Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne
La mise en relief est un excellent outil de construction du point de vue. De manière générale, elle consiste, dans un récit, à distinguer la progression de l'action et les descriptions, commentaires ou autres précisions qui prennent place autour de la trame principale. Souvent, cette distinction s'opère au moyen du passé simple, temps du premier plan, et de l'imparfait, temps de l'arrière-plan. Ce dernier, en effet, n'est pas autonome. Comparé à il cria
, par exemple, il criait
semble incomplet, en suspens, ce qui n'est plus le cas dans: il criait quand elle le vit
, où le passé simple fournit le repère temporel manquant. L'imparfait est donc dans une relation de subordination à l'égard du passé simple. Cette relation permet de créer, dans la représentation d'une perception, un effet de point de vue.
(2) Elle vit son père. Il fit demi-tour.
(3) Elle voyait son père. Il faisait demi-tour.
(4) Elle vit son père. Il faisait demi-tour.
En (2), l'impression est de deux actions successives, reliées tout au plus par une relation de causalité: le père fait demi-tour parce que sa fille l'a vu. En (3), en l'absence de repère temporel défini, la valeur d'habitude de l'imparfait prend le dessus (elle voyait souvent son père, il faisait toujours demi-tour). Là encore, pas de point de vue particulier, mais une simple description de la part du narrateur.
Ce n'est qu'en (4) que les deux segments semblent réellement imbriqués l'un dans l'autre. Le mouvement du père est perçu dans le regard de la fille, nous le voyons en quelque sorte avec elle.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004