2018

Le combat du cerveau pour sortir du canapé

Des chercheurs de l’UNIGE ont observé que le cerveau tend naturellement à la minimisation de l’effort et qu’il doit utiliser beaucoup de ressources pour contrer ce penchant à la sédentarité.

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© DR

 

Aujourd’hui, environ 30% des adultes et 80% des adolescents n’atteignent pas le niveau minimum d’activité physique quotidien recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour demeurer en bonne santé. Le décalage entre l’intention de faire du sport et le passage à l’acte chez les personnes tendant à la sédentarité a déjà été démontré par des études précédentes. Mais que se passe-t-il dans le cerveau pour que l’intention ne soit pas suivie de l’action ? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont étudié l’activité neuronale de personnes devant choisir entre l’activité physique et la sédentarité. Ils ont observé que le cerveau sollicite des ressources beaucoup plus importantes pour s’échapper d’une attirance générale vers la minimisation de l’effort. Un combat s’engage alors entre l’envie de ne rien faire et l’activité physique. Ces résultats, à lire dans la revue Neuropsychologia, sont en accord avec l’idée selon laquelle nos ancêtres devaient éviter les efforts physiques inutiles afin d’augmenter leurs chances de survie, ce qui n’a plus lieu d’être dans nos sociétés modernes.

Nombreux sont ceux qui achètent un abonnement de fitness et ne s’y rendent jamais. Ce comportement, appelé par les chercheurs le paradoxe de l’activité physique, a été démontré par des études précédentes qui opposent le système contrôlé fondé sur la raison – je dois faire du sport pour être en bonne santé – au système automatique fondé sur l’affect – les sensations d’inconfort et de fatigue ressenti pendant l’activité physique. Lorsque la raison et l’affect sont en conflit, l’implémentation du comportement d’activité physique ne se fait pas et la personne tend à la sédentarité. Mais que se passe-t-il au niveau neuronal qui fait que l’affect l’emporte sur l’intention ?

Pour répondre à cette question, les équipes de Boris Cheval, chercheur à la Faculté de médecine de l’UNIGE, aux HUG et dans le PRN LIVES,  et de Matthieu Boisgontier, chercheur à l’université KU Leuven (Belgique) et à l’Université de British Columbia (UBC, Canada), ont étudié l’activité neuronale de 28 personnes, toutes voulant être actives dans leur quotidien, sans l’être forcément. Les participants devaient ensuite choisir entre l’activité physique et la sédentarité, pendant que les chercheurs sondaient leur activité cérébrale à l’aide d’un électro-encéphalographe muni de 64 électrodes.


Moins de temps, mais plus de ressources

«Nous avons soumis les participants au jeu du mannequin, qui consiste dans un premier temps à diriger un mannequin vers des images représentants une activité physique et de l’éloigner d’images représentants la sédentarité, puis dans un deuxième temps d’effectuer l’action contraire», explique Boris Cheval. Les chercheurs ont ensuite comparé la différence de temps pour approcher la sédentarité et pour l’éviter. «Nous avons constaté que les participants mettaient 32 millisecondes de moins à s’éloigner de la sédentarité, ce qui est important dans une telle tâche», s’étonne Boris Cheval, ce résultat allant à l’encontre de la théorie et du paradoxe de l’activité physique. Mais alors, comment l’expliquer ?

Il s’agit ici de la force de la raison. Les participants fuient la sédentarité plus vite qu’ils ne l’approchent, parce que cette action est non seulement en accord avec la consigne donnée par les chercheurs, mais surtout avec leur intention d’être actif physiquement. Ils font alors appel aux ressources nécessaires pour fuir leur penchant naturel qui les poussent à la minimisation de l’effort et réagissent rapidement pour contrer cet «instinct».

«Par contre, nous avons observé que l’activité électrique associée à deux zones cérébrales en particulier, le cortex fronto-medial et le cortex fronto-central, était beaucoup plus élevée que lorsque le participant devait choisir la sédentarité», constate Boris Cheval. Ces deux zones représentent respectivement le combat qui s’instaure entre la raison et les affects, et la capacité d’inhibition des tendances naturelles. «Le cerveau doit donc solliciter beaucoup plus de ressources pour s’éloigner des comportements sédentaires, plutôt que de suivre son penchant pour la minimisation de l’effort», continue le chercheur.


Lutter contre un héritage de l’évolution

D’où vient ce penchant pour la sédentarité? «La minimisation de l’effort était capitale pour l’espèce humaine au cours de l’évolution. Cette tendance à l’économie et à la conservation des ressources augmentait les chances de survie et de reproduction», explique Boris Cheval. «Mais aujourd’hui, nos sociétés modernes rendent cette optimisation énergétique caduque. Il faudrait au contraire encourager l’activité physique au lieu d’offrir des tentations à en faire moins, comme les escalators ou les ascenseurs. Il s’agirait par exemple de modifier l’espace public pour réduire les opportunités des individus de s’engager spontanément dans des comportements associés à une minimisation de l’effort.»

18 sept. 2018

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