enseignants qui pratiquent pour eux-mêmes une forme de pratique réflexive et de métacognition. Il leur reste alors à partager des impressions et des analyses avec leurs collègues, ce qui nest pas facile, mais amorce la régulation. Le silence, lescalade, le refus de faire partie du problème, la recherche du bouc émissaire, le psychodrame ou la crise de nerfs expriment des émotions, mais trahissent aussi un défaut de prise de distance et danalyse de ce qui se joue. La réflexivité de chacun est un ingrédient de lanalyse collective du fonctionnement et un atout majeur dans la régulation des rapports professionnels et du travail en équipe (Gather Thurler, 1994).
1.10 Accroître les capacités dinnovation
Innover, en dernière instance, cest transformer sa pratique, ce qui ne va pas sans analyse de ce quon fait et des raisons de continuer ou de changer. Linnovation endogène prend sa source dans la pratique réflexive, moteur dune prise de conscience et de la formation de projets alternatifs. Quand aux innovations proposées par des tiers (collègues, direction de létablissement, formateurs ou ministère), elles ne peuvent être accueillies et assimilées quau prix dune analyse de leur congruence avec les pratiques en vigueur. Pour savoir sil veut adopter une approche communicative de lenseignement des langues, un enseignant examine la place de la communication dans sa pratique actuelle. Il procède de même si on lui propose de mieux dialoguer avec les parents, dintroduire une évaluation formative ou dinstaurer un conseil de classe. Entre " Je le fais déjà, il ny a là rien de neuf pour moi " et " Cest aux antipodes de mes habitudes et de ce que je sais faire ", il y a place pour mille appréciations plus nuancées.
On retrouve les postures et les compétences réflexives dans le fonctionnement collectif face à linnovation (Gather Thurler, 1992, 1993, 1996). Lanalyse des innovations proposées est à la fois une façon de les jauger et une façon de repérer les points daccord et de désaccord avec les collègues. Dans tous les établissements, dans toutes les équipes qui innovent, on trouve une forte concentration denseignants dont la pratique réflexive est devenue une identité forte.
On constate toutefois que le cercle des innovateurs patentés reste minoritaire et ne suffit pas à faire bouger le système. Si lon se soucie délargir les bases du changement, on trouve une raison supplémentaire de développer les compétences réflexives en formation initiale et continue.
En un mot : savoir construire du sens
Ces dix raisons de former les enseignants à réfléchir sur leur pratique pourraient se résumer en une idée-force : cest un atout pour construire du sens, le sens du travail et de lécole (Develay, 1996), mais aussi le sens de la vie, car ils sont difficilement séparables dans un métier de lhumain et en général dans une société où le travail est une source majeure didentité, de satisfaction, mais aussi de souffrance (Dejours, 1986). On peut trouver du sens dans limmobilité, labsence de décision, la routine absolue. Ou plus exactement, une vie tranquille et réglée peut anesthésier la quête de sens, amener à ne jamais se demander pourquoi on fait ce quon fait, de quel droit, avec quels rêves.
Le métier denseignant et lécole affrontent trop de changements et de crises pour que cette quiétude soit encore possible pour beaucoup. Au gré de lavancement dans le cycle de vie professionnel, de latteinte de certains objectifs, de la perte de certaines illusions, de lusure mentale et de la lassitude des praticiens, des prises de conscience, des réformes de tous genres, de la recomposition du public scolaire, de la dégradation des conditions de travail ou des ressources, la question du sens de lenseignement et de lécole ne peut obtenir une réponse satisfaisante une fois pour toutes. Même dans le temps court dune année scolaire, il survient des microévénements, des phases de déprime, des moments deuphorie, des conflits, des arrivées et des départs, des décisions difficiles ou des satisfactions qui font fluctuer le moral et le climat et poussent à reconsidérer le sens du métier.
