Journal n°143

Sur un petit air de roots reggae

image-2.jpg«Emancipate yourself from mental slavery, none but ourselves can free our mind.» La chanson de Bob Marley est emblématique de la place centrale qu’occupe la mémoire du système esclavagiste dans le reggae, notamment dans son volet militant et engagé (le roots reggae).

Invité par le Festival Histoire et Cité, Marc Ismail, spécialiste de la musique jamaïcaine, se prêtera au jeu de l’analyse de textes lors d’une conférence sur le sujet le 23 mars prochain à Uni Dufour. «Près de 90% de la population jamaïquaine est descendante d’esclaves, la thématique apparaît ainsi en filigrane dans de très nombreuses chansons de roots reggae, explique-t-il. Ce genre musical est avant tout un véhicule majeur pour les rastas. Les textes sont dominés par leur vision du monde: l’affirmation de l’africanité de tous les Noirs, la souffrance de la culture perdue et l’appel au retour en Afrique des descendants d’esclaves. En évoquant les conditions de vie des Jamaïquains ou en critiquant la politique du gouvernement, les artistes de roots reggae font également office de chroniqueurs sociaux.»

Si on n’entend plus claquer le fouet, les chaînes sont toujours dans les esprits

Lors de son intervention, Marc Ismail se concentrera sur une dizaine d’extraits de morceaux représentatifs du répertoire, par exemple l’emblématique Slave Driver de Bob Marley (1973). «Si la chanson revient sur l’esclavage historique en évoquant le son des coups de fouet, elle parle également de sa permanence. L’oppression n’est pas terminée, elle a seulement changé de forme. Aujourd’hui, l’esclavage est économique ou mental. Si on n’entend plus claquer le fouet, les chaînes sont toujours dans les esprits», rapporte Marc Ismail.

Omniprésente dans les œuvres, la mémoire du système esclavagiste se révèle toutefois paradoxale. «Les nombreuses révoltes d’esclaves ne sont par exemple jamais évoquées dans les morceaux de roots reggae, constate l’historien. C’est parce que la thématique n’était simplement pas enseignée dans les écoles dans les années 1950, quand la Jamaïque était encore une colonie anglaise. Les connaissances des artistes dans le domaine sont ainsi très lacunaires.»

À noter qu’à l’issue de la conférence, le film «The harder they come» – qui raconte l’histoire d’un jeune paysan parti à Kingston avec l’ambition de devenir chanteur de reggae à succès – sera projeté à l’Auditorium Arditi. —

Vendredi 23 mars, de 17h à 18h
Uni Dufour, salle U259