UN SI BRUYANT SILENCE
Les violences sexuelles sur enfants
Les violences sexuelles sur mineur-es sont sous les feux de l’actualité. La parution du livre de C. Kouchner (La Familia grande, 2021) a entrainé une déflagration médiatique et politique : les témoignages de victimes déferlent sur les réseaux sociaux (#Metoo@incest), le sujet envahit les médias, les pouvoirs publics sont enjoints de proposer des mesures concrètes pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles commises sur les enfants, dont l’inceste.
En Suisse, on estime que 20 à 30% de mineur-es ont été victimes d’une agression sexuelle avec contact physique (Étude Optimus Suisse, 2012). En France, une personne sur dix a subi une agression sexuelle durant l’enfance, le plus souvent par un parent ou par un proche (Ipsos, 2020). Publiquement réprouvées, ces violences se commettent dans la trame ordinaire du quotidien. On considère généralement que leur perpétuation s’explique par le silence qui les entoure, silence qu’il conviendrait de « briser », en aidant la parole des victimes à « se libérer ». Certes, les violences sexuelles subies dans l’enfance sont bien souvent des affaires d’injonction à se taire, de secret, de honte et de peur. Mais sont-elles si silencieuses qu’on le dit ? De quoi est fait le « silence » qui entoure les violences sexuelles à enfants ? Qui l’impose à qui ? Comment ? Pourquoi ?
Rares sont les victimes qui n’ont pas parlé ou tenté de le faire à un moment de leur vie, sans forcément être crues ou entendues. Loin de la surexposition médiatique de telle ou telle affaire dans l’arène publique, les violences subies ont pu être confiées (à un parent, à un proche, au psy, à l’école...). Elles ont été écoutées, sues ou suspectées. Ces révélations ont pu faire l’objet de doutes, de soupçons, de commérages, de dénégations, d’indignation ou d’indifférence. En mobilisant diverses approches disciplinaires (sciences politiques, histoire, anthropologie), cette table ronde a pour objectif de réfléchir aux bruits et aux silences inhérents aux violences sexuelles sur mineur-es. Ceux-ci sont tissés par les individus (agresseurs, victimes et leurs proches) et au sein de groupes (famille, entourage, voisinage, quartier...) ou d’institutions (école, protection de l’enfance, justice, médias...) à différentes échelles ainsi qu’en divers contextes sociaux et historiques.