La formation à une pratique réflexive ne répond pas, en tant que telle, à la question du sens. Elle permet de se la poser avec quelques outils et favorise une forme de sagesse, qui consiste à faire le deuil des certitudes, des problèmes définitivement résolus et des jugements égocentriques. Le praticien réflexif vit dans la complexité " comme un poisson dans leau ", ou du moins sans révolte, ni nostalgie incurable du temps où tout était blanc ou noir.
La pratique réflexive, comme son nom lindique, est une pratique, dont la maîtrise sacquiert par la pratique. Il importe certes de la nommer, de susciter une adhésion à une figure du praticien, mais en dépit de ces efforts, elle restera lettre morte si la réflexion ne devient pas une composante de lhabitus, cette " seconde nature " qui fait quà partir dun certain seuil, il devient impossible de ne plus se poser de questions, sauf à suivre une cure de désintoxication
Comment, en formation initiale, fait-on dun étudiant un praticien réflexif ? On est bien loin de le savoir. Il y faut certainement ladhésion des intéressés, donc un programme clairement orienté vers la pratique réflexive et un contrat de formation tout à fait explicite. Former des étudiants à une pratique réflexive alors quils veulent des réponses catégoriques, des recettes et des routines, est une entreprise sans espoir.
Il ne suffit pas, cependant, de sadresser à des étudiants qui ont, pour cette figure de lenseignant, une sympathie initiale. Dabord parce que chacun est à cet égard traversé dambivalences. Ensuite parce quil est difficile de se représenter la dimension réflexive dune pratique avant même davoir entamé la formation professionnelle. Enfin, parce que sengagent dans cette voie des étudiants qui veulent devenir enseignants pour des raisons très personnelles et vivent leurs études comme un mal nécessaire, sans adhérer au référentiel de compétences qui sous-tend le plan de formation, sans même sy intéresser. On se trouve donc, dans un programme de formation, confronté à des étudiants qui sont déjà, à nombre dégards, des individus réflexifs, et à dautres pour lesquels cela représente un changement identitaire auquel ils vont résister de toutes leurs forces
Toutes les formations professionnelles préparent à résoudre des problèmes à laide de méthodes, elles mêmes fondées sur des savoirs théoriques ou sur lexpérience collective. Leur mise en uvre ne va pas sans réflexion, car plus on va vers des tâches complexes, plus il est nécessaire de juger de la pertinence de telle ou telle méthode, de combiner plusieurs méthodes, voire den inventer pour faire face à la singularité de la situation. Cette réflexion est synonyme de compétence à juger par soi-même, sans appliquer machinalement des procédures toutes faites. Dans ce sens, toute activité un peu complexe a une composante réflexive.
Un praticien réflexif se pose, comme chacun, des questions sur sa tâche, les stratégies les plus adéquates, les moyens à réunir, le timing à respecter. Mais il sen pose dautres, sur la légitimité de son action, les priorités, la part de négociation et de prise en compte des projets des autres personnes impliquées, la nature des risques encourus, le sens de lentreprise, le rapport entre lénergie déployée et les résultats attendus. Il questionne aussi lorganisation et la division du travail, les évidences que véhicule la culture de linstitution et de la profession, les directives de lencadrement, les savoirs établis, léthique passe-partout.
Entre la réflexion à lintérieur de la tâche et du système et la réflexion sur la tâche et le système, il y a continuité. Le praticien réflexif nest pas un contestataire patenté, qui cherche demblée la faille du système, il réfléchit à partir des problèmes professionnels, mais ne sinterdit pas, de proche en proche, de lever des lièvres quun salarié plus " raisonnable " ne verra pas ou ne poursuivra pas.
Telle quelle est entendue ici, la pratique réflexive est un rapport au monde, actif, critique, autonome. Cest donc une affaire de posture plutôt que de compétence méthodologique. Une formation à la résolution de problèmes, même au sens large, incluant leur identification et renonçant à toute procédure standardisée, ne suffirait donc nullement à former un praticien réflexif.
Sans proposer un programme, encore moins une unité spécifique de formation, risquons-nous à ouvrir quelques pistes.
