Neurodevelopmental and learning disorders 

par Diane Purper-Ouakil, Professeure de psychiatrie, CHU Montpellier

Une majorité des enfants et adolescents répondant aux critères diagnostiques du TDAH ont également des difficultés émotionnelles. Leur retentissement peut être supérieur à celui des symptômes d’inattention ou d’impulsivité/hyperactivité. Les difficultés émotionnelles associées au TDAH peuvent se manifester par de l’irritabilité chronique, des crises de colère ou par l’expression d’une faible estime de soi avec découragement. Dans certains cas, les symptômes émotionnels sont l’expression de troubles comorbides au TDAH: trouble anxieux, troubles de l’humeur dont le trouble disruptif avec dysrégulation émotionnelle, trouble oppositionnel avec provocation ou troubles en relation avec un traumatisme. Cette présentation a comme objectif de proposer une mise au point à propos des aspects cliniques des principales difficultés émotionnelles, leurs corrélats neuropsychologiques/neurophysiologiques et leurs approches thérapeutiques psychologiques et médicamenteuses. Ce dernier point sera illustré par des exemples issus de nos programmes de recherche et des nouvelles perspectives en recherche clinique.

par Marianne Jover, Professeure, Université d’Aix-Marseille

La très grande fréquence de la comorbidité entre les troubles du neurodéveloppement est un fait largement documenté (Kaplan et al., 2001). L’explication et les implications de ce phénomène sont encore l’objet de beaucoup de questions, comme en témoigne le récent thème de recherche déployé dans la revue Frontiers in Neurosciences par Moll, et al. (2021). A l’aide de travaux menés avec différents collaborateurs sur la dyslexie et le trouble développemental de la coordination, j’exposerai l’idée selon laquelle la comorbidité constitue une situation fructueuse pour comprendre les troubles du neurodéveloppement (Cignetti et al., 2018, Maziero et al., 2020, Bellocchi et al., 2021, Jover et Huau, 2021). L’étude de la comorbidité révèle les mécanismes sous-jacents qui unissent les différents troubles, mais également ceux responsables des présentations diverses d’un même trouble. Plusieurs nouveaux modèles existent ainsi à ce jour qui tiennent compte de ce phénomène et qui repositionnent le développement au centre du processus pathogénique (Dewey, 2018, McGrath et al., 2020). Les répercussions de ces modèles sur les méthodologies de recherche, les classifications nosographiques, et les stratégies de prise en charge seront envisagées dans un dernier temps de la présentation. Elles sont déjà en cours et assez importantes pour mériter d’être taxées de révolution kuhnienne par Sonuga-Barke (2020).

par Michèle Mazeau, Médecin de rééducation MPR, Paris

Les troubles touchant électivement l'accès à la numération et au calcul (ou encore "dyscalculies") sont souvent négligés ou méconnus ou bien confondus avec les difficultés fréquentes et "banales" en ce domaine. Jean Piaget avait défini sur quelles compétences logiques reposait la notion de nombre, mais ce n'est que plus récemment, avec l'essor des neurosciences cognitives, que se sont complétés les savoirs concernant cet apprentissage très exigeant dans de multiples domaines de la cognition. Connaitre les différentes fonctions cognitives en jeu, leur développement - souvent asynchrone - et leurs interactions réciproques permet i)- de concevoir des stratégies pédagogiques plus pertinentes, en accord avec ces données ii)- de mettre à jour, chez certains enfants, des anomalies ou atypies de développement touchant spécifiquement telle ou telle composante de l'accès à la numératie et donc, de leur proposer des adaptations/compensations bien ciblées et efficaces.

par Pierrick Dudognon, chef du service de la pédagogie spécialisée et Joëlle Leutwyler, cheffe adjointe du service de pédagogie spécialisée, Département de l’Instruction Publique, Genève

