Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne
Ensuite, une pièce de théâtre n'est basée que très rarement sur une seule action. L'unité d'action
classique est en cela trompeuse car elle désigne en réalité l'unification logique d'une action principale avec des actions secondaires. Certes, le premier modèle actantiel qu'il faut établir est bien celui qui paraît le mieux expliciter les enjeux de l'action principale (le fil principal). Il doit être construit autour du héros (il faudrait dire plutôt que Héros
est le nom que l'on attribue au Sujet de la structure actantielle qui représente l'action principale). Puis, doivent être dessinés les modèles qui peuvent figurer les actions secondaires. Un Opposant ou un Adjuvant au dessein du héros peut par exemple être le Sujet d'une autre structure (et c'est même ce qui motivera souvent son opposition ou sa collaboration).
Corneille présente l'action de Cinna comme suit: Cinna conspire contre Auguste et rend compte de sa conjuration à Emilie, voilà le commencement; Maxime en avertit Auguste, voilà le milieu; Auguste lui pardonne, voilà la fin
. Cinna est le Sujet, et son Objet est la mort d'Auguste (le Destinateur officiel est la Liberté ou la Justice, le Destinataire, Rome). Maxime est un Adjuvant qui devient un Opposant. Le dénouement sera marqué par le renoncement total de Cinna à son projet, car peut-on assassiner un Empereur généreux et repentant? Reste à savoir pourquoi Cinna conspire, pourquoi Maxime trahit et pourquoi Auguste pardonne. Toutes ces causes proviennent d'actions secondaires centrées sur d'autres personnages que le héros éponyme: Emilie voulant venger son père pousse Cinna au crime, Maxime amoureux d'Emilie trahit son ami par jalousie, et Auguste tourmenté par son passé suit les sages conseils de sa femme Livie.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004