Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
La lecture privée fait une part importante à des éléments individuels et presque égocentriques (à son sujet la psychanalyse pourrait parler de narcissisme). Ce caractère apparaît manifestement à travers certains rites de lecture. Le lecteur se retranche du monde extérieur pour se blottir dans un espace personnel: appartement, fauteuil ou robe de chambre; ou parfois comme Proust il se réfugie dans un jardin sous une charmille:
Dans cette charmille, le silence était profond, le risque d'être découvert presque nul, la sécurité rendue plus douce par les cris éloignés qui, d'en bas, m'appelaient en vain, quelquefois même se rapprochaient, montaient les premiers talus, cherchant partout, puis s'en retournant, n'ayant pas trouvé; alors plus aucun bruit; seul de temps en temps le son d'or des cloches qui au loin, par-delà les plaines, semblait tinter derrière le ciel bleu, aurait pu m'avertir de l'heure qui passait...
Contre Sainte-Beuve, 168
On peut dire que cet individualisme de la lecture est une de ses données modernes, ne serait-ce que parce que, comme on l'a vu dans le cours sur l'Histoire de la lecture, dans l'Antiquité, la lecture se faisait essentiellement à voix haute (St Augustin, à la fin du IVe siècle nous signale comme une singularité que son maître St Ambroise pratique la lecture à voix basse).
Edition: Ambroise Barras, 2004