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L'argent plus fort que la cigarette

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Le tabac est l’une des causes de mortalité les plus courantes, principalement chez les personnes bénéficiant d’un bas revenu, plus nombreuses à fumer. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont donc expérimenté une nouvelle manière d’inciter les fumeurs à arrêter le tabac: les récompenses financières progressives, sans aucun soutien médical ou médicamenteux. L’étude a été réalisée sur une période de 18 mois, auprès de 800 personnes. Une première. Les résultats, à lire dans le Journal of the American College of Cardiology, ont démontré l’impact positif de l’incitation financière sur l’arrêt du tabac.

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Le tabac est la cause d’un tiers de la mortalité évitable au sein de la population, c’est-à-dire des décès que l’on pourrait prévenir si on éliminait les facteurs de risque. Afin d’encourager les fumeurs à arrêter, l’équipe de Jean-François Etter de la Faculté de médecine de l’UNIGE a mis en place une étude expérimentale novatrice. Pour tester l’efficacité des incitations financières, les chercheurs n’ont proposé que de l’argent aux participants souhaitant arrêter de fumer, sans mettre à leur disposition un soutien médical ou médicamenteux. Mais l’argent seul suffit-il à inciter les personnes à stopper le tabac ?
«Nous avons intégré à l’étude 800 personnes de la région genevoise dont le revenu annuel individuel ne dépasse pas 50’000 francs, puis nous les avons divisés aléatoirement en deux groupes égaux.» Ainsi, les différences de résultats quant au taux d’arrêt du tabac entre les deux groupes sont dues aux récompenses attribuées, plutôt qu’à d’autres causes émanant du panel. Le premier groupe a touché des bons d’achat s’ils arrêtaient de fumer, le second ne recevrait rien. «La somme maximale perçue a été fixée à 1500 francs, pour autant que la personne arrête de fumer jusqu’à la fin des six premiers mois de contrôle», explique Jean-François Etter. Afin de s’assurer que les participants arrêtaient bel et bien la cigarette, des tests biochimiques ont été effectués après une semaine, deux semaines et trois semaines, puis après un mois, trois mois et six mois. Un contrôle a finalement était exécuté 18 mois plus tard, alors que plus aucune compensation financière ne pouvait être perçue. Ces tests consistaient à mesurer le taux de CO et de cotinine, un composant de la nicotine, chez les sujets de l’étude.

Le pourcentage de personnes ayant arrêté de fumer dans le groupe ne recevant aucune compensation financière s’est monté à 12% après trois mois, 11% après six mois, pour finalement chuter à 3,7% au bout de 18 mois. A contrario, les pourcentages du groupe recevant une incitation financière ont été de 55% les trois premiers mois, 45% dès six mois, pour finalement diminuer à 9,5% à 18 mois. L’on observe donc une différence de 5,8%, ce qui est un taux de réussite similaire à d’autres méthodes (6% dans la combinaison de conseils médicaux et de médicaments, 5% à l’aide de médicaments et 5% à l’aide de conseils médicaux).

«La grande différence entre le pourcentage d’arrêt à six mois et 18 mois nous invite à penser qu’il faudrait prolonger l’incitation financière sur une période plus longue. Nous pensons que cela pourrait diminuer le nombre de personnes reprenant la cigarette. De plus, associé à des conseils médicaux et des substituts nicotiniques, le taux de réussite pourrait être plus élevé, au vue déjà de la seule efficacité de l’argent», ajoute Jean-François Etter.

Cette étude permet également de réaffirmer que les récompenses (ici financières) permettent de compenser la perte d’une activité appréciée (fumer). Le «bon» comportement, soit l’arrêt du tabac, ne cesse pas à la fin des récompenses, mais perdure durant au moins un an chez une partie au moins des participants. Afin d’être le plus efficace possible, il est toutefois important que la récompense soit suffisamment élevée (d’où les 1500 francs), qu’elle suive immédiatement le comportement souhaité (d’où les différentes étapes d’abord très rapprochées dans la durée, puis plus éloignées), et que son montant croisse (ici, la personne touchait d’abord 100 francs au bout d’une semaine, 150 francs la deuxième semaine, 200 francs la troisième semaine, puis respectivement 300 francs, 350 francs et 400 francs les un, trois et six mois suivants). Cette étude montre donc que les récompenses financières permettent d’arrêter de fumer, et que cet effet persiste après la fin de la distribution des récompenses.

Contact
Jean-Francois.Etter(at)unige.ch
022 379 04 59

Illustration: crédit Istock

16 août 2016

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