2016

Les cellules possèdent un senseur de phosphate

SPX
Modèle en 3D du domaine SPX avec une molécule d’InsP attachée. © Rebekka Wild, UNIGE

Le phosphate inorganique est un élément de base des membranes cellulaires, de l’ADN et des protéines. C’est aussi un composant majeur de l’ATP, «la monnaie cellulaire» du transfert de l’énergie. Toutes les cellules doivent maintenir une concentration suffisante de phosphate et ont donc développé des systèmes pour transporter et stocker ce nutriment. Or, comment une cellule sait-elle de combien de phosphate elle a besoin? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Université de Lausanne (UNIL) démontrent qu’une région présente dans certaines protéines, appelée domaine SPX, signale à des cellules fongiques, végétales et humaines leur statut en phosphate. Ce domaine possède un site de liaison pour de petites molécules qui régulent l’assimilation de phosphate dans la cellule. Leurs découvertes, publiées dans la revue Science, pourraient contribuer au développement de cultures vivrières qui utilisent le phosphate de façon plus efficace.

Les cellules eucaryotes, c’est-à-dire les cellules d’organismes complexes, doivent maintenir des niveaux de phosphate suffisants pour pouvoir fonctionner correctement. Les cellules fongiques, végétales et humaines ont donc développé des systèmes de stockage et de transport pour absorber ce macronutriment. Or, la façon dont les cellules ont connaissance de leur contenu en phosphate demeurait mystérieuse. Michael Hothorn, professeur au Département de botanique et de biologie végétale de la Faculté des Sciences de l’UNIGE, et son groupe de recherche ont révélé la structure cristalline d’un domaine présent dans certaines protéines, appelé SPX, qui est impliqué dans de nombreuses voies de signalisation liées au métabolisme du phosphate. Ils ont découvert que le domaine SPX possède un site de liaison pour de petits composés appelés «molécules de signalisation inositol pyrophosphate» (InsP). Les InsP peuvent interagir avec d’autres protéines, mais seulement quand ils sont liés aux domaines SPX. Etant donné que ces domaines peuvent être attachés à des protéines différentes, telles que des enzymes, des transporteurs ou des protéines de signalisation, les biologistes ont formulé l’hypothèse qu’InsP régule divers processus cellulaires impliqués dans l’homéostasie du phosphate, de la levure aux cellules humaines.

Un signal ubiquitaire du statut en phosphate

Cette hypothèse a été explorée en collaboration avec des chercheurs de l’UNIL et d’autres universités européennes. «Nous avons découvert que la concentration en InsP change en réponse à la disponibilité en phosphate. Les niveaux d’InsP sont élevés dans les cellules qui ont suffisamment de phosphate, et baissent quand ce dernier se raréfie», explique Ruta Gerasimaite, chercheuse à l’UNIL et co-première auteure de l’étude. «Dans les plantes privées de phosphate, des facteurs de transcription spécifiques stimulent l’expression de gènes de transporteurs de phosphate. Une fois que la plante est rassasiée, les domaines SPX chargés d’InsP vont se lier à ces facteurs de transcription et les désactiver. Le phosphate ne sera ainsi plus absorbé dans la cellule à partir du sol», note Rebekka Wild, biologiste à l’UNIGE et co-première auteure.

Yves Poirier, professeur au Département de biologie moléculaire végétale de l’UNIL, et son collègue Ji-Yul Jung ont par ailleurs démontré, chez la plante-modèle Arabidopsis thaliana, que lorsque les domaines SPX présents dans des transporteurs de phosphate sont mutés au niveau du site de liaison d’InsP, le transport de phosphate est perturbé.

Le rôle d’InsP a été initialement élucidé dans des cellules de levure: «Nous avons trouvé InsP en étudiant le mécanisme de polymérisation du phosphate - son assemblage en longues chaînes - pour le stockage de ce nutriment, et nos données montrent que le domaine SPX est un récepteur pour InsP», déclare Andreas Mayer, professeur au Département de biochimie de l’UNIL. Une fois que le domaine SPX est chargé d’InsP, il active l’enzyme impliquée dans le stockage de phosphate.

Mieux comprendre l’homéostasie du phosphate

Cette recherche ouvre désormais de nouvelles voies pour étudier et mieux comprendre la dynamique des échanges de phosphate entre les organismes et leur environnement. Elle pourrait également mener à une utilisation plus efficace du phosphate dans les récoltes vivrières. «Les cultures manquent habituellement de phosphate et doivent donc être fertilisées. Cependant, les ressources en engrais phosphatés baissent dans le monde entier. Notre découverte permettrait le développement de cultures qui pourraient croître efficacement avec moins de phosphate», conclut Michael Hothorn.

Contact: Michael Hothorn, 022 379 68 68

13 avr. 2016

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