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5 février 1999, pp. 26-31. |
Trois conditions
pour apprendre en cycles
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences de
léducation
Université de Genève
1999
Des situations non menaçantes
Un cycle dapprentissage est un espace-temps de formation dont la durée et les fonctions peuvent être définies de manières fort diverses (Perrenoud, 1998 c et d). Rappelons les thèses déjà énoncées à ce propos :
2. Un cycle dapprentissage ne peut fonctionner que sur la base dobjectifs de fin de cycle, qui constituent le contrat pour les enseignants, les élèves et les parents. 3. Il importe de développer dans les cycles pluriannuels plusieurs dispositifs ambitieux de pédagogie différenciée et dobservation formative. 4. La durée de passage dans un cycle doit être standard, pour forcer à différencier sur dautres dimensions que le temps et à ne pas favoriser un redoublement déguisé. 5. Un espace-temps de formation de plusieurs années ne peut atteindre ses buts que si les démarches et situations dapprentissage sont repensées dans ce cadre. 6. A lintérieur dun cycle, les enseignants sorganisent librement et diversement. Le système leur propose des outils à titre indicatif : balises intermédiaires, modèles dorganisation du travail et de groupement des élèves, outils de différenciation et dévaluation. 7. Il est souhaitable quun cycle dapprentissage soit confié à une équipe pédagogique stable, qui en soit collectivement responsable durant plusieurs années. 8. Les enseignants doivent recevoir une formation, un soutien institutionnel et un accompagnement adéquats pour construire de nouvelles compétences. 9. La quête dun fonctionnement efficace en cycles est une longue marche, à considérer comme un processus négocié dinnovation, qui sétale sur plusieurs années.
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Ces diverses composantes obligent à une réflexion sur les structures, les dispositifs, les calendriers, les espaces et les temps de formation. Or, le risque nest pas mince, dans cette complexité de perdre de vue lessentiel : la raison dêtre de lécole est de faire apprendre, tout le reste nest que moyen. Les cycles nont aucun intérêt sils ne permettent pas de placer davantage délèves, plus souvent, dans de meilleures conditions pour apprendre.
Ces conditions sont nombreuses. Je men tiendrai à trois grandes familles. Pour apprendre, il faut se trouver aussi souvent que possible :
Ces trois types de conditions sont également nécessaires. Reprenons-les une à une, en tentant de montrer en quoi des cycles peuvent contribuer à les réaliser sils sont délibérément conçus et gérés à cette fin.
Des situations non menaçantes
Une partie des menaces viennent dailleurs, lécole ne peut que faire avec. Dautres trouvent leurs racines dans la scolarité même. On ne peut les traiter de la même façon.
La misère et la violence du monde
Dans une partie de la planète, des dangers planent sur toute la population. Guerres entre nations, guerres civiles, vague dattentats ou génocides menacent certaines régions du monde. Il en va de même lorsquune catastrophe écologique menace : éruption volcanique, inondation, ouragan, tremblement de terre, grande pollution. Ou encore lorsquune épidémie décime une région, voire un continent. Les dangers ne concernent parfois quune fraction de la population, victime de discriminations ethniques ou religieuses, exposée à diverses formes de persécutions policières (dissidents, résistants. minorités) ou de terrorisme émanant de mouvements fanatiques.
Ces dangers nempêchent pas la vie quotidienne de se poursuivre, mais la peur népargne ni les adultes, parents ou enseignants, ni les enfants. On se demande rarement comment font les uns pour enseigner, les autres pour apprendre dans ces coins du monde où la vie nest pas garantie, où un missile, un commando en armes ou un désastre naturel peuvent interrompre la leçon. Les enfants juifs allaient à lécole sous le nazisme, comme les enfants de Londres en 1940, ceux de Tel-Aviv ou de Bagdad, plus récemment, entre deux raids aériens.
