La Théologie de l'Ancien Testament: Définitions et Problèmes
Par Thomas Römer

 

Dans le contexte du "renouveau biblique", paraît, en 1955, la théologie de l'Ancien Testament d'Edmond Jacob. Cette théologie est structurée en trois parties: Dieu (les aspects caractéristiques du Dieu de l'AT), son agir ou son action dans l'AT (création, anthropologie), son triomphe à la fin des temps (péché, rédemption, eschatologie). A partir du nom de Yhwh, que E. Jacob met en relation avec la racine "être", le fil rouge de cette théologie est l'insistance sur le fait que Yhwh est un Dieu vivant, proche de son peuple et de l'humanité. E. Jacob donne beaucoup de poids à l'étymologie des racines hébraïques qu'il utilise pour construire des énoncés théologiques. La tripartition et l'organisation de l'ouvrage montrent une certaine proximité avec les loci de la dogmatique.

En 1957 paraît le premier tome de la théologie de l'AT de Gerhard von Rad qui inaugure une nouvelle époque de la discipline. L'idée directrice de G. von Rad, c'est qu'une théologie de l'AT ne peut être conçue à partir des concepts de la dogmatique chrétienne. C'est l'AT lui-même qui doit fournir au théologien le cadre d'une théologie de l'AT. Donc la tâche principale d'une théologie de l'AT est la Nacherzählung de ce qu'Israël dit de Dieu et de sa relation avec lui. Pour von Rad, une théologie vétérotestamentaire doit être historique et non systématique ("l'AT est un livre d'histoire"). Il faut rappeler dans ce contexte les études de von Rad sur "les credos historiques", où il avait essayé de montrer que l'origine de l'AT se trouvent dans des confessions de foi, comme celle par exemple du "petit credo historique" de Dt 26,5-9.
A partir de ces options théologiques, il paraît logique que le premier tome de sa théologie de l'AT commence par une esquisse de l'histoire de la foi en Yhwh. Ici von Rad présente une vision de l'évolution des idées religieuses d'Israël des origines jusqu'à l'époque postexilique. Von Rad décèle trois moments importants qui ont forgé la foi yahwiste: la conquête, l'instauration de la monarchie et la restauration deutéronomique. Ainsi est tracé le cadre pour la présentation des différents "kérygmes" des traditions historiques.
Pour von Rad, la théologie de l'AT ne doit pas se baser sur une histoire d'Israël telle que l'historien peut la reconstruire mais sur la manière dont Israël a rendu compte, via sa Bible, de cette histoire. C'est néanmoins l'exégèse historico-critique qui guide la présentation qui va suivre. D'abord von Rad parle des théologies de l'Hexateuque et non pas du Pentateuque, puis en présentant les différentes parties de cet ensemble, il distingue les différents kérygmes selon la théorie documentaire (J, E, D, P). Dans le paragraphe intitulé les "Oints de David", von Rad présente les livres historiques de l'AT (HD, Chroniste). Ici, l'accent est mis sur la figure de David. L'idée est apparemment que l'Hexateuque se construit autour de l'élection du peuple tandis que les livres historiques sont organisés à partir de l'élection davidique. Le dernier paragraphe du premier tome s'intitule "la réponse d'Israël devant Dieu", paragraphe où von Rad traite notamment des Psaumes et de la sagesse. Curieusement, la sagesse, qui ne s'intéresse nullement aux traditions historiques d'Israël, conclut le tome consacré aux traditions historiques d'Israël.
Ce premier tome a eu plus d'impact que le deuxième, paru en 1960 et traitant surtout des traditions prophétiques. Pour von Rad, les prophètes sont avant tout les interprètes des anciennes traditions historiques d'Israël (contrairement à la vision "libérale" qui considérait les prophètes avant tout comme des réformateurs éthiques). Après un paragraphe sur le prophétisme en général, dans lequel il définit le prophétisme d'Israël comme une "eschatologisation de la pensée historique", von Rad présente les kérygmes des différents prophètes selon un ordre chronologique et non pas canonique. Il commence par Amos et Osée pour terminer par Daniel et l'apocalyptique. Sa théologie aurait pu se terminer sur ce point. Mais on trouve un dernier paragraphe intitulé "l'actualisation de l'AT dans le NT". Comme il y a déjà un processus d'actualisation à l'úuvre à l'intérieur de l'AT, le NT s'inscrit dans ce même processus. Von Rad s'oppose donc à une conception simpliste de promesse et d'accomplissement. C'est seulement dans cette dernière partie qu'il traite de la Loi. La Loi apparaît avant tout pour lui comme un élément réinterprété d'abord de façon "charismatique" par les prophètes, ce qui prépare le dépassement de la loi par Jésus Christ. Il y a donc à la fois une différence mais aussi une continuité entre les deux Testaments: le véritable point d'accrochage entre l'AT et le NT est l'auto-révélation de Dieu dans l'histoire.
Cette théologie de l'AT est sans doute une des plus illustres du XXe siècle. Elle fait partie des grands classiques de la discipline vétérotestamentaire et à ce titre il faut continuer à la lire et à l'étudier.
Ceci dit, il faut également être conscient des présupposés exégético-dogmatiques de von Rad et de certaines apories de son approche.
Mentionnons d'abord son insistance sur l'histoire du salut qui est un concept peu clair en fin de compte. D'abord elle pose la question de la relation entre l'histoire réelle et l'histoire confessée (p. ex. dans les credos historiques). S'agit-il de deux histoires parallèles ou y a-t-il interaction entre les deux? Et à ce propos, peut-on vraiment lire l'AT sous l'aspect d'une histoire linéaire? La structure de la Bible hébraïque ne va guère dans ce sens (surtout à partir des prophètes postérieurs). Enfin, von Rad ne tient absolument pas compte de la place centrale qu'occupe la loi dans le Pentateuque (Torah).
