Bourses, travaux et créations


Les encyclopédies et dictionnaires consacrés à l’érotisme et à la sexualité ont conquis une place significative dans le marché de l’édition, portés, depuis la fin des années 1960, par les mouvements dits de « libération sexuelle », ainsi que par l’essor et la vulgarisation de la sexologie médicale. Mais quand et comment les représentations et savoirs (scientifiques ou populaires) liés à la vie sexuelle ont-ils commencé à être soumis au régime du fractionnement alphabétique ? Quels modes d’exposition ces ouvrages entraînent-ils et quelles conséquences ces modes ont-ils sur la construction et la diffusion des savoirs et images du sexuel ?

Inscrit dans le cadre de l’option « Littérature et médecine » des études de littérature française à la Faculté des lettres de l'Université de Genève, un séminaire de maîtrise au semestre de printemps 2023 a permis à un petit groupe d’étudiant-es, réunis autour du prof. Juan Rigoli, de se livrer à une première approche d’un vaste corpus qui, depuis le milieu du XIXe siècle (si l’on y englobe, comme il convient, la lexicographie érotique), n’a cessé de s’étendre et de proliférer jusqu’à nos jours. Les ouvrages qui composent cet ensemble, dont plus d’une centaine figurent dans la Collection Michel Froidevaux du Centre Maurice Chalumeau en sciences des sexualités (CMCSS), sont de nature très diverse, selon le statut de leurs auteurs (médecins, psychologues, sociologues, érudits en tout genre, figures témoignant de leur expérience personnelle…) et selon le caractère et l’ampleur des projets éditoriaux dont ils participent. Mais ils ont en commun, outre la caractéristique formelle de leur découpage en notices, une « impureté » discursive qui fait se mêler en chacun d’eux connaissances spécialisées (ou se voulant telles), ambitions didactiques, partis-pris idéologiques, implications subjectives et fascination pour le sexuel.

L’étude menée en séminaire, riche en perspectives de recherche, a été l’occasion d’un examen historique du corpus dans son ensemble, d’un repérage des filiations, reprises et variations qui le caractérisent, d’une observation des rapports entre textes et illustrations, ainsi que d’une analyse des paratextes (titres, préfaces, introductions, quatrièmes de couverture) et de quelques notices choisies qui ont permis, d’un dictionnaire à l’autre, des traversées comparatives.

Un tel travail ne pouvait qu’être placé sous le double signe de la rigueur académique et de l’humour auquel ces encyclopédies et dictionnaires, facétieux ou savants, des plus anciens aux plus récents, invitent parfois ouvertement, mais souvent aussi bien malgré eux.