Campus n°84

Dossier/pédagogie

Faire taire la violence scolaire

Depuis une dizaine d’années, l’équipe de Didier Pingeon supervise un projet de médiation destiné à désamorcer les conflits à l’école. Avec des résultats très positifs

Après avoir fait les beaux jours de l’industrie locale, le quartier de Sécheron, à Genève, est en passe de se faire un nom en matière de lutte contre la violence scolaire. Motif: un projet pilote de médiation scolaire par les pairs mené au Cycle d’orientation sous la houlette de Didier Pingeon, chargé d’enseignement au sein de la Section des sciences de l’éducation et spécialiste des questions liées aux déviances et à la délinquance juvénile.

Lancé en 1998, le projet a démarré avec les 7es années. Elargi depuis aux autres niveaux, il concernait près de 680 écoliers à la rentrée 2006. Il vise non seulement à résoudre des conflits potentiellement violents, mais aussi à prévenir les débordements en fournissant aux adolescents des outils de communication adéquats.

«La plupart des expériences comparables consistaient à nommer ou à élire un certain nombre d’élèves médiateurs selon la taille de l’établissement concerné, explique Didier Pingeon. L’originalité de notre démarche, c’est que tous les élèves sont formés à la médiation, même ceux qui sont réputés difficiles. Cela prend un peu plus de temps et cela demande davantage de moyens. A terme, cela permet cependant d’instaurer une véritable culture commune, non seulement à l’école, mais aussi en dehors. Il s’agit là d’un véritable apprentissage de la citoyenneté.»

Ecoute active, gestion de la parole, jeux de rôles, exercices pratiques permettent aux adolescents de comprendre comment évolue un conflit, d’expliquer leur ressenti par rapport à tel ou tel événement ou de se mettre plus facilement à la place d’autrui. La Section des sciences de l’éducation, qui a développé le modèle, organise la formation des enseignants. Lesquels sont chargés de passer le relais, de former les élèves et de leur servir de répondant. «L’objectif n’est pas de fliquer les élèves, complète Didier Pingeon. Les médiateurs, qui agissent normalement par deux, ne sont pas là pour juger ou pour sanctionner, mais pour restaurer la communication et parvenir à une solution qui convienne à toutes les parties, sans perdant ni gagnant. Cela peut consister en une poignée de main, un accord sur le papier ou un dédommagement quelconque. Autrement dit, c’est passer d’un rapport de force à un rapport de sens.»

Les procédures «officielles» de médiation, qui se faisaient sur rendez-vous, dans une salle prévue à cet effet, sont restées rares. En revanche, les évaluations menées par l’équipe de Didier Pingeon montrent que les élèves se servent fréquemment et de façon spontanée des outils qui leur ont été proposés pour désamorcer un certain nombre de conflits dès leur émergence afin d’éviter que ceux-ci ne dégénèrent.

Résultat: l’ensemble des acteurs impliqués dans le projet a constaté une baisse significative non seulement de la violence, mais surtout du sentiment d’insécurité que les usagers du Cycle de Sécheron pouvaient ressentir. Le bénéfice est également visible en dehors des classes, puisque plusieurs élèves disent avoir utilisé la médiation sur un terrain de sport, dans le quartier ou en famille. Rien d’étonnant dès lors à ce que le procédé ait été plébiscité par de nombreux parents d’élèves. Le «modèle Sécheron» fait d’ailleurs des émules, des expériences semblables ayant été conduites dans des établissements secondaires de Montreux, de Morges, de Neuchâtel et de Cernier. Quant à Genève, les cycles de Montbrillant et des Grandes Communes sont également impliqués.

«En découdre avec la violence. La médiation scolaire par les pairs», par Didier Pingeon, Ed. IES (à paraître au premier semestre 2007)