Combiner immunothérapie et médicaments contre le cancer
Une équipe de l’UNIGE et de l’Amsterdam UMC a démontré que l’immunothérapie se révèle encore plus efficace pour combattre le cancer lorsqu’elle est combinée avec des médicaments spécifiques.
Les cellules endothéliales qui constituent la vascularisation de la tumeur forment une barrière permettant aux cellules immunitaires de s’infiltrer dans la masse tumorale. Grâce au processus d’anergie des cellules endothéliales de la tumeur, l’infiltration des cellules immunitaires est limitée. © UNIGE
Fondée sur la stimulation du système immunitaire, l’immunothérapie est l’une des armes dont disposent les médecins pour combattre le cancer. Toutefois, certain-es patient-es n’y répondent pas toujours de manière positive. Dès lors, serait-ce possible de combiner cette thérapie avec l’usage de médicaments spécifiques, afin de décupler ses effets? Pour répondre à cette question, des chercheurs/euses de l’Amsterdam University Medical Center (UMC), en collaboration avec l’Université de Genève (UNIGE), ont analysé la littérature existante afin de démontrer comment les combinaisons de traitements contre le cancer peuvent se compléter et fonctionner avec succès. L’article, publié dans Nature Reviews Clinical Oncology, confirme que l’usage de médicaments ciblant spécifiquement les vaisseaux sanguins permettent à l’immunothérapie d’augmenter ses chances de succès.
«Il y a vingt-cinq ans, nous avons découvert qu’une tumeur est capable de se protéger contre le système immunitaire grâce à un processus appelé l’angiogenèse», explique Arjan Griffioen, professeur d’oncologie expérimentale et d’angiogenèse sur le système immunitaire et le cancer à l’Amsterdam UMC. En effet, les tumeurs ont besoin de nouveaux vaisseaux sanguins pour survivre. Pour ce faire, elles fabriquent des substances – appelées facteurs angiogéniques – , qui attirent les vaisseaux sanguins vers elles et les modifient de sorte que les cellules immunitaires ne peuvent plus se fixer à leur paroi. La réaction des vaisseaux sanguins aux processus inflammatoires est dès lors totalement absente, protégeant la tumeur du système immunitaire. «Mais si l’on prescrit un médicament qui inhibe l’angiogenèse, on lève cette barrière et les cellules immunitaires peuvent à nouveau attaquer la tumeur!», s’enthousiasme Patrycja Nowak-Sliwinska, professeure à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de l’UNIGE. En d’autres termes, le système immunitaire fait ce qu’il est censé faire.
Hypothèse confirmée un quart de siècle plus tard
Lorsque l’équipe du professeur Griffioen a publié ses résultats sur l’angiogenèse en 1996, elle a formulé l’hypothèse suivante: une thérapie anti-angiogenèse pourrait empêcher la tumeur d’échapper aux cellules immunitaires en rendant les vaisseaux sanguins à nouveau accessibles. C’est pourquoi les chercheurs/euses ont fait valoir que toute immunothérapie devrait être associée à des inhibiteurs de l’angiogenèse. Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, cette analyse documentaire a montré que cette vieille hypothèse était correcte. «C’est un nouvel éclairage. Nous avions déjà constaté en laboratoire que l’immunothérapie fonctionne mieux en combinaison avec des médicaments qui détruisent les vaisseaux sanguins des tumeurs. Grâce à cette revue de la littérature, nous comprenons aujourd’hui comment elle fonctionne chez l’homme. Ces connaissances donnent un coup de pouce aux nouveaux traitements contre le cancer», explique Arjan Griffioen.
De meilleures combinaisons de traitements contre le cancer
En 2021, il existe de nombreuses preuves que la thérapie anti-angiogénèse renforce l’immunothérapie. Plus de quatre-vingt-dix essais cliniques sont en cours et, depuis 2018, cinq thérapies combinées ont été approuvées par la Food and Drug Administration (FDA) américaine. «En comprenant comment les tumeurs échappent à l’immunité et pourquoi un patient ne répond pas à l’immunothérapie, nous pouvons concevoir des combinaisons de traitements nouvelles et améliorées qui lèveront progressivement les obstacles qui s’opposent au travail des cellules immunitaires», conclut Patrycja Nowak-Sliwinska.