Dans le canton de Genève, la prise en charge des troubles neurodéveloppementaux est régie par un accord intercantonal et divers textes législatifs, réglementaires et institutionnels. Le principe cardinal de cette prise en charge est l'adoption de solutions individuelles aussi inclusives que possible, incluant la prise en charge ambulatoire par exemple en logopédie, par la présence d'enseignantes ou enseignants spécialisés en classe régulière pour soutenir un élève donné, ou la scolarisation de l'élève dans une structure de pédagogie spécialisée. Le service de la pédagogie spécialisée (SPS) est l'organisme d'octroi des mesures de pédagogie spécialisée. Il analyse toutes les demandes au sein de son unité clinique et rend les décisions d'octroi pour toutes ces mesures. Lors de la conférence du 15 mars, les diverses prestations de pédagogie spécialisée et les processus d'octroi seront présentés en lien avec le cadre institutionnel et politique genevois. Une réflexion sera par ailleurs esquissée sur les points positifs, les enjeux actuels et les points d'amélioration identifiés dans le canton de Genève.

par Caroline Huron, Psychiatre et Chargée de recherche à l’INSERM, Learning Planet Institute, Paris

La dyspraxie touche 1 enfant par classe. Aussi fréquente que la dyslexie, elle est beaucoup moins connue. Au cours de cette conférence, nous expliquerons les particularités des enfants dyspraxiques et les moyens de les aider à l'école. Nous verrons comment le croisement de regards de chercheurs en sciences cognitives, d'enseignants et d'enfants dyspraxiques permet de développer des solutions pour faciliter l'inclusion scolaire.

par Sylviane Valdois, Directrice de recherche émérite CNRS, Université Grenoble Alpes

Les troubles spécifiques d’apprentissage de la lecture ou dyslexies développementales ont un impact sur le devenir scolaire de l’enfant et à terme sur ses chances d’intégration sociale et professionnelle. Les recherches menées en sciences cognitives ont pour objectif d’identifier les bases neurocognitives de ces troubles, avec la perspective de proposer des remédiations ciblées efficaces. La présence d’un déficit phonologique, associé au fonctionnement atypique de réseaux neuronaux spécifiques au sein de l’hémisphère gauche, est à présent bien documentée dans la population dyslexique. Ceci a eu des répercussions importantes tant en clinique qu’en éducation. Mais tous les enfants dyslexiques ne présentent pas de déficit phonologique et la lecture n’est pas une activité exclusivement langagière. Elle implique également des traitements visuels et visuo-attentionnels indispensables à la reconnaissance des objets visuels complexes que sont les mots écrits. L’étude de ces traitements a permis de mettre en évidence un déficit de l’empan VA en contexte dyslexique. L’Empan VA est une mesure du nombre d’éléments visuels distincts qui peuvent être traités simultanément. Il reflète la quantité d’attention visuelle que l’enfant mobilise lors du traitement. De nombreuses études comportementales montrent que l’empan VA est anormalement réduit chez un sous- groupe d’enfants dyslexiques et qu’un déficit de l’empan VA est le plus souvent dissocié des troubles phonologiques dans la population dyslexique. D’ailleurs, les régions cérébrales et réseaux neuronaux qui sous-tendent l’empan VA sont distincts des régions impliquées dans les traitements phonologiques. Ces recherches suggèrent l’existence de sous-types neurocognitifs distincts de dyslexies développementales. Elles ont conduit à évaluer l’impact sur la lecture d’entraînements ciblant l’empan VA et à montrer leur efficacité, tant pour la remédiation des troubles dyslexiques que pour la prévention des difficultés d’apprentissage en contexte scolaire.