Peut-on se contenter de re-raconter ce que Israël a raconté de Dieu? Est-ce qu'une telle approche n'est pas plutôt caractéristique d'une introduction "théologisée" à l'AT?
En effet, comme nous l'avons vu, G. von Rad, peu systématicien, a remplacé la traditionnelle théologie de l'AT (cf. encore E. Jacob) par une suite de tableaux historiques. Cette approche le rapproche notamment de la théologie kérygmatique de Bultmann et de Barth. Avec Bultmann, von Rad partage l'insistance sur les "credos" qui sont à l'origine de tout [***]; avec Barth, il insiste sur l'AT comme porteur de kérygmes, c'est donc une approche homilétique de l'AT. En effet, chaque époque a son kérygme: celui du Yahwiste salomonien, de l'Elohiste, de la restauration deutéronomique et de HD, de l'école sacerdotale et des différents prophètes. C'est ainsi qu'il parvient à reconstruire une histoire du salut légitimée par l'exégèse historico-critique: celle de la succession des kérygmes (cf. de Pury-Knauf [mettre un lien ***]). Or, cette reconstruction repose sur des présupposés exégétiques qui ne sont plus défendables aujourd'hui.

Von Rad s'était opposé à l'idée d'un "centre" (Mitte) de l'AT (sur ce point, on peut légitimement se demander si la révélation de Dieu dans l'histoire ne constitue pas une sorte de "centre" dans l'ouvrage de von Rad). W. Zimmerli, dans sa brève théologie de l'Ancien Testament publiée en 1972, s'oppose à l'idée d'après laquelle la seule cohérence du discours vétéro-testamentaire sur Dieu "consiste uniquement dans la continuité historique, c'est-à-dire dans le déroulement de l'histoire" (p.13). A l'encontre de von Rad, Zimmerli postule qu'il y a un centre de l'AT et que celui-ci se trouve dans l'auto-révélation de Dieu dans son propre nom: "'Ani Yhwh" ("Je suis Yhwh!"). Cette insistance sur la révélation qui n'a pas besoin de l'homme rapproche Zimmerli de Barth. A partir de là, Zimmerli énumère les différentes "identités" de Yhwh: l'ordre se veut à la fois chronologique (en suivant l'âge des traditions) et théologique.
1) tout d'abord Yhwh est le Dieu libérateur qui sauve son peuple de l'esclavage égyptien. Ce Yhwh aura été identifié au Dieu des patriarches devenant ainsi le Dieu de la promesse. L'idée du Yhwh-créateur est chronologiquement secondaire par rapport à celle du Dieu libérateur de la sortie d'Égypte. Comme pour l'image royale de Dieu, il s'agit d'une intégration dans la foi yahwiste des fonctions attribuées au Dieu cananéen El.
Le discours de l'élection s'explique à partir de la tension d'un Yhwh créateur (universel) et d'un Yhwh libérateur (particulier), et c'est Yhwh en tant que Dieu du Sinaï qui ratifie cette élection en donnant à Israël la loi et l'alliance;
2) la deuxième partie est intitulée "les dons de Yhwh" et couvre surtout le Pt et les livres historiques. Cette partie commence curieusement par la guerre comme don de Yhwh, suivi de celui du pays, et enfin de la présence de Yhwh au milieu de son peuple. Ensuite son traités les différents chefs et guides du peuple et à travers eux les institutions qu'ils représentent. Le Dieu qui donne est également le Dieu qui exige et qui demande;
3) d'où la troisième partie: "le commandement de Yhwh", qui est une réflexion sur la loi à partir des premier et deuxième commandements du Décalogue. Partie 2 et partie 3 ne sont pas à comprendre comme une suite chronologique, mais comme les deux côtés d'une même réalité (le don contient en effet l'exigence, et vice-versa).
4) la quatrième partie: "la vie devant Dieu", traite de la réaction de l'homme face à la révélation (les accents sont mis sur le culte et la sagesse).
5) la dernière partie porte le titre "crise et espérance". Ici Zimmerli traite du cycle des origines, de l'historiographie deutéronomiste, des prophètes, et finalement de l'apocalyptique. Ces différents ensembles ont ceci en commun qu'ils placent tous l'homme entre le jugement et le salut. Puisque l'AT contient de nombreux énoncés d'espérance (ainsi que de crainte) non réalisées à la clôture du canon, il reste un livre ouvert sur l'avenir. C'est dans cette ouverture que Zimmerli semble apercevoir un pont vers le NT.
Zimmerli organise donc sa théologie, et ceci à l'opposé de von Rad, selon une structure systématique qui découlerait du message central de l'auto-révélation du nom de Dieu. Se pose néanmoins la question si tout l'AT peut être mis en rapport avec ce centre. Quel est p. ex. le lien du Yhwh tel qu'il apparaît dans les récits de la conquête et celui du livre des Proverbes? Ne faut-il pas essayer de faire ressortir les différences, voire les tensions du discours vétérotestamentaire sur Dieu?