Les sociétés développées se sont, depuis la seconde guerre mondiale, largement mises à labri de ces dangers. Nous avons donc limage dune école paisible, lIrlande ou lex-Yougoslavie paraissant des régressions à un passé barbare. Linsécurité reste le lot du Tiers Monde.
Cela signifie-t-il que, dans les sociétés vivant en démocratie et en paix, préservées des catastrophes naturelles et des grandes épidémies, les écoliers se sentent en sécurité ? Il y dans chaque classe ou presque quelques enfants dont la vie nest pas tranquille pour des raisons moins globales :
Lécole nest pas responsable de la misère et de la violence du monde, ni des peurs qui laccompagnent. Elle ne peut en revanche les ignorer et doit comprendre quune partie des enfants qui viennent en classe ne sont pas " spontanément " en condition dapprendre. On peut, pour eux, aménager les exigences et les tâches, pour ne pas redoubler leur fardeau. De façon plus active, on peut tenter de faire de lécole une sorte doasis où les peurs sont " suspendues ", laissées au vestiaire comme les manteaux, pour être retrouvées à la sortie. Lêtre humain est assez complexe pour vivre de façon schizophrène, oublier ou mettre entre parenthèse ce qui le ronge. Cest parfois son salut. Du côté de lécole, il faut évidemment que les enseignants se donnent le droit, trouvent les mots et prennent les mesures qui conviennent, qui sont de lordre de la relation, du climat, de la parole et du non verbal. Les enseignants engagés dans des structures daccueils ou des classes spécialisées ont lhabitude de prendre en charge des enfants victimes de la guerre ou dautres tourments. Ils savent que reconstituer " un lieu où renaître " (Bettelheim, 1975), un lieu où on a le droit de vivre et dêtre soi-même, importe plus que le programme. Il nest pas sûr que les enfants qui vivent des drames plus " ordinaires " et plus cachés aient toujours droit aux mêmes égards dans des classes où le travail scolaire lemporte sur les états dâme.
Une organisation en cycles dapprentissage noffre pas ipso facto une réponse plus adéquate à ces élèves. Elle permet cependant une réflexion en équipe sur ces problèmes. Cette réflexion peut autoriser et encourager chacun à reconnaître que certains élèves ne sont pas en état dapprendre et à cesser de leur proposer des tâches insignifiantes, pour leur offrir des réponses dans le registre adéquat.
Dans une certaine mesure, un espace-temps de formation plus vaste quun degré rend possible des structures daccueil intégrées, légères, éphémères. On peut imaginer que chaque jour, une équipe de cycle parvienne, pour un moment, à offrir un lieu de parole ou de ressourcement aux élèves qui, pour une raison ou une autre, sont hors détat dapprendre parce quils ne vont pas bien. Les uns y viendraient de façon occasionnelle, dautres presque tous les jours.
Peur à lécole
Lécole ne saurait se mettre hors du monde. Elle est responsable, en revanche, des peurs quelle tolère ou engendre en son sein. Elle na jamais été un endroit entièrement pacifique. La " guerre des boutons " est aussi ancienne que lenfance et lécole ne peut " policer " les enfants assez vite et efficacement pour suspendre dans son enceinte toutes les bagarres, persécutions et autres violences quotidiennes entre eux. Elle a évidemment à prendre des mesures de sécurité pour éviter les drames, de linterdiction des couteaux et des armes à feu à la surveillance des espaces propices à la barbarie, les couloirs, les préaux, les garages à vélos par exemple.
Au-delà de ces mesures préventives ou répressives, la réponse est évidemment éducative, au sens le plus large. Pour une part, elle touche à la gestion des groupes, des horaires, des espaces, des circulations. Lécole-caserne (Oury et Pain, 1972) engendre de la violence par excès de contrôle social, mais le laxisme peut avoir les mêmes effets, dans létablissement ou dans la classe.