par Hélène Delage, Maître d’Enseignement et de Recherche, Université de Genève

L’acquisition du langage au cours de la petite enfance puis de l’enfance est un phénomène qui se déroule rapidement et sans effort apparent. Cependant, cette acquisition peut être perturbée en l’absence d’une cause clairement établie, et notamment sans lésion ou dysfonctionnement cérébral manifeste. Cinq à dix pourcents des enfants présentent un trouble développemental du langage (TDL), handicap « invisible » qui impacte l’acquisition du langage oral à différents niveaux (traitement des sons, maîtrise de la grammaire, quantité et qualité du lexique), mais aussi les apprentissages scolaires, l’insertion sociale et le bien-être émotionnel. Auparavant considéré comme un trouble spécifique au langage, le TDL est pourtant associé à d’autres difficultés incluant des déficits dans les fonctions exécutives, un ralentissement de la vitesse de traitement ou bien encore un déficit de la mémoire procédurale. Le propos de cette conférence est d’améliorer l’information et les connaissances du grand public sur le TDL qui reste un trouble mal connu, en contradiction avec sa fréquence et sa sévérité. Seront notamment évoquées la difficulté de diagnostiquer un TDL dans un contexte de bilinguisme et les pistes de remédiation liées aux déficits sous-jacents du TDL.

par Maude Schneider, Professeure, Université de Genève

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) se caractérise par des difficultés au niveau de la communication et des interactions sociales, ainsi que des patterns de comportements répétitifs, des intérêts spécifiques et des particularités sensorielles. Classiquement, on considère que le TSA concerne davantage les garçons que les filles, avec un sex ratio d’environ 1 fille pour 4 garçons. Cependant, la littérature récente indique que les filles ont été largement sous-diagnostiquées durant de nombreuses années. Dans le cadre de cette présentation, nous passerons en revue les spécificités du profil TSA au féminin et les enjeux concernant le dépistage et le diagnostic de cette population, en particulier chez les filles et les femmes sans déficience intellectuelle. Dans un second temps, nous évoquerons les besoins en terme d’accompagnement des filles et des femmes sur le spectre de l'autisme. Cette présentation sera illustrée de nombreux témoignages.

par Claire Mayor, Chargée de cours, Université de Genève

Les troubles neurodéveloppementaux font référence à un groupe hétérogène de situations, allant de la déficience intellectuelle au déficit d’attention avec/sans hyperactivité, en passant par les troubles développementaux du langage, les troubles du spectre autistique, les troubles moteurs et les troubles des apprentissages. Ils se distinguent par forte tendance aux co-morbidités, par le chevauchement de certaines particularités cognitives/comportementales et par des facteurs de risque génétiques, neurophysiologiques et environnementaux communs, soulevant -pour certaines associations de troubles- la question d’entités distinctes versus d’un continuum (ou variations phénotypiques) d’un même syndrome. Enfin, malgré des phénomènes de compensation éventuels, ces troubles neurodéveloppementaux perdurent généralement à l’âge adulte et peuvent être associés à des présentations cliniques particulières et atypiques de détérioration cognitive dans l’âge avancé. Certains facteurs de risque, des profils et des éléments de trajectoires neurocognitives tout au long de la vie seront présentés.

par Anne Lafay, Maître de conférences, Université Savoie Mont Blanc, Chambéry

Les compétences mathématiques du jeune enfant prédisent ses compétences mathématiques scolaires futures, mais aussi sa réussite scolaire générale, son insertion professionnelle et, plus généralement encore, son niveau socio-économique à l’âge adulte. Par exemple, Ritchie et Bates (2007) démontrent que le niveau de mathématiques des enfants de l’âge de sept ans prédit, autant que leur niveau de lecture, leur niveau socio-économique à l’âge adulte de 42 ans. Cependant, on estime en général entre 1 et 10 % d’enfants dyscalculiques, autrement dit présentant un trouble des apprentissages en mathématiques. Ce trouble représente un handicap majeur pour l’intégration scolaire, sociale et professionnelle. Les parents et les professionnel·le·s (enseignant·e·s, médecins, orthophonistes, psychologues) ont besoin de comprendre ce trouble pour mieux repérer et intervenir auprès des enfants concernés. Un état des lieux des connaissances actuelles est proposé. Il consistera à : 1) définir la dyscalculie, 2) décrire les hypothèses relatives à l'origine de ce trouble, 3) décrire les difficultés scolaires et quotidiennes observées. Ultimement, cette présentation devrait renseigner les acteurs de la santé et de l’éducation pour la prévention des difficultés mathématiques et l’accompagnement des enfants et leur famille.