Claus Westermann publie sa théologie de l'AT en 1978. Contrairement à Zimmerli, mais dans la ligne de von Rad, il affirme: "La question d'un centre est sans objet" (p. 5). La seule manière objective de rendre compte du discours vétérotestamentaire sur Dieu consiste dans la prise au sérieux de la tripartition du canon de l'AT. Ces trois parties correspondent selon Westermann à l'histoire racontée (la Torah), à la parole de Dieu (les Prophètes) et à la réponse de l'homme à Dieu (les Ecrits), ce qui va grosso modo conditionner la structure de l'ouvrage. La grande diversité des discours sur Dieu se trouve pourtant relativisée par l'idée de l'unicité de Dieu dans tout l'AT, même si cette idée de l'unité s'est élaborée au cours du temps. Westermann distingue trois phases:
a. "C'est moi Yhwh, ton Dieu, qui t'ai fait sortir d'Egypte. Tu n'auras pas d'autres dieux à côté de moi" (Ex20,2//Dt 5,6). Ce discours ne manifeste aucune polémique contre les autres dieux, il dit seulement qu'ils ne doivent pas être pris en considération par Israël. 
b. " Yhwh notre Dieu est le Seul Yhwh" (Dt 6,4; Trad. Westermann): la tradition dtr met en garde contre les autres dieux qui sont perçus comme une réalité menaçante.
c. "Avant moi aucun dieu ne fut formé, et il n'y en aura pas après moi. C'est moi Yhwh, il n'y a pas d'autre sauveur que moi" (Es 43,10). Ce texte du Deutéro-Esaïe qui conteste l'existence même des autre dieux exprime une sorte de monothéisme. Westermann précise aussitôt que le monothéisme en tant que concept théorique n'est pas important pour l'AT. En revanche, les trois phases font apparaître un lien entre la conception d'un Yhwh Sauveur d'Israël et d'un Yhwh Créateur du monde.
Après cette introduction, Westermann traite des traditions de la Torah: comme Zimmerli, il commence par la sortie d'Égypte qui est l'événement fondateur de l'AT. Élection et alliance sont considérés comme secondaires par rapport à cette libération.
Ensuite, Westermann se tourne vers le Dieu créateur et le Dieu de la bénédiction. A l'encontre de Zimmerli et de von Rad, Westermann valorise le discours vétéro-testamentaire sur la création: en parlant du Dieu créateur, Israël participe à la quête de l'humanité tout entière de saisir le destin de l'homme et de l'univers. Westermann distingue entre la création du monde et la création de l'homme. Au Dieu créateur est associée la bénédiction qui est "l'action constante de Dieu outre son action événementielle" (p. 127). la quatrième partie est consacrée au jugement de Dieu et à sa compassion. Cette partie correspond aux prophètes postérieurs, elle commence par des réflexions sur la notion de péché et passe ensuite à la prophétie du jugement. Ce paragraphe est pondéré par un chapitre traitant de la compassion de Dieu (la prophétie de salut). La partie s'achève par l'apocalyptique où Dieu est présenté à la fois comme juge [pour les nations???] et comme compatissant pour les siens.
La cinquième partie parle de la réponse de l'homme à l'agir et au parler de Dieu: ici, il est question de la louange et des plaintes (Psaumes) ainsi que du culte. La loi apparaît pour la première fois dans cette section (elle n'est donc pas directement liée à l'événement libérateur). Les úuvres historiques de l'AT (Yahwiste, HD et P) ne sont traitées qu'en quelques pages dans cette section. Ce choix peut paraître curieux vu l'étendue et l'importance de ces ensembles (le Chroniste est d'ailleurs passé sous silence).
La dernière partie s'intitule: "L'AT et Jésus-Christ". Westermann relève d'abord les parallèles fondamentaux entre les deux Testaments, notamment celui existant entre le Dieu sauveur et le Dieu créateur. Pourtant, la venue du Christ modifie la conception du peuple de Dieu et celle de la situation dans laquelle se trouve le croyant.
Le souci de Westermann est de penser ensemble Dieu sauveur et Dieu créateur. Pourtant, le Dieu sauveur se limite presque à la confession de la libération hors d'Égypte. Toutes les autres traditions historiques de l'AT sont reléguées à la fin de l'ouvrage et traitées de manière extrêmement succincte. La même remarque est valable pour le traitement des traditions législatives.
Si Westermann insiste sur le fait que les auteurs de l'AT partagent les préoccupations idéologiques de leurs voisins (discours sur la création...), il est alors étonnant de voir que la sagesse n'a aucune place dans la théologie de Westermann.
Une autre contradiction est à souligner: Westermann insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'autre systématique de l'AT que les trois parties du canon; or, l'organisation de sa théologie n'est pas vraiment construite selon ce principe. 

B.S. Childs insiste fortement sur le canon comme structure théologique: en 1985 paraît "Old Testament Theology", suivi en 1993 de cet autre livre, "Biblical Theology of the Old and the New Testaments". Dans le livre de 1985, Childs traite d'abord de thèmes traditionnels: de la révélation de Dieu, de la loi, des médiateurs, etc. L'autorité définitive de la Bible est attribuée aux éditeurs qui ont créé le canon et c'est sur leur perspective que l'Église doit se baser. Pour Childs, une théologie de l'AT ne peut être qu'une entreprise chrétienne. Du même coup, le canon dont il est question est le canon chrétien. Mais alors de quel de canon chrétien s'agit-il? du canon catholique ou du canon protestant? Childs insiste sur le fait que l'Église chrétienne a repris entièrement à son compte la Bible juive dans une version élargie (la Septante), elle ne l'a pas abrégée ni mélangée avec les livres néo-testamentaires, ce qui signifie que l'AT, en régime chrétien, garde une certaine autonomie, tout en étant compris comme contenant des témoignages discrets sur Jésus-Christ. La lecture "canonique" de Childs pose plusieurs problèmes: une théologie de l'AT ne peut-elle être que chrétienne? Une telle vue est par exemple contestée par Isaac Kalimi. Une théologie (chrétienne) de l'AT ne peut-elle être faite que dans le contexte de l'Église? Childs semble mélanger le descriptif et le normatif, et faire en quelque sorte l'économie de l'herméneutique. Ensuite, le canon, ou plutôt les trois parties du canon de la Bible hébraïque, contiennent des énoncés contradictoires, tandis que Childs offre une analyse qui paraît harmonisante. Néanmoins, Childs a raison d'insister sur la forme finale de l'AT comme point de départ d'une théologie vétérotestamentaire, voire biblique.

