Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Mais, ce qui est remarquable, c'est qu'elle n'a jamais pu s'imposer sans susciter de grandes réticences, réticences qui se manifestent dès le XVIIe siècle et jusqu'à nos jours. Stendhal dit abhorrer la description matérielle
. Paul Valéry voit dans la description une denrée qui se vend au kilo
et André Breton, en 1929, s'indigne dans le Manifeste du surréalisme:
Et les descriptions! Rien n'est comparable au néant de celles-ci; ce n'est que superpositions d'images de catalogue, l'auteur en prend de plus en plus à son aise, il saisit l'occasion de me glisser ses cartes postales, il cherche à me faire tomber d'accord avec lui sur des lieux communs!
La description est donc suspecte de nuire à la littérature. Que lui reproche-t-on exactement? d'abord d'être anti-poétique, à cause des lexiques trop techniques qui n'aident pas le lecteur à se représenter les objets désignés. On l'accuse aussi d'être arbitraire dans ses dimensions: effectivement, une description n'a aucune raison de s'arrêter, elle est toujours virtuellement interminable. Enfin, on la considère comme étrangère à la structure organique des œuvres littéraires puisqu'elle s'en détache facilement pour former des morceaux choisis ou fragments d'anthologie (si ce n'est des dictées…).
Edition: Ambroise Barras, 2004