Danielle Chaperon, © 2003-2004
Dpt de Français moderne – Université de Lausanne
La définition du lieu scénique est en rapport également avec la nature des échanges et le type de rencontres entre les personnages ainsi que leurs entrées et sorties. On ne fait pas de déclaration d'amour dans la rue, on n'entre pas impunément dans un temple juif quand on est païenne (Athalie).
Il faut donc avant toutes choses qu'il [l'auteur] considère exactement de quels personnages il a besoin sur son théâtre, et qu'il choisisse un lieu où ceux dont il ne saurait se passer, puissent vraisemblablement se trouver; car comme il y a des lieux que certaines personnes ne peuvent quitter sans des motifs extraordinaires, aussi y en a-t-il où d'autres ne se peuvent trouver sans une grande raison. [Le choix du lieu étant fait, il faut] y accommoder le reste des événements [...], y ajuster le reste de l'action.
Abbé d'Aubignac, La Pratique du théâtre
Le choix du lieu (ou des lieux) que représente la scène résulte donc d'un faisceau de raisons pratiques et de motifs symboliques. L'auteur se facilitera certes la tâche en élisant des lieux neutres (une place, un corridor, le palais à volonté
des classiques), conventionnels voire quasi abstraits, mais il rendra les sorties et les rentrées plus dramatiques
si le lieu est marqué (identifié par exemple au territoire de l'un des personnages, comme le palais de Néron, la jardin d'Armide, le salon de Célimène) ou chargé symboliquement (le temple, la ville assiégée, la forêt, le sérail). Dans Athalie, la scène est située très subtilement dans un lieu à la fois marqué et neutralisé, dans le temple de Jérusalem, dans un vestibule de l'appartement du grand prêtre
; on sait qu'au milieu du cinquième acte le fameux temple maintenu, jusque-là dans le hors-scène, change subitement de statut: ici le fond du théâtre s'ouvre. On voit le dedans du temple
, annonce le présentateur dans une didascalie.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004