Doit-on encore écrire des "Théologies de l'Ancien Testament" ?
Dans le champ de la théologie vétérotestamentaire, la dernière décennie de notre siècle se caractérise par un paradoxe. Ces dernières années, de nombreuses "théologies de l'AT" ont vu le jour. On peut interpréter ce phénomème comme la nécessité de disposer d'une vue synthétique face aux grands bouleversements qu'a connu la science vétérotestamentaire depuis un quart de siècle (mise en question de la théorie documentaire, contestation de l'existence d'une Historiographie deutéronomiste, nouvelles approches des livres prophétiques, bouleversements dans la reconstruction de l'histoire religieuse de Juda et Israël, etc.). Mais en même temps a surgi une contestation forte de la possibilité d'élaborer une théologie de l'AT. Le porte-parole de cette contestation est Rainer Albertz qui veut remplacer la théologie de l'AT par l'histoire de la religion d'Israël, qui selon lui est la seule discipline synthétique possible en ce qui concerne l'AT .
Pour étayer sa thèse, Albertz avance les arguments suivants: si l'on regarde les innombrables théologies de l'AT, on constate qu'il n'y aucun consensus ni en ce qui concerne la structure ni par rapport à la méthode. Il n'est toujours pas clair ce que signifie "Théologie de l'AT". Déjà le systématicien E. Brunner (Offenbarung und Vernunft, Darmstadt 1961, p. 287) avait dit: "Il n'y a pas de "théologie de l'Ancien Testament"". Il n'y a qu'une multitude de théologies à l'intérieur de l'AT. Le singulier exprime une volonté normative qui est en contradiction avec le travail de l'exégèse historico-critique. Et même si l'on veut résoudre le problème comme Childs en partant du canon  on ne fait que déplacer la difficulté. Albertz fait remarquer qu'il n'y a jamais eu, ni dans le judaïsme, ni dans le christianisme, un groupe qui aurait pris toutes les parties du canon, sans différenciation aucune, comme fondement idéologique. On peut en effet rappeler la hiérarchie du canon juive, ou le canon dans le canon de Luther. 
Le plus souvent, c'est la dogmatique privée de l'auteur qui sert de principe organisateur à sa théologie de l'AT. Ceci montre clairement que l'AT s'oppose à tout concept systématique. Les théologies de l'AT courent en plus le danger de négliger les apports de l'exégèse historico-critique. Se produit alors une sorte de schizophrénie dans la mesure ou presque tous les auteurs d'une telle théologie sont également des exégètes formés à l'école historico-critique. Souvent les théologies de l'AT harmonisent en effet les différences idéologiques qui existent entre les différents auteurs de l'AT et oublient le principe fondamental de l'exégèse à savoir que le contexte historique et les milieux de production amènent souvent une meilleure compréhension du texte.
Albertz mentionne finalement le problème d'une théologie de l'AT qui lit l'AT à partir du NT. Surgit alors le danger d'une récupération chrétienne de la Bible hébraïque qui crée des blocages dans le dialogue judéo-chrétienne.
Face à ces nombreuses apories, Albertz propose donc de se consacrer dorénavant à la présentation de l 'histoire de la religion d'Israël, comme il vient d'ailleurs de le faire . Il reconnaît que la reconstruction de l'histoire de la religion israélite est également une entreprise subjective, mais elle permet de mieux intégrer les religions proche-orientales et de mieux faire ressortir les tensions entre les différents courants idéologiques qui vont constituer l'Ancien Testament. Il faut abandonner la méfiance barthienne envers la religion. Barth avait en effet dit: "la religion est le contraire de la foi ... elle est l'affaire de l'homme athée". Aujourd'hui le terme de religion n'est plus à utiliser à la manière barthienne. Ni le judaïsme ni le christianisme ne doivent être soustraits à l'analyse de l'historien des religions. Ainsi peuvent s'ouvrir de vrais dialogues et l'histoire de la religion d'Israël peut devenir, selon Albertz, plus théologique qu'une théologie de l'AT.
De nombreux points de la critique d'Albertz sont entièrement pertinents, mais ils nécessitent nullement qu'on refuse de construire des théologies de l'AT; ils nécessitent pourtant une réorganisation de la démarche. En effet, une histoire de la religion d'Israël ne peut à elle seule rendre compte de l'organisation de l'ensemble que nous appelons l'AT. Par contre pour rendre compte de cet ensemble on ne peut faire abstraction ni des données historiques ni des apports de l'histoire des religions proche-orientales. Nous y reviendrons.
Mais tournons nous d'abord vers les dernières tentatives de synthèse de la théologie vétérotestamentaire.
