2019

Des «super-greffons» pour soigner le diabète

En parvenant à renforcer les îlots pancréatiques avant leur transplantation, des chercheurs de l’UNIGE et des HUG permettent d’espérer une amélioration importante du succès des greffes cellulaires chez les patients diabétiques graves.

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A gauche, un îlot de Langerhans standard, à droite, un «super-îlot». Les cellules à insuline (cellules bêta) sont en bleu et les cellules à glucagon (cellules alpha) en rouge; le «super-îlot» compte en plus les cellules amniotiques en vert. © UNIGE

 

Pour sauver les patients souffrant d’une forme sévère de diabète de type 1 (absence de cellules productrices d’insuline fonctionnelles), la greffe de cellules pancréatiques s’avère parfois l’ultime recours. Le pancréas abrite en effet des amas cellulaires – nommé îlots de Langerhans – où se regroupent les cellules produisant les hormones régulatrices de la glycémie. Le processus de greffe est cependant long et complexe : une partie importante des cellules transplantées meurent rapidement sans pouvoir s’implanter. En ajoutant à ces amas cellulaires des cellules épithéliales amniotiques, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) sont parvenus à créer des «super-îlots» de Langerhans beaucoup plus robustes. Une fois transplantés, ces derniers s’implantent en plus grand nombre et se remettent beaucoup plus rapidement à fabriquer de l’insuline. Ces travaux, à découvrir dans la revue Nature Communications, permettraient non seulement d’améliorer le succès des greffes cellulaires, mais offrent également de nouvelles perspectives pour d’autres types de greffes ou pour la transplantation de cellules-souche.

Aujourd’hui, la transplantation d’îlots de Langerhans constitue l’option de la dernière chance pour les patients souffrant d’une forme particulièrement grave de diabète de type 1. Les îlots sont prélevés dans le pancréas d’un donneur, isolés, puis réinjectés dans le foie du patient. «La procédure est bien maîtrisée – une quinzaine de patients en bénéficient chaque année en Suisse – mais néanmoins complexe, indique Ekaterine Berishvili, chercheuse au Département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. Une bonne partie des îlots meurent en cours de route ; il faut donc souvent plusieurs donneurs pour soigner une seule personne et nous manquons cruellement de donneurs.»


Les cellules placentaires au secours des greffons

Pour améliorer le succès de la transplantation d’îlots de Langerhans et la survie des cellules greffées, les chercheurs genevois ont cherché à créer de nouveaux îlots, plus robustes, qui résisteraient mieux que les îlots naturels au traumatisme de la transplantation. Pour ce faire, ils ont eu l’idée d’ajouter aux cellules pancréatiques des cellules épithéliales amniotiques extraites de la paroi de la membrane interne du placenta. «Ces cellules, très semblables aux cellules souches, sont déjà utilisées dans d’autres thérapies, comme la réparation de cornées par exemple, souligne Thierry Berney, professeur au Département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’UNIGE et chef du service de transplantation des HUG, qui a co-dirigé ces travaux. Dans notre cas, nous avons constaté qu’ils peuvent favoriser la fonction des cellules pancréatiques, qui est de produire des hormones en fonction de la fluctuation du taux de sucre.»

Première étape, in vitro: l’ajout de cellules épithéliales amniotiques a permis aux amas cellulaires de former des sphères régulières, signe d’une meilleure communication intracellulaire et d’une plus grande connectivité. Deuxième étape in vivo: les scientifiques ont transplanté leurs «super-îlots» de Langerhans chez des souris diabétiques, qui se sont rapidement mises à produire de l’insuline. «Même avec très peu d’amas cellulaires, nos super-îlots se sont très bien adaptés à leur nouvel environnement et se sont rapidement vascularisés, explique Fanny Lebreton, chercheuse au Département de chirurgie de la Faculté de médecine et première auteure de ces travaux. Une bonne vascularisation est en effet l’élément clé de toute transplantation: cela permet d’alimenter le nouvel organe en oxygène et nutriments et garantit leur survie.» De plus, les îlots artificiels se sont rapidement mis à produire de l’insuline.


Améliorer l’oxygénation et protéger les îlots

Les cellules épithéliales amniotiques s’avèrent ainsi essentielles à la survie des îlots: elles semblent agir sur deux éléments vitaux: le manque d’oxygène, qui tue habituellement un grand nombre d’îlots transplantés, et la modulation du système immunitaire hôte pour limiter les risques de rejet: «Lors de toute transplantation, le premier pas consiste à supprimer l’immunité du receveur afin de limiter les risques de rejet, indique Ekaterine Berishvili. Les cellules épithéliales amniotiques ont cette caractéristique unique de protéger le fœtus, qui est aussi un «non-soi», contre les attaques du système immunitaire de sa mère. Nous pensons que le même mécanisme est à l’œuvre pour protéger les greffons.» Le mécanisme de protection, observé ici sur des greffes cellulaires, pourrait se vérifier dans d’autres types de greffes ou même dans le cadre de xénotransplantation – où il s’agit de transplanter chez l’être humain des cellules ou des organes non humains.


Ces découvertes devront ensuite être confirmées sur l’être humain. L’utilisation de cellules épithéliales amniotiques étant déjà courante dans d’autres contextes cliniques sans effets secondaires néfastes, cela pourrait se faire relativement rapidement. Un espoir important pour toutes les personnes en attente de greffe.

Ces travaux ont été soutenus par le Fonds national Suisse pour la recherche scientifique, la Fondation privée des HUG, la Fondation pour la Recherche sur le Diabète, la Fondation européenne pour l’étude du diabète, ainsi que par la Fondation pour la recherche sur le diabète juvénile.

6 nov. 2019

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