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Dossier | Impôts
L’impôt fédéral direct: un siècle de prélèvement provisoire
Mesure temporaire instaurée en 1915, l’impôt fédéral direct servait à l’origine à couvrir les dépenses militaires. Il représente aujourd’hui la deuxième source de revenus de la confédération après la TVA
Cela ne saute pas aux yeux, mais l’Impôt fédéral direct (IFD) est une mesure provisoire. La durée limitée du prélèvement a même été confirmée par la nouvelle Constitution suisse de 1999. Elle doit donc être périodiquement prolongée. La dernière fois remonte à 2004 (par arrêté fédéral, confirmé par une votation populaire) et la suivante est agendée à 2020.
Le caractère provisoire de l’IFD vient du fait qu’historiquement il a été introduit de manière exceptionnelle pour couvrir les dépenses militaires liées à la Première Guerre mondiale. Lors d’une votation populaire, le peuple et les cantons acceptent en effet à une forte majorité la perception d’un «impôt de guerre non renouvelable» qui sera perçu en 1916 et en 1917 sur la fortune et le produit du travail des personnes physiques, ainsi que sur le capital des personnes morales. En 1918, une initiative du Parti socialiste tente d’ancrer cet impôt dans la Constitution, mais elle est rejetée.
Impôt extraordinaire Les soucis fiscaux de la Confédération ne s’arrêtent cependant pas avec la fin de la guerre : service de la dette, subventions, salaires, dépenses militaires et renchérissement grèvent son budget. Pour y remédier, la Confédération est autorisée, par une votation populaire, à percevoir un « nouvel impôt de guerre extraordinaire » sur la fortune et le produit du travail et dont la perception couvre les années 1921 à 1932.
En 1933, c’est la crise économique qui pousse une fois de plus les autorités à prendre des mesures fiscales exceptionnelles au niveau national afin de « sauvegarder les intérêts suprêmes du pays et de maintenir la solidarité de toutes les classes du peuple ». L’une d’elles est la « Taxe de crise » (1934-1940) qui devient l’« Impôt de défense nationale » (IDN) à partir de 1941. Ce dernier est prolongé plusieurs fois.
En 1958, une nouvelle votation populaire donne, enfin, à la Confédération la compétence de prélever un « impôt fédéral direct », destiné à remplacer l’IDN. Il faut néanmoins du temps pour le mettre en place. Les contribuables voient pour la première fois cette appellation dans leur déclaration d’impôts pour la période de taxation 1983/1984.
Fortement progressif En 1993, une initiative populaire, lancée par l’Union suisse des arts et métiers demande la suppression de l’IFD. Elle aboutit mais sera finalement retirée en 1996. « L’IFD est un impôt fortement progressif, explique David Hiler, ancien conseilller d’Etat chargé du Département des finances (2005-2013) et ancien chargé d’enseignement à l’Université de Genève. Peu pesant pour les petits salaires, il devient très élevé pour les gros revenus. C’est pour cela qu’il a régulièrement fait l’objet d’attaques. »
En 2012, l’IFD a rapporté 18,3 milliards de francs, soit 29,1 % des revenus totaux de l’Etat qui se montaient alors à 63 milliards de francs. Les dépenses militaires, qui ont justifié la mise en place de cet impôt et qui représentaient il y a un siècle l’essentiel des dépenses de l’Etat, ne comptent plus que pour 7,2 % du budget fédéral (4,4 milliards de francs en 2012).
L’IFD est la deuxième source de revenus de la Confédération, après l’impôt sur la consommation, à savoir la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette dernière a été introduite en 1995 en remplacement de l’impôt sur le chiffre d’affaires (ICHA). Introduit en 1941 pour compenser le recul des recettes douanières, l’ICHA était prélevé sur la contre-valeur des livraisons de marchandises mais pas sur celle des services. Une lacune que comble désormais la TVA, dont le taux est fixé à 8 %. Cette taxe a rapporté 22 milliards de francs en 2012, soit 35 % du budget de l’Etat.
