Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
Les éléments subjectifs de la lecture ne sont pas seulement extérieurs (un cadre protecteur) ou physiques (un bien-être corporel), il ont aussi une forte dimension psychologique. Effectivement, au cours d'une lecture, se produisent un très grand nombre d'interférences mentales d'un caractère purement subjectif. Tandis que nous lisons, nous actualisons des souvenirs personnels vécus, qui donnent consistance à telle scène ou à tel décor évoqués par le texte et lui confèrent son cachet de réalité. Ainsi lorsque je lis la description de la plage de Balbec par Proust (dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs), j'y mêle inévitablement mes propres souvenirs de plage normande, ou, à défaut, ceux qui peuvent s'en rapprocher de près ou de loin.
Bien des scènes romanesques m'évoquent des fantasmes purement personnels, sans qu'ils aient nécessairement de rapports avec le monde imaginaire que le texte me fait découvrir. Baudelaire disait ainsi qu'il voyait en Madame Bovary un homme
, mais on peut penser que c'est un fantasme purement personnel, et difficile à faire partager à d'autres.
Edition: Ambroise Barras, 2004