Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Plus généralement, on peut parler d'une fonction symbolique de la description chaque fois qu'elle est utilisée comme signe d'autre chose que ce qu'elle décrit. Ainsi, chez Balzac, la physionomie, l'habillement, l'ameublement et tout l'environnement des personnages révèle leur psychologie et la justifie. Au fondement de cette relation, il y a une théorie implicite du milieu: les êtres sociaux, comme les êtres vivants, sont en adéquation avec le milieu où ils vivent et par conséquent sont interprétables à partir de lui. On sait comment, dans Le Père Goriot, Balzac fait de la pension Vauquer le symbole de ses occupants.
Cette fonction symbolique prend parfois une valeur annonciatrice (ou encore proleptique). La description n'est plus alors seulement symbole de significations immédiates, elle préfigure ce qui va advenir du personnage ou de l'action dans la suite du récit. Dans À Rebours de Huysmans, Des Esseintes, le personnage principal se fait livrer des fleurs rares qui sont longuement décrites: beaucoup ont l'allure fantastique et répugnante de chancres syphilitiques. Peu après, Des Esseintes fait un cauchemar au cours duquel il voit apparaître le spectre de la Grande vérole. Et la déchéance physique de Des Esseintes à la fin du roman, atteint d'une maladie nerveuse
nous est ainsi discrètement expliquée. La description proleptique résout donc à sa façon le conflit entre description et narration: au lieu de contrarier le récit, elle le programme.
Edition: Ambroise Barras, 2004