Le réchauffement climatique accroit les risques d’avalanche
En analysant les cernes des arbres de l’Himalaya, des chercheurs de l’UNIGE confirment le lien direct entre réchauffement climatique et hausse de la fréquence et de la force des avalanches.
Vue générale des pentes sur lesquelles se déclenchent les avalanches à Dhundi, dans l’état indien de l’Himachal Pradesh. (Juan Antonio Ballesteros-Cánovas / UNIGE)
Le réchauffement climatique touche particulièrement les zones montagneuses où la hausse des températures est supérieure à la moyenne, affectant le paysage comme les ressources hydrauliques. Les conséquences de ce changement sont nombreuses, du recul des glaciers à la hausse de la fréquence et de la puissance des avalanches. En s’appuyant sur la dendrochronologie et la dendromorphologie, l’analyse des cernes de croissance des arbres, une équipe de chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) a pu préciser le rôle du réchauffement climatique dans le déclenchement des avalanches. Ses résultats sont à lire dans Proceedings of the National Academic of Science – PNAS.
Les avalanches sont un phénomène naturel, mais la hausse des températures, en modifiant leur facteur déclenchant, – à savoir la relation entre le climat et la topographie–, peut entraîner des catastrophes d’autant plus graves que le développement socio-économique des régions de montagne s’accompagne de la construction de nouvelles infrastructures, logements et axes de circulation. C’est le cas dans l’Etat indien de l’Himachal Pradesh, soumis à une forte pression touristique. A 500 kilomètres au nord de New Dehli, sur la route qui mène à Leh, au cœur du haut désert de l’Himalaya, le gouvernement indien a entrepris de percer l’un des plus grands tunnels du sous-continent dont les entrées sont désormais sous la menace des avalanches. C’est là, dans une vallée située entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, que les chercheurs de l’UNIGE ont mené leur travail de terrain, de 2013 à 2015.
Les arbres, témoins silencieux de la hausse du nombre d’avalanches
L’objectif était d’évaluer l’information disponible concernant les avalanches et de la compléter, afin de déterminer la nature des changements en cours et d’évaluer les besoins futurs pour y faire face. En l’absence de données disponibles, comparables aux relevés effectués en Europe, les chercheurs ont privilégié l’observation des arbres, soit sur des souches lorsque l’arbre avait été emporté, soit par carottage sur des arbres toujours debout. En analysant leurs cernes de croissance et les blessures qu’y avaient laissées les avalanches, visibles du fait de l’arrachement de l’écorce, ils ont pu dater chaque événement. La recherche a porté sur près de 150 arbres. «Connaissant la position de chaque arbre touché, nous avons pu reconstituer la dynamique, l’extension et la direction de chaque avalanche», explique Juan Antonio Ballesteros-Cánovas, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de l’UNIGE. «Cette technique nous a permis de remonter jusqu’en 1855 et de relever 38 avalanches au cours de cette période dans cette vallée, la plus grande recension menée à ce jour dans l’Himalaya.»
Les modèles appliqués pour tester l’impact du changement climatique associent les risques d’avalanches avec les données climatiques du lieu, et ont été corrigés de l’effet probable sur les caractéristiques topographiques découlant des avalanches antérieures. En détruisant la couverture végétale, elles sont en effet un facteur aggravant du risque. Le constat est sans appel. A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, on assiste à une augmentation du nombre et de la puissance des avalanches. D’un événement par décennie, la fréquence augmente jusqu’à atteindre pratiquement un événement par année.
L’impact de la température sur la cryosphère
Les avalanches sont donc plus importantes, parcourent une distance plus grande et se déclenchent plus tôt dans l’année. Elles sont clairement associées à la hausse des températures qui a pu atteindre 0,2 à 0,4 degrés annuels en certains points de l’Himalaya. La température affecte la cryosphère : les glaciers reculent, le permafrost fond, perdant son rôle de stabilisateur des sédiments, et la structure du manteau neigeux se modifie. Altéré par la pluie, qui tombe désormais plus tôt dans la saison, il se déstabilise avant le printemps, à une période où il est plus épais, entraînant une hausse du nombre et de la puissance des avalanches. La neige étant mouillée, les avalanches descendent lentement mais sur une grande distance.
Cette recherche est menée dans le cadre de l’IHCAP (Indian Himalayas Climate Adaptation Programme), un programme de coopération mené conjointement par les autorités indiennes et helvétiques, avec une forte implication scientifique de l’UNIGE.