L'ouvrage qui se rapproche peut-être, au moins formellement, des revendications de R. Albertz est celui de A.H.J. Gunneweg, publié après sa mort par sa femme et son élève M. Oeming. Dans l'introduction, Gunneweg souligne fortement la tension qui existe entre la normativité théologique et la relativité scientifique. Il s'ensuit que l'on ne peut concevoir la "théologie de l'AT" autrement que comme discipline historique, ce qui signifie pour lui, comme histoire de la religion d'Israël dans une perspective biblique et théologique. Puisque Dieu ne peut être l'objet d'une discipline scientifique, l'histoire de la religion israélite doit se contenter de retracer les conceptions de Dieu telles qu'elles apparaissent chez les différents auteurs bibliques (p. 9-36). Le livre de Gunneweg est donc conçu selon un schéma strictement chronologique.  Après quelques remarques sur la religion cananéenne dans le contexte des systèmes religieux du Proche-Orient ancien, Gunneweg commence sa présentation par ce qu'il appelle "l'époque préisraélite", datée de 1400-1200 et caractérisée par "la religion des Patriarches" (p. 45-53). On ne peut être qu'étonné par cette présentation du cycle patriarcal comme reflétant une époque historique archaïque et datable. Les mêmes remarques peuvent s'appliquer au traitement des traditions de l'exode et du Sinaï (p. 54-85). Gunneweg semble ignorer toute la discussion sur l'historicité et la fonction des mythes d'origine de l'Ancien Testament. Ceci est hautement regrettable dans la mesure où une analyse lucide sur la manière dont Israël a rendu compte de ses origines peut apporter davantage d'éclairages théologiques qu'un positivisme historique quelque peu naïf. Après la présentation (également dépassée) de l'époque de la confédération tribale (p. 86-106), Gunneweg arrive à l'époque qui occupe presque la moitié de sa présentation: la royauté (p. 107-203, il y traite de l'idéologie royale, de l'historiographie, de la sagesse et du prophétisme préexiliques). Cette partie s'ouvre par un paragraphe sur le problème religieux posé par l'État. Ici, Gunneweg insiste sur l'ambiguïté du jugement biblique sur la royauté. D'une manière générale, il constate que tout ce qui est politique ne fait que détourner l'attention de l'homme de la volonté de Dieu (p.111). La seule solution à laquelle Israël ne pouvait accéder, se trouve dans la foi en la nouvelle alliance en Jésus-Christ. Cette foi permet au croyant une nouvelle existence eschatologique dans le monde tout en n'étant pas de ce monde. De telles remarques ont-elles leur place dans une présentation qui se veut selon le projet énoncé par l'auteur purement descriptive? Gunneweg fait clairement apparaître une conception bultmanienne selon laquelle l'AT est à comprendre comme relevant de l'échec de l'homme face à Dieu. Les derniers chapitres sont consacrés à la crise de l'exil (p. 204-211), à la restauration (p. 212-219) et à l'époque perse (p. 220-246). L'école deutéronomiste, traitée sous "restauration" et l'école sacerdotale, traitée sous "époque perse", n'ont droit chacune qu'à quelques pages. Or, il y a aujourd'hui un quasi consensus sur le rôle décisif de ces deux courants en ce qui concerne la formation du Pentateuque et des livres historiques. Ceci devrait rendre impossible la présentation de ces courants comme des phénomènes presque marginaux. La présentation selon les époques historiques permet à Gunneweg de décrire les positions théologiques de l'AT comme des réponses à des crises historiques. Ces réponses ne sont jamais définitives puisque Dieu dans sa liberté les dépasse chaque fois et les met en question. C'est la foi chrétienne qui se laisse donner le salut d'un Dieu qui restera toujours celui qui vient (p. 245). De telles affirmations dépassent clairement le discours historique et descriptif.
Contrairement à Gunneweg dont le but était de retracer la foi vétérotestamentaire dans son évolution historique, J. Schreiner, dans sa théologie parue en 1995, choisit une structure résolument systématique. Dans sa préface, il cite le vúu du deuxième concile du Vatican, selon lequel l'étude de la Bible doit être l'âme de la théologie. Cette référence sert apparemment à donner une certaine normativité à la théologie de l'AT, malgré l'insistance sur une approche "descriptive" (p. 12-14). L'ouvrage de Schreiner comporte dix parties dont chacune commence par le mot "Yhwh". C'est donc Yhwh qui constitue le centre d'une théologie de l'AT (p. 14), ou plus précisément la formule dite d'alliance ou d'appartenance: Yhwh est le Dieu d'Israël - et Israël est le peuple de Yhwh. En commençant sa théologie par une présentation de cet énoncé ("Yhwh, le Dieu d'Israël", p. 17-56), J. Schreiner reprend à son compte une idée de Wellhausen qui pensait pouvoir résumer l'AT par cette relation. Suivent deux paragraphes sur "Yhwh, le Dieu salutaire" (p. 57-98) et "Yhwh, un Dieu exigeant" (p. 99-132). Schreiner y traite de la confession de la libération d'Égypte comme témoignage fondamental, du don du pays et du plan de salut divin que Dieu réalise à travers sa présence et des médiateurs. Il adhère clairement à la conception catholique de l'histoire de salut, selon laquelle celle-ci est cachée à l'intérieur de l'histoire profane. Selon Schreiner, la réalisation de l'exode n'est possible que sous la condition préalable de l'obéissance à Yhwh. S'agit-il la d'une affirmation du salut par les úuvres qui est contraire à la présentation biblique puisque le don de la Loi n'intervient qu'après la libération de l'esclavage? L'exigence divine se trouve dans les oracles prophétiques, dans le code de l'alliance, la loi du privilège de Yhwh (Ex 34), le Décalogue et les commandements deutéronomiques. Schreiner souligne que ces lois sont comprises par les auteurs vétérotestamentaires comme don et salut (p. 127). Après le Dieu sauveur et législateur, Schreiner parle du Dieu créateur (p. 133-164) en présentant notamment les deux récits de la création mais aussi la conception sapientielle de la création. Selon le témoignage de l'AT le but de la création réside dans le fait que Dieu vient habiter parmi son peuple (Schreiner favorise ici la conception sacerdotale). Les parties V et VI sont consacrées à l'individu et à la collectivité devant Yhwh (p. 184-213). Pour l'AT on ne peut séparer la sphère individuelle de la sphère collective. La critique prophétique rappelle sans cesse que Yhwh veut la justice et le droit, et le Deutéronome met en avant la vocation d'Israël à former un peuple de frères.
