2010

Un cerveau à l’écoute des émotions - Une équipe franco-genevoise lève une barrière dans le domaine de la stimulation cérébrale profonde des patients atteints de la maladie de Parkinson

La stimulation cérébrale profonde s’est imposée comme une voie privilégiée pour le traitement des symptômes lourdement handicapants de la maladie de Parkinson, tels que les tremblements ou les dyskinésies. Or cette intervention chirurgicale modifie la capacité des patients à reconnaître les émotions négatives exprimées. Les recherches menées conjointement par l’équipe française du Professeur Marc Vérin, neurologue au Centre Hospitalier Universitaire de Rennes, et par l’équipe du Professeur Didier Grandjean, chercheur au Pôle de recherche national en sciences affectives, ont permis de montrer l’implication d’une des zones méconnues du cerveau, le noyau sous-thalamique, dans le mécanisme de la reconnaissance des émotions négatives véhiculées par la voix humaine. Cette découverte, publiée ce mois dans la revue Neuropsychologia, permet de faire avancer les connaissances sur la cartographie fonctionnelle des régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels.

La maladie de Parkinson demeure à ce jour un des troubles neurologiques parmi les plus complexes. Dégénérative, cette maladie s’attaque au système nerveux central et se traduit, chez ceux qui en sont atteints, par de nombreux symptômes, dont les atteintes de l’appareil moteur en sont les plus manifestes: hypertonie musculaire, tremblements des membres, mouvements anormaux… des symptômes que les traitements médicamenteux n’arrivent parfois plus à combattre après quelques années d’administration (fin de l’effet « lune-de-miel »), voire pas du tout chez certains patients.

Lorsque les traitements ne sont plus efficaces, la chirurgie représente alors une thérapeutique de choix. L’implantation d’électrodes dans le cerveau, alimentées par un pacemaker situé sous la clavicule, permet de stimuler très précisément une zone de quelques millimètres appelée noyau sous-thalamique, un des «noyaux gris centraux» enfouis dans les profondeurs de notre cerveau, sous le cortex. Sous stimulation électrique en continu, les troubles moteurs disparaissent, et le patient retrouve ainsi une qualité de vie inespérée. Lourde et invasive, cette intervention est réservée à quelque 10% des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, car les contre-indications sont nombreuses.

La prosodie de la voix humaine impliquée

Les recherches de l’équipe franco-genevoise ont confirmé ce que des études antérieures avaient laissé supposer. En comparant un groupe de patients ayant subi l’intervention à un groupe non opéré et à des sujets non porteurs de la maladie, les scientifiques ont démontré que les patients sous électrostimulation reconnaissaient moins bien les émotions négatives (peur, colère, tristesse…) que les sujets n’ayant pas subi d’opération. Surtout, pour la première fois, les chercheurs ont prouvé que cette incapacité ne concernait pas uniquement les émotions exprimées visuellement par l’entourage du patient, mais également celles véhiculées par la voix. «Cette constatation prouve que la stimulation du noyau sous-thalamique a des effets non seulement sur l’appareil moteur, mais qu’elle modifie également le territoire limbique, impliqué dans la reconnaissance des émotions», explique le docteur Julie Péron, membre de l’équipe du Professeur Marc Vérin et post-doctorante au Pôle de recherche national en sciences affectives. «Nous nous en doutions, mais il nous manquait jusqu’ici les outils pour tester cette hypothèse.»

Le fait que la reconnaissance des émotions des personnes opérées concerne également la prosodie de la voix humaine (intonation, rythme...) est très important sur le plan scientifique. «Le décodage de l’expression faciale mobilise, chez le patient, tant le niveau occulo-moteur que cognitif. Avec cette nouvelle recherche, nous nous affranchissons de certaines limites méthodologiques auxquelles se sont heurtées les précédentes études pour nous concentrer sur le seul plan des émotions», relève le Professeur Didier Grandjean.

Adaptation de la technique pour le traitement des toc résistants

Les potentiels déficits de la sphère émotionnelle peuvent donc avoir des origines plus complexes que prévu. Sur le plan clinique, la prouesse des chercheurs «permet de mieux caractériser les éventuels effets secondaires de la stimulation cérébrale profonde et, à terme, d’en minimiser les effets sur les compétences émotionnelles», estime Didier Grandjean. Pour la recherche fondamentale, ces travaux sur le rôle du noyau sous-thalamique permettent d’apporter des éléments objectifs sur l’implication des noyaux gris centraux dans la «capture» des émotions à travers leurs relations avec les régions corticales et d’autres régions sous-corticales, comme l’amygdale.

Enfin, la stimulation cérébrale profonde pourrait être adaptée à d’autres pathologies, comme certains troubles psychiatriques, en particulier la dépression chronique et résistante. «Nous avons déjà pu établir que cette technique chirurgicale donne de bons résultats pour des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) résistants à toute autre forme de thérapie, médicamenteuse ou comportementale», conclut Julie Péron.

Contacts

Prof. Didier Grandjean, tél. +41 (0)22 379 92 13

Julie Péron, tél. +41 (0)22 379 98 59

10 mars 2010

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