Méthodes et problèmes

L'autoportrait

Natacha Allet, © 2005
Dpt de Français moderne – Université de Genève

I.1.3. L'autoportrait en creux de Saint Augustin

À une autobiographie spirituelle, religieuse, succède ainsi un autoportrait, – mais un autoportrait paradoxal, un autoportrait en creux, où le moi est absent. Augustin en effet ne dit rien de lui-même, malgré son intention affichée de révéler qui il est dans le présent de son écriture, et il se laisse aller à méditer sur la mémoire et l'oubli, à décrire un espace intérieur, à le parcourir; la mémoire est près de se confondre sous sa plume avec l'intériorité au sens large, elle est assimilée à un vaste palais où sont déposées les images nées de la perception et de l'expérience (les sensations, les sentiments) et les connaissances intellectuelles (les notions); en cheminant dans cet édifice, en explorant ses recoins, Augustin se révèle être en définitive à la poursuite non de lui-même mais de Dieu qu'il cherche au dehors, puis au dedans de lui. En somme, si l'on en croit Beaujour, le Xème livre des Confessions est un modèle, une épure, une structure vide dont les autoportraits modernes sont des variantes, compte tenu de la rupture idéologique que représente la Renaissance en ce qui concerne la conception de l'individu: l'homme dans les Rêveries ou la Règle du jeu aurait simplement pris la place réservée à Dieu dans l'ouvrage de Saint Augustin.

L'autoportrait apparaît donc clairement, suite à ces quelques remarques, comme une forme littéraire beaucoup plus hétérogène et beaucoup plus complexe que la narration autobiographique.

Edition: Ambroise Barras, 2005