|
Perrenoud, Ph. (2005).
Différencier : un aide-mémoire en quinze points.
Vivre le
primaire, n° 2, mars-avril, 34.
|
Différencier : un aide-mémoire en quinze
points
Philippe Perrenoud
Faculté de psychologie et des sciences
de l'éducation
Université de Genève
2005
Il est risqué de réduire un problème complexe à
quelques principes. Mais c'est aussi une manière d'aller à
l'essentiel, tel évidemment que je conçois. Tout cela se
discute :
-
- La différenciation se situe résolument dans la
perspective d'une " discrimination positive ", d'un
refus de l'indifférence aux différences et d'une politique de
démocratisation de l'accès aux savoirs et aux compétences. Elle
vise donc en priorité les élèves qui ont des difficultés
d'apprentissage et de développement. C'est un choix politique
avant d'être pédagogique.
- La différenciation pédagogique porte sur les
moyens et les modalités de travail, pas sur les objectifs de
formation, ni sur les ambitions implicites que l'enseignant
développe à propos de chaque élève. Ce qui suppose cependant une
centration sur les objectifs essentiels dans une vision
stratégique de l'ensemble de la scolarité.
- La différenciation n'est pas synonyme de respect
inconditionnel des différences, car le projet de l'école est de
permettre à chacun d'accéder à une culture scolaire commune, celle
de l'éducation de base, par exemple la culture de l'écrit, de
l'argumentation, de la formalisation mathématique.
- Ce n'est ni une méthode, ni un dispositif
particulier, mais une préoccupation, qui devrait concerner toutes
les méthodes, tous les dispositifs, toutes les disciplines, tous
les niveaux d'enseignement.
- La différenciation ne peut ni ne doit aboutir à un
enseignement entièrement individualisé. Individualiser les
parcours de formation en travaillant en groupes, s'appuyer sur les
interactions sociocognitives, tel est le défi.
- La différenciation se traduit au bout du compte
par la qualité, la pertinence, le sens, la fécondité des
situations d'apprentissage tout au long de la semaine et de
l'année scolaires.
- Elle passe par une autre organisation du travail
scolaire, susceptible d'optimiser les situations d'apprentissage,
si possible pour tous les élèves, en priorité pour ceux qui ont
des difficultés.
- Les cycles pluriannuels sont des structures
favorables à une organisation du travail plus flexible et plus
coopérative (groupes de besoin, groupes de niveaux, groupes
multiâge, soutien intégré).
- Il n'y a pas de différenciation sans observation
formative, critériée, comparant chaque élève aux objectifs de
formation plutôt qu'à ses camarades de classe.
- On ne peut identifier d'avance les besoins et les
acquis des élèves, pour leur administrer un traitement ad hoc
conçu d'avance ; il faut les engager dans des
situations-problèmes ou des projets, qui les confrontent à des
obstacles, dont le dépassement devient l'objectif à court terme et
pilote des interventions différenciées de l'enseignant.
- Allonger le temps des études n'est pas la
solution, le temps n'est pas la principale ressource, il ne s'agit
pas d'apprendre " à son rythme ", plutôt d'apprendre à
un rythme relativement standard, mais soutenu de façon
différenciée par les enseignants ; ce qu'il faut
différencier, c'est la part d'investissement subjectif,
d'intelligence professionnelle, de créativité, d'enseignement
stratégique, de prise en charge personnalisée dévolue à chaque
élève.
- La différenciation pédagogique se pose quel que
soit le curriculum en vigueur, mais ce dernier peut moduler la
distance entre la culture scolaire et la culture des élèves et de
leurs familles.
- La différenciation pédagogique exige non seulement
la maîtrise de dispositifs, mais une formation pointue en
didactique , en évaluation, en métacognition, compétences sans
lesquelles on ne saura ni s'écarter des situations les plus
conventionnmelle, ni piloter les processus d'apprentissage.
- La différenciation doit être pensée et mise en
œuvre en équipe, pour confronter plusieurs regards sur les élèves,
diviser le travail, gérer plusieurs groupements, travailler les
objectifs et les outils ensemble.
- La différenciation pédagogique suppose une
solidarité entre élèves et entre familles, donc leur adhésion
réfléchie à l'idée de discrimination positive.
Inutile de dire qu'il n'y a pas de recette et que
différencier est l'affaire de professionnels réflexifs, qui pensent
que l'échec n'est pas une fatalité et que leur intervention peut
" faire la différence ".
Pour en savoir plus :
Perrenoud, Ph. (2002). Les cycles
d'apprentissage. Une autre organisation du travail pour combattre
l'échec scolaire. Sainte-Foy : Presses de l'Université du
Québec.
Perrenoud, Ph. (2004). Pédagogie
différenciée : des intentions à l'action. Paris :
ESF, 3e éd.
Début
Source originale :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2005/2005_03.html
Téléchargement d'une version PDF :
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2005/2005_03.pdf
© Philippe Perrenoud, Université de Genève.
Aucune reprise de ce document sur un site WEB ou
dans une publication imprimée ne peut se faire sans l'accord écrit
de l'auteur et d'un éventuel éditeur.
Toute reprise doit mentionner la source
originale et conserver l'intégralité du texte, notamment les
références bibliographiques.
Début