Campus n°157

Petite histoire des rues genevoises

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Estampe d’Eugène L’Huillier (1871-1931) représentant la rue des Belles-Filles qui, au Moyen Age, faisait partie du quartier chaud de la ville de Genève avec le cul-de-sac du Vieux-Bordel et la rue Chausse-Con. Au fil du temps, le quartier évoluant, les nouveaux habitants ont eu honte de leur adresse et les rues ont changé de nom, devenant respectivement la rue Étienne-Dumont, la rue Maurice et la rue Chausse-Coq.

Les précurseurs des noms de rues à Genève sont les enseignes ou les particularités ornant les bâtiments de la ville. Tel ou tel négoce, certaines sculptures, des inscrip­tions commémoratives ou encore le nom des propriétaires ornant les façades permettent alors de se repérer dans la ville et servent à localiser une foule d’autres immeubles «secondaires». Les rues de la Croix-d’Or, du Soleil-Levant ou encore la place des Trois-Perdrix tirent leur nom de ces anciennes enseignes.

Le 17 septembre 1782, les registres mentionnent la première numérotation des immeubles de Genève. La mesure est en réalité imposée par Charles Léopold de Jaucourt, maréchal de camp qui commande les régiments français entrés en ville quelques semaines plus tôt afin de calmer les troubles secouant alors la République.

Elle est immédiatement mise à exécution. La ville est divisée en quatre quartiers (la Maison-de-Ville, le Bourg-de Four, les Rues-Basses et Saint-Gervais) recevant chacun une numérotation spéciale. Chaque série débute à l’une des extrémités du quartier. Les numéros sont ensuite alignés les uns après les autres en épousant la topographie urbaine et en suivant les contours des rues, jusqu’à revenir au point de départ: le dernier numéro du quartier fait face au premier. En tout, 1002 numéros sont distribués, représentant autant d’immeubles distincts. Plus qu’un inventaire fiscal, ce dénombrement représente donc un véritable cadastre.

Tout aussi immédiatement, les habitants s’opposent à ce numérotage en l’effaçant parfois malgré les ordonnances de police. La population finit tou­te­fois par s’habituer à ce système de fichage. Comme l’explique Marco Cicchini, chercheur au Département d’histoire générale dans son ouv­rage La Police de la République: l’ordre public à Genève au XVIIIe siècle, «le numérotage des maisons apparaît en Europe à partir du siècle des Lumières comme un outil administratif inédit. En rompant avec la connaissance intime du territoire urbain, avec les repères de voisinage et l’interconnaissance des habitants, le numérotage instaure de nouvelles catégories administratives de perception de l’espace dans les villes de l’Ancien Régime.» Il faut attendre 1860 pour que la numérotation des maisons soit entièrement modifiée en même temps que certains noms de rues. C’est à cette occasion que la rue des Chanoines devient la rue Calvin et que la rue des Belles-Filles devient la rue Étienne-Dumont (lire aussi la légende ci-dessus).

https://www.ge.ch/denommer-rue/histoire-noms-rues