Les Genevois de Berne
En deux siècles, Genève a donné à la Suisse 5 Conseillers fédéraux et quelques personnalités d’envergure nationale qui ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de la Confédération. Brève revue des effectifs
Fonctions politiques: Membre du Conseil des Deux-Cents (1770-1792) et du Petit Conseil (1777-1778), chef de la délégation genevoise à la Diète (1815-1818)
Parcours: Joseph Des Arts est l’un des principaux rédacteurs de l’édit de Pacification de 1782 visant la restauration des lois, des valeurs morales et religieuses à Genève. Il écrit en 1791 que «les hommes naissent et demeurent inégaux en droit»; que «l’inégalité des fortunes établit l’inégalité des droits politiques» ou encore que «la souveraineté du peuple est une chose détestable». Réfugié dans le Pays de Vaud en 1792, il est condamné à mort par le tribunal révolutionnaire en 1794. De retour à Genève en 1806, il préside la Société économique chargée de gérer les biens des bourgeois de Genève après l’annexion par la France. Après avoir préparé la restauration de la République avec notamment l’ancien syndic Ami Lullin, il est envoyé en délégation à Bâle auprès des Alliés en 1814. Auteur principal de la nouvelle Constitution genevoise, Joseph des Arts s’oppose à l’extension territoriale du futur canton, refusant une population à majorité catholique.
Fonctions politiques: Membre du Conseil des Deux-Cents (1775) et du Petit-Conseil (1781-1792), chef du gouvernement provisoire en 1813 et premier syndic en 1814 et 1815
Parcours: Comptant parmi les chefs de file du camp conservateur, Ami Lullin est condamné à mort par contumace par le tribunal révolutionnaire en 1794. Réfugié à Archamps, sous la protection du duché de Savoie pendant l’occupation française, Ami Lullin prend la tête du gouvernement provisoire genevois à la suite de la «libération» de la ville par les Autrichiens. Lullin est un des principaux artisans de la Restauration et un acteur clé dans le processus qui a conduit à l’entrée de Genève dans la Confédération.
Fonctions politiques: Membre du Conseil des Deux-Cents (1788).
Parcours: Réputé pour sa ferme modèle et son élevage de mérinos à Lancy, Charles Pictet de Rochemont est destiné par son père à une carrière militaire. Après 10 ans au service de la France, il est de retour à Genève en 1785. En 1794, son beau-frère est condamné à mort et exécuté par les tribunaux révolutionnaires. Cet épisode tragique, ainsi qu’une condamnation à une année de détention domestique dans son domaine de Cartigny, détournent Pictet de Rochemont de la vie politique. Il y reviendra vingt ans plus tard, en tant que diplomate. Représentant de Genève et de la Confédération aux Congrès de Paris, Vienne et Turin, il obtient finalement Versoix et les cinq communes nécessaires à la contiguïté du territoire helvétique.
Fonctions politiques: Elu au Conseil représentatif (1819), député à la Diète extraordinaire (1830), élu au Grand Conseil (1842), puis au Conseil national (1854-1857), conseiller aux Etats (1862-1866)
Parcours: Professeur de mathématiques à l’Académie, membre fondateur de la Croix-Rouge internationale, militaire de carrière, ingénieur et cartographe (on lui doit la première carte de la Suisse à relevé topographique précis), Guillaume-Henri Dufour est aussi l’inventeur du drapeau national adopté en 1848. Nommé général, l’année précédente, il est à la tête de l’armée fédérale lors de la guerre du Sonderbund. En 27 jours, au prix de pertes très faibles, il obtient la reddition de la coalition catholique formée par sept canton catholiques.
Fonctions politiques: Membre du Conseil représentatif (1814-1821), conseiller d’Etat (1821), élu onze fois premier syndic (1825-1843), envoyé huit fois en tant que député à la Diète fédérale
Parcours: Officier au service de la France durant la période impériale et grand amateur d’art, Jean-Jacques Rigaud est la cheville ouvrière du mouvement de la Régénération. Ce libéral modéré adepte du «progrès graduel» a appuyé de son influence considérable la révision du Pacte fédéral de 1815.
Fonctions politiques: Elu au Conseil représentatif (1820), représentant de Genève à la Diète (1832)
Parcours: D’origine italienne, Pellegrino Rossi devient le premier professeur catholique de l’Académie de Genève en 1819.A Berne, il participe aux travaux de révision du Pacte fédéral de 1815. Le «Pacte Rossi». sans doute trop ambitieux pour l’époque, est finalement rejeté en juillet 1833, mais nombre de ses propositions seront reprises par la suite. Fervent patriote, il n’a de cesse de louer l’idée de «patrie commune» devant les Confédérés. Son action a largement contribué à faire oublier la réputation de trublion de Genève et a permis au nouveau venu de se profiler durablement comme l’arbitre des conflits entre les cantons conservateurs du Sonderbund et les forces progressistes radicales.