Dans la septième partie "Yhwh, le Dieu unique" (p. 214-243), Schreiner retrace l'évolution de l'exigence de l'exclusivité de la vénération de Yhwh vers l'affirmation monothéiste qu'on trouve notamment chez le Deutéro-Esaïe. On ne comprend pas très bien la place de ce paragraphe. En effet, la partie VIII "Yhwh devant le péché et la faute" (p. 245-277) aurait constitué une suite logique des parties où Schreiner traite de l'individu et de la collectivité. En abordant le problème du péché et du mal, Schreiner accorde une place importante à la théologie sacerdotale de l'expiation qui matérialise en quelque sorte le pardon divin. L'affirmation du pardon fait le pont avec la partie suivante où il est question des différentes fêtes et célébrations qui se trouvent dans la Bible hébraïque (Pâque, les pains sans levain, les huttes, le sabbat, etc., p. 278-306). Cette partie sert surtout à souligner l'importance des temps liturgiques. Le livre se termine par un chapitre intitulé "Yhwh et l'avenir" (p. 307-338). Des thèmes comme: le Messie à venir, une nouvelle et éternelle alliance, et le règne de Dieu, permettent à l'auteur de présenter l'AT comme étant ouvert vers le NT. Il semble donc renouer, très discrètement, avec une théologie de la promesse (AT) et de l'accomplissement (NT).
La théologie de Schreiner est parmi celles présentées ici la théologie la plus centrée sur l'Église (catholique). De nombreuses affirmations (comme p. ex. sur le plan de salut, l'expiation, la liturgie) peuvent être utilisées pour justifier certaines pratiques ecclésiologiques. La structure de l'ouvrage reste assez aléatoire, à moins qu'elle ne s'inspire du schéma: Dieu, l'homme, le péché et la rédemption. Il s'agit néanmoins d'une présentation claire et accessible, écrite avec un certain talent pédagogique.
La théologie de Schreiner s'adresse à un public plus large que celui des théologiens; ceci n'est guère le cas des deux tomes de la théologie de l'AT de H.D. Preuss (I, 1991 et II, 1992) où certaines pages ressemblent à une jungle où le sentier a disparu sous l'avalanche des notes de bas de pages. A cet égard, l'ouvrage de Preuss ressemble parfois plus à une histoire de la recherche qu'à une présentation synthétique de la théologie vétérotestamentaire. Comme Schreiner, Preuss se prononce en faveur d'un présentation systématique de la théologie de l'AT (I, p. 23), tout en insistant sur le fait que cette dernière doit rester historique et descriptive. En se distinguant expressément de G. von Rad, Preuss souligne la nécessité de trouver le "centre" de l'AT. Il rappelle que l'AT n'est pas la révélation immédiate de Dieu, mais qu'il contient des témoignages et des réponses faisant suite à cette rencontre avec Dieu. La question est de savoir si malgré l'extrême diversité de ces témoignages la Bible hébraïque contient une structure fondamentale dans laquelle les différents discours peuvent se rejoindre (I, p. 27-28). Preuss trouve cette "Grundstruktur" dans l'élection d'Israël en vue de la communion avec le monde entier. C'est pourquoi le tome I s'intitule: "l'agir de Yhwh dans l'élection et dans ses exigences". Ce titre n'est pas sans rappeler la distinction (paulinienne ?) entre indicatif et impératif. Dans la première partie Preuss affirme, après quelques considérations sur le concept de l'élection (I, p. 31-42), l'événement de l'exode comme le fondement de toute élection. Il retrace ensuite la présentation biblique des livres de l'exode jusqu'à la conquête en Josué et l'époque guerrière des Juges (I, p. 43-157). Preuss donne une certaine place à la loi, puisque l'élection du peuple ne peut être séparée des exigences liées à cette élection. Mais la loi est quasiment réduite aux deux premiers commandements du Décalogue (on peut se demander si Preuss est sur ce point dépendant de la théologie de W. Zimmerli, où on trouve la même démarche ), à la suite desquels Preuss traite de l'avènement du monothéisme (I, p. 124-131). La deuxième grande partie du tome premier est consacrée à la doctrine de Dieu selon l'AT (I, p. 158-302). Cette partie qui commence par des réflexions sur le Nom divin et les différentes appellations et manifestations de Yhwh traite également (mais en quinze pages seulement!) de Yhwh en tant que créateur. Cette option trahit peut-être encore l'influence de la théologie dialectique et de sa méfiance contre toute "théologie naturelle".
