2015

Un manioc enrichi pour pallier les carences en vitamine B6

© Hervé Vanderschuren

Incapables de produire eux-mêmes la vitamine B6, qui existe sous plusieurs formes naturelles, les humains dépendent de diverses sources de nourriture pour combler leurs besoins. Par ailleurs, les déficiences en vitamine B6 sont associées à diverses pathologies graves. Une collaboration internationale menée par l’Université de Genève (UNIGE) et l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) a permis de produire une variété de manioc transgénique enrichie en vitamine B6, dont la teneur est suffisante pour satisfaire aux besoins quotidiens des populations concernées. Les résultats, publiés dans la revue Nature Biotechnology, attestent la stabilité de cette variété cultivée en plein champ expérimental. L’étude détaille également la biodisponibilité de la vitamine B6, c’est-à-dire sa propension à pouvoir être utilisée par l’être humain, en fonction des différentes formes présentes dans les plants sélectionnés. Cette variété pourrait être intéressante pour les populations africaines grandes consommatrices de manioc et présentant des carences endémiques en cette précieuse substance.

La vitamine B6 joue un rôle fondamental dans la vie quotidienne de nos cellules. Ce micronutriment vital doit être absorbé à partir de différentes sources de nourriture, car nous sommes incapables de le fabriquer nous-mêmes. On sait notamment que les déficiences en vitamine B6, présentes de façon permanentes dans des populations de différentes régions d’Afrique, favorisent le développement de maladies graves.

Le manioc, qui constitue une denrée de base pour près de 250 millions de personnes en Afrique, y compris dans les régions à déficience endémique en vitamine B6, recèle ce précieux composé dans son tubercule et dans ses feuilles. Mais, comme l’explique Teresa Fitzpatrick, professeure au Département de botanique et biologie végétale de la Facultés des Sciences de l’UNIGE, «la teneur n’en est toutefois pas assez élevée pour les populations qui en dépendent fortement. Il suffirait de l’augmenter de 2.3 fois pour parvenir à l’apport journalier recommandé».

Deux enzymes pour une vitamine

Une collaboration avec des chercheurs de l’ETHZ et des universités de Shanghai et d’Utrecht a été établie pour essayer d’enrichir le manioc en ce précieux composé. «La plante utilise deux enzymes spécifiques pour fabriquer la vitamine B6, note la chercheuse. Nous avons tenté de produire des lignées dans lesquelles quelques exemplaires supplémentaires des gènes codant pour les fameuses enzymes ont été insérés. Ces gènes proviennent de la plante Arabidopsis thaliana, qui est utilisée comme organisme-modèle en laboratoire. »

Les chercheurs ont alors pu identifier des plants de manioc transgénique exprimant des concentrations accrues de vitamine B6 dans leurs feuilles et leurs tubercules. Ils ont par ailleurs démontré que l’expression des gènes propres au manioc n’était pas affectée par les transgènes. Les cultures effectuées en plein champ expérimental ont également permis d’établir que les propriétés acquises étaient stables pendant la durée testée, soit deux cycles de propagation.

La consommation de manioc ne peut se faire qu’après en avoir bouilli les tubercules et les feuilles pendant 30 minutes pour en ôter des substances toxiques. Les chercheurs ont donc soumis les plants transgéniques à ce même traitement : «Le fait de bouillir ces aliments réduit le contenu total en vitamine B6 de tous les plants. Comparés à la variété sauvage, les quatre types transgéniques sélectionnés en ont toutefois conservé entre 8 et 19 fois plus, dans les tubercules et les feuilles», note Teresa Fitzpatrick.

50 grammes de feuilles par jour suffisent

La vitamine B6 est connue sous différentes formes appelées vitamères, que nos cellules intestinales sont capables de convertir entre elles pour obtenir la forme active. Certains vitamères sont toutefois plus biodisponibles que d’autres, c’est-à-dire que leur propension à pouvoir être utilisés par l’être humain varie.

Afin de mesurer cette biodisponibilité dans les plants obtenus, les chercheurs ont incubé des monocouches de cellules intestinales humaines avec des extraits de tubercules ou de feuilles préalablement bouillis. « Nous avons ainsi pu quantifier chaque vitamère produit et relâché par ces cellules et déterminer que la biodisponibilité en vitamine B6 était de quatre et huit fois supérieure, dans les tubercules et les feuilles des plants transgéniques, respectivement. Un adulte consommant près de 50 grammes de feuilles ou 500 grammes de tubercule par jour obtiendrait ainsi la quantité nécessaire de vitamine B6 recommandée », indique Teresa Fitzpatrick.

L’adaptation de ces variétés transgéniques à des fins agronomiques et l’évaluation de leur performance dans les régions ciblées constituent la prochaine étape d’un travail mené par plusieurs groupes de recherche concentrés sur la vitamine B6 et les manières d’en compenser les carences. La méthode utilisée pour accroître la teneur en vitamine B6 n’a pas été brevetée, car les transgènes et la technologie devraient être librement accessibles à toutes les parties intéressées.

Contact

Teresa Fitzpatrick, tél. 022 379 30 16

7 oct. 2015

2015

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