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Séminaire LIFE : Organisation du travail scolaire

 

 

 

Comment j'ai organisé mon travail et le travail
des étudiants dans l’atelier : récit de pratique

 

Andreea Capitanescu

2002

 

Atelier préparé et animé dans le cadre du module de formation EAT 1 Approches transversales 1 Relations et situations éducatives complexes, diversité des acteurs (Licence Mention Enseignement)

Durée de l'atelier : une heure et demie

Thème :

Au-delà de la classe : les groupements d’élèves dans un enseignement différencié "


Tout d'abord, je me suis inscrite dans le champ d'étude et de développement avec lequel je me sens plus proche en lectures et en écriture (écriture de mémoire). De même, étant assistante de Philippe Perrenoud, je sais que la problématique de la différenciation pédagogique est amplement traitée au premier cycle, en tronc commun, cursus quasi obligatoire pour tous les étudiants. Donc, je suis amenée avec ma collègue Danielle Bonneton à intervenir sur la construction de cet objet avec les étudiants.

L'atelier d'EAT 1 est un atelier que je reproduis, qui n'est pas une nouveauté ni pour le programme ni pour moi. Malgré cela, je n'ai gardé que l'intitulé dans l'esprit et j'ai recomposé le contenu de l'atelier. Je ne me suis pas référé aux traces éventuelles de l'année passée. J'ai gardé le titre, le paragraphe explicatif et j'ai recommencé la construction de l'atelier.

Une question m'obsédait durant toute la préparation : que savent les étudiants de la pédagogie différenciée et que veulent-ils savoir de plus ? ou qu'est-ce que ces étudiants ont déjà appris au premier cycle ? qu'ont-ils vu, observé, dépisté sur le terrain scolaire ? qu'ont-ils lu sur le sujet ? J'avais déjà pensé à demander aux étudiants une définition de la pédagogie différenciée : d'où ça vient, les origines, pourquoi, des dispositifs, des attitudes d’ouverture ou de résistance à la pédagogie différenciée. Je l'avais déjà fait l'année dernière et je trouvais que leurs représentations étaient assez vagues. Je me suis dit que ce serait plus économique de ne pas travailler sur les représentations de la pédagogie différenciée in abstracto mais que dans le dispositif prévu dans l'atelier, nous allions empoigner ce même problème dans une situation plus réelle, plus proche de la vie de l’école et plus complexe. Je pensais que dans le cadre du groupe de base ces questions vont être reprises à travers les situations éducatives complexes. Je voulais travailler sur l'exemple du Journal scolaire (d'origine Freinet mais diffusé à large échelle dans de nombreuses écoles), comme dispositif de la pédagogie différenciée, dans la deuxième partie de l'atelier. J'ai choisi le journal scolaire à la fois pour le relier à Freinet et interroger ce qui l'a complètement détaché de la cohérence de Freinet dans une extension dans le système scolaire.

De plus, pour moi un atelier représente l'espace de travail, de traitement et de recherche de certaines questions à la fois d'une manière plus approfondie et dans un temps très court. Tout en sachant qu'il n'y a pas d'"avant" et d'"après" dans l'atelier des questions plus générales concernant son utilité, son sens, sa définition ont surgi durant la préparation. L'atelier pourrait être un moment pour stabiliser une notion, un concept, un regard fixé sur un objectif plus spécifique. Mais cela reste une interprétation de ma part, peut-être pas partagée par l’équipe des formateurs, sans que l'on ait traité la question d'une manière plus approfondie entre collègues du module de formation. Comment les autres collègues formateurs interprètent le but d'un atelier, cela m'intéresse ! Bien que j'aie participé aux réunions de la préparation du module, il y a peut-être des questions entières qui ont déjà été traitées auparavant avant mon insertion professionnelle. Dans cette place de travail, j'ai donc pris le "train en route" héritant à la fois des logiques explicites de formation (dans les textes officiels présentant le module, dans les textes internes résumant les séances de préparation du module de formation) et des logiques implicites (dans les échanges entre collègues avant ou après les ateliers, dans la supervision que j’ai demandé à une collègue dans les années précédentes). Celle ou celui qui débarquerait dans le module de formation EAT 1 actuellement, devrait soit s'insérer d'une manière fonctionnelle à remplir quelques plages horaires dans une logique prestataire ou reconstruire la logique de formation intégrative des compétences de chacun. Si les espaces de construction collective existent, l'intégration en sera facilitée, comme le fut pour moi dans les espaces de discussion collective dans le processus de construction du module.

 

En préparant l'atelier, j'ai longuement regardé la liste et les contenus des autres ateliers présentés par les collègues. Tous intéressants, ils vont dans tous les sens, ils embrassent beaucoup d'objets et donc on a l'impression que l'on n'est pas du tout lié et contraint par les autres mais que chacun fait son atelier en pouvant ignorer les autres. À l'heure actuelle, les ateliers c'est le marché libre et concurrentiel. Les critères de choix des ateliers par les étudiants sont divers : les personnes qui animent, les sujets qui se rapprochent de la pratique, etc. Les chargés d'enseignement qui animent les ateliers voient certainement un aller-retour entre les ateliers et les groupes de base, mais comment le pensent-ils cet aller-retour ? Mais comme je n'investis pas le groupe de base régulièrement ou pas du tout, le lien avec l'atelier et la suite de leur travail dans les groupes de base n'est pas évident et reste à construire. Je l'imagine car j'ai vécu le parcours de formation de l’intérieur en tant qu'étudiante et dans les coulisses de la préparation depuis trois ans en tant que membre du module EAT 1.

