The major scientific and societal challenges of this century

par Dévora Kestel, Organisation Mondiale de la Santé, Genève

Ces derniers temps, et peut-être plus que jamais, en raison de l’intérêt suscité dans le contexte de la pandémie, la santé mentale a régulièrement fait l’actualité. L’impact de la COVID-19 sur l’ensemble de la population représente un véritable défi : les ressources allouées aux soins de santé mentale au niveau national sont maigres et les systèmes de santé mentale sont souvent dépassés. Mais la situation actuelle représente également l’opportunité d’impliquer différents intervenants dans la définition et la mise en œuvre d’une approche globale et intégrée de la santé mentale. Une approche qui prend en compte la promotion de la santé mentale, la prévention des troubles mentaux et, par-dessus tout, la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux et de leurs familles, et ce dans la dignité et le plein respect de leurs droits humains. Nous analyserons ce que tout cela signifie du point de vue de l’Organisation mondiale de la Santé.

par Paulina Buffle, Chercheuse, Université de Genève

Les troubles neurodéveloppementaux se manifestent de manière précoce et se définissent par des difficultés dans une ou plusieurs sphères du développement. Parmi eux, le trouble du spectre autistique (TSA) est une condition caractérisée par une altération de la communication sociale, la présence de comportements répétitifs ou des intérêts particulièrement intenses. Il existe une très grande variabilité dans le profil d’habilités et faiblesses chez les individus avec un TSA. Alors que certaines personnes requièrent des appuis ponctuels et mènent une vie autonome, d'autres ont d’importantes difficultés dans leurs apprentissages et dans leur développement et nécessitent un soutien et des soins tout au long de leur vie. La prévalence mondiale des TSA suggère qu’au moins un enfant sur 100 a une forme d’autisme. Cependant, les estimations dans les pays à ressources faibles et intermédiaires sont souvent remarquablement plus faibles. En effet, le nombre de personnes qui ont besoin de soutien dans ces contextes pourrait être sous-estimé en raison des difficultés dans le diagnostic. Ce dernier s’effectue de manière clinique et sur la base d’instruments conçus dans des contextes occidentaux. De la même façon, les interventions éducatives spécifiques pour le TSA ont été développées dans des contextes riches en ressources et majoritairement anglophones. Ces interventions requièrent souvent une adaptation culturelle et, pour être efficaces, elles devraient prendre en compte les caractéristiques des populations dans lesquelles elles vont être utilisées. Nous présenterons certains facteurs qui constituent des barrières à la détection précoce du TSA dans des contextes à revenu faible et intermédiaire, et des exemples d’interventions mises en place dans ces contextes dans le but de répondre aux besoins d’enfants avec un TSA et leurs familles.

par Michel Dubois, Directeur de recherche CNRS, Sorbonne Université

Les enquêtes sur l’image publique des sciences existent en France depuis les années 1970. A l’époque la DGRST s’inquiétait déjà de l’expansion du sentiment de défiance à l’égard des sciences et techniques. Dans cette communication, Michel Dubois, codirecteur de l’enquête Les Français et la science 2021, dont les résultats ont été rendus publics en novembre 2021, revient sur le dispositif d’enquête ainsi que sur les principaux résultats de la dernière vague d’enquête. Il s’agira d’établir également dans quelle mesure les attitudes des Français à l’égard des sciences et techniques présentent un certain nombre de spécificités.

par Isabelle Collet, Professeure, Université de Genève

Aujourd’hui, les femmes représentent environ 15% des étudiantes et des professionnelles de l’informatique. Cette quasi non mixité du domaine a des conséquences non seulement sur l’égalité entre femmes et hommes face à l’emploi, mais aussi sur l’inclusivité et la performance des applications numériques. La grande homogénéité de la population des développeurs et des responsables d’entreprise (des hommes blancs issus des classes moyennes ou supérieures) tend à faire disparaître les besoins et caractéristiques des autres populations, en particulier des femmes. De plus, les algorithmes d’intelligence artificielle (IA) sont alimentés par des milliards de données dites d’entrainement (voix, textes, images, vidéos...). La qualité des données obtenues en sortie des programmes dépend d’abord de la qualité de ces données d’entrainement. L’essentiel des corpus sont constitués de manière automatique et sont le miroir d’une société inégalitaire : les femmes y sont sous-représentées ou représentées dans des rôles traditionnels. Le propos de cette conférence est d’exposer les biais de genre de l’intelligence artificielle, puis de dégager des pistes permettant d’imaginer une meilleure représentation de tous et toutes dans la transformation numérique.

