Campus n°105

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n°105 septembre-novembre 2011
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Communiquer: de quel droit?

Destinée aux étudiants autant qu’aux praticiens, la seconde édition du «Droit de la communication» fait le point sur les nombreuses innovations qu’a connues cette discipline au cours des dix dernières années

Dans le monde hypermédiatisé qui est le nôtre, communiquer est une science autant qu’un art. En plus d’un certain savoir-faire, rédiger un article, publier un blog ou diffuser des contenus sur le Web exige en effet de maîtriser les droits qui régissent ce domaine. La chose paraît évidente, mais la tâche n’est pas simple. En une dizaine d’années, le droit de la communication a en effet considérablement évolué. Outre la consécration des libertés d’opinion et d’information dans la Constitution, la Suisse s’est ainsi dotée d’une nouvelle loi sur la radio et la télévision, tandis que les textes régissant les télécommunications ou les droits d’auteur subissaient d’importantes révisions. Outil de travail destiné aux étudiants autant qu’aux praticiens du domaine (avocats, juristes, magistrats, journalistes...), la deuxième édition du Droit de la communication a pour vocation de présenter de manière claire et concise l’ensemble de ces innovations.

Un domaine en plein essor

«Auteur de l’édition parue en 1998, Denis Barrelet, qui était à la fois journaliste et professeur de droit de la communication aux Universités de Fribourg et Neuchâtel ainsi qu’au Centre romand de formation des journalistes (CRFJ), comptait mener à bien cette entreprise, explique Stéphane Werly, chargé d’enseignement au sein du Département de droit public de la Faculté de droit de l’UNIGE et professeur en droit des médias à l’Université de Neuchâtel. Mais son décès, intervenu en 2007, l’a empêché d’aller au bout de son projet. J’ai donc repris le flambeau pour aboutir à une nouvelle version dont le contenu a dû être presque totalement remanié. Le droit de la communication étant un domaine en plein essor, il y a en effet sans cesse de nouvelles questions qui se posent, ne serait-ce qu’au regard de l’évolution technologique. Internet en est sans doute la meilleure illustration.»

Prenant en compte l’ensemble de la doctrine et de la jurisprudence publiées sur le sujet jusqu’au 30 novembre 2010, l’ouvrage réalisé par Stéphane Werly est enrichi d’exemples pratiques destinés à guider dans ses démarches juridiques aussi bien la victime d’un article diffamatoire que le téléspectateur indisposé par une émission ou l’annonceur soucieux d’éviter les pièges de la concurrence déloyale.

«Contrairement à des pays comme la France, qui disposent de lois générales sur la communication, le système juridique suisse est très morcelé, commente Stéphane Werly. Au milieu des nombreux textes qui touchent de près ou de loin à ce domaine d’activité, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver.»

Entrée en vigueur le 1er janvier 2000, la nouvelle Constitution fédérale sert de socle à l’édifice. Fixant les principes généraux, elle consacre notamment la liberté d’expression et d’opinion qui, jusque-là, était déduite de la jurisprudence sans apparaître explicitement dans les textes. Deuxième étage de la fusée, le Code pénal, qui a également subi d’importantes modifications en 2007, apporte un certain nombre de limitations à ces libertés.

Viennent ensuite une série de lois spéciales ponctuellement révisées. Comprenant de nouvelles dispositions destinées à lutter notamment contre les «spams», la loi sur les télécommunications a ainsi été modifiée en avril 2007. A la même date, la loi sur la radio et la télévision a, elle aussi, été révisée de fond en comble afin de mieux s’adapter à l’évolution du paysage audiovisuel.

A cet édifice complexe, qui inclut également une loi sur le cinéma (adoptée en décembre 2001), il faut ajouter un certain nombre de particularités liées au fédéralisme. «Même si les lois cantonales se doivent d’être conformes au droit fédéral, les cantons disposent d’une certaine latitude, en particulier en matière de droit administratif, explique Stéphane Werly. Ainsi, alors qu’à Genève ou dans le canton de Vaud, tout citoyen peut avoir accès à des documents provenant de l’Administration, il n’existe pas de disposition comparable à Glaris, à Lucerne ou à Zoug.»

Un public mieux informé

Dernier acteur du système, le Conseil suisse de la presse a vu son activité se développer considérablement depuis quelques années. Saisi de plus en plus fréquemment par les citoyens (la procédure est gratuite), l’organe d’autorégulation des médias nationaux rend ainsi aujourd’hui entre 60 et 80 décisions annuelles contre une quinzaine à la fin du siècle passé. La profession de journaliste n’étant pas réglementée par l’Etat, le Conseil ne peut toutefois émettre que des recommandations. «Ce mouvement traduit sans doute davantage une meilleure information de la part du public, qui fait preuve d’un sens critique de plus en plus aigu, qu’une multiplication des dérives dans les médias, analyse Stéphane Werly. Mais il est important dans la mesure où les avis rendus par le Conseil suisse de la presse ont un poids croissant devant les tribunaux.» A bon entendeur...

Vincent Monnet

«Droit de la communication (2e édition revue et mise à jour)», par Denis Barrelet et Stéphane Werly, ed. Stämpfli, 739 p.