A lire
La solitude du légiste
A l’automne 1943, François Naville, professeur à la Faculté de médecine et directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Genève, quitte la gare Cornavin à destination de la ville polonaise de Smolensk pour un voyage qui va profondément bouleverser le cours de son existence. Membre d’une commission d’experts chargée de désigner les responsables du massacre de plus de 20 000 officiers polonais dans la forêt de Katyn, le professeur genevois conclut rapidement à la culpabilité des Soviétiques. Ce verdict, qui ne sera officiellement confirmé qu’en octobre 1992, soulève une véritable tempête. Lâché par le Conseil fédéral et le CICR, Naville est victime d’une vaste campagne de discrimination orchestrée par les communistes. A Genève, mis en cause par un député du Parti du travail, il est contraint de se justifier devant le Grand Conseil. Jamais, pourtant, il ne reviendra sur ses conclusions. Au centre de cet ouvrage collectif issu d’un colloque organisé par le CICR et l’UNIGE en 2007, l’affaire de Katyn est exemplaire des difficultés auxquelles doivent faire face les spécialistes de la science forensique lorsqu’ils sont chargés d’intervenir lors d’une crise humanitaire. Soumis à la pression des médias, de la justice et du monde politique, le légiste est en effet la plupart du temps seul face au crime qu’il est supposé élucider. Loin du confort de son laboratoire, plongé dans un contexte souvent hostile et confronté à des situations soulevant une forte charge émotionnelle, il se doit de faire la part des choses entre ce qui relève de sa sensibilité personnelle et ce que lui dicte la vérité scientifique. Un dilemme moral d’autant plus lourd à assumer que sa parole a acquis un poids considérable devant les tribunaux. VM
«Katyn et la Suisse. Experts et expertises médicales dans les crises humanitaires, 1920-2007», Delphine Debons, Antoine Fleury, Jean-François Pitteloud (éd), Georg, 431 p.
Auteures en équilibre
Nombreuses sont les femmes écrivains qui incitent au métissage culturel. Celles qui se déracinent ou s’expatrient, par le choix d’une autre langue ou par leur activité de traductrice, semblent aussi repousser les parois qui séparent un genre sexué de l’autre. Comme si le passage des frontières linguistiques ouvrait de nouvelles perspectives sur les rôles masculin et féminin. C’est ce que cernent les auteures de cet ouvrage en présentant les œuvres d’écrivaines très diverses, qui, au fil de l’histoire littéraire internationale, semblent toutes avoir partagé une condition d’équilibriste faisant le grand écart entre les mondes, les genres et les cultures. Ainsi de l’écrivaine Ahdaf Soueif par exemple, qui réinvente des personnages de fiction emblématiques (le traducteur, l’explorateur, la servante…) : avec elle, l’Egypte d’expression anglaise revisite les stéréotypes véhiculés par la littérature occidentale sur l’Orient. Ou de Nihal Yeginobali, qui, pour parvenir à être éditée, soumet un projet de traduction vers le turc d’un récit qu’aurait signé un hypothétique écrivain américain, Vincent Ewing; son roman et les moyens déployés pour le faire paraître relèvent de l’art consommé du travestissement, couplé à ceux du mensonge et du jeu identitaire autour du nom de plume… Le collectif, placé sous la direction de trois chercheuses parmi lesquelles Agnese Fidecaro, chargée de cours en études genre à la Faculté des lettres, trouve très justement sa place aux jeunes éditions MétisPresses, nées de la conviction qu’il manque, dans le paysage éditorial francophone, une maison qui témoigne de la porosité et des contagions existant entre des champs disciplinaires traditionnellement séparés. Sylvie Délèze
«Femmes écrivains à la croisée des langues 1700-2000 / Women Writers at the Crossroads of Languages 1700-2000 », Agnese Fidecaro, Henriette Partzsch, Suzan van Dijk et Valérie Cossy (sous la dir. de), éditions MétisPresses, 316 p.
Le droit au secours du sport
Les grands événements sportifs tels que la Coupe du monde et le Championnat d’Europe de football ou encore les Jeux olympiques génèrent aujourd’hui des bénéfices qui se chiffrent en milliards d’euros. Face à de tels enjeux économiques, comment protéger les droits des organisateurs et des sportifs en matière de propriété intellectuelle? Premier volume d’une série destinée à rendre publiques les contributions des Journées de droit de la propriété intellectuelle, ce bref ouvrage bilingue (français/anglais) a pour ambition de faire le point sur quelques points essentiels pour l’avenir du sport professionnel. C’est le cas du marketing sauvage (ambush marketing), pratique qui vise à profiter gratuitement des effets positifs d’un événement sportif en termes de notoriété et d’image au détriment des sponsors officiels. Cause de nombreuses complications, la protection des marques d’institutions sportives comme l’UEFA ou les Jeux olympiques est aussi abordée par les différents contributeurs rassemblés par Jacques de Werra, professeur aux Départements de droit civil et commercial. De même que l’efficacité des mesures permettant de protéger des informations confidentielles, notamment dans des disciplines hautement technologiques comme la formule 1 ou la voile. Les auteurs insistent enfin sur la nécessité de façonner de nouvelles règles en ce qui concerne la protection et l’exploitation des droits de la personnalité et de l’image des sportifs. VM
«Sport et propriété intellectuelle», Jacques de Werra (éd), Schulthess Verlag, Editions Bruylant, Editions Juridiques Associées,125 p.