par Rebecca Bègue-Shankland, Professeure, Université Lumière Lyon 2

La période de pandémie actuelle et la crise économique et sociale qui pourrait en résulter amène les gouvernements à placer le développement de la santé mentale des citoyens au cœur des priorités. C'est ainsi que le développement des compétences psychosociales commence à trouver sa place dans l'éducation en milieu scolaire et dans l'accompagnement des familles. Cette conférence présentera les résultats des recherches portant sur les facteurs protecteurs en santé mentale sur lesquels il est possible d'agir, notamment par le biais de pratiques de pleine conscience. Il s’agit de pratiques visant à développer une qualité d’attention au moment présent et une attitude d’ouverture et de non-jugement ayant pour but de favoriser une meilleure aptitude à faire face aux situations rencontrées et à développer des relations constructives. Ces pratiques favorisent ainsi le développement de compétences adaptatives utiles tout au long de la vie.

par Mireille Bétrancourt, Professeure, Université de Genève

Devant l’omniprésence des technologies de l’information et de la communication dans nos sociétés, la grande majorité des pays ont décidé d’intégrer dans les cursus scolaires et dès le plus jeune âge, l’apprentissage de compétences numériques. Le débat parfois vif sur l’introduction de l’éducation numérique dans les écoles se focalise souvent sur des questions relatives à la prévention (temps d’écran, protection des données personnelles) en ignorant les résultats de trois décennies de recherche sur le potentiel pédagogique des technologies numériques. En prenant comme cadre de référence le modèle de l’acceptabilité des technologies (Technology acceptance model), cette présentation abordera deux questions : que sait-on des effets cognitifs, pédagogiques et didactiques des technologies numériques ? pourquoi observe-t-on une certaine réserve, voire de la réticence de la part des enseignant-es ? Pour conclure, des pistes seront esquissées pour le choix de ressources numériques et d’équipements utiles et utilisables en contexte scolaire.

par Pascal Gygax, Professeur, Université de Fribourg

« Le médecin a demandé aux écoliers de s’armer de patience ». Cette phrase, aussi anodine qu’elle paraisse, pose un défi intéressant à notre cerveau. Le médecin est-il une femme ? Et si c’est le cas, devrions-nous dire « la médecine » ? Et les écoliers sont-ils constitués de filles et de garçons ? La langue française a subi plusieurs vagues de masculinisation,dontuneimportanteau17èmesiècle,des motscomme«autrice»étant littéralement gommés de la langue, et le masculin prenant une valeur dominante. Nous exposerons quelques travaux scientifiques qui montrent les effets de celle-ci au 21ème siècle, effets principalement liés au prisme masculin qu’elle engendre. Puis, nous nous pencherons sur d’autres pratiques langagières courantes qui nous contraignent également à percevoir le monde au travers d’un prisme masculin. Nous proposerons finalement quelques pistes de réflexion en lien avec le « langage inclusif ».

par Tobias Brosch, Professeur, Université de Genève

Les approches politiques et informationnelles visant à promouvoir les actions durables se sont principalement concentrées sur les processus cognitifs, tandis que le rôle des émotions a reçu comparativement peu d'attention. Pourtant, les émotions ont un potentiel important pour contribuer à un changement de comportement durable : les réponses affectives qu’on ressent à l'égard du changement climatique se révèlent être parmi les prédicteurs les plus forts de la perception des risques liés au changement climatique, du comportement d'atténuation, du comportement d'adaptation et du soutien à la politique climatique. Dans cette présentation, je résumerai les recherches récentes soulignant le rôle central et indispensable des émotions dans la pensée et le jugement humains. Je discuterai de la manière dont ces connaissances peuvent favoriser la réactivité affective à l'égard des questions de durabilité, aider à tirer parti du potentiel des émotions pour motiver l'action, et améliorer la communication émotionnelle sur le changement climatique et les stratégies de changement de comportement.

