Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Pour y voir plus clair, il nous faut passer par une délimitation de la description. Apparemment la définition de la description est simple. Un récit se compose deux types représentations: des représentations d'actions et d'événements d'une part, et d'autre part des représentations d'objets, de lieux, de personnages. Ce sont ces dernières que nous appelons des descriptions.
Cette distinction semble très claire. Mais, dans la pratique, elle est un peu plus difficile à cerner. En effet, nous voyons clairement où commence une représentation d'action: dès qu'apparaît un verbe d'action qui s'applique à un agent animé. Mais il est peut-être moins évident de définir où commence une description. Réfléchissons sur un exemple inspiré de Frontières du récit de Gérard Genette. Soient ces deux énoncés:
Le premier énoncé est clairement descriptif. Il ne comporte aucune représentation d'action; en revanche, il évoque plusieurs objets (maison, toit, volets) et les qualifie par des adjectifs. Il ne fait pas de doute que le second est narratif puisqu'il comporte deux verbes d'action qui s'appliquent à un sujet animé, mais est-il purement narratif? À y regarder de plus près, il comporte la désignation de trois substantifs (homme, table, couteau) qu'on peut déjà considérer comme des amorces de description d'une scène. La simple nomination d'être animés ou inanimés a une valeur descriptive, et d'autant plus que terme est plus spécifique: cabriolet
est plus descriptif que voiture
. De même pour les verbes d'action: saisir
est plus descriptif que prendre
.
Donc, on peut imaginer une description pure, où il ne se passerait absolument rien, mais on peut difficilement concevoir une narration pure, où absolument rien ne serait décrit. De ce point de vue, la description semble bien avoir une position dominante dans le discours littéraire. Cependant, dans la réalité des œuvres littéraires, c'est l'inverse: on ne rencontre quasiment pas de pures descriptions, elles apparaissent presque toujours dans la dépendance d'un récit.
Edition: Ambroise Barras, 2004