Journal n°143

Les réseaux de neurones sont altérés chez les enfants autistes de 3 ans

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Une équipe de médecins genevois s’est penchée sur le cerveau d’enfants de 3 ans atteints de troubles du spectre autistique (TSA). À l’aide d’électrodes placées sur le cuir chevelu ainsi que d’un dispositif permettant de suivre la direction du regard, Holger Sperdin, collaborateur scientifique au Département de psychiatrie (Faculté de médecine), et ses collègues ont enregistré l’activité cérébrale et les mouvements des yeux de leurs jeunes patients lors de visionnements de séquences vidéo contenant des stimuli «sociaux» (visages, gestes, interactions...).

Comme l’indique un article paru le 27 février dans la revue eLife, les petits autistes n’explorent pas ces images de la même manière que les enfants ne souffrant pas de ce handicap. Leur système nerveux central ne répond pas non plus de manière identique. Les chercheurs ont en effet mis en évidence, chez les enfants atteints de TSA, des altérations importantes de la connectivité et du flux d’informations entre les régions spécifiques du cerveau dit social.

Les nouveau-nés sont naturellement attirés par les voix, les visages et les gestes

«C’est la première fois que l’on a pu démontrer l’existence de ce type d’altérations chez des enfants en bas âge présentant un TSA, commente Marie Schaer, professeure assistante au Département de psychiatrie, qui a dirigé ces recherches. Ces altérations se manifestent dès les premiers stades du trouble, ce qui justifie que l’on poursuive nos recherches afin de déterminer si des interventions thérapeutiques, menées à cet âge critique où la plasticité neuronale est maximale, sont à même d’améliorer le développement du cerveau social.»

Les nouveau-nés sont naturellement attirés par les voix, les visages et les gestes. Prêter attention à ces expressions leur permet d’apprendre à interagir avec ceux qui les entourent. Cet apprentissage passe par le développement de réseaux de connexions neuronales reliant différentes parties du cerveau.

Cependant, dans leur première année de vie, les enfants qui développeront plus tard un TSA se distinguent par le fait qu’ils sont moins intéressés par ces signaux sociaux. Cette indifférence précoce entraîne plus tard un déficit social qui se caractérise par des difficultés plus ou moins prononcées à comprendre le comportement des autres personnes ou à s’engager dans une interaction sociale.

Les chercheurs ignorent encore pourquoi les enfants atteints de TSA sont, au départ, moins sensibles à ces signaux.

Les chercheurs ignorent encore pourquoi les enfants atteints de TSA sont, au départ, moins sensibles à ces signaux. Mais il est vraisemblable, selon eux, que cette indifférence exerce  assez rapidement une influence délétère sur le développement des réseaux neuronaux impliqués dans le comportement social. C’est justement pour s’en convaincre que l’étude genevoise a été réalisée.
Les chercheurs ont réussi à installer les appareils de mesure et à réaliser les expériences sur 36 enfants de 2 à 4 ans (dont 18 atteints de TSA) sur les 120 participants.

Le dispositif oculométrique (eye-tracker) a ainsi mis en évidence, notamment dans l’exemple d’une vidéo montrant un enfant en train de jouer (voir image ci-dessus), que les petits atteints de TSA focalisent leur regard sur des endroits assez épars tout autour de la tête du protagoniste. Les enfants ne souffrant pas de cette affection concentrent, eux, leur vision clairement au centre du visage.

L’analyse fonctionnelle basée sur les mesures effectuées à l’aide de l’électroencéphalogramme a révélé, chez les enfants atteints de TSA, des anomalies dans deux fréquences d’ondes cérébrales spécifiques (alpha et thêta), ainsi que dans la connectivité entre certaines régions du cerveau social. La fréquence thêta ainsi que les régions cérébrales touchées sont des composantes importantes du «cerveau social». La fréquence alpha, elle, joue un grand rôle dans l’attention visuelle

L’étude a aussi montré que les enfants atteints de TSA mais dont les symptômes sont moins sévères regardent les images davantage à la manière des enfants non autistes. Ils présentent également moins d’altérations dans les connexions neuronales. —