Semaine des droits humains

Démocratie sous tutelle: La destitution des maires en Turquie

Dans le cadre de la Semaine des droits humains 2024, consacrée aux « Incertitudes de la démocratie », cette conférence se penche sur un aspect majeur de la situation de la démocratie en Turquie : la destitution des maires démocratiquement élu.e.s et leur remplacement par des administrateurs de tutelle (kayyum) désignés par le ministère de l’Intérieur, notamment dans les régions kurdes.

À la suite de la tentative de coup d’État de 2016, et dans le contexte de l’état d’urgence qui s’en est suivi, le gouvernement turc a démis de leurs fonctions de nombreux.euses maires, invoquant des liens présumés entre les élu.e.s locaux et le « terrorisme ».

Or, la constitution turque encadre de manière très rigoureuse les conditions de destitution des élu.e.s locaux. Elles s’avèrent justifiées seulement lors d’infractions spécifiques commises par les élu.e.s dans l’exercice de leurs fonctions officielles et reconnues comme telles par la justice suite à une condamnation pénale. Cependant, ces dispositions ont été élargies durant l’état d’urgence, conférant une base légale plus large à la suspension des maires et compromettant le cadre constitutionnel initial. Par conséquent, l’autonomie des administrations locales a été remise en question.

Les maires destitué.e.s ont ainsi été remplacé.e.s par des administrateurs non élus, mais nommés directement par le pouvoir central. Cette situation influence aussi directement le processus de convocation des conseils municipaux qui est désormais soumis à l’initiative des kayyum. Puisque cette convocation n’a quasiment jamais lieu, les conseils municipaux ne peuvent pas se réunir, ce qui paralyse le fonctionnement des institutions représentatives de la démocratie locale et prive les collectivités territoriales de leurs prérogatives. Cette pratique s'est renforcée après les élections locales de 2019 et de 2024, touchant presque exclusivement les régions kurdes.

De telle sorte, un précédent dangereux pour la démocratie locale, ainsi que pour la démocratie turque en général, est établi. Il s’agit d’un précédent susceptible d’être appliqué de manière indiscriminée, à l’égard de l'opposition politique nationale. Le remplacement des élu.e.s par des gouverneurs nommés par Ankara représente une violation des droits fondamentaux des citoyens, garantis par la constitution Turque et les conventions internationales auxquelles la Turquie est partie, notamment dans le cadre du Conseil de l’Europe. Le fait que des accusations liées à des concepts politiquement chargés tels que le « terrorisme » puissent servir de fondement à la destitution des élu.e.s locaux représente un risque sérieux pour les droits humains, notamment pour les libertés d’expression et d’association.

Mot de bienvenue:

  • Iacopo Adda, conseiller scientifique de la Semaine des droits humains, GSI


Intervenant-es :

  • Hüsnü Yılmaz: avocat indépendant et Président de la Fondation Mojust, acteur engagé dans la promotion des droits humains et de la justice sociale à l'échelle internationale. Son travail au sein de Mojust reflète un engagement continu pour la défense des minorités et la lutte contre l'injustice dans des contextes autoritaires.
  • Deniz Gedik: chercheuse, avocate et défenseuse des droits humains, Gedik est doctorante à l’Université Humboldt de Berlin. Elle travaille sur les questions d’administration locale et les effets des politiques autoritaires en Turquie, avec un focus particulier sur la politique kurde.
  • Naif Bezwan: chercheur principal et chef du projet de recherche sur le conflit d'autodétermination kurde et la résolution des conflits au département de droit constitutionnel et administratif de l'Université de Vienne. Il est également professeur invité à la faculté de commerce et de droit de l'Université de Middlesex à Londres et professeur résident à l'université du Kurdistan à Hewler.

Modération:

  • Rüstü Demirkaya: doctorant en sociologie à l’Université de Genève, spécialisé en sociologie urbaine et politique. Journaliste accrédité auprès des Nations Unies, il se concentre sur les droits humains et les enjeux politiques au Moyen-Orient, notamment la question kurde et la politique de la Turquie.
Date:

Mardi 12 novembre | 18h30

Lieu:

Uni Dufour, auditoire U600


Table ronde en français et en anglais, sans interprétation simultanée.



Contact:

sdh@unige.ch