2.1 Travailler lhistoire de vie
Rien nest moins anodin que de réfléchir. Surtout si lon accepte de réfléchir à des problèmes insolubles, à des dilemmes, à la question des finalités et du sens. On ouvre alors la boîte de Pandore, sans savoir si on pourra la refermer.
Certaines trajectoires personnelles induisent, dès le plus jeune âge, une posture réflexive, alors que dautres socialisations habituent à un monde " en ordre " :
On se trouve donc, en formation initiale, confronté à une diversité dhistoires de vie, qui engendre une diversité de postures à de multiples égards, mais notamment quand à la place et à la valeur de la réflexion dans et sur laction. Il serait absurde de lignorer, même sil est assez difficile, dans un cadre universitaire, de faire émerger le rapport de chacun à la réflexion, de cerner ce qui le fait réfléchir, les questions quil sautorise à (se) poser, les limites quil fixe à sa curiosité ou à sa perspicacité. Trop dexplicitation remue le passé familial, expose au jugement des autres, touche à lintimité du fonctionnement intellectuel et du rapport à la vie.
Il nest donc pas forcément indiqué dattaquer le problème de front. Il est peut-être plus sage de multiplier les lieux où lon prend le temps, au détour dun débat ou dun problème, dune évocation de lhistoire de vie et des conditionnements dont chacun est le produit, sans se focaliser sur la dimension réflexive. Dans le métier denseignant, il y a tant dattitudes et de façons de faire qui renvoient à la culture familiale ou au passé scolaire de létudiant stagiaire, que les formateurs ne manquent pas doccasions de favoriser chez chacun la prise de conscience de son " habitus réflexif ", à propos de toutes sortes dautres enjeux : conflits, déception, trac, surcharge, ennui, rejet dune discipline ou de certaines activités, etc. Encore faut-il quils aient la compétence, le regard et le doigté voulus.
2.2 Une question de rythme
Pour devenir et rester lecteur, il faut lire vite et sans trop deffort, sans quoi la lecture devient un pensum. On peut en dire autant de la pratique réflexive. Si lon rêve dun mois de vacances parce quon sest " pris la tête " quelques heures, on évitera autant que possible des expériences aussi fatigantes et douloureuses. Pour choisir une métaphore : la réflexion est comme le jogging, une habitude, une dépense dénergie intégrée à la vie quotidienne, qui népuise pas pour la semaine.
Former à une pratique réflexive, cest donc, paradoxalement, faire de la réflexion une routine, sinon reposante, du moins vivable, sans épuisement, ni stress. Lun des facteurs, le plus facile à travailler, touche à la maîtrise des moyens intellectuels de la réflexion : habitude de douter, de sétonner, de poser des questions, de lire, de mettre quelques réflexions par écrit, de débattre, de réfléchir à haute voix. Méthodes pour sérier les problèmes, répartir les tâches, trouver des informations, sassurer de laide.
À cela sajoutent les savoirs théoriques qui aident à mettre des mots sur des états dâme, à formaliser lexpérience, à envisager des hypothèses, à modéliser le réel. De tels savoirs ne sont cependant utiles que si lon sentraîne à les mobiliser hors du contexte des cours et des examens, pour analyser des situations singulières. Former à une pratique réflexive, cest donc apprendre à opérer, voire à jongler avec des idées, à échafauder des hypothèses, à suivre des intuitions, à traquer des contradictions. Le rapport scolaire au savoir, sérieux, dépendant, sans distance critique ni esprit ludique, nest pas favorable à une pratique réflexive, qui exige de penser par soi-même et de se servir des savoirs de façon pragmatique et risquée.
2.3 Laffaire de tous les formateurs
La pratique réflexive peut être entraînée de façon spécifique, dans des séminaires danalyse des pratiques, des groupes de réflexion sur les problèmes professionnels, des ateliers décriture clinique, détudes de cas ou dhistoire de vie, ou encore des enseignements orientés vers la méthodologie de lobservation ou de la recherche. Leffort porte alors sur la posture, la méthode, léthique, les savoir-faire dobservation, danimation, de débat.