Le deuxième tome porte le titre "le chemin d'Israël avec Yhwh"; l'auteur y présente d'abord les autres objets de l'élection divine selon l'AT (p. II, 2-104): les Patriarches, la royauté et le messie, le temple et Sion, les prêtres et les lévites et finalement les prophètes. Dans tous ces paragraphes, Preuss se montre au courant de toutes les discussions récentes, concernant p. ex. les traditions patriarcales, la composition des livres des Juges, Samuel et Rois, etc. Mais apparemment, il considère toutes ces traditions comme théologiquement secondaires face à l'élection fondamentale qui est celle de l'exode. Etonnement Preuss résume (assez brièvement) la prophétie sous le chapitre de l'élection. On ne peut guère affirmer que cela soit le thème principal de la plupart des livres prophétiques. Dans le tome I, la présentation de l'élection primitive au moment de l'exode était suivie par la doctrine sur Dieu, dans le tome II les paragraphes traitant des autres objets de l'élection sont suivis par le discours vétérotestamentaire consacré à l'homme: anthropologie, éthique, culte (II, p. 105-273). Sous "anthropologie", Preuss traite de la conception de l'homme chez P (image de Dieu), chez le Yahwiste (salomonien) auquel il semble encore croire et dans la tradition sapientielle. C'est dans le même paragraphe qu'on trouve des réflexions sur le péché et l'expiation. Comparés à la théologie de Schreiner ces thèmes occupent chez Preuss assez peu de place. L'ouvrage se termine par deux paragraphes soulignant l'ouverture de l'AT (ceci semble être un point commun de nombreuses théologies de l'AT): "l'avenir du peuple de Dieu" (eschatologie et apocalyptique, II, p. 274-304), et "le peuple élu et les autres peuples" (II, p. 305-326). Preuss présente les textes qui posent la question des autres peuples comme destinataires du salut divin. Après avoir évoqué (dans une perspective chrétienne) le serviteur souffrant du livre d'Esaïe, Preuss réaffirme en finale, de nouveau à la manière de Zimmerli, l'ouverture de l'AT.
La théologie de l'AT rédigée par Preuss ressemble à un compendium. On y trouve des informations sur presque tout thème, toute tradition et tout livre vétérotestamentaires. Du coup, la démarche synthétique et systématique annoncée reste un peu floue. On peut également souligner que Preuss donne une place importante à l'histoire de la religion d'Israël (sous la question du monothéisme il discute par exemple du couple "Yhwh et Ashéra"). 
Il semble donc qu'on ne peut écrire une "théologie de l'AT" autrement qu'en mélangeant les approches systématique, historique (y compris l'histoire de la religion), voire canonique. C'est exactement ce que fait O. Kaiser dans son ouvrage intitulé "Le Dieu de l'AT" (tome I: "fondements" paru en 1993, tome II: "l'être et l'agir[de Dieu]", paru en 1998). Le tome I s'ouvre par une histoire de la recherche détaillée, retraçant l'utilisation de l'AT depuis Jésus jusqu'au XXe siècle (I, p. 24-74). En réfléchissant sur la tâche d'une théologie de l'AT (I, p. 13-23; 75-89; II, 9-28), Kaiser distingue deux niveaux: la théologie de l'AT en tant que science descriptive contribue à une meilleure compréhension de l'AT. Elle ne devient normative pour le chrétien que dans la mesure où elle est confirmée par le message néotestamentaire et qu'il y reconnaît une interprétation adéquate de sa propre existence. Kaiser se réfère la doctrine luthérienne de la justification par la foi. L'AT fait apparaître selon Kaiser une structure fondamentale de toute existence humaine puisque toute vie est à la fois don et exigence. L'échec d'Israël face à la loi devient en perspective chrétienne un paradigme pour la nécessité d'un salut gratuit (I, p. 87 et 351). Ces remarques que certains comprendront sans doute comme légèrement antisémites sont pourtant rélativisées par Kaiser: il appelle à un travail descriptif qui devrait souligner comment la Bible hébraïque peut rapprocher les trois religions monothéistes et qui, libre de toute doctrine ecclésiastique ou autre, sache faire ressortir la foi comme une confiance absolue en Dieu qui dépasse tout raisonnement humain (II, p. 23-24). On peut néanmoins poser la question si une théologie de l'AT, dont le Sitz im Leben est le discours universitaire peut aboutir à des tels résultats. L'ouvrage de Kaiser est néanmoins un des plus stimulants parmi les productions récentes des théologies de l'AT.
Le premier tome contient une esquisse de l'évolution de Yhwh, qui d'un Dieu de la montagne devient un Dieu légitimant la royauté, qui est confessé à l'époque perse comme le Dieu unique, et qui devient le Dieu de l'histoire mais aussi le Dieu incompréhensible à l'époque de l'hellénisme (I, p. 90-156). Ce parcours rappelle la première partie de la théologie de von Rad ("esquisse d'une histoire de la foi en Yhwh")  avec cette différence que Kaiser ne se contente pas de résumer l'image que dessine l'AT, mais qu'il a fréquemment recours aux données extrabibliques.
Après ce premier parcours, Kaiser décrit le discours sur Dieu dans les grands ensembles de l'AT qu'il distingue en úuvres historiques (I, p.157-212: la grande histoire de Gn-2R, le Yahwiste (post-)exilique, l'úuvre sacerdotale, l'historiographie dtr et l'úuvre chroniste), livres prophétiques (I, p. 213-262) et littérature sacerdotale (I, p. 263-299). Kaiser montre comment l'Historiographie dtr devient la clé de lecture de l'ensemble de Gn-2R en insistant sur l'obéissance vis-à-vis de la Tora comme condition du salut d'Israël. La prophétie de malheur préexilique devient après la catastrophe de l'exil à la fois littérature de consolation et d'exhortation à la fidélité vis-à-vis de Yhwh et de sa Tora. La littérature sapientielle finalement "résout" le problème du non fonctionnement de l'idée de la rétribution soit par une "eschatologisation" de la rétribution (Dieu jugera les méchants à fin des jours) soit par la soumission de la sagesse à la Tora.
