Laurent Jenny, © 2004
Dpt de Français moderne – Université de Genève
On a dit que la lecture critique était dominée par le jeu de règles. Cela implique, on l'a vu, que la lecture ne se réduit pas à une rêverie, ni à une absorption passive de signification (comme si les livres nous versaient des contenus dans le cerveau). La lecture est en effet une opération plus complexe que la communication décrite par Roman Jakobson, un linguiste des années 1970, dans un fameux article intitulé Linguistique et poétique. Dans son modèle, un émetteur (par exemple l'auteur) transmet un message (le texte) à un récepteur (le lecteur) en utilisant un code déchiffrable (la langue). Mais un tel schéma ne convient que pour décrire des communications extrêmement simples, univoques et immédiatement déchiffrables, plutôt des SOS en morse que des textes littéraires..
En effet, le lecteur (en dépit de son apparence immobile, silencieuse, voire légèrement somnolente) est infiniment plus actif qu'un simple récepteur. Ce que lui propose le texte littéraire, c'est bien moins une signification toute prête qu'un ensemble d'instructions pour construire un sens à partir d'informations partielles. Voici donc une nouvelle image du lecteur, non plus un dévoreur de livres, confondant rêve et réalité, mais un constructeur.
Edition: Ambroise Barras, 2004