Le développement du savoir-analyser (Altet, 1994, 1996, 1998) ne saurait cependant atteindre ses objectifs sil reste confiné dans de telles unités spécialisées. Cest en travaillant sur dautres dimensions de la formation, disciplinaires, didactiques, transversales ou technologiques, que les formateurs peuvent contribuer à développer une posture et une méthodologie réflexive.
Cette prise en charge par lensemble des formateurs et des unités de formation nest possible que sils partagent une commune référence au praticien réflexif comme figure emblématique de lenseignant quils veulent former. Elle nexige pas un accord pointu sur la conceptualisation de la métacognition, de la réflexion, de la régulation, du rôle des savoirs ou de lexpérience. Il suffit dune convergence globale. La diversité des approches accroîtra les chances des étudiants daccrocher à lune ou lautre et enrichira leur palette : on peut stimuler le développement de la pratique réflexive en analysant des protocoles, en visionnant des séquences vidéo, en décortiquant une séquence didactique, en invitant à tenir un journal, en travaillant sur des situations ou des dilemmes.
Il est souhaitable que, du côté des formateurs, la " réflexion sur la réflexion " aille au-delà du sens commun, sans pour autant uniformiser les approches. Le débat sur la pratique réflexive pourrait même être un terrain privilégie de confrontation des épistémologies des formateurs et de leurs visions respectives du métier denseignant et de la formation initiale.
Les formateurs de terrain sont également concernés. Dans une telle formation, on leur demande dêtre des praticiens réflexifs plutôt que des enseignants exemplaires et daccepter de partager leurs interrogations et leurs doutes avec leurs stagiaires, autant que leurs convictions et leurs certitudes (Perrenoud, 1998 b).
2.4 Lalternance, condition et moteur de lanalyse
On apprend à analyser en analysant, comme on apprend à marcher en marchant. Sans exclure des indications méthodologiques, la formation est de lordre dun entraînement et le formateur joue le rôle dun entraîneur, qui observe, suggère des pistes, met le doigt sur des fonctionnements mentaux ou relationnels qui empêchent dobserver, découter, de comprendre ou dimaginer.
Outre ladhésion des formateurs et des étudiants à ce paradigme, il importe que le plan de formation leur accorde du temps pour analyser des situations concrètes, dans toutes sortes de contextes, avec toutes sortes de partenaires. Ce temps est inévitablement disputé à dautres composantes de la formation. Il importe donc de faire dune pierre deux coups : construire des savoirs et des compétences spécifiques tout en sentraînant à lanalyse. Ce nest possible que dans une démarche clinique de formation (Imbert, 1992 ; Cifali, 1996 ; Perrenoud, 1994) et dans un dispositif serré dalternance et darticulation entre ce qui se passe sur le terrain et une réflexion plus distancée (Perrenoud, 1996 e, 1998 a).
2.5 Des garde-fous éthiques
La pratique réflexive, on la vu, touche aussi aux normes, aux valeurs, à la justice, au pouvoir. Ses dimensions axiologiques et éthiques méritent donc dêtre travaillées, dans divers contextes plus complexes, mais aussi en tant que telles.
On ne pense pas ici à des cours déthique, mais à une forme dentraînement à identifier, expliciter et traiter des dilemmes. Le propos de telles unités de formation nest pas de nantir les étudiants des mêmes valeurs, mais de développer chez tous une forme de sensibilité, de décentration, de méthode pour traiter les dimensions éthiques de leur pratique.
Assez souvent, par exemple, un groupe danalyse de pratiques tourne court, soit parce que les participants ont peur de blesser et renoncent à poser les bonnes questions, soit au contraire parce quils mettent de gros sabots et font des dégâts par un questionnement trop intrusif ou des interprétations trop douloureuses à entendre.
2.7 Une anthropologie de la pratique
Toute réflexion sur la pratique mobilise une théorie de la pratique et de lacteur. Théorie savante ou naïve, explicite ou implicite, qui porte sur les mobiles de laction, la conscience et linconscience, la part de la responsabilité et du libre arbitre.