Références: Dictionnaire historique de la Suisse (www.hls-dhs-dss.ch) et Conférence suisse des impôts
Les impôts d’autrefoisL’histoire est jalonnée de taxes, droits, dîmes et autres tailles. Ces impôts ont touché la fortune, les biens, le revenu, la confession, la liberté, bref tout ce qui a un prix. Ils ont servi à faire la guerre, à assurer la sécurité, à enrichir le seigneur, à financer le clergé, à prévoir une assistance, etc. Voici quelques taxes, aujourd’hui disparues, qui étaient en vigueur sur le territoire suisse au Moyen Age et durant l’époque moderne. Taxe de bailliage Dédommagement dû au bailli, en tant que protecteur des personnes, par les gens de son ressort. Il consistait souvent en une poule ou une mesure d’avoine. Corvées Transports, journées de travail, services, en faveur du seigneur. Droit de mainmorte Droit du seigneur à une part de la succession d’un dépendant, à savoir la meilleure pièce (animal, habit, arme personnelle ou lit) des biens meubles. A l’origine, il s’agit du droit du seigneur à hériter tous les biens meubles de ses serfs. Droit de détraction Impôt sur la fortune dû par ceux qui quittent la seigneurie, substitué à l’ancien attachement des serfs à la glèbe. Cens Redevance due au seigneur foncier à titre de loyer pour une tenure (domaine agricole) ou une exploitation soumise à concession (moulin, forge, boulangerie, etc.). Droit de formariage Taxe due en cas de formariage, c’est-à-dire de mariage entre serfs de deux seigneurs différents. A l’origine, le formariage était interdit. Glandage Redevance due en contrepartie du droit de récolter des glands et faînes dans les forêts seigneuriales pour engraisser les porcs. Droit de toise Redevance due au seigneur d’une ville par celui qui dispose d’un chesal (parcelle urbaine constructible). Droit du sautier Taxe payable en poules ou en grains due aux auxiliaires du tribunal. Ohmgeld Impôt indirect sur les boissons alcooliques, perçu surtout par les villes et, dès le XVe siècle, également par les souverains territoriaux. Droit d’épave Droit du seigneur sur le bétail échappé et les abeilles « épaves » (essaims égarés). Droit d’aubaine Droit du seigneur justicier sur la succession des enfants illégitimes et des étrangers. Dîmes Droit correspondant au dixième des produits de la terre (champs et jardins), du croît des troupeaux (« nascents »), du foin, etc. La dîme était originellement due à la paroisse ou à son patron pour l’entretien de l’église et, dès le XVIe siècle, pour l’assistance aux pauvres et l’école. Prémices Droit des ecclésiastiques sur les premiers fruits (grains, jeunes animaux) Impôts sur les juifs Entre le XIIIe et la fin du XVIIIe siècle, des impôts visant spécifiquement les juifs ont été mis en place. Dès 1215, l’Eglise revendique une compensation pour les droits d’étoles qu’elle ne peut exiger des juifs, ainsi que la dîme. A partir de 1234/36, les juifs doivent s’acquitter d’un impôt pour bénéficier de la protection de l’empereur d’abord, puis de celle des villes suisses. Les autorités inventent ensuite de nouveaux prélèvements: emprunts obligatoires sans intérêts, cadeaux de Nouvel An aux corporations, droit de sépulture, droit de nuitée pour les juifs étrangers, péage corporel, etc. Les amendes, elles, sont fixées à des montants exorbitants. A l’époque moderne, les communautés juives payent la taxe de protection due à la Diète pour un droit de séjour limité et des redevances tacites aux cantons et aux baillis. Taxes traditionnelles et amendes excessives restent en vigueur jusqu’en 1798. Source : Dictionnaire historique de la suisse, www.hls-dhs-dss.ch |