Semaine des droits humains

Mot du président

L’année 2024 est une « année d’élections », un moment unique dans la mesure où 4 milliards 200 millions de personnes, soit la moitié de l’humanité, sont ou ont déjà été appelés aux urnes dans 76 pays dont 43 pays votent librement dans différents types d’élections. De Taïwan dès le 13 janvier de cette année, au Mexique, au Venezuela et au Brésil, de l’Inde au Pakistan, à l’Indonésie et au Bengladesh, de la Russie aux États-Unis le 5 novembre prochain, sans oublier les élections européennes de juin, c’est une gigantesque mobilisation qui décide ou non du changement des chefs d’État et de gouvernement, des rapports de force politiques au sein des parlements et dans certains cas, du jeu des alliances et des tensions internationales.

Si la démocratie est un idéal universellement reconnu comme l’illustre la Déclaration et le Programme d’action de Vienne adoptés le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme), la démocratie moderne reste une expérience difficile. Elle n’est pas seulement un système d’agencement des pouvoirs, mais avant tout une expérience habitée par l’incertitude. Dans la mesure où le pouvoir n’appartient à personne, il est fondamental de rappeler que la souveraineté du peuple ne se réduit pas à la légitimation des gouvernants par le seul processus électif. La démocratie se caractérise par une incertitude fondamentale dans la mesure où elle constamment soumise à l’épreuve de la discussion et du débat public tel que défini par le respect de règles formelles. C’est précisément par cette capacité à exprimer et à faire valoir leurs désaccords, leurs revendications et leurs protestations que les citoyennes et citoyens nourrissent cette incertitude. La démocratie est donc habitée par l’exercice du conflit et la persistance et le renouvellement des luttes.

C’est précisément ce que défini Tocqueville dans un remarquable chapitre consacré aux avantages de la démocratie (De la Démocratie en Amérique, chapitre 6, pp. 325-342). Il identifie les avantages de la démocratie par la capacité de «faire descendre l'idée des droits politiques jusqu'au moindre des citoyens» et celui de parvenir à associer l'idée de droit à l'intérêt personnel. Et Tocqueville de conclure: «On ne saurait trop le dire: il n'est rien de plus fécond en merveilles que l'art d'être libre. Le despotisme se présente souvent comme le réparateur de tous les maux sur terre; il est l'appui du bon droit, le soutien des opprimés et le fondateur de l'ordre. Les peuples s'endorment au sein de la prospérité momentanée qu'il fait naître; et lorsqu'ils se réveillent, ils sont misérables.»
Ces phrases nous frappent par leur acuité et leur actualité et parce qu'elles éclairent les mensonges que couvre l'essor du totalitarisme. Face aux crises actuelles qui recouvrent pêle-mêle la manipulation de l’information ; la polarisation politique et l’identitarisme ; les défis liés à l'engagement civique ; les opportunités et les risques que représentent l’intelligence artificielle pour la transparence et la responsabilité dans les systèmes démocratiques ; les crises économiques comme catalyseur du développement des dérives autoritaires ; les Droits des minorités ; les enjeux environnementaux ; les conflits régionaux (Ukraine, Proche-Orient, Soudan…), il faut aussi considérer les crises en germe et à l’incertitude qui en résulte. Par conséquent, l’enjeu crucial de la démocratie réside dans le renforcement de son unité autour de son principe fondamental, celui de la gestion des désaccords.
En choisissant comme thème « Les incertitudes de la démocratie », l’édition 2024 de la Semaine des droits humains propose un regard forcément incomplet, mais que nous voulons critique sur les conséquences de ces incertitudes telle qu’elles pèsent sur le fonctionnement des démocraties, leurs principes constitutifs et la gouvernance du système international.
Dans cette optique, la vingtaine d’événements proposés avec l’ensemble de nos partenaires, la communauté universitaire et les étudiant.es de l’Université de Genève appellent à réfléchir, débattre et à réagir aux incertitudes de nos démocraties.

 

Dr. Frédéric Esposito
Président de la SDH

À propos

La Semaine des droits humains (SDH) est un événement organisé par l’Université de Genève en partenariat avec l'Académie de droit international humanitaire et des droits humains, le Département fédéral des affaires étrangères, la République et le canton de Genève et son Département d’Instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.

Depuis sa création en 2013, sous l’impulsion de Mme Micheline Calmy-Rey, l’événement a évolué pour devenir un rendez-vous riche en événements aux formats variés :  des conférences, des débats, des projections de films, des expositions, des performances artistiques, mais également un colloque académique et des activités proposées aux élèves du secondaire.

La Semaine des droits humains se veut un espace, non seulement de réflexion, mais également de débat public tout en favorisant les actions concrètes. Elle offre une tribune à des personnalités ou à des organisations qui se mobilisent pour défendre les droits humains et à des spécialistes qui consacrent leurs recherches à cette thématique. Les différents formats offrent des espaces d’échanges avec le public et la communauté estudiantine dans le but d’informer, mais également de donner l’impulsion à des engagements à plus long terme, que ce soit dans le cadre de cursus académiques ou pour agir pour les causes défendues par les différents acteurs qui sont invités à participer à la Semaine.

Organisation:
Président: Dr. Frédéric Esposito, Global Studies Institute
Présidente d'honneur: Mme Micheline Calmy-Rey

Comité de direction:
M. Ambroise Barras, Activités culturelles de l'UNIGE
M. David Ferreira, Service de communication de l'UNIGE
Mme Amaya Farré, Étudiante au Global Studies Institute de l'UNIGE
M. Iacopo Adda, Ph. D. au Global Studies Institute de l'UNIGE

Administration:
Mme Roswitha Zahler, Global Studies Institute