Une formation à la pratique réflexive devrait comporter une initiation aux sciences de lesprit et de laction, psychologie cognitive, psychanalyse, sociologie des pratiques et de lhabitus, herméneutique, pragmatique linguistique et théories de lagir communicationnel, théorie des organisations et analyse stratégique, théorie des décisions, travaux sur les savoirs et les compétences.
Ces apports théoriques se justifient aussi pour dautres raisons. Ils sous-tendent certaines approches didactiques et transversales du métier denseignant, des programmes et des apprentissages scolaires.
Il est pourtant utile dextraire de cet ensemble de théories les savoirs les plus utiles à lanalyse des pratiques et de les articuler à un entraînement méthodologique. Les travaux récents sur les compétences, lhabitus et les savoirs daction (Barbier, 1996 ; Le Boterf, 1994, 1997 ; Paquay et al., 1996 ; Perrenoud, 1996 a ; 1996 d) permettent, par exemple, dintégrer un grand nombre de notions et de regards disciplinaires. On peut appeler anthropologie de la pratique cet ensemble organisé de regards complémentaires.
Le savoir-analyser ne suse que si lon ne sen sert pas ! Certains enseignants layant acquis en formation initiale sen serviront quoi quil arrive, parce que la pratique réflexive est devenue une part de leur identité professionnelle. Dautres, sils sont parachutés dans un coin tranquille, cesseront de réfléchir, une fois dominées les difficultés des débuts. On sait que les enseignants, au gré de lavancement de leur carrière, sorientent vers les zones résidentielles et les filières nobles. On peut interpréter cette migration comme une fuite, un rêve de tranquillité. Dans ces zones et ces filières, il y a aussi des élèves qui souffrent, échouent ou abandonnent, mais pas assez pour mettre le système éducatif et le métier en crise.
Il serait donc absurde de développer la pratique réflexive durant la formation initiale pour cesser de sen soucier par la suite. Cest laffaire des inspecteurs, des chefs détablissements, de la formation continue, des syndicats, du corps enseignant en place. Débarquer dans un établissement dans une posture réflexive, pour sentendre dire quon ennuie tout le monde avec des questions que personne ne veut entendre, voilà qui suffirait à refroidir nombre de jeunes enseignants.
On peut donc souhaiter que la pratique réflexive soit la référence des innovateurs, des formateurs, des auteurs de moyens et de méthodes denseignement, des cadres et quon ne perde aucune occasion de la stimuler, en offrant des lieux et des ressources : séminaires danalyse de pratiques, groupes déchanges sur les problèmes professionnels, accompagnement de projets, supervision, aide méthodologique.
Argyris, C. (1995) Savoir pour agir, Paris, InterÉditions.
Argyris, C. and Schön, D.A. (1978) Theory in Practice : Increasing Professional Effectiveness, San Francisco, Jossey-Bass.
Altet, M. (1994) La formation professionnelle des enseignants, Paris, PUF.
Altet, M. (1996) Les compétences de lenseignant professionnel. Entre savoirs, schèmes daction et adaptation : le savoir-analyser, in Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. et Perrenoud, Ph. (dir.), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 27-40.
Altet, M. (dir.) (1998) Analyse dun dispositif de formation initiale des enseignants : le groupe de référence de lIUFM des Pays de la Loire, Université de Nantes, Centre de recherche en éducation et IUFM des Pays de la Loire.
Barbier, J.-M. (dir.) (1996) Savoirs théoriques et savoirs daction, Paris, PUF.
Beillerot, J. (1977) Un stage denseignants ou la régression instituée, Paris, Payot.
Blanchard-Laville, C. et Fablet, D. (dir.) (1996) Lanalyse des pratiques professionnelles, Paris, LHarmattan.
Blin, J.-F. (1997) Représentations, pratiques et identités professionnelles, Paris, LHarmattan.
Boumard, P. (1992) Métier impossible. La situation morale des enseignants, Paris, ESF.
Carbonneau, M. et Hétu, J.-Cl. (1996) Formation pratique des enseignants et naissance dune intelligence professionnelle, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud, Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 77-96.
