2 mai 2024 - UNIGE

 

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Un nouvel anticoagulant sans risque d’hémorragie

Une équipe de l’UNIGE, en collaboration avec l’Université de Sydney, a mis au point un nouveau type d’anticoagulant dont l’action peut être rapidement stoppée.

 

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Illustration de l’action combinée de deux molécules qui coopèrent pour inhiber la thrombine. L’antidote dissocie les deux molécules, empêchant la coopération. © Millicent Dockerill / Nicolas Winssinger

 

Il existe des médicaments dont l’action thérapeutique recherchée est tellement efficace qu’ils en font parfois un peu trop. C’est le cas notamment de certains anticoagulants, tels que l’héparine et la warfarine, qui sont essentiels dans la prise en charge de maladies cardiaques, d’AVC et de thromboses veineuses, mais qui présentent en même temps un risque accru de saignements graves. Cherchant à remédier à cet effet indésirable dangereux, Nicolas Winssinger, professeur au Département de chimie organique (Faculté des sciences), et ses collègues ont réalisé une double prouesse. Comme ils l’expliquent dans un article paru le 30 avril dans Nature Biotechnology, les scientifiques ont développé non seulement un nouveau principe actif anticoagulant, mais aussi son «antidote» associé, c’est-à-dire une molécule que l’on peut administrer si nécessaire et qui est en mesure de bloquer l’action dudit médicament. Cette solution, qui pourrait d’ailleurs également être appliquée dans le domaine en plein essor de l’immunothérapie, a été testée avec succès sur des souris.

 

La cible principale des anticoagulants actuels est la thrombine, une protéine dont l’action est responsable de la coagulation sanguine. L’utilisation de ces médicaments repose sur une analyse risque-bénéfice dans laquelle la prévention ou la réduction de la progression de la maladie traitée doit l’emporter sur le risque accru d’hémorragie. Les anticoagulants, et en particulier l’héparine et la warfarine, requièrent ainsi un suivi régulier de la coagulation sanguine dans la mesure où ils sont susceptibles de provoquer des saignements graves en cas de surdosage. Environ 15% des visites d’urgence à l’hôpital pour des effets indésirables de médicaments sont attribuables à des complications liées aux traitements anticoagulants (ce qui représente environ 235 000 cas par an aux États-Unis). D’où l’importance de développer de nouvelles options thérapeutiques plus sûres et plus efficaces.
Le principe actif mis au point par le groupe de Nicolas Winssinger vise lui aussi la thrombine. Il est composé de deux molécules qui se fixent sur deux sites distincts de leur cible. Une fois «attachées», ces deux molécules s’associent, ce qui a pour effet d’inhiber l’activité de la thrombine, réduisant ainsi son effet coagulant.
Ce nouveau principe actif pourrait notamment offrir une alternative plus fiable et plus facile à mettre en œuvre que les produits habituels lors des procédures chirurgicales. L’héparine, couramment utilisée dans ce domaine, est en effet un mélange de polymères de différentes longueurs extraits de l’intestin du porc. Il en résulte une action dont le taux de variabilité est élevé et qui demande que soient effectués des tests de coagulation pendant les opérations chirurgicales. D’origine synthétique, le nouvel anticoagulant genevois pourrait résoudre ces problèmes de pureté et de disponibilité.
La deuxième avancée de l’étude est donc l’antidote. Les scientifiques ont prolongé chacune des deux molécules qui se fixent à la thrombine avec un brin d’acide nucléique peptidique (ANP). Ces derniers peuvent s’assembler entre eux, ce qui, en l’occurrence, active l’effet anticoagulant du dispositif supramoléculaire. Il se trouve cependant que les liaisons entre les brins d’ANP sont relativement faibles et faciles à rompre. L’équipe de recherche a ainsi montré que des brins d’ANP libres correctement conçus sont capables de dissocier les deux molécules fixées à la thrombine et donc de désactiver l’action du médicament.
Le nouveau traitement expérimental et son antidote ont été testés avec succès d’abord sur des cellules de plasma humaines et de souris, puis sur des souris vivantes.
Au-delà de la problématique de l’anticoagulation, ce concept supramoléculaire d’activation/désactivation du principe actif pourrait avoir un intérêt important dans le domaine de l’immunothérapie, notamment pour les thérapies CAR-T. Bien que celles-ci représentent un progrès majeur de ces dernières années dans le traitement de certains cancers, leur prise est associée à un risque d’emballement du système immunitaire significatif pouvant aller jusqu’au décès de la patiente ou du patient. Avoir la capacité de désactiver rapidement le traitement à l’aide d’un antidote accessible pourrait ainsi constituer une avancée cruciale pour améliorer la sécurité et l’efficacité de ces thérapies.

 

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