par Marco Hessels, Professeur, Université de Genève

L’évaluation de variables psychologiques et éducatives auprès des personnes présentant des troubles neurodéveloppementaux n’est pas sans difficultés. Les résultats de ces évaluations, obtenus avec des tests ou des questionnaires, peuvent être (fortement) biaisés. Un des problèmes réside dans la manière dont ces instruments sont élaborés, notamment le fait qu’ils ciblent primairement une population qui est dans la norme, mais qu’ils sont ensuite utilisés avec des personnes qui, quant à elles, ne le sont pas. Est-ce que les consignes et les procédures à mettre en œuvre dans le test ou le questionnaire permettent une évaluation adéquate des personnes présentant, p.ex., un trouble de déficience intellectuelle ?

Dans cette présentation, je mettrai en évidence les facteurs qui peuvent mener à des évaluations biaisées dans les tests et questionnaires utilisés dans le cadre d’un diagnostic individuel, ainsi que dans des recherches à plus grande échelle. Je présenterai également des procédures qui permettent de réduire ou d’éviter les biais afin d’obtenir des données plus valides.

par Stanislas Morel, Maître de conférences, Université Sorbonne-Paris-Nord

Après une période marquée par la volonté de rattraper le retard pris, en France, dans la prise en charge des élèves atteints de "troubles spécifiques des apprentissages" (dyslexie, dyscalculie, dysphasie, dyspraxie, TDAH, précocité intellectuelle...), ces troubles sont, depuis une dizaine d'années, au centre de nombreuses controverses, y compris au sein-même des sciences cognitives où certains chercheurs plaident pour l'abandon de de type de catégorie nosographique. La dyslexie en fournit un bon exemple. Au-delà de l'absence de consensus scientifique sur la définition de la dyslexie, c'est l'efficacité des dispositifs d'action publique ciblant des enfants "dyslexiques" qui est de plus en plus questionnée. Faut-il par exemple continuer à accorder d'importants financement à des programmes visant à mieux identifier les enfants "dyslexiques" dans un contexte où de nombreuses études montrent que, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible, pour les praticiens, de différencier un élève dont les difficultés d'apprentissage de la lecture sont dus à des causes neurologiques d'un autre dont les difficultés seraient dues à une autre cause (sociale, psychologique, médicale, etc.) ? En outre, si un consensus semble se dégager sur l'efficacité des interventions visant à aider les élèves en difficulté d'apprentissage du langage écrit (quelle qu'en soit la cause) en améliorant leur consciences phonémique / phonologique, l'efficacité des interventions ciblant les habiletés cognitives ou les mécanismes spécifiquement impliquées dans la dyslexie n'a pas été démontrée. Enfin, la catégorie "dyslexie" doit aussi être étudiée sous l'angle des appropriations et des usages sociaux différenciés dont elle fait l'objet chez l'ensemble des acteurs sociaux qui y sont confrontés. Tous les acteurs concernés par la dyslexie (chercheurs, professionnels du soin, parents, responsables publics, familles, entreprises, etc.) contribuent à donner forme à cette catégorie en la modelant et en l'utilisant en fonction de leur expérience et de leurs intérêts particuliers, que la sociologie se propose de mettre en évidence. Enfin, il convient, à la suite de nombreuses recherches, de s’interroger sur les effets du recours croissant au diagnostic de dyslexie sur les inégalités scolaires et sur les trajectoires de ceux qui reçoivent ce diagnostic.

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