Cifali, M. (1986) " Linfini éducatif : mise en perspectives ", dans Fain, M. et al. (dir.) Les trois métiers impossibles, Paris, Les Belles Lettres, Confluents psychanalytiques.
Cifali, M. (1994) Le lien éducatif : contre-jour psychanalytique, Paris, PUF.
Cifali, M. (1996 a) Démarche clinique, formation et écriture, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud, Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 119-135.
Dejours, Ch. (1993) Travail : usure mentale. De la psychopathologie à la psychodynamique du travail, Paris, Bayard Éditions.
Develay, M. (1996) Donner du sens à lécole, Paris, ESF.
Dubet, F. (1994) Sociologie de lexpérience, Paris, Seuil.
Faingold, N. (1993) Décentration et prise de conscience. Eude de dispositifs danalyse des situations pédagogiques dans la formation des instituteurs, Nanterre, Université Paris X, thèse.
Faingold, N. (1996) Du stagiaire à lexpert : construire les compétences professionnelles, in Paquay L., Altet M., Charlier E. et Perrenoud, Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, De Boeck, pp. 137-152.
Gather Thurler, M. (1992) Les dynamiques de changement internes aux systèmes éducatifs : comment les praticiens réfléchissent à leurs pratiques, Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Hargreaves, D. H & Hopkins, D. (1991) The Empowered School : The Management and Practice of School Development, London, Cassell.
Holborn, P. (1992) Devenir un praticien réflexif, in Holborn, P., Wideen, M. and Andrews, I. (dir.) (1992) Devenir enseignant. T II Dune expérience de survie à la maîtrise dune pratique professionnelle, Montréal, Les Éditions Logiques, pp. 85-103.
Imbert, F. (1992) Vers une clinique du pédagogique, Vigneux, Matrice.
Imbert, F. (1994) Médiations, institutions et loi dans la classe, Paris, ESF.
Imbert, F. (1996) Linconscient dans la classe, Paris, ESF.
Le Boterf, G. (1994) De la compétence. Essai sur un attracteur étrange, Paris, Les Éditions dorganisation.
Le Boterf, G. (1997) De la compétence à la navigation professionnelle, Paris, Les Éditions dorganisation.
Maulini, O. (1998) Explication et implication. La dialectique de la réflexion et de laction en formation initiale des enseignants, Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de léducation.
Meirieu, Ph. (1996) Frankenstein pédagogue, Paris, ESF.
Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. et Perrenoud, Ph. (dir.) (1996), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck.
Perrenoud, Ph. (1994 a) La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, LHarmattan.
Perrenoud, Ph. (1994 b) Travailler en équipe pédagogique, cest partager sa part de folie, Cahiers pédagogiques, n° 325, Juin, pp. 68-71.
Perrenoud, Ph. (1995) Dix non dits ou la face cachée du métier denseignant, Recherche et Formation, n° 20, pp. 107-124 (repris dans Perrenoud, Ph. Enseigner : agir dans lurgence, décider dans lincertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF, 1996, chapitre 3, pp. 69-85).
Perrenoud, Ph. (1996 a) Enseigner : agir dans lurgence, décider dans lincertitude. Savoirs et compétences dans un métier complexe, Paris, ESF.
Perrenoud, Ph. (1996 b) Linfime et lultime différence, in Bentolila, A. (dir.) Lécole : diversités et cohérence, Paris, Nathan, pp. 49-67 (repris dans Perrenoud, Ph., Pédagogie différenciée : des intentions à laction, Paris, ESF, 1997, pp. 73-86).
Perrenoud, Ph. (1996 c) La pédagogie à lécole des différences. Fragments dune sociologie de léchec, Paris, ESF, 2e édition.
Perrenoud, Ph. (1996 d) Le travail sur lhabitus dans la formation des enseignants. Analyse des pratiques et prise de conscience, in Paquay, L., Altet, M., Charlier, É. et Perrenoud, Ph. (dir.) Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ?, Bruxelles, de Boeck, pp. 181-208.