Fonctions politiques: Membre de l’exécutif cantonal et conseiller national (1858), conseiller fédéral (1864-1872)
Parcours: Membre du parti radical, Jean-Jacques Challet-Venel fait carrière dans l’ombre de James Fazy. Une fois élu au Conseil fédéral, ce gestionnaire habile a su maîtriser quelques dossiers financiers et monétaires délicats avant que sa carrière politique ne s’achève brutalement en 1872. Jean-Jacques-Venel est en effet longtemps resté le seul conseiller fédéral a ne pas avoir été réélu alors qu’il était en fonction. Cette sortie, longtemps jugée «pitoyable» par l’historiographie, s’explique par un changement de majorité ayant provoqué la domination du camp centralisateur favorable à une révision de la constitution. Challet-Venel, lui, y est opposé, raison pour laquelle il est écarté.
Fonctions politiques: Conseiller aux Etats (1881), conseiller national (1884), conseiller fédéral (1892-1899)
Parcours: Radical, homme de compromis politiques et religieux, Adrien Lachenal devient Conseiller fédéral en charge du Département des affaires étrangères dans un contexte de relations commerciales problématiques avec la France. Fort de ses solides relations parisiennes, il se consacre avec succès au rétablissement des relations économiques entre les deux pays. Adrien Lachenal est Président de la Confédération l’année de Exposition nationale de Genève (1896). En charge du département de l’intérieur, il contribue à l’établissement de l’assurance maladie ainsi qu’au développement des chemins de fer.
Fonctions politiques: Membre du Grand conseil (1874), Conseiller d’Etat (1879-1880 et 1885-1897), conseiller fédéral (1917-1919)
Parcours: Avocat de formation, membre du CICR pendant près de six décennies (1870-1928), Gustave Ador est l’«incarnation de l’un des mythes les plus puissants de l’identité suisse». Il créée l’Agence pour les prisonniers de guerre en 1914. C’est aussi sous sa présidence que le CICR reçoit, en 1917, le seul prix Nobel de la paix remis durant les années de guerre. La même année, Gustave Ador est élu, à l’âge de 72 ans, au Conseil fédéral. S’appuyant sur une politique active, il va chercher à la fois à réduire les divisions qui règnent entre les Confédérés et à rétablir la confiance de l’étranger. Acquis aux idées du président américain Wilson, il est un des artisans de l’entrée de la Suisse à la Société des nations et l’un des rares conseillers fédéraux à avoir acquis une stature internationale.
Parcours: Né à New York, William Rappard est âgé de 24 lorsque l’Université d’Harvard lui offre un premier poste d’enseignant mais c’est à Genève qu’il s’engage deux ans plus tard en tant que professeur d’histoire économique. Fondateur de l’Institut universitaire de hautes études internationales et deux fois recteur, il œuvre beaucoup pour renforcer les liens entre Romands et Alémaniques au cours de la Première Guerre mondiale. Emissaire du Conseil fédéral à Washington en 1917, il participe à la délégation qui obtient la reconnaissance de la neutralité suisse. En janvier 1919, il est à Paris pour suivre les travaux de la Conférence de la paix chargée de donner corps à la SDN et y défendre les intérêts de la Suisse. En 1942, il tente d’assouplir le blocus continental imposé par les Alliés. En 1946, il cherche à améliorer les relations avec les vainqueurs et participe à la signature des accords de Washington destinés à régler notamment le dossier de l’or nazi.
Fonctions politiques: Membre du Conseil de Ville de Berne (1989-1992), conseillère fédérale (1993-2002)
Parcours: Ruth Dreifuss obtient une licence en sciences économiques à l’UNIGE en 1970. Adjointe scientifique à la direction de la coopération et de l’aide humanitaire du Département fédéral des affaires étrangères (1972-1981), puis secrétaire de l’Union syndicale suisse (1981-1993). Centième conseillère fédérale de l’histoire suisse et seconde femme à exercer cette fonction, elle prend la tête du Département de l’intérieur. Elle pilote l’introduction de la Loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), acceptée par le peuple le 4 décembre 1994, la 10e révision de l’AVS, ainsi que la mise en place d’une nouvelle politique de la drogue fondée sur le principe des 4 piliers (prévention, thérapie, aide à la survie et répression). Elle est la première femme à devenir Présidente de la Confédération en 1999.
Fonctions politiques: Députée au Grand Conseil (1981-1997), Conseillère d’Etat (1997-2002), Conseillère fédérale (2003-2011)
Parcours: Formée à l’Institut de hautes études internationales, où elle obtient une licence ès sciences politiques en 1968, Micheline Calmy-Rey administre une société de distribution de livres jusqu’en 1997. Entrée au parti socialiste genevois en 1979, elle en devient présidente (1986-1990 et 1993-1997). En tant que conseillère d’Etat, elle participe notamment au sauvetage de la banque cantonale. Et en tant que conseillère fédérale en charge des Affaires étrangères, elle paraphe les accords bilatéraux II avec l’Union européenne et négocie avec le régime de Mouammar Kadhafi lors de la crise des otages suisses en Libye. Elle est aujourd’hui professeures associée au Global Studies Institute de l’Université.