Les trois ensembles montrent ainsi comment la Tora y devient un principe herméneutique. Il est donc logique que Kaiser fasse suivre une partie sur la Tora (p. 300-353) où il affirme très clairement que c'est la Tora qui est le centre de l'AT. A notre connaissance Kaiser est le premier auteur chrétien d'une théologie de l'AT à souligner ce qui de point de vue historique et canonique est une évidence .
Kaiser complète cette affirmation en lui joignant trois concepts qui donnent à l'AT son unité: a. la relation fondamentale: Yhwh est le Dieu d'Israël, et Israël le peuple de Yhwh (cf. également Schreiner); b. le commandement principal: Israël ne doit servir aucun autre dieu (Ex 20,3//Dt 5,7); c. l'équation fondamentale: obéissance et salut, justice et vie se correspondent comme désobéissance et malheur, ainsi qu'injustice et mort (I, p. 350; II, p. 17-18).
Le deuxième tome s'ouvre par ce que Kaiser appelle la relation fondamentale: Yhwh, le Dieu d'Israël (II, p. 29-66). Cette affirmation devient problématique et théologiquement significative après la catastrophe de l'exil: sont ainsi présentées les réponses du Yahwiste (exilique), du document sacerdotal, du Deutéro-Esaïe, du Deutéronome, du Deutéronomiste et du livre d'Osée rédigé par les Deutéronomistes. Les paragraphes suivants traitent du nom et des titres de Yhwh et de sa perception comme Dieu proche et néanmoins lointain (II, p. 67-160). Les paragraphes consacrés au culte, au temple et à l'interdiction d'images (II, p. 161-209) font apparaître une spiritualisation et du culte et de la conception de la présence divine. La dernière partie de l'ouvrage présente le discours vétérotestamentaire de la création (II, 233-317). A la suite de Westermann et Albertz, Kaiser distingue l'idée de la création de l'homme, plus ancienne, de celle de la création du monde. Israël partage ses idées avec ses voisins; en opposant le Dieu créateur au monde créé, les auteurs bibliques cassent l'identité mythique entre théogonie et cosmogonie, entre naissance des dieux et du monde. L'homme devient ainsi médiateur entre Dieu et le monde (cf. Gn 1). C'est pourquoi Kaiser termine avec des réflexions anthropologiques ("l'homme comme créature et image de Dieu") qui débouchent sur la nécessité et les limites des discours anthropomorphiques sur Dieu. Cette conclusion est originale, car contrairement aux autres théologies présentées, Kaiser ne souligne ni l'ouverture de l'AT ni ses analogies avec le NT. Il reste dans le cadre de la Bible hébraïque en s'interrogeant sur les possibilités humaines de parler de Dieu (avec un renvoi à Es 40,18). Cet arrangement s'explique sans doute par l'option de Kaiser de comprendre l'AT comme un livre qui confronte chaque homme avec la nécessité de comprendre son existence dans la tension entre don et exigence. Ainsi il devient possible d'écrire une théologie de l'AT qui ne débouche pas automatiquement sur la "suite" néotestamentaire.
Face à ces parutions récentes, peut-on tirer un bilan? Il apparaît que contrairement au souhait de R. Albertz les théologies de l'AT fleurissent (aux Etats-Unis vient d'ailleurs de sortir une impressionnante Théologie de l'AT rédigé par W. Brueggemann ). Les approches sont bien sûr diverses, mais on serait mal conseillé de vouloir se lamenter de cette "affreuse subjectivité". Toute théologie, quelle soit biblique ou systématique comporte toujours une dose de subjectivité. Il y a d'ailleurs un consensus parmi les auteurs présentés qui concordent dans l'idée que la tâche d'une théologie de l'AT devrait être descriptive. Elle devrait faire ressortir les grandes thèmes et enjeux de la Bible hébraïque face auxquels le théologien ou les "simple lecteur" sont invités à se situer. R. Albertz et autres font remarquer que le fait d'écrire une théologie de l'AT est apparemment une affaire de chrétiens. Ceci est en grande partie vrai . Comment expliquer ce phénomène? On pourrait d'abord dire que la volonté de classer, de "systématiser", est contraire à la tradition juive d'interprétation qui, elle, insiste avant tout sur le débat dans l'interprétation. Peut-être faudrait-il davantage intégrer cet aspect dans une synthèse qui de toute façon, comme l'ont souligné quasiment tous les auteurs récents, devrait prendre en compte la diversité des idéologies à l'intérieur de l'AT sans les gommer, voire harmoniser. Une théologie de l'AT doit être une théologie au pluriel. Il me semble également impossible en ce qui concerne la Bible hébraïque de séparer la théologie de l'anthropologie. Les discours sur Dieu et sur l'homme sont tellement entremêlés, que pour l'AT parler de Dieu signifie aussi parler de l'homme et vice versa.
Une théologie "crédible" de l'AT devrait prendre en considération les paramètres suivants: ne pas commencer par une reconstruction historique de la foi yahwiste mais partir de la Bible hébraïque telle qu'elle existe en ses trois parties et réfléchir sur la "théologie" de cette structure. Mais puisque le canon níest pas un ensemble lisse mais contient des énoncés fort divers, voire contradictoire, il faut faire ressortir ces différentes voix et les théologies respectives qu'elles véhiculent. Il faudrait également réfléchir sur la signification théologique de telles cohabitations difficiles. Le théologien de l'AT ne peut donc pas faire abstraction des résultats de l'exégèse historico-critique qui mettent en relief les conditions historiques et sociologiques de la mise par écrit des textes bibliques. A la fin du parcours la question du "centre" ou de l'unité dans la diversité devra être posée, de même que celle de la relation entre AT et NT, question inévitable pour un auteur qui écrit dans un contexte chrétien.

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