Perrenoud, Ph. (1996 e) Former les maîtres du premier degré à lUniversité : le pari genevois, in Lapierre, G. (dir.) Qui forme les enseignants en France aujourdhui ?, Grenoble, Université Pierre Mendès France, Actes des Assises de lA.R.C.U.F.E.F, pp. 75-100.
Perrenoud, Ph. (1996 f) Lanalyse collective des pratiques pédagogiques peut-elle transformer les praticiens ?, in Actes de lUniversité dété " Lanalyse des pratiques en vue du transfert des réussites ", Paris, Ministère de lÉducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, pp. 17-34.
Perrenoud, Ph. (1997) Pédagogie différenciée : des intentions à laction, Paris, ESF.
Perrenoud, Ph. (1998 a) De lalternance à larticulation entre théories et pratiques dans la formation des enseignants, in Tardif, M., Lessard, C. et Gauthier, C. (dir.). Formation des maîtres et contextes sociaux. Perspectives internationales, Paris, PUF, pp. 153-199.
Perrenoud, Ph. (1998 b) Le rôle des formateurs de terrain, in Bouvier, A. et Obin, J.-P. (dir.) La formation des enseignants sur le terrain, Paris, Hachette, pp. 219-241.
St-Arnaud, Y. (1992) Connaître par laction, Montréal, Les Presses de lUniversité de Montréal.
St-Arnaud, Y. (1995) Linteraction professionnelle. Efficacité et coopération, Montréal, Les Presses de lUniversité de Montréal.
Schön, D. (1983) The Reflective Practitioner, New York, Basic Books (trad. française : Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans lagir professionnel, Montréal, Les Éditions Logiques, 1994).
Schön, D. (1987) Educating the Reflective Practitioner, San Francisco, Jossey-Bass.
Schön, D. (1991) Cases in reflective practice, New York, Teachers College Press.
Schön, D. (1994) Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans lagir professionnel, Montréal, Les Éditions Logiques.
Schön, D. (1996) À la recherche dune nouvelle épistémologie de la pratique et de ce quelle implique pour léducation des adultes, in Barbier, J.-M. (dir.) Savoirs théoriques et savoirs daction, Paris, PUF, pp. 201-222.
Schön, D. (dir.) (1996) Le tournant réflexif. Pratiques éducatives et études de cas, Montréal, Les Éditions Logiques.
Tardif, J. (1996) Le transfert de compétences analysé à travers la formation de professionnels, in Meirieu, Ph., Develay, M,. Durand, C. et Mariani, Y. (dir.) Le concept de transfert de connaissances en formation initiale et en formation continue, Lyon, CRDP, pp. 31-46.
Vergnaud, G. (1990) La théorie des champs conceptuels, Recherches en Didactique des Mathématiques, vol. 10. n° 23, pp. 133-170.
Vergnaud, G. (1994) Le rôle de lenseignant à la lumière des concepts de schème et de champ conceptuel, in Artigue, M. et al. (éd.) Vingt ans de didactique des mathématiques en France, Grenoble, La Pensée Sauvage, pp. 177-191.
Vermersch, P. (1994) Lentretien dexplicitation, Paris, ESF.
Vermersch, P. et Maurel, M. (dir.) (1997) Pratiques de lentretien dexplicitation, Paris, ESF.
Weidler Kubanek, A.-M. et Waller, M. (1994) Poser des questions avec assurance, Pédagogie collégiale, vol. 8, n° 2, déc., pp. 13-17.
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_29.html
Téléchargement d'une version Word au format RTF :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1998/1998_29.rtf
© Philippe Perrenoud, Université de Genève.
Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou dans une publication imprimée ne peut se faire sans laccord écrit de l'auteur et dun éventuel éditeur. Toute reprise doit mentionner la source originale et conserver lintégralité du texte, notamment les références bibliographiques.
Autres textes : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/textes.html Page d'accueil de Philippe Perrenoud : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/ Laboratoire de recherche Innovation-Formation-Éducation - LIFE : |