par Sébastien Bohler, Rédacteur en chef de Cerveau & Psycho, Paris

Malgré les mises en garde des experts sur le climat et des instances internationales, l’humanité continue à émettre des gaz à effets de serre à des niveaux incompatibles avec la vie soutenable des générations futures. L’effondrement de la biodiversité n’est aucunement enrayé et tout se passe comme si l’humanité creusait sa propre tombe, incapable d’une réaction appropriée face à l’énormité des menaces globales qui pèsent sur son avenir. La croissance économique reste la règle numéro un, alors que nous savons désormais que nous exploitons les ressources de la Terre bien au-delà de ce qu’elle peut produire. Pourquoi ? Le concept de Bug humain est l’analyse d’une malfaçon au sein même du cerveau d’Homo sapiens, qui le conduit à persévérer dans un comportement suicidaire malgré la conscience des conséquences. Notre cerveau est doté d’un cortex capable d’intelligence, mais de zones plus profondes et ancestrales qui dictent la plupart de nos désirs et motivations. Ces désirs et motivations, pilotés en grande partie par le striatum, nous poussent encore et toujours à consommer, produire des quantités absurdes de nourriture industrielle, surfer sur Internet à haut débit sans utilité réelle, courir après les articles de luxe pour des fins de statut social, ou nous entourer de gadgets destinés à nous soulager toujours plus de nos efforts, nous exposant par là-même aux effets néfastes de la sédentarité sur notre santé. Comment échapper à l’emprise du striatum et de la molécule du plaisir qu’il nous donne en échange de ces comportements absurdes ? En développant d’autres voies de gratification faisant intervenir la conscience, l’altruisme et la connaissance. Ces voies ne sont pas privilégiées par l’économie matérialiste dominante, mais sont de puissants stimulants de notre cerveau. Il s’agit d’un choix de développement crucial pour les années à venir.

par Laurent Bègue-Shankland, Professeur, Université Grenoble Alpes

L'approche psychosociale des relations humains-animaux connaît actuellement un essor remarquable (Amiot et Bastian, 2015; Caviola et al., 2019). L'objectif de cette présentation sera de montrer que la minoration des états mentaux d'un animal constitue une stratégie de réduction de dissonance cognitive lorsque celui-ci est destiné à être objectivé. On établira également l'effet de l'incidence d'un but chronique ou temporairement induit (la science) sur le soutien à l'expérimentation animale et l'instrumentalisation létale d'un animal de laboratoire par l'adaptation d'un protocole milgramien.

par Francisco Pons, Professeur, Université d’Oslo

La façon dont les enfants comprennent les émotions, les leurs et celles d’autrui, a été largement étudiée au cours des 40 dernières années. Malgré ce large corpus de recherche, notre compréhension de l'impact de la culture sur la façon dont les enfants comprennent les émotions est encore limitée. La plupart des recherches (> 95%) sont menées dans des sociétés dites « occidentales » (< 20% du Monde) et les résultats des études interculturelles sont souvent méthodologiquement limitées et peu concluantes. L'objectif principal de cette présentation est de discuter l'impact de la culture sur le développement de la compréhension des émotions chez les enfants et d'examiner les effets médiateur / modérateur, par exemple, du sexe, du niveau socioéconomique, de la religion, du statut migratoire et de l'acculturation. Une telle discussion devrait contribuer au débat sur la nature universelle versus culturelle de l’intelligence émotionnelle et de son développement. Il devrait aussi faciliter l'élaboration de politiques visant l'intégration des personnes immigrantes et contribuer au développement de programmes de prévention et d'intervention culturellement adaptés de la maternelle et à la fin du post-obligatoire.

par Isabelle Roskam, Professeure, Université de Louvain

Être parent aujourd'hui, quel défi! La place donnée à l'enfant, les recommandations pour une éducation positive, et la difficile conciliation entre famille, travail et temps pour soi, sont autant de facteurs qui ont profondément changé l'aventure de la parentalité au 21ième siècle. Dans ce contexte, les parents sont à la recherche d’un équilibre entre ce qui leur coûte et ce qui les ressource. Lorsque cet équilibre ne peut (plus) être atteint, le rôle parental devient source de stress chronique et de souffrance psychologique. Dans les pays occidentaux, le burnout parental touche 5 à 8% des parents. il se manifeste par un épuisement spécifique à la vie familiale, un sentiment de saturation vis-à-vis du rôle parental, une distanciation émotionnelle d'avec les enfants, et l'impression de ne plus se reconnaître en tant que parent. Le burnout parental a des conséquences sévères pour le parent lui-même mais aussi pour le conjoint et pour les enfants. Le prévenir et le traiter constituent deux enjeux majeurs de nos sociétés modernes, car sa prévalence et ses conséquences en matière de santé physique et psychologique, en font un problème de santé publique. Dans cette conférence, nous verrons que le grand défi de la parentalité au XIXè siècle se pose non seulement au niveau des individus touchés par l’épuisement dans le rôle parental, mais également au niveau de la communauté/société en tant que source potentielle de pression.

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