 

Pour l’atelier, j'investis un thème, avec quelques axes forts et le reste pourrait m'être indifférent et je dis bien "pourrait". Mais la recherche de cohérence et de logique de formation est malgré tout permanente. Est-ce qu'on optimise vraiment les apports des ateliers dans la configuration actuelle ? Pour moi, j'avais besoin de me dire pour préparer cet atelier : "je travaille surtout ça parce que c'est à côté de ça et que ça c'est tel ou tel qui le fait et que moi je continue dans cette direction et que ça va être repris dans cette configuration, etc." Je trouvais que l'offre des ateliers est large et non organisée conceptuellement bien que très bien argumentée. Pour travailler d'une manière plus cohérente et rationnelle pour moi, j'aurais eu besoin de creuser la question d'une manière collective dans le module, ce qui a été partiellement fait : pourquoi on met en place autant d'ateliers sans penser les concepts clefs que l'on veut faire passer aux étudiants. Sans hiérarchiser tous les ateliers, ne pourrait-on pas travailler davantage sur quelques concepts-clefs que l’on veut absolument construire avec les étudiants ? Construire collectivement dans le module EAT 1, une liste de concepts essentiels et incontournables que l'on veut savoir comme acquis pour les étudiants, est-ce faisable ? Mais dans la préparation, sans être dans un vide institutionnel total, je me retrouvais "seule" avec un thème et une logique globale de formation travaillée constamment dans la préparation du module EAT 1 ; une logique globale de formation qui me laisse beaucoup de liberté, en tout cas en théorie, de proposer n'importe quel atelier et n'importe quelle entrée, selon les goûts, les lubies et les envies du moment car tout fait partie de loin et de près à la complexité du métier d'enseignant. Mais dans un scénario fictif qui prendrait comme option d'animer tous les ateliers par des personnes éloignées des enseignements du module, je fais l'hypothèse qu'il y aurait fortement besoin de régulation collective afin d'expliciter les enjeux de formation, qu'est-ce qu'on veut particulièrement toucher, dans quel sens on veut avancer, etc. Sinon, un risque latent subsiste : l'existence de deux mondes parallèles qui ne profitent pas l’un de l’autre ; et ne se complètement pas mutuellement : le monde des ateliers et le monde des groupes de base.

Dans la construction de l'atelier, j'ai donc énuméré, pour moi, quelques points clefs que j'ai voulus retravailler dans l'atelier : les origines des pédagogies différenciées, le combat contre l'échec scolaire, les thèses du CRESAS, le rapport de Waloo Hutmacher, les dispositifs mis en place, quelques exemples dans le système scolaire genevois. La même question revenait : sur quoi creusent les étudiants et les chargés d'enseignement dans les groupes de base afin de ne pas me répéter.

J'avais surtout à l'esprit les classifications de Louis Legrand dans La différenciation de la pédagogie ; les deux ouvrages de Philippe Meirieu Les pédagogies de groupe et outils pour apprendre en groupe et l'ouvrage de Philippe Perrenoud : Les pédagogies différenciées : des intentions à l'action. J'avais feuilleté aussi des ouvrages de synthèse sur la question.

Dans le livre de Legrand, je trouvais le pôle structurel, une énumération de dispositifs, de tentatives, la différenciation pédagogique comme un construit social, les différentes formes que l'école ou la forme scolaire a connues. Dans l'ouvrage de Ph. Perrenoud, je trouvais plutôt le pôle de l'enseignant, acteur de cette pédagogie et les obstacles qu'il y rencontre lors de sa mise en place et sur le lien pédagogie différenciée et la construction des savoirs (la construction des compétences, la question du transfert) ; les questions sur la mise sur pied des cycles d'apprentissage).

J'ai écrit sous forme de mots-clefs ou des demi-phrases les points que je voulais présenter dans l'atelier.

L'atelier était prévu en deux parties égales : une partie transmissive et rapide de tous ces points ci-dessus mentionnés car considéré comme acquis au premier cycle et une partie d'exercice pratique en équipe de trois et suivie d'une mise en commun (critique collective). L'exercice consistait à imaginer la mise en place et l'organisation d'un journal scolaire dans une école fonctionnant en cycle d'apprentissages, à 8 classes de 4 à 8 ans. En quoi, il y a de la différenciation pédagogique dans l'écriture d'un journal scolaire ? Nous avons eu peu de temps pour exploiter la question, mais on avait abordé la division du travail dans le journal : qui écrit, qui fait partie du groupe rédactionnel et en fonction de quoi ? pourquoi cette pratique pour différencier ?

Ce que j'ai pu entendre : les étudiants-stagiaires observent dans les classes la différenciation pédagogique dans ses formes les plus visibles et formelles dans la classe , c’est-à-dire le plan de travail (existence de formulaires, de panneaux, etc.) ; aussi parce qu'il s'agit de dispositifs dans lesquels tous les élèves ne sont pas obligés de faire la même chose en même temps.

Fabrication de la trace pour leur port-folio, la consigne étant : "Qu'est-ce qui est encore opaque et obscur dans la pédagogie différenciée pour moi et quelles sont les pistes que je veux encore approfondir ?"

J'ai montré dans le groupe quelques ouvrages et revues sur les pédagogies différenciées, traitant des dispositifs, des groupements d'élèves.