La création de cycles dapprentissage appelle une analyse nouvelle des sources de la violence dans lorganisation même de la vie quotidienne. Lorsque les élèves sont constamment ensemble, sous le regard du maître, dans lespace clos dune classe, le contrôle social est intense et peut provoquer des débordements compensatoires sur le chemin de lécole ou à la récréation. Des espaces-temps de formation plus vastes peuvent atténuer le contrôle social et la pression du groupe sur les personnes, affaiblissant donc la violence " réactive ". Dans le même temps, la complexité et la mobilité des groupements peut offrir une certaine impunité à des fauteurs de troubles. Il importe donc quen mettant en place des cycles, on veille à ne pas accroître linsécurité que vivent les élèves les plus angoissés ou les plus susceptibles de jouer le rôle de victimes dans les rapports de force entre enfants. Linstitution de lieux de débat (Perrenoud, 1998 a), de conseils de classes ou de cycles, de " petits parlements " à léchelle de létablissement est évidemment une voie plus séduisante que les dispositifs disciplinaires. Toutefois, la sagesse commande de jouer sur tous les tableaux et de limiter, y compris pour des raisons liées aux apprentissages, la part dincertitude et de flou dans lorganisation des temps et des espaces de travail.
Peur de lécole
Les enseignants préféreraient croire que lécole nest que le réceptacle impuissant de la misère et de la violence de la société, des familles, du monde économique. Hélas, une partie des élèves ont peur de lécole ou à cause delle.
Sur ces divers aspects, les cycles dapprentissage ne peuvent faire de miracles. Paradoxalement, parce quils peuvent aggraver les choses, ils ont aussi une chance de les améliorer, en obligeant à prendre conscience de risques qui, dans une organisation en degrés, sont banalisés ou restent inaperçus.
Des situations mobilisatrices
Pour apprendre, faut-il vraiment se trouver dans une situation mobilisatrice, porteuse de sens, qui provoque une activité dans laquelle lapprenant simplique personnellement et durablement ? Si tout le monde en était convaincu, lécole fonctionnerait autrement. Nous vivons encore sur des modèles qui associent les apprentissages scolaires au travail, à la patience, à la persévérance, voire à la souffrance et à lennui. Il nest donc pas inutile de revenir sur ces thèmes, quand bien même ils paraissent aujourdhui enfoncer des portes ouvertes.
Les cycles dapprentissage ne suscitent pas, par leur simple création, des situations dapprentissage plus mobilisatrices, porteuses de sens ou impliquantes. Leur vertu est double :
Examinons les trois composantes retenues - la mobilisation, le sens et limplication - sous ce double aspect.
La mobilisation
La mobilisation est au principe de toute pédagogie active : on apprend en faisant. Cela ne signifie pas quil faille à tout prix sengager dans une activité visiblement orientée vers un résultat, comme la construction dune figure, la résolution dun problème ou une opération de classement. Moins encore quil faille à tout prix mener une démarche de projet.
La mobilisation, cest dabord une tension vers un but, qui peut être de lordre de la compréhension, de lintégration cognitive, de la mise en relation de données et didées, de la construction dhypothèses, de la recherche dexplications, sans effets visibles, encore moins " concrets ". Sans doute ces opérations de lesprit exigent-elles un certain niveau dabstraction, donc laccession à la pensée formelle et une certaine capacité de concentration sur les idées, avec pour seul support des images mentales ou des notes sur une feuille, un tableau ou un écran. Les jeunes enfants se mobilisent dabord sur des actions plus concrètes. Toutefois, lessentiel nest pas dans le niveau dabstraction, mais dans la tension vers un but. Sans elle, le sujet ne se met pas en mouvement et na donc aucune chance dêtre confronté aux limites de ce quil maîtrise, donc aucune chance dapprendre.
Le sens
A lécole, les élèves ne cessent dêtre mis en mouvement, mais cest souvent parce quils nont pas le choix. Ou plus exactement parce que lalternative leur coûterait beaucoup plus cher ; refuser régulièrement les tâches assignées par les enseignants, cest entrer dans une épreuve de force dont peu délèves sortent indemnes. Ils parviennent parfois à leurs fins, mais au prix dune stigmatisation, de remontrances, de punitions, denvoi en appui, voire dune prise en charge médico-pédagogique.
On ne peut pas dire que travailler pour avoir la paix soit dénué de sens, mais ce sens tient à un calcul : éviter le pire. Mieux vaut, dans une organisation contraignante, feindre de travailler que dentrer en lutte contre le système. Apprendre le métier délève (Perrenoud, 1996), cest apprendre à ruser, à travailler " juste ce quil faut pour ne pas avoir dennuis ", à se mettre " en pilotage automatique ".
Cela suffit pour faire à peu près correctement les exercices et les devoirs que donne le maître. Peut-on apprendre de cette façon ? La mobilisation nimplique pas alors une véritable adhésion au projet, moins encore aux apprentissages visés. On peut de la sorte garantir dans une entreprise un salaire minimum, à lécole une moyenne suffisante. Une mobilisation aussi superficielle na deffets que sur des tâches de mémorisation ou de drill. On ne peut comprendre, s'approprier le savoir, construire des compétences sans se poser des questions, réfléchir par soi-même, sinvestir fortement dans la tâche. Il y faut un niveau plus élevé de mobilisation.
Ce nest possible que si le contenu de la tâche ou ses buts sont en eux-mêmes mobilisateurs, sils suscitent curiosité, désir, défi, adhésion personnelle, plaisir. Le sens nest pas alors extrinsèque, lié à un calcul, mais intrinsèque. On " se prend au jeu ". Cest à partir de ce seuil quon travaille sans sen rendre compte, sans ménager son temps et ses efforts, pour soi et non pour lécole, les enseignants ou les parents.
Csikszentmihalyi (1990, traduit par Barth, 1993, p. 155) associe la plénitude du sens à une " expérience optimale " qui se produit quand on est confronté à :
2. Lactivité exige une concentration profonde qui absorbe et canalise lattention.
3. Cette concentration est rendue possible parce que lactivité a un but précis et bien compris.
4. Lactivité donne lieu à un feed-back immédiat, car on sait quand le but est atteint, lactivité ayant un sens pour elle-même.
5. On agit en simpliquant complètement mais sans vraiment ressentir leffort comme quelque chose de douloureux.
6. On nest plus conscient des soucis et des frustrations de la vie quotidienne.
7. On a le sentiment dexercer un contrôle sur son action (et non pas dêtre contrôlé par elle, comme dans le cas dune dépendance, quelle quelle soit).
Csikszentmihalyi ajoute que " la combinaison de ces éléments se traduit par un si gratifiant sentiment de profond bien-être que le seul fait de pouvoir le ressentir justifie une grande dépense dénergie ".
Il serait irréaliste despérer quà tout instant chaque élève soit plongé dans un état aussi optimal. Même les créateurs les plus inspirés ont des passages à vide. Il reste à tendre vers cet idéal.
Limplication
Il est relativement facile de susciter la curiosité et le désir. Les vraies difficultés se présentent lorsque lélève est confronté aux premiers obstacles. Une partie des élèves qui napprennent pas entrent volontiers, voire avec enthousiasme, dans toute tâche de prime abord séduisante ou amusante, par exemple une énigme. Hélas, ils en sortent aussi facilement dès quils mesurent que la tâche les confronte à leurs limites, quil va leur falloir travailler, persévérer, et même apprendre pour en venir à bout. Or, le " temps passé sur la tâche " reste un des meilleurs garants dun apprentissage. Un feu de paille ne remplace pas une lente combustion !
Il ne suffit donc pas de " sensibiliser ", de " motiver ", de donner envie en faisant miroiter le mystère ou le désir de maîtrise. Les situations qui sous-tendent un apprentissage doivent maintenir limplication initiale en dépit des obstacles. Ce qui suppose non seulement un degré élevé dimplication, mais un rapport optimal entre ladhésion à un but et les moyens intellectuels du sujet.
Une occasion à ne pas manquer !
Travailler en cycles namène pas spontanément à réfléchir sur les tâches et les situations du point de vue du sens. Si léquipe de la Maison des Trois Espaces (1993) est sensible à cet aspect, cest parce quelle travaille avec des élèves en grandes difficultés et cherche du côté des pédagogies nouvelles autant que dune organisation en cycles. Il en va de même dans les écoles en innovation : si les cycles ne rencontrent pas un intérêt pour les méthodes actives et une sensibilité à la question du sens, il est fort possible quon retrouve dans ces nouveaux espaces-temps de formation les mêmes activités et situations dapprentissage que dans les classes organisées par degrés annuels.
Ce serait une occasion manquée, parce que les cycles permettent de travailler plus facilement par situations-problèmes, en modules centrés sur des objectifs délimités (Perrenoud, 1997) ou de développer des démarches de projets dans des groupes dâges mixtes réunis autour dun thème, voire à léchelle du cycle entier. Travailler avec plusieurs adultes, dans divers types de groupes, en multipliant les démarches accroît en principe les chances, pour chaque élève, de trouver " chaussure à son pied ". À condition de ne pas dissocier la réflexion sur les dispositifs et lingénierie de formation dune réflexion didactique sur les sens des activités et des savoirs.
Des situations sur mesure
Se sentir en sécurité, cest le socle de tout apprentissage complexe. Se mobiliser, construire du sens et rester impliqué est une seconde condition. Cela ne suffira pas si les tâches ne sollicitent pas chacun, aussi souvent que possible, dans sa " zone proximale dapprentissage ".
Je risque ce concept, qui fait pendant à celui de " zone proximale de développement " (Vygotsky, 1985, 1997) pour associer une formule à un constat banal : on ne sattaque sérieusement quaux obstacles franchissables. Si lélève reçoit une mission impossible, il va renoncer dès quil sen rendra compte, souvent très vite. Si on lui assigne une tâche quil maîtrise, il sen acquittera avec ennui ou plaisir, selon son caractère, mais il napprendra rien, ou simplement à aller un peu plus vite, un peu plus sûrement dans la résolution du problème.
On se trouve ici au cur de la pédagogie différenciée déjà évoquée et à laquelle on reviendra dans un nouvel article. Limitons-nous à pointer deux difficultés majeures :
Une didactique sur mesure
On ne peut, dit Meirieu (1990, 1995), adapter la tâche à lélève entièrement a priori, car cest lorsquil est confronté concrètement au problème quon peut identifier ce qui fait obstacle à sa réussite et surtout à sa compréhension. Il faut donc se défaire du fantasme du test préalable répartissant durablement les élèves en niveaux bien contrastés et repérés, chacun appelant des tâches dune complexité définie. Bien entendu, il faut que les tâches correspondent aux acquis antérieurs et au niveau de développement des apprenants : on ne peut comprendre la division avant laddition, ni assimiler la notion de fraction ou de subjonctif à huit ans. Ces ajustements élémentaires relèvent en principe des programmes et des objectifs spécifiques dun degré ou dun cycle. A lintérieur dun cycle, on peut encore distinguer des étapes et des niveaux. À lintérieur dun groupe globalement homogène. ce nest plus le niveau général de développement ou dacquisition qui fait la différence, mais le lien spécifique entre le capital de connaissances, le rapport au savoir et la tâche. Le véritable défi est alors de concevoir une différenciation interne.
Cest là quinterviennent limagination didactique et la capacité dobservation. Il faut proposer une tâche aussi plausible que possible à chacun et regarder ce qui se passe. Il nest pas simple de percevoir rapidement et sûrement si elle est optimale. Si elle ne lest pas, il est plus difficile encore de comprendre pourquoi, autrement dit quels sont les obstacles pour lélève. Cela demande une démarche métacognitive et un référentiel didactique assez pointus. Ensuite, il faut imaginer soit un aménagement de la situation, soit une orientation vers une tout autre tâche. Il nest pas facile de savoir quand lobstination méthodique bascule vers lacharnement pédagogique. Ni dinventer des stratégies didactiques appropriées.
Une gestion de cycle optimisée
Face à un seul élève, disposant de tout le temps voulu, de conditions de travail satisfaisantes, loptimisation des situations didactiques ne va pas de soi, même pour un enseignant disposant dune excellente formation en didactique, en méta cognition et en observation formative. Or, ces critères sont loin dêtre satisfaits dans la réalité scolaire quotidienne. La création de cycles ne modifie pas le rapport entre nombre denseignants et nombre délèves. Même si chaque élève nest pas constamment un cas " à part ", il faut multiplier les opérations et les raisonnements dans un temps limité, avec des compétences qui restent pour une part à développer.
Doù limportance de dispositifs et dune organisation du travail optimisant lusage des ressources et la division des tâches. La question est simple : comment instaurer un système de suivi et de décision qui fasse en sorte que chaque élève soit placé aussi souvent que possible dans une situation optimale pour lui ? Cette question na aujourdhui aucune réponse satisfaisante, mais elle permet dévaluer sous cet angle nimporte quelle organisation du travail.
Références
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Barth, B.-M. (1993) Le savoir en construction, Paris, Retz, pp. 154-155.
Bettelheim, B. (1975) Un lieu où renaître. La somme de trente ans dexpérience à lécole orthogénique de Chicago, Paris, R. Laffont.
Csikszentmihalyi, M. (1990) Flow, the Psychology of Optimal Experience, New York, Harper and Row.
Maison des Trois Espaces (1993) Apprendre ensemble, apprendre en cycles, Paris, ESF.
Meirieu, Ph. (1989) Itinéraires des pédagogies de groupe. Apprendre en groupe ? I, Lyon, Chronique sociale, 3e éd.
Meirieu, Ph. (1989) Outils pour apprendre en groupe. Apprendre en groupe ? II, Lyon, Chronique sociale, 3e éd.
Meirieu, Ph. (1990) Lécole, mode demploi. Des " méthodes active " à la pédagogie différenciée, Paris, ESF, 5e éd.
Meirieu, Ph. (1995) Différencier, cest possible et ça peut rapporter gros, in Vers le changement espoirs et craintes. Actes du premier Forum sur la rénovation de lenseignement primaire, Genève, Département de linstruction publique, pp. 11-41.
Oury, F. et Pain, J. (1972) Chronique de lécole-caserne, Paris, Maspéro.
Perrenoud, Ph. (1996) Métier délève et sens du travail scolaire, Paris, ESF, 3e éd.
Perrenoud, Ph. (1997) Pédagogie différenciée : des intentions à laction, Paris, ESF.
Perrenoud, Ph. (1998 a) Le débat et la raison, Éducateur, n° 12, 5 novembre, pp. 22-26
Perrenoud, Ph. (1998 b) Le mieux est lennemi du bien ! Que conseiller aux parents pour faire face aux éventuelles difficultés scolaires de leurs enfants ?, Éducation Enfantine, n° 3, novembre, pp. 71-76.
Perrenoud, Ph. (1998 c) Les cycles dapprentissage : une auberge espagnole ?, Éducateur, n° 13, 27 novembre, pp. 25-28.
Perrenoud, Ph. (1998 d) Les cycles dapprentissage, de nouveaux espaces-temps de formation, Éducateur, n° 14, 18 décembre, pp. 23-29.
Vygotsky, L.S. (1985) Le problème de lenseignement et du développement mental, in Schneuwly, B. et Bronckart, J.-P. (dir.) Vygotsky aujourdhui, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.
Vygotsky, W. (1997) Pensée et